Qui n’avait pas peur d’Enya ? Cette pensée te traversa l’esprit à l’entente de la confession d’Orihime. Qui n’avait pas peur d’Enya ? Sans doute trop peu de gens sur cette terre. C’est vrai qu’elle faisait peur mais moins qu’il n’y paraissait. Tu ne te voudrais pas juge de cette malheureuse mais Enya, tu la comparais souvent à une huître, d’une parce que l’image était beaucoup plus rigolote et de deux parce que la comparaison était frappante. Enya était une personne ouverte pour le peu de temps que tu as passé avec elle mais dès qu’on touchait les points sensibles, elle se refermait. Elle se repliait et devenait soudainement menaçante. Elle n’aimait pas parler d’elle, parler des choses qui fâchaient son cœur déjà brisé. Elle souffrait Enya mais ça, peu de gens l’avait vu.

Tu te rappels de ce soir où tout le monde dormait. De ce soir où, assise au fond du canapé, un coussin dans les bras, elle t’a parlé d’elle. De son enfance. De son passage un peu partout, dans chaque guilde ou groupe de Fiore. C’était drôle, elle ne restait jamais au même endroit, comme si elle fuyait constamment quelque chose. Mais qu’est-ce qu’elle pouvait bien fuir ? La seule réponse qui te parût logique sur l’instant était « elle-même ».

Enya Taylor a pour ennemi son ombre. Elle l’a toujours eu pour ennemie. Toujours à en avoir peur. Toujours à s’en méfier. Toujours à regarder où était cette dernière, même dans la pénombre la plus totale. Enya Taylor n’était qu’une petite fille qui croyait aux monstres cachés sous son lit. C’est tout. Alors fallait-il avoir peur d’une femme qui se redoute elle-même plus qu’elle ne redoute le monde ? Non. Il fallait seulement la contourner et éviter de parler des choses qui font mal. De ces cicatrices au cœur qui ne guérissent jamais.

« - Je pense, que tu n’es pas la seule à avoir peur d’elle mais je te protégerais, promis. S’il n’y a que ça que je dois faire, alors cela ne sera pas bien dur. »

Enfin, si Enya voulait faire la peau à quelqu’un, ce n’est pas ton corps qui l’arrêtera. Bien au contraire. Elle te passera dessus d’une façon tellement violente que tu ne t’en remettras certainement jamais.

Orihime en vient à t’interroger sur ta sœur. Elle voulait en savoir plus. Qui ne voudrait pas en savoir plus ? L’humain était curieux par nature. Tu lui ébouriffes les cheveux d’un geste grossier de la main avant de te relever.

« - Ça ma chère, c’est toute tout autre histoire et il n’est pas l’heure de la raconter. »

Tes yeux dérivent machinalement, comme par reflex, vers ce carnet que tu as posé sur ton bureau. Vers cette couverture en cuire, retenue par un vulgaire élastique usé, qui retenait les pages renfermant tous tes secrets. Tous tes doutes. Toutes tes peurs. Toutes tes questions. Mais dans ces pages, il n’y avait pas que ta vie, il y avait aussi cette photo. Cette unique photo que tu gardes près de toi comme s’il s’agissait d’un talisman. Il y avait cette vieille photo de famille, faite quand Mia avait 4 ans.

Tu te rappelles encore du bazar que cela a été pour lui faire regarder l’objectif. Elle n’acceptait de le faire que si tu la tenais. Elle n’acceptait, que si elle pouvait te regarder, comme si ta seule présence suffisait à apaiser les petits maux de son être.

« - Je t’aiderais. »

Cette phrase sort d’elle-même comme si ton cerveau voulait te faire revenir sur Orihime, tes yeux se retournent sur elle, regardant machinalement vers le bas, n’osant te faire face.

« - Je veux dire, que je ferais de mon mieux sans pour autant garantir quoi que ce soit mais je t’aiderais. Tu peux compter sur moi maintenant d’accord ? »

Un sourire se glisse naturellement, suspendu au bout de tes lèvres alors que tu te penches vers la fenêtre pour voir où en était le cours de la journée. Une belle journée non ? Un ciel d’azur reflétant la pureté du monde et un soleil brillant, pour réchauffer les cœurs.

« - Aller vient, on ressort, on va au resto ! On ne va pas rester dans cette pièce glauque et toute petite quand même ? Ahaha »

Tu lui ouvres la porte, la laissant passer devant comme la coutume le voudrait et comme cela devrait se faire normalement avant de lui attraper la main et de l’entraîner dans la rue principal, traînant devant quelques boutiques.

