« N'as-tu pas peur de moi, petit Caleb? » Sur l’instant, tu ne pus t’empêcher d’y penser de façon sérieuse. Qu’est-ce qu’elle voulait sous-entendre en te posant cette question ? Devrais-tu avoir peur de Sybilia ? Tu ne connais rien de cette femme. Comme un livre, tu connais son résumé et quelques détails appris sur le tas par les rumeurs qui se sont colportées dans la guilde peu de temps après son arrivée. Sybilia Philips, l’ex haute-membre du Conseil de la Magie d’Era. Responsable de la chute de ce dernier ? Exécutrice de l’humanité ? Etait-ce en tant que cette « personne » tu devais te méfier d’elle ? Devrais-tu avoir peur de la femme ou de la mage ?
Pourtant, tu soulèves son regard et tu t’appuies sur le comptoir, vos visages ayant alors une certaine proximité soudaine.
« - Devrais-je avoir peur de toi Sybilia ? »
Tu le savais. Dans la guilde tout n’était pas rose, loin de là. Tout le monde avait ses secrets, son petit jardin, ses casseroles, ses ennuis. Sting s’est porté garant pour beaucoup de monde depuis quelques temps, Dorian y compris, toi aussi, personne n’y faisait exception. Il y avait certainement parmi les membres de Sabertooth, des personnes dangereuses. Autant pour elles-mêmes que pour tous les autres à l’intérieur de ces murs..Mais Sybilia n’en faisait pas partie. Elle était différente de ces autres.
« - Tu ne me fais pas peur. Tu ne me feras sans doute jamais peur. Je ne dénigre ni la femme que tu es et ne sous-estime pas la mage qui se cache derrière ces formes, je te dis seulement mon ressentis. T’es pas le genre qui cherche à faire peur ou de qui on devrait se méfier. Tu es trop « barbare » pour ça. Je pense….Non, j’en suis certain, que tu es de ce « genre » là. Le genre fondamentalement bon. Le genre prêt à tout pour aider son prochain…Sinon pourquoi le Conseil de la magie ? Pourquoi avoir subi toutes ces épreuves après les attentats ? Ça ne paraitrait pas logique. »
Tu ramasses son verre d’eau sur la table pour aller le nettoyer et lui tourner le dos avant de poursuivre.
« - Dans la guilde, il y a des gens terrifiants, des personnes que je ne côtoie que peu parce qu’elles sont de l’autre « genre »…Mais toi, dès l’instant où tu es arrivé, dès l’instant où nos regards se sont croisés, j’ai su que t’étais différente de ces gens-là. La seule chose effrayante chez toi c’est ta proportion à boire et à gueuler…Mais même cette part-là fais de toi ce que tu es. Je ne dirais pas que ça fait ton charme par contre…T’en as aucun. »
C’est à cet instant que tu te retournes pour lui tirer la langue en glissant un léger clin d’œil moqueur.
« - Tu as d’autres questions ou je peux te raccompagner dans ta chambre ? »
Le charme c’est quelque chose de surfait. C’est l’excuse des plus « beaux » et le tort des plus « vilains » mais chacun à sa définition de charme, de ce qui en fait partie ou pas et surtout de ce à quoi ça peut bien correspondre. Avoir du charme c’est assez abstrait. Dana aime à dire qu’elle te trouve mignon et que tu as, par moment, un côté preux chevalier qui te donne un certain charme mais tu n’as jamais saisi ce qu’elle sous-entendait quand elle te disait ça. Certains résument grossièrement le charme à l’apparence, au physique et d’autres jouent sur les traits psychologiques…Tout dépend. Alors après, en avoir ou pas, qu’est-ce que ça peut bien te faire ? T’as jamais voulu te présenter comme mannequin pour le Sorcerer, tu laisses ça aux autres et à tout miser sur le physique, on oublie ce que l’être humain a de meilleur à offrir : son cœur.
Certes, Sybilia n’avait pas tort en disant que tu n’en avais pas ou alors si tu en avais, il était aussi bien caché que le sien, ils devaient être ensemble d’ailleurs.
