« Il y aurait un moyen pour l’enlever ? » Kôta passa le bout de ses doigts dans sa nuque, effleurant dans une lente caresse le tatouage de Blue Pegasus. Dans la pièce exigüe et assombrie du local d’un miteux local de tatouage d’Era, le responsable se pencha vers l’endroit indiqué par le jeune garçon. « Mhpff.. Ca peut le faire ouais, il y a la formule rapide où ça part en 5 minutes avec la nouvelle lotion magique anti-tatoo, mais les effets secondaires ne sont pas fameux, surtout dans un endroit exposé comme celui-ci. La formule classique, je vous l’enlève totalement en m’y concentrant une bonne heure dessus, mais au moins c’est nickel, comme si le tatouage n’avait jamais existé. » Le regard de Kôta, perdu sur les affiches arborant les divers symboles proposés comme marquage définitif, passa après quelques instants sur l’imposant tatoueur. « La formule classique. C’est totalement ce que je recherche. » Allongé sur le ventre, immobilisé par l’artiste, il sentit un appareil sonder sa nuque et sa peau frémir à cause du contact brulant. « Ca va pas être agréable, désolé mon p’tit gars, mais vaut mieux passer un sale moment maintenant plutôt qu’arborer un tatouage dont on ne veut plus toute notre vie, n’est-ce pas ? _ Ouep. » Un temps de silence, Kôta s’était déjà habitué à la petite douleur et imaginait son tatouage disparaitre progressivement de sa peau, comme envolé. « T’es pas obligé de répondre à ma question, tu dois avoir tes motivations perso’ et tout et je n’ai pas à me mêler de ce qui ne me regarde pas, mais ça m’intrigue quand même : ça ne serait pas le tatouage de la guilde Blue Pegasus ? » Kôta plissa les yeux en entendant le nom de son ancienne guilde. Le matin encore il y était, et voilà que désormais, le soleil se couchant, il effaçait toute trace apparente d’adhésion à la guilde de Bob. Le choix avait-il été pris trop rapidement ? Dans l’émotion de ses retrouvailles avec sa mère, l’explosion de ses sentiments les plus contradictoires s’était mélangée en sa tragique fuite de la guilde bleutée. Mais toute la journée, avec tout le travail sur lui-même qu’il avait fait, il s’était rendu compte qu’il n’avait aucune envie de faire marche arrière. Il fallait qu’il passe par là, c’était inscrit, évident, sensé. Vital. « Pas de soucis pour votre question ; oui c’est ça, Blue Pegasus. J’ai été mage là-bas jusqu’à ce matin à vrai dire, alors que ça faisait environ deux… non, huit ans que j’y étais. _ Tu as été aspiré par cet étrange phénomène, Ajatar chose là, pendant ces six ans ? J’te demande ça comme tu as hésité sur les dates… _ Pas réellement, mais j’ai aussi été en quelque sorte endormi pendant ces six années. J’ai normalement 24 ans mais je suis resté dans mon corps de 18 ans. Il faut se réadapter, maintenant. _ Et pourquoi t’as quitté la guilde si ça fait huit ans que tu l’as rejoint ? _ Nouvelles perspectives, tout ça… » Si évasif que le tatoueur, comprenant qu’il venait d’entrer sur un terrain risqué, changea immédiatement de sujet de conversation. Ils continuèrent à discuter naturellement l’heure suivante, jusqu’à ce que le travail soit totalement terminé. « Voilà p’tit gars, plus aucune trace et t’as peau est parfaite, une vraie peau de bébé ! » Kôta se redressa et marcha, presque à tâtons, jusqu’au miroir accroché sur le mur face à lui. Il se détourna légèrement pour remarquer qu’il n’y avait visiblement plus rien dans sa nuque. Le tatouage que Bob lui avait posé quand il n’avait que quinze ans avait disparu.


Le soleil avait déjà bien amorcé sa descente dans le ciel et sa lueur rosée qui parcourait le ciel n’était plus qu’un phénomène éphémère devant l’immensité de la nuit qui n’allait pas tarder à poindre. Kôta, fraichement rhabillé, se hâta de parcourir les rues de la ville pour arriver devant les immenses locaux du Conseil de la Magie. Il était déjà venu plusieurs fois et connaissait l’organisation des divers bâtiments, mais encore aujourd’hui il avait l’impression de se perdre encore et toujours dans la complexité des lieux. Il finit par trouver une petite réception et il s’avança vers un homme assis derrière le comptoir. « Excusez-moi, serait-il encore possible d’avoir une entrevue avec Sybilia Philips ? _ Attendez deux petites secondes que je vérifie… Sy…bi…lia… Philips ! Je l’ai trouvée… hum, son bureau est par là-bas, mais je ne sais pas si elle y est encore, la nuit tombe. Tentez-votre chance quand même ! _ Merci beaucoup. » Kôta suivit la direction indiquée par le réceptionniste, avança rapidement dans une multitude de couloirs jusqu’à arriver devant le bureau de celle qu’il recherchait. Il prit une grande inspiration et frappa – heureusement, on lui dit d’entrer.