Puis au bout de plusieurs minutes, tu finis par trouver ton bonheur.

« - J’espère que t’aimes les pizzas, apparemment, c’est les meilleures de la ville ! »

Tu entres, prends une table pour deux, côté terrasse pour profiter de l’air frais et tends la chaise à Orihime avant de l’aider à s’asseoir.

« - On va appeler ça…Hmm voyons…Le repas de l’amitié. Donc ne me poses pas de questions sur l’argent, tu seras mignonne. Accepte-le, c’est tout. Puis la prochaine fois que l’on se croisera, c’est toi qui me devras un resto et moi, j’aurais certainement quelques infos en échange. Ahaha ! Aller mangeons, mangeons. »

L’image du café te reviens en tête et tu commences à prier silencieusement, cachant désespérément un sourire moqueur en imaginant la scène se reproduire ici. Il ne manquerait plus que ça.


En espérant qu’au détour d’une part de pizza….Une part du cœur d’Orihime se soulagera.

Vous attendez votre commande qui finit naturellement par arrivée et comme à ton habitude ta pizza était simple. On aurait presque dit celle que l’on réserve habituellement aux enfants de bas âge : Champignons, olives, jambons et fromage. Il n’y en avait pas besoin de plus. D’ailleurs tu ne comprenais jamais ces gens qui prenait celle avec de l’ananas ou avec des fruits de mer dessus, c’était juste un blasphème au nom de la pizza.

Tandis que vous mangiez silencieusement et qu’Orihime te fis remarqué le repas de luxe, tu te contes de sourire derrière ton verre quand elle t’interpelle. Tu lèves un œil vers elle, intrigué par sa question et cette dernière finit par surgir, tout naturellement, suspendue au bout de ses lèvres rosées.

« - Si j’aime quelqu’un ? Tu veux parler de préférence sexuelle ? »

Tu essayes de savoir où la jeune fille veut en venir quand en parlant amour, un visage au teint ivoire et à la chevelure blonde comme les blés te viens en tête. Ce fut ta première pensée. Son sourire malicieux, son regard pervers, sa grâce naturelle presque légendaire. Oui, tu as pensé à elle. Quelques instants, avant que l’image ne s’efface de ton esprit. Oui, tu penses encore à elle parfois, te demandant ce qu’elle fait, où est-ce qu’elle, si elle continue encore de servir ces gens qui ont traumatisés le pays tout entier.

« - Je préfère les filles, naturellement après si tu veux un nom, je serais bien incapable de t’en donner un. J’ai aimé, oui, tout homme a eu un premier amour il me semble mais le mien était plus comme…Un rêve vois-tu ? Ahaha. Désolé je ne peux pas t’en dire plus pour l’instant, on va dire que je suis un éternel célibataire voué à aimer la cause féminine. »

Pendant quelques secondes, ton regard se perd dans le bleu du ciel, un bleu attrayant, un bleu profond, un bleu étouffant si on avait le malheur de s’attarder dessus, un peu comme la couleur de ses yeux à « elle ». D’un simple regard, elle avait le don de faire de toi, n’importe quoi. Elle pourrait siffler ton nom que tu viendrais, rien que pour elle. Mais maintenant, tout ça…C’est du passé. Il fallait apprendre à tourner la page. Ce dont tu rêvais, ce dont tu espérais comme mode de vie était nettement trop différent d’elle et de ses rêves. Rien que vos futurs ne s’assemblent pas.

Silver Sword…Ajatar Virke. C’était…Tellement contraire.

Alors tu lui souris avec ce petit regard malicieux et comme pour lui renvoyer la balle, tu lui poses exactement la même question. Rien que pour rigoler.

« - Et toi Orihime ? Tu es amoureuse de quelqu’un ? »

Tu t’attendais déjà à voir ses joues se teinter de rose, ses yeux se perdre sur ses mains, ses doigts s’agitant machinalement. Elle était mignonne nerveuse et c’était devenu tellement facile de la charrier. Tellement facile de la mettre dans une situation complexe.

