«Il faut tout éprouver au risque d'être blessé. Ce qui vaut la peine d'être vécu vous met forcément en danger.»
- Chapitre 1 : Enfant de l’homme, enfant de la Rue.
Pourquoi est-ce qu’il fait noir ? Où sont papa et maman ? Pourquoi est-ce qu’ils ne sont pas là ? Pourquoi est-ce que je suis tout seul ?
Papa ! Maman ! Où êtes-vous ? Répondez-moi !
Papa !!!! Maman !!!! Ne me laissez pas tout seul ! Ne me laissez pas….« -
Caleb ! Caleb réveille-toi mon chéri ! »
Le cœur palpitant, les cheveux en bataille, à bout de souffle, tu te réveilles brusquement, réveillé par cette main sur ton visage. Ce n’était qu’un rêve. Ce n’était qu’un vulgaire mauvais rêve. Encore un. Tu sens ses bras s’entourant et sa main, plaquée sur ton visage, te serrant fort contre sa poitrine. Tu peux entendre son cœur battre. C’est rigolo.
« -
Tu as encore fais un cauchemar n’est-ce pas ?
- Hmmmmm….
- Tu veux m’en parler ?
- Nan.
- Alors tâche de te rendormir. Je resterais avec toi, jusqu’à ce que tu t’endormes. »
Oui. Reste. Reste là et ne l’abandonne pas. Il n’aime pas être tout seul, dans le noir. Il en a peur. Peur de se retrouver encore une fois là-bas.
Caleb, comme beaucoup d’enfants, tu es un enfant de la rue, un orphelin, un rejeté, tu n’as jamais su et tu ne sauras sans doute jamais. Du plus loin que ton petit cerveau puisse te le permettre, tu te souviens seulement de la rue, de ses dalles dans lesquelles tu te prends souvent les pieds avant de t’étaler devant tout le monde comme une crêpe et tu te souviens aussi de ces garçons plus grands que toi qui viennent toujours chercher la bagarre. Tu ne les aimes pas beaucoup ceux-là. Ils sont méchants et les méchants, ils méritent une bonne leçon ! Sauf qu’à chaque fois que tu y vas, en commando suicide, seul, c’est toi qui prends une bonne leçon. T’es pas très grand c’est vrai et t’as pas de gros bras mais t’es le plus petit et le plus rapide et souvent, t’en profites pour leur jouer deux ou trois trucs parce que plus c’est grand…Plus c’est stupide un garçon.
Tu te rappelles de ce jour, en cherchant la bagarre, vous avez finis sur la place publique de la ville et l’armée passée par-là. Alors tu te souviens de son visage, de son air grave, de sa barbe trop longue pour lui sur laquelle tu as tirée comme si on tirait sur la pie d’une vache. Tu te souviens de son ventre contre lequel tu t’es cogné en essayant de le fuir. Il avait la forme le grand-père pour te poursuivre à travers la moindre petite ruelle. Il a même réussis par t’avoir.
Ça va faire un mois maintenant que tu vis avec eux et qu’ils t’appellent « Caleb ». C’est ton prénom ? T’en as jamais eu auparavant. On t’appelait « grosse tête » mais c’est tout. « Caleb ». T’as pas de nom, juste Caleb. T’aimes bien le prénom, ça te donne un air de quelque chose…Tu ne sais pas quoi mais tu t’en fiche.
« -
Alors gamin, t’as eu une nuit mouvementée apparemment ? T’as pas fait pipi au lit j’espère !
- J’ai plus l’âge de faire ça vieux débris !
- T’as une sale tête quand même.
- Tu devrais voir la tienne vieillard.
- Jo’…Laisse-le tranquille un peu.