Sans relever sa phrase, tu la suis jusque dans sa chambre où elle s’adonne au ménage et quand elle finit enfin par s’asseoir sur le matelas de son lit, tu t’appuies contre le mur, près de la porte, prêt à partir dès qu’elle dormira.
Mais tu t’arrêtes et éclates de rire à sa question.
« - Où est-ce que je dors ? »
Tu ne comprends pas. C’était sérieux comme question où elle demandait ça en pensant que t’avais une grotte à ton nom à l’extérieur ?
« - J’ai une chambre, comme toi tu sais. A l’étage, la première sur la droite quand on arrive dans le couloir. Je passe certainement le plus clair de mon temps sur le canapé mais c’est dans le salon que les choses les plus intéressantes se disent. Et puis entendre du bruit, ça m’apaise en quelques sorte. Tu poses vraiment de drôle de questions parfois… »
Tu ne sais pas vraiment quelle heure il est mais cela fait quelques temps maintenant que tout le monde dort profondément, il ne reste que vous deux, discutant à la lueur des rayons de la lune. Comme les derniers survivants d’un phénomène quelconque.
Le phénomène Yukino. Une catastrophe dans un si petit bout de femme.
« - Tu devrais essayer de dormir maintenant. Je resterais jusqu’à ce que tu t’endormes et ensuite, je m’en irais. »
Tu pourrais très bien partir maintenant et la laisser toute seule mais sait-on jamais quelle catastrophe arrivera-t-il si tu avais le malheur de laisser cette femme. Tellement de choses peuvent arriver quand on laisse une Sybilia livrée à elle-même que parfois cela relève même de l’impossible.
« - Tu veux quelque chose en particulier avant que je ne m’en aille ? »
« Est-ce que... hm... laisse tomber. Bonne nuit. Oublie pas d'éteindre la lumière en sortant. » Tu arques un sourcil et finis par sourire en devinant la fin de sa phrase tandis qu’elle se glisse sous ses draps et qu’elle attire son loup à elle. Peut-être qu’un jour, elle arrivera à donner une fin à ces mots laissés en suspens.
Dehors, dans le couloir, un bruit étrange se fait entendre suivit d’un juron. Surement Théo et ses crises de somnambulisme. Il a dû se prendre un mur ou un pot de fleur ou son petit orteil a dû rencontrer un meuble traînant par là. Aller savoir. Tu pouffes en essayant de te retenir. Il ne manquerait plus qu’il te trouve dans la même chambre que Sybilia.
« - Donne-la moi…Ta main. »
Tu tends la tienne que tu poses prêt de son oreiller tandis que tes doigts frôlent ses mèches rebelles au reflet violet.
« - Maintenant, tu devrais dormir, le jour devrait se lever dans quelques heures…Morgane repassera certainement te voir dans la matinée. »
Et toi, aux premières lueurs du matin, tu seras certainement parti. Quelque part, en ville ou plus loin. Même si faire la plante sur le canapé est toute une occupation, ce n’est pas ce qui remplit forcément la bourse et les jewels ne poussent pas sur les arbres aux dernières nouvelles. Il allait falloir que tu retournes au boulot. D’ailleurs maintenant que tu penses à l’aspect économique de ta vie, t’es presque certains que Dorian vient te voler de temps en temps quand tu dors et que t’as le dos tourné. Tu devrais installer un piège contre lui.
« - Je me demande vraiment, ce que l’on va faire de toi ahahaha….J’espère que tu arriveras à survivre le temps que je m’absente. Ou alors, je devrais constamment t’avoir avec moi, juste pour garder un œil sur toi. »
24h/24 , 7j/7 ? Ça finirait en meurtre tout ça. Quelque chose de sanglant. Qui tuera qui en premier ? Aller savoir mais ce n’est que dans ces rares moments que vous mettez vos caractères de côtés pour veiller sur l’un sur l’autre.
Quoi que Sybilia aurait été capable de te laisser agoniser de longues heures avant d’aller chercher les secours….