« - Je te dirais bien que je m’excuse d’être indiscret mais ce n’est pas le cas. Tu me poses tellement de questions depuis tout à l’heure qu’il est normal que je m’interroge sur toi. Tu ne crois pas ? »

Ne plus vouloir être amoureuse. Ne plus vouloir être heureux. Tu restes persuadé que l’être humain, au plus profond de lui-même, n’est pas fait pour être seul. L’être humain est fait pour être compléter, pour être avec quelqu’un et avoir ce genre de souhait est désolant, surtout à son âge. Elle n’avait pas vue ni même goûter à tous ce que la vie avait à lui offrir et voilà qu’elle parle de solitude comme si cette dernière était son amante depuis bien trop longtemps maintenant.

« - Je ne pense pas que nous soyons pareils ni même destinés à être solitaires toute notre vie. Tu m’as certainement mal compris. Les malheurs, la souffrance, tout ça, c’est le lot de l’amour, c’est ce mal qui nous ronge à l’intérieur de nous qui nous fait comprendre à quel point nous tenons aux choses qui nous entourent….Aux gens. Je pense, que tu as encore beaucoup de choses à vivre et à voir Orihime et que tu ne resteras pas seule toute ta vie. Tu finiras par trouver quelqu’un, comme une petite perle rare, précieuse. C’est ça la beauté de l’amour. C’est de trouver cette personne qui comprendra autant tes silences que tes absences. »

Parce que toi, tu comprenais les absences de cette femme à l’âme brisée. Tu ne connaissais que trop peu de choses sur celle qui, un soir, s’est présentée comme étant la Princesse de Desierto. Tu ne connaissais que trop peu de choses sur celle, qui, un jour, t’as dit qu’elle était une criminelle internationale. Les femmes sont des mystères et c’est ce qui les rends si particulières et si précieuses car au fond, ce sont toutes les mêmes. Elles souffrent, elles pleurent dans le noir sans personne pour les épauler. Elles font les grandes devant les autres mais ne sont que poussières. Les femmes sont tout un tas de chose et les apprendre, les comprendre relève de l’étude de toute une vie.

Elle semblait prendre cette histoire de promesse au sérieux, glissant un léger sous-entendu que tu comprenais non sans mal.

« - Si j’ai quelqu’un dans ma vie…Crois-moi, je serais assez grand pour m’en occuper. Je te remercie de ton attention quand même. »

Un énième sourire glisser en toute amitié alors qu’elle te fait remarquer l’absence de serveurs. Certainement normal. Avec les attentats et tout ce qu’il se passe en ville, peu de gens sont revenus encore, les plus grands commerces d’autrefois sont devenus des petites boutiques. Certains ont peur de revenir en ville, d’autre n’oseront plus jamais s’y aventurer et d’autres encore...Préfère attendre…Voir. Ils attendent que d’autres y aillent à leur place avant de s’y risquer.

« - Je vais aller voir ne bouge pas… »

En te levant tu jettes un œil en cuisine où tu remarques seulement deux pauvres hommes et juste à côté de toi, une étagère avec les sauces. Peut-être que tu aurais dû lui demander laquelle elle voulait. Peut-être.

Alors tu les prends toutes. Histoire d’être certain. Juste comme ça.

« - Voilà ! Fais ton choix ! Et si cela peut te rassurer, tout va bien, l’effectif d’aujourd’hui est juste réduit au strict minimum. Rien de bien affolant. Je pense que cela m’aurait plutôt surpris que d’y voir du monde. .. »

Ta tête bascule machinalement vers la fenêtre pour y observer le ciel et les nuages arrivant en masse au-dessus de vos têtes. Génial. De la pluie.
Attrapant ta veste, tu la passes à Orihime en voyant les premières gouttes s’écraser sur la fenêtre du restaurant.


« - Tiens. Il ne manquerait plus que tu tombes malade par ma faute maintenant…Prends ma veste et mets-la. Cela sera certainement mieux pour toi. »

Les assiettes se vident, le temps se dégrade et la conversation poursuit son cours, naturellement.

Le temps passe, le temps s’écoule, lentement. Comme les gouttes d’eau s’écrasant sur ta chemise. Alors que vous déambulez dans les rues, dans le silence, Orihime te parle des événements, des attentats .Elle te parle d’Ajatar Virke et dans sa voix, tu ressens la peur et la souffrance. Tu n’y étais pas toi et pourtant, bon nombre de personne que tu as croisé jusqu’à présent t’ont posés cette question. Tu n’y étais pas, tu n’as pas voulu y aller. Tu n’en avais que faire que de défendre un pays qui n’était pas le tiens. Que faire que de défendre des gens que tu ne connaissais pas. Que faire que de défendre ces rues trop habitées pour toi. Et maintenant, tu prétends vouloir aider ? Un mensonge voilant une demi-vérité.