- Que je le laisse tranquille ? Il va encore s’enfermer dans sa chambre et bouder toute la journée ? Tu vas bouder aujourd’hui Caleb ? »
Tu sais depuis longtemps à quoi il joue. T’as deviné ses petites manigances. Il te provoque sans cesse. Il le fait chaque jour un peu plus et des fois, quand ça te prends, tu lui lances une assiette, un verre, une fourchette. T’as déjà essayé, dans un excès de colère, de le poignarder avec le couteau à beurre. Autant dire qu’il t’a attrapé le bras et il te l’a retourné d’une façon pas humaine. Le grand-père, il est toujours là à se moquer de toi et tu ne sais pas ce qu’il te veut mais tu joues à son petit jeu.
« -
Bon aller, je vais travailler moi ! Ne fais pas de bêtise gamin où je t’accroche sur les remparts de la ville ! »
Il passe sa main dans tes cheveux et te secoues la tête tellement fort que t’as l’impression qu’il t’a mélangé le cerveau. Puis pour ce qui est des remparts de la ville…Il l’a déjà fait. Une fois. Quand t’avais cherché la bagarre avec le fils du boulanger qui se moquait d’une fille passant par-là. Tu l’avais épinglé à l’enseigne de la boutique de son père. Ahahahah, c’était drôle et bien mérité aussi !
Du coup Jo, il t’a attrapé par le col de ta veste et t’as laissé accroché, dans le vide, devant toute la ville, pendant toute une journée en plein soleil. T’avais tellement cuit ce jour-là, que t’étais devenu tout rouge, presque marron et on aurait pu, sans mal, faire cuire un œuf sur ta tête.
Mais aujourd’hui, tu feras un truc différent, t’iras espionner Jo’ à la caserne.
T’es presque certain que ce vieillard sénile passe son temps à boire et à jouer aux cartes !
- Chapitre 2 : L'Enfer sur Terre
Ça te gratte. T’as envie d’enlever ce vieux bout du chiffon qui cache tes yeux. T’y vois rien déjà. C’est quoi cet entraînement encore ? Il n’a jamais parlé de ça quand il a dit qu’il t’emmènerait en forêt avec lui. Tu pensais à un petit week-end sympathique entre pêche et camping mais ça ressemble plus à un camp d’entraînement voire carrément de survie.
« -
Ah ! Ah ! Si tu enlèves le bandeau, t’es privé de dîner ! Les règles sont simples pourtant.
- Rappelle-moi pourquoi est-ce que l’on est obligé de faire ça ? C’est ridicule ! Puis c’est chiant, ça me gratte ton bout de chiffon !
- Arrête de te plaindre un peu, on dirait une vieille ménopausée ! Concentre-toi.
- C’est ce que je fais !
- Pas assez bien. »
Il y a tellement de bruits autour de vous qu’il est presque impossible de deviner où est-ce qu’il se cache. Tu sais qu’il est vers là, quelque part autour de toi mais sa voix résonne à travers les bois et il pourrait être n’importe où.
Tu avances à tâtons, les bras tendus pour deviner les formes de son corps mais tu ne fais que te prendre les pieds dans des branches, tombé dans des trous, te prendre des troncs d’arbres en pleine figure. C’est ridicule ce genre d’entraînement. Il croit peut-être qu’il fera de toi le parfait soldat ? Tu sais à peine tirer à l’arc sur un lapin alors ce genre de chose ? Il peut rêver.
« -
Le but du jeu, c’est quand même que tu me trouves Caleb. C’est d’un ennui avec toi. Je vais mourir moi à force de t’attendre.
- Bah bon débarras ! Je te l’ai déjà dit ! Je ne suis pas comme toi. Ce n’est humainement pas possible ton truc grand-père !
- Ça, c’est parce que tu ne crois pas assez en toi. Moi je crois dans le petit garçon bagarreur qui se relevait à chaque déculottée qu’il s’est prise. Tu ne te serais pas ramolli avec le temps ? Ou alors c’est Martha qui t’as trop couvée encore.
- T’as fini oui ?