Jouer l’ange-gardien hein ? Quand t’y penses, ça n’a jamais vraiment été ton intention depuis le départ. Pourtant malgré tous tes efforts pour te soustraire à ce rôle, il semblerait que cela soit devenu comme une seconde nature chez toi. Veiller les uns sur les autres, prendre conscience que le monde ne tourne pas uniquement autour de sa petite personne…Il semblerait que le temps amène les gens à changer.
« - Je te confie entre les mains de Balo ici présent alors. »
Ce n’est sans un léger pouffement de rire que tu regardes l’animal avant que tes yeux ne dérivent de nouveau sur Sybilia et ses questions. On dirait qu’elle te rend la monnaie de ta pièce pour ce que tu lui a dit la dernière fois. Pas mal. Tu pensais qu’elle aurait oublié depuis le temps.
« - Je ne vais pas mourir de faim crois-moi et j’aurais qu’à lancer Dorian si je me fais attaquer. Apparemment, je partirais avec quand il reviendra. Que du bonheur que d’avoir ce gosse dans les jambes…Enfin c’est un peu comme t’avoir dans les parages. Entre sauvages, vous devriez vous comprendre pourtant ahaha. »
Tu ne sais pas encore pourquoi tu pars avec, ni même ce que vous allez faire ensemble sur un même boulot mais tout ça n’est qu’un vaste complot de la part de celui qui ose se faire appeler « maître ». Entre sa volonté à vouloir te déraciner du canapé et à faire en sorte que Dorian ne cause pas la fin du monde, quelle brillante idée que de vous mettre ensemble ? Ça te fait sortir et en même temps, tu feras du baby-sitting…Génial. Comme si t’en faisais pas déjà là ?
« - Te prêter le canapé ? Tu rigoles j’espère ? C’est presque un honneur que je doive le laisser à quelqu’un…Alors à toi ? Hmm…disons alors que c’est seulement le temps de mon absence. Tu as d’autres recommandations avant que je m’en aille ? D’autres souhaits particuliers autre que mon canapé ? »
TON canapé. Oui. C’est comme ça. Les gens ne comprendront certainement pas l’amour mutuel et réciproque qu’il peut exister entre toi et ce meuble sans vie. Son confort, son moelleux, sa chaleur…Nope, personne n’ira dessus tant que t’es vivant. Personne, sauf Sybilia histoire de se faire pardonner pour cette soirée et que cela ne devienne pas une habitude.
C’est juste le temps d’une mission avec Dorian alors tu devrais être rentré rapidement…Normalement.
Rencontrer une fille…Ça sonnerait presque comme une blague. Comme si t’avais le temps pour ce genre de chose et à ta connaissance, partant avec Dorian, tu doutes avoir le temps de faire un tour dans un de ces quartiers existant pour le plaisir masculin. Il serait capable de ruiner la moindre tentative que tu puisses faire alors autant ne pas s’aventurer dans ce genre d’endroit avec lui…Et puis, il ne saurait même pas se tenir en présence de demoiselles, quand tu vois comment il agit face à celles de la guilde…Même si la plus part sont de véritables amazones dans l’âme passant le plus clair de leurs temps à vous martyriser.
« - Un jour..Peut-être, je te présenterais une fille. En attendant, je vais en mission pas dans un club de rencontre… »
Tu te lèves et te diriges vers la porte quand elle te dit de revenir demain matin…Enfin, si minuit n’est pas déjà passé même si tu crois que c’est le cas. Reviendras-tu ? Reviendras-tu pour lui dire au revoir ? C’est une mission de quelques jours à peine, ce n’est pas comme si tu partais un mois voire plus. Et puis entendre ce genre de considération venant de Sybilia, c’est un peu étrange. Mais bon, il faut croire, que faute de fêter Halloween, vous fêtez la soirée des bizarreries.
Tu hausses les épaules avant de saisir la poignée et restant sur le seuil de la porte tu te retournes, tout sourire.
« - Promis ! Je viendrais te dire au revoir… »
Si seulement on pouvait t’en laisser l’occasion. Connaissant Dorian, il ne t’en donnera même pas le temps. D’ailleurs, il passera certainement sa matinée à râler ou pire encore. Ce gosse ne sait faire que ça, c’est désespèrant.