Elle te parle de courage et dans son regard, tu as cette terrible impression qu’elle te soumet le poids des maux de l’humanité, comme si c’était à toi et à toi seul que de changer les choses. Comme si tu le pouvais. Tu n’étais rien, ni personne. Tu n’étais pas fort et encore moins rapide. Tu n’étais pas courageux et encore moins vaillant. Mais au fond de toi, tout au fond, il y avait cette voix qui te disais « Pourquoi pas toi ? »

C’est vrai, pourquoi pas ?

Alors tu souris, les mains dans les poches en regardant autour de toi. Tu souris parce que tu voulais croire en cet espoir que les gens mettaient en toi. Tu voulais croire que c’était possible.

« - Je ne pense pas qu’il faille être courageux. Je pense que ce n’est qu’une question de volonté. Tu sais, j’ai suivis Enya jusqu’à Echoic parce que je voulais croire en son combat et au combat pour la liberté de tous. Je voulais croire en une cause qui me semblait réellement et profondément juste mais je me suis rendue compte, en te voyant, en voyant les autres et en apprenant à connaître ce monde que rien n’était juste. Peu importe le point de vue. Les hommes sont sauvages et voués à se faire du mal. Si ce n’est Ajatar, ça sera quelqu’un d’autre, quelque chose d’autre. Alors oui, on peut s’armer de courage pour affronter tout ce qui nous arrive dessus mais ce n’est pas notre courage qui nous sauvera….C’est seulement notre volonté. Notre détermination à vouloir arrêter toute cette folie. Ce n’est pas le courage la plus grande arme des hommes…C’est la volonté. »

Tu te souviens de ces mots que Mia t’avais dit avant de partir. Tu te souviens de ses yeux verts, étincelants, plus déterminés que les tiens, mouillés de peur et de faiblesse. Ta sœur a toujours été plus forte que toi…aussi bien physiquement que mentalement. C’était une petite graine de génie également. Mais pas toi. Toi, tu n’étais que l’homme faiblard, qui regarde, depuis la ligne du fond, le champ de bataille, entendant les cris de tous.

« - Tu sais, je t’ai dit que j’ai aimé, que j’ai eu un premier amour mais ce que je ne t’ai pas dit, c’est que cette personne fait partie d’Ajatar Virke. Alors voilà pourquoi je veux rentrer dans la milice, pour l’arrêter. Ce n’est pas par amour pour elle que je le fais mais je veux seulement arrêter cette folie qu’elle a embrassée bien avant moi. Je le fais également parce que cette femme est dangereuse et que je ne cautionne pas ce qu’elle a fait, ce qu’elle fait et ce qu’elle ferra. Je préfère rester seul…Que mal accompagné mais ce n’est pas parce que je me sens…Trahis ou trompé que je cesserais de l’aimer. Elle ou une autre. Nos deux univers ne sont pas compatibles. C’est tout. »

Marquant une pause, tu t’arrêtes brusquement de marcher avant de regarder le ciel, gris. Le ciel pleurant. Tu sens la pluie déferlant sur ton visage, tu sens la brise soulevant tes cheveux déjà en bataille naturellement puis tu cherches les yeux d’Orihime.

« - Le monde est cruel et nous blessera. Perpétuellement. Mais il ne faut pas en avoir peur. Tu ne crois déjà plus en l’amour et tu as peur de gens qui sont détruits de l’intérieur. Tu finiras comme eux si tu continues tu le sais ça ? Ne deviens pas comme eux, du moins tant que l’on ne se sera pas revu. »

Lui tendant ton petit doigt, tu te rappelleras à jamais, cette promesse que tu lui demandais silencieusement de tenir.

« - Promets-le-moi. Si tu le fais, alors je n’aurais pas de répits jusqu’à trouver ta sœur en échange et jusqu’à ce que tu es ce que tu mérites de mieux dans ta vie. »

Le temps passe, le temps s’écoule, lentement. Comme les gouttes d’eau de ta chemise alors qu’au détour d’une rue, d’un carrefour, il est déjà l’heure des au revoir.

« - La prochaine fois que l’on se verra Orihime, n’oublie pas cette journée. N’oublie pas que là, quelque part, derrière toi, il n’y a pas que cette ombre menaçante…Il y a aussi une lumière, prête à éclairer ton chemin. Il suffit juste de la saisir. Il suffit juste d’y croire. »