- Non je t’aide. Ça devrait être facile à me trouver maintenant gamin. Concentre-toi. »
Concentre-toi. C’est plus facile à dire qu’à faire d’abord.
« -
C’est quand tu veux gamin !
- Mais tais-toi à la fin ! Bon sang !
- Oups pardon. Vas-y, vas-y, je t’en prie. Prends TOUT ton temps. Ce n’est pas comme si on allait être dérangé ici ahaha. Ah, attention y’a un trou devant toi.
- Mais bien-sûr ! La dernière fois que tu m’as dit ça, tu m’as mentis.
- Non, y’a vraiment un trou devant toi Caleb.
- Blablabla !! Vieillard ! Je ne me laisserais pas avoir ! »
Et en mettant un pied devant l’autre. Tu finis par chuter, t’écrasant, encore une fois, lamentablement au sol. Cette fois, on y est…Au point de non-retour. T’enlève le bandeau avant de te relever difficilement. Waaaaawww, c’est vachement profonds. Comment tu vas faire pour remonter ?
« -
Ça va gamin ? Rien de casser ?
- Non…ça va….Tu m’aides à remonter ?
- Ah bah non. Si ça va c’est que tu peux remonter tout seul comme un grand hein !
- Quoi ?! Mais tu ne vas pas me laisser mourir ici ?! Oh grand-père ?
- Sois un homme un peu, arrête de te plaindre. Si tu respires c’est que t’es vivant…Et si t’es vivant, c’est que tu peux encore te battre. Alors bats-toi Caleb.
- Grand-père !
- Tu me dis quand t’es sortis, je vais me faire une petite sieste. C’est vachement important la sieste.
- Grand-père ne me laisse pas là ! Hey !
- Réveille-moi quand tu seras revenu dans le monde des vivants.
- ET COMMENT JE VAIS FAIRE ?!
- Regarde, y’a des petites racines et des petits cailloux sur la paroi de ton tombeau…T’as qu’à t’en servir. Rooooh faut vraiment tout te dire à toi. T’es pas une lumière mon garçon…
- Mais je ne vais pas remonter avec ça moi ! Hey ! Grand-père !!! GRAND-PERE !!! »
Tu ne les comptes plus aujourd’hui ces « camps » étranges où vous partiez une semaine voir plus longtemps et où tu revenais toujours avec une fracture de quelque chose, de multiples ecchymoses et des coupures à n’en plus pouvoir les compter. Aujourd’hui encore, tu te demandes à quoi ça aura servi toutes ces choses, si ce n’est à sa satisfaction personnelle que de te voir souffrir le martyre pendant des jours durant.
Et puis vous savez, ce trou-là ? Il en est sorti au bout d’un moment….Au bout de trois jours et trois nuits d’essais.
- Chapitre 3 : Un Tournoi pour une Vie
Ça fait deux ans. Deux ans qu’elle est là, dans un coin de ta chambre et qu’elle te regarde tous les matins quand tu te lèves. Deux ans qu’elle est là, debout et qu’elle attend, silencieusement que tu la prennes en main. Tu te souviens du jour où Jo’ te l’a offert et de la tête qu’il a fait quand tu as été bien incapable de la soulever. Tu l’es toujours d’ailleurs. Elle est là, depuis deux ans maintenant et chaque jour, tu essayes de la prendre en main, chaque jour tu te dis que tu réussiras et que ce n’est qu’une question de force et rien d’autre.
Tu peux toujours rêver.
Tu te rappelles alors des mots de Jo’. Il disait souvent « Tu n’y arriveras pas tant qu’elle ne te reconnaîtra pas ». Pfff. Connerie. Ce n’est qu’une lance, qu’un bout de métal en quoi elle peut te reconnaitre ? Et puis ça veut dire quoi exactement ?
« -
Alors ? T’as réfléchi à ce que je t’ai dit l’autre jour ?
- Je ne participerais pas si tu veux tout savoir. Pourquoi je le ferais ?
- Parce que ça reste la plus grosse compétition de la région connue à ce jour et que d’habitude, tu sautes toujours sur la moindre petite occasion qui s’offre à toi pour t’étaler publiquement ?
- C’est juste un tournoi organisé par l’armée pour recruter. C’est bon, on le sait tous. Et puis je croyais que t’avais dit qu’on pouvait intégrer l’armée qu’à 16 ans ? Pourquoi j’irais là-bas ?
- Très bien, très bien. Je respecte ton choix. Du coup, pour ce qui est de la lance qui traîne dans ta chambre ? Tu comptes la laisser prendre la poussière ou tu comptes en faire quelque chose ?
- Je n’en sais rien. Je vais voir…Ce n’est pas comme si c’était TOI qui m’avais offert un cadeau aussi bizarre. T’as dit que ça avait des pouvoirs mais je pense que t’as un peu trop joué sur la boisson ce jour-là.
- Ahahahahahaha ! Avoue-le gamin ! T’es pas encore capable de la soulever. Moi qui pensais que t’avais gagné en muscle.
- C’est ça rigole…
- Regarde ta tronche ahahaha !!! Bon bah si t’es pas intéressé par le tournoi…Tant pis. Je vais bosser. Ne viens pas traîner dans mes pattes encore une fois. »
Pourtant, cette fois encore, tu l’as suivi. Malgré tout ce que tu peux penser sur l’armée et tout ça, tu ne sais pas pourquoi, d’un certain côté, t’aimes bien traîner à la caserne. Tout le monde te connais, tu connais tout le monde et vous voir, Jo’ et toi vous chamaillez quand il te surprend par moment, fais rire l’ensemble des gars. Tu ne saurais expliquer pourquoi tu le suis mais quand tu y es, quand tu les vois s’entraîner, quand tu entends le bruit des lames s’entrechoquant, cela fait écho en toi.
Comme à son habitude, Jo’ va dans son bureau et tu restes assis sous sa fenêtre à écouter les dernières anecdotes du moment. Y’a toujours un truc ou deux qu’est drôle à savoir.
« -
Yo Jo’ ! Comment ça va ? Martha et le gosse vont bien ?
- Phil…Ouais tout le monde va bien, je te remercie. Et toi à la maison ? Les garçons vont bien ?
- De vrais petits sauvages. Je les ai inscrits au tournoi pour que Caleb leur donne une bonne leçon ahahaha ! Il est bon ce gamin. T’en as vraiment fait quelque chose.
- Ahahahaha, une sacrée tête de mule oui ! Et puis il avait déjà ça en lui tu sais ? Je n’ai rien fait de plus que de le lui faire remarquer. Mais pour ce qui est du tournoi, je ne pense pas que tes triplés pourront y voir Caleb. Il ne compte pas participer.
- Ah bon ? C’est dommage pourtant…Les gars ne parlent que de ça…Il faut dire qu’il s’est déjà fait une petite réputation ici. T’as essayé de le convaincre ?
- Non et je ne vais pas le forcer. Il faut qu’il fasse ce qu’il a envie de faire.
- Ouais t’as pas tort…On se faisait tous un plaisir pourtant que de voir ses progrès. Tant pis hein ! Aller à plus tard ! J’ai un rapport à rendre moi !
- C’est ça va travailler au lieu que ce soit la vieillesse qui ne se tape tout le boulot !
- Ahahahaha ! »
A cet instant, tu t’es senti mal. Tu ne saurais dire pourquoi tu ressentais ça…Après tout ce n’est pas comme si c’était important ni vital…Mais quelque part, tu avais l’impression de le laisser tomber. Tu ne savais pas que les gens comptaient sur ta présence et ce n’est certainement pas Jo’ qui allait t’en parler d’ailleurs, il ne parle que rarement de toi en des termes élogieux. La plus part des choses que tu entends sur toi viennent des gars de la caserne qui ne font que répéter ce qu’il dit par moment avec une grande fierté.
C’est vrai…ça va faire 7 ans maintenant. 7 ans que tu es avec eux. 7 ans qu’ils t’ont recueillis et ça va bien faire 5 ans que Jo’ t’emmènes partout avec lui. Même jusqu’aux portes de l’enfer par moment. Certaines cicatrices peuvent en témoigner.
Le soir en rentrant, tu es monté directement dans ta chambre, sans dire un mot et tu es resté un moment assis-là, sur ton lit, à réfléchir. Le tournoi hein ? Ce n’est qu’une blague…Et puis à quoi ça peut bien servir ? L’armée et tout ça…Ce n’est pas comme si c’était la guerre.
« -
Ce n’est pas comme si j’avais quelque chose à y perdre de plus que de la fierté… »
Tu t’approches du manche, t’entendant les doigts et soudain, tu rabats ta main comme si quelque chose t’empêchait d’aller plus loin dans ton geste.
« -
C’est ridicule cette histoire…. »
Et tu finis par la saisir à pleine main et soudainement, elle te parait si légère, si maniable. C’est étrange. Puis les planches craquent derrière toi et tu la reposes au sol.
Quand tu te retournes, tu finis par voir Jo’, appuyé contre ta porte, les bras croisés et le sourire, fier, jusqu’aux oreilles.
« -
Eh bah tu vois quand tu veux…
- Avoue que tu l’avais truqué ?
- Moi ? Pas du tout mon genre. Non. Je comptais sur tes petits bras de petit bonhomme. »
Il s’approche de toi et mets la main dans tes cheveux en te les ébouriffant dans tous les sens comme d’habitude.
« -
Jo ?
- Hmmmm quoi ?
- Pour le tournoi….J’ai changé d’avis. Je vais le faire. Mais je te préviens…C’est la dernière fois que je ferais quelque chose de ce genre !
- Ahahahahaha !! On verra ça. Mais je m’occupe de ton inscription demain. »
Le tournoi a eu lieu une semaine plus tard. Ce fut un grand évènement attendu par toute la région et il y eut un public de fou. Au début, c’était facile, il n’y avait que des gars de la campagne ou des fermiers puis plus tu passais les qualifications, plus t’en chiais un petit peu.
Et finalement, au beau milieu de la finale, la lance, elle a changée de forme. Elle a crachée des flammes, de la foudre, de l’eau…C’était vraiment bizarre. Tu ne sais pas trop comment t’as fait ça mais ce que tu sais, c’est qu’au bout du compte, t’as remporté le tournoi pratiquement haut la main.
Un mois après ces évènements, à 14 ans, tu intègreras l’armée et deviendras officiellement le plus jeune soldat de toute la caserne.
Et très rapidement…Le plus jeune officier mais ça…ça te fais chier.
- Chapitre 4 : L'armée, cette colonie
Ça remonte à quand, la dernière fois où t’as pu poser tes fesses comme ça ? T’as l’impression que ça fait des mois, voire des années quand t’y penses. Les jours s’enchaînent tellement vite et il y a avait tellement de chose à faire ici et là que t’as même plus le temps de t’accorder la sieste de l’après-midi…Seulement celle d’avant midi.
« -
Yo Caleb tu vas pioncer encore ? Et nous on fait quoi en attendant ?
- Vous avez qu’à vous entraîner. Sans moi…Je suis mort. Je vais dormir.
- T’aurais pas vu Zentha en attendant ?
- Nop.
- T’es sûr ?
- Ouep.
- Alors pourquoi certains gars affirment vous avoir vu tôt ensemble ce matin hein ? »
Tu te lèves brusquement en te jetant sur Carl avant de lui mettre la main sur la bouche tandis que les fenêtres du bureau de Jo’ sont grandes ouvertes.
« -
Chuuuuuutttt !!!
- Aaaaaaah ? Tu as quelque chose à cacher ? Aller dis-moi tout.
- Quelque chose me dit que quoi que je dise, tu vas retourner ça contre moi hein ?
- Moi ? Pas du touuuuttt !! Aller, balance l’info. Cachotier ! C’est quoi ? Vous flirtez en dehors de la caserne ? Avoue-le…Ce n’est pas la mort, c’est une jolie fille faut dire. Chanceux. T’as toujours eu toutes les filles à tes pieds. Tu peux bien partager quelques secrets avec un vieux copain non ?
- Alors déjà, pour ma défense…Il ne s’est rien passé. Pas mon genre la nécrophilie
- Mais bien-sûr ! Ils disent tout ça ! AHAHAHAHA !!! Aller crache-le morceaux.
- Elle était saoule hier soir, je voulais la raccompagner chez elle mais impossible alors..
- Alors…. ? ALORS QUOI ? Putain ne me laisse pas dans le suspens mec.
- Attends …Jo’ arrive à quelle heure déjà ?
- 8 heure normalement pourquoi ?
- Attention….5….4….3….2….1…. »
Tu lèves ton doigt en l’air comme si tu savais parfaitement, avec précision, le moment où allait réagir Jo’ en arrivant.
« -
PUTAIN MAIS C’EST QUOI CE BORDEL ?!!!
- Et voilà le travail !
- Ne me dis pas que….Tu as laissé Zentha….Dans le bureau de Jo’ ?
- Si, si. Et là j’aimerais être une petite souris pour voir sa tête au vieux ahahahaha !
- T’es vraiment qu’un enfoiré !
- Hey un peu de respect, je reste ton supérieur quand même.
- Ça c’est ce qu’on te laisse croire parce que ça te fais plaisir.
- Mais bien-sûr, sans moi pour vous sauver les fesses à chaque fois, on se demande comment vous auriez finit.
- Aaaaaah tu es notre saint à tous. On devrait te prier tous les matins ! « O grand Caleb, accorde nous tes faveurs ! »
- Ahahahaha t’es con. Aller va sauver Zentha de Jo’ avant qu’il ne l’achève.
- Oh ? C’est vrai ? Genre vraiment ? Tu me laisses avoir le rôle du chevalier servant ?
- Fais toi plaisir écoute… »
En attendant que Carle te lâches les baskets, toi, tu peux te trouver un coin tranquille pour roupiller avant que quelqu’un d’autre ne vienne te trouver.
Avant que Jo’ ne vienne te trouver. T’es mal s’il te voit allongé là de tout ton long.
Vraiment mal. Il est encore plus horrible en prenant de l’âge. Ou alors parce qu’il ne supporte plus l’idée que t’ais une tête de plus que lui maintenant. Aller savoir.
- Chapitre 5 : L'adieu à la vie
Ça va faire maintenant une semaine qu’il pleut sans cesse et cela ne semble pas se dégager de sitôt. Le ciel gronde, les nuages pleurent et toi, t’es affalé sur ta table alors que tous les regards sont braqués sur toi. Pourquoi ils te regardent tous ? T’as un truc sur le visage ? De la bave qu’a coulée ?
Non pourtant. C’est étrange.
Alors Jo’ s’avance et te frappe avec une pile de dossier pliés dans sa main. Il a encore de la force malgré son âge l’ancien.
« -
T’écoutes un peu sale gosse !
- Oui, oui, oui, j’écoute ! Arrête de me frapper mon bon sang.
- Caleb, c’est une mission importante et tu es en charge…
- Je sais… »
Ce n’est pas comme si cela ne faisait pas un mois qu’ils n’arrêtaient pas de parler de cette histoire de mission à l’étranger. C’est bizarre quand même, d’habitude quand y’a un souci, ils font appels aux royaumes voisins mais là non, il faut que ça tombe sur ta poire que de mener une expédition à l’autre bout du monde. Enfin…même si c’est à côté théoriquement. Fiore est à une semaine de voyage à pieds, ce n’est pas très loin de là où vous êtes.
« -
Donc vous savez tous ce que l’on attends de vous à présent. Faites attention, l’ennemi est dangereux et il serait imprudent que de le sous-estimer.
- Pourquoi ne pas faire appel aux « guildes » de Fiore ? Elles pourraient nous soutenir sur ce coup là non ?
- Non. C’est une affaire qui ne regarde que nous.
- Grand-père range ta fierté…Ils pourraient vraiment nous aider et puis on a peut-être beaucoup à y gagner en échangeant avec eux non ?
- Non ! C’est compris ? Vous ne pouvez compter que sur vous-mêmes. »
On peut dire que tu es tête de mule mais au moins, tu sais que ce n’est pas génétique. Heureusement d’ailleurs ! Il ne manquerait plus que tu attrapes également son mauvais caractère.
**** Les détails de l’histoire vous ne les aviez jamais eu. On vous a seulement expressement demandé de vous rendre à tel endroit retrouvé tel homme. D’ailleurs, aucun de vous n’en a entendu auparavant. Ni toi, ni Carl qui sait habituellement tout sur tout même les petits secrets d’état, ni même Zentha. C’est comme si dès le départ, on vous envoyez quelque part, faire quelque chose qui va à l’encontre de tous ce que l’on vous a enseigné depuis que vous avez rejoint les rangs de l’armée.
« -
J’aime pas ça.
- Moi ça me botte carrément ! L’inconnu, l’aventure, tout ça tout ça, ça a l’air cool. Puis on est entre nous. De quoi devrait-on se plaindre ?
- Je suis du même avis que Caleb, ce n’est pas normal qu’aucun de nous n’ait la moindre information supplémentaire concernant la mission. Caleb, t’es pourtant le petit fils adoptif de Jo’ non ? Il ne t’aurait rien dit de plus.
- Justement « adoptif ». J’ai l’impression qu’il me cache quelque chose et ça me dérange. On ne devrait pas être là. On aurait dû refuser. Non. J’aurais dû refuser.
- Relax Max, y’a pas mort d’homme ! On est juste dans les marécages dégoutants, d’un pays inconnu depuis deux jours à la recherche d’un gars duquel on a une brève description physique…Franchement, je ne vois pas ce qui pourrait y avoir de pire ? Vous voyez vous ?
- Les moustiques peut-être ?
- Ouais c’est clair que ces horribles suceurs de sang me tape grave sur les nerfs…Mais à part ça ?
- Hmmm….On a plus de bouffe.
- Ça, c’est parce que, pour une dame, t’as un estomac beaucoup trop important Zentha. Et le pire c’est que tu ne grossis pas. Tu me donneras ton secret minceur quand on sera rentré.
- Beaucoup de sport. Chose que tu ne sembles pas pratiquer Carl !
- Ah si, au lit, dans une position horizontale, si tu vois ce que je veux dire…
- Beurk ! T’es dégoutant !
- Roh on peut même plus blaguer.
- T’inquiète Zentha, Carl, sa seule relation se résume à sa main droite.
- Ah ! Ah ! Ah ! Très drôle Caleb. T’es juste jaloux parce que mon côté sociable et beau gosse est plus prononcé que le tiens depuis quelques mois maintenant.
- Ca y est, t’as appris à te raser et tu penses que ça fais de toi un homme ?
- Alors pour ton information…Non. Je préfère m’abstenir. Surtout avec toi !
- Ahahahaha ! Je croyais que tu voulais rigoler Carl ?
- Oui mais pas avec toi. »
L’air boudeur que prends Carl quand plus rien ne va dans son sens t’amuses beaucoup. Il faut dire que cela va faire un moment que vous vous connaissez maintenant tous les deux et vous partagiez beaucoup de chose en commun. Comme toi, Carl était un enfant de la rue mais il n’a jamais été adopté. Il a grandis dehors, comme un gros sauvage et c’est certainement pour ça qu’il a parfois de drôle d’habitude quand vous êtes ensemble. Tu te souviens de ta première rencontre avec ce rouquin…C’était le jour du tournoi. Il t’a fallu moins d’une minute pour le battre et lui mettre les fesses au sol. C’était drôle ça aussi. Pourtant, il s’est engagé car comme il le dit si bien « il a vu quelque chose en toi ». Tu te demandes bien quoi. L’âme d’un leader ou d’un meneur…Qu’importe. T’aime pas quand les gens te voient comme ça. T’as pas envie d’être vu comme ça. Tu veux juste être un gars qui fait son boulot.
Mais depuis le tournoi, Carl est devenu ton meilleur ami et peu de temps après lui, Zentha est arrivée. Avec elle, la caserne a commencée à se féminiser et ce n’est pas plus mal parce que quand il est question de cuisine….Il vaut mieux ne pas laisser les couteaux à Carl. Votre estomac ne s’en remettrait pas de sitôt. L’avantage, c’est que t’as l’impression qu’il t’a immunisé contre tous les types de poison possible.
« -
Chut. Vous avez entendu ?
- Aller le revoilà qu’il nous fait son truc de ninja celui-là.
- Non vraiment, y’a eu du bruit …Quelque chose.
- Où ça ?
- Derrière nous…
- Tout ce que tu vas réussir à faire avec tes capacités de surhomme mon choux, c’est nous effrayer encore plus. T’entends des choses que même mon oreille n’entend pas.
- Toi, t’as pas eu Jo’ pendant 13 ans sur le dos…
- Et je m’en estime carrément chanceux ! Déjà qu’en commandant il est affreusement chiant le vieillard alors en tant que membre de la famille. Je m’étonne chaque jour de savoir que tu n’as pas des envies de suicide !
- Plus sérieusement…Il y avait quelque chose.
- Surement un lapin. Aller avance avant qu’une sangsue de décide de me vider de mon sang.
- C’est plutôt ton cerveau qu’elles ont mangé depuis le temps ! Ahaha.
- Si seulement j’en avais un…Si seulement. »
Encore aujourd’hui, tu te rappelles parfaitement de cette journée. De l’odeur de vos vêtements trempés, du rire de Carl faisant écho à celui de Zentha. Encore aujourd’hui, tu te souviens, de ce qu’il s’est passé, ce jour-là.
Tu te rappelles de l’embuscade formée par toute une troupe de mages illégaux. Tu te souviens de leurs rires en vous voyant au nombre de trois. Tu te souviens des cris de Zentha, de la vue du sang s’échappant de leurs corps. Tu te souviens du massacre dans lequel vous étiez. Tu te souviens de la haine ressentie ce jour-là : envers toi, envers ceux qui ont fait ça et envers ceux qui vous ont mis dans ça.
Tu te rappelles de la douleur en voyant la blessure à ton abdomen. Tu te rappelles de ton sang étalé sur tes mains. C’était visqueux et collant et dégoutant. Tu ne te rappelles que très peu de la suite des évènements. Juste « d’eux ».
De lui particulièrement.
De ses cheveux blonds comme les blés, de son sourire fier et arrogant, de son air hautain et de sa façon à souffler sur les méchants comme si ce n’était rien du tout. Oui, tu te souviens d’avoir eu la vie sauve grâce à « eux ». Grâce à ceux dont Jo’ ne voulait pas entendre parler.
Tu te rappelles également du gout de sel quand les larmes coulant sur tes joues, ont atteints tes lèvres. Tu te rappelles de ce vide ressentis chaque jour, comme s’il manquait constamment une part de toi…Parce qu’ils te manquent chaque jour un peu plus et sans Sabertooth, tu serais certainement avec eux à l’heure actuelle.
Mort, dans un marécage boueux, là où personne n’aurait pris soucis de toi…Un peu de la même façon dont tu es né. Né seul…Mort seul.