Sybilia était là et il s’avança délicatement de quelques pas à l’intérieur du bureau. Il était presque gêné, il savait qu’il devait la rencontrer, que c’était elle qu’il voulait voir, mais il n’avait jamais imaginé leur rencontre et improvisa alors totalement, espérant ne pas faire mauvaise impression tout de même : « Bonsoir, j’espère que je ne viens pas trop tard ! Je ne sais pas si… vous me reconnaissez, mais je suis Hirata Kôta, Leader de Blue Pegasus. Nous nous étions rencontré il y a quelques mois… heu il y a six ans, désormais. Puis nous nous sommes croisés brièvement dans le Palais Royal il y a quelques jours, j’espère que vous êtes bien rétablie. » Il bredouilla encore un peu et rougit légèrement. Il n’avait aucune idée du comportement à adopter face à elle alors il continua à parler comme il savait si bien le faire : « Je viens vous voir parce que j’ai quitté la guilde ce matin et parce que je n’ai nulle part d’autre où aller. » C’était dit. Il souffla un peu, légèrement, ne regardant Sybilia qu’en biais, appréhendant une mauvaise réaction de sa part.

Fidèle à elle-même, Sybilia offrit à Kôta un accueil chaleureux et amical. Elle resplendissait d’une certaine bonté dans sa façon de voir les choses, avec toute la joie que son visage dégageait, et Kôta en fut presque apaisé, mais son annonce irrévocable, l’aveu de sa fuite, pourrait totalement changer la donne et faire jaillir la colère sur les traits de l’exécutante du Conseil Magique. Mais plutôt que de lui bondir dessus pour l’incendier de reproches, voilà qu’elle se détend davantage, adoptant un air des plus espiègles. « Ne fais pas cette tête, je te l'interdis Kôta! Écoute... Tu as été un bon leader pour Blue Pegasus et tu les as guidés de ton mieux avec Abigail et Chris. Avec le retour de Bob au sein de la guilde, c'est normal de ne plus retrouver sa place. Les choses changent, les gens changent et on ne peut pas s'empêcher de vivre pour les autres. Ils seront toujours tes amis coûte que coûte. Je suis prête à t'accueillir au Conseil si c'est ce que tu souhaites. Je ne te force à rien, fais juste me dire avec assurance que c'est vraiment ce que tu veux et je prendrai les démarches conséquentes pour t'intégrer. »

Quel soulagement, quelle délivrance que d’entendre quelqu’un partager son point de vue ! Un énorme poids, celui d’une culpabilité sans nom, s’évapora des épaules du garçon pour disparaître dans le néant de l’oubli. Il avait fui sans consulter ne serait-ce qu’une personne, il n’avait pas laissé Bob lui insuffler le moindre conseil, la moindre recommandation, et, à mesure qu’il s’éloignait de son ancien logis, il ne pouvait qu’éprouver une peur irascible à l’idée d’avoir fait le mauvais choix. Il savait qu’il ne pouvait rebrousser chemin, qu’il était destiné à aller de l’avant, mais, s’engager dans une telle perspective, était-ce aussi juste et louable que ça en avait l’air ? Quand Sybilia le rassura de la manière la plus sincère qu’il soit, Kôta ne put s’empêcher d’avoir un léger sourire, reprenant confiance en lui.

Encore mieux que ça, elle lui proposait directement d’intégrer les rangs du Conseil Magique. Il attendit quelques secondes avant de répondre : « C’est très gentil de me dire tout ça, et très rassurant aussi. J’ai quitté Blue Pegasus mais mon cœur reste là-bas, car mes amis, ma famille y vivent. Mais j’ai besoin de ce changement. Actuellement, je ne pense pas être capable de ne rester qu’un simple mage de guilde, de rester là à voir les requêtes du peuple venir en toujours plus grande quantité, s’accumuler sur le panneau de mission. Les choses ne s’améliorent pas réellement donc je veux toucher au cœur des problèmes. Et je crois que le Conseil Magique est le meilleur endroit pour m’aider à faire ça, à me sentir mieux en étant davantage… concerné. »

Son regard se posa sur les piles de feuilles, dossiers en tout genre qui se trouvaient aux quatre coins de la pièce. La nuit était tombée, il le sentait, mais la jeune femme restait là à travailler dur, impliquée au maximum dans un métier éprouvant. Le jeune garçon se demanda s’il était capable d’en faire autant, et il se dit que ce n’était qu’une histoire de volonté. « Oh bien sûr, tu as dû voir beaucoup de personnes comme moi qui sont venus te voir pour te dire les mêmes choses, genre changer le monde et le rendre meilleur grâce à leur implication au Conseil. Je sais que c’est quasi-utopique de penser comme ça, que le travail sera dur et que je devrais me démener à la tâche mais je suis là, ici et maintenant, et prêt à aider dès à présent ! »

Il avait envie de.
Damaz, Sybilia était une des dernières personnes qui l’avait vu vivant. Il n’était pas sorti avec eux du Palais Royal. Il brulait d’envie de la questionner sur lui, sur son comportement, les derniers mots qu’il avait prononcé, s’il avait parlé de Blue Pegasus et de ses amis, ou s’il avait déjà envisagé une possible fuite, une possible évasion. Ou une tragique capture. Ajatar Virke, à l’intérieur du bâtiment où Kôta se trouvait, on devait trouver une multitude de dossiers et d’informations confidentielles sur la guilde à l’origine de toute cette horreur. Si un jour, il pourrait accéder à eux, autant emprunter le chemin qui y mène maintenant. « Je veux intégrer le Conseil Magique de Fiore. » Un sourire envers Sybilia, montrant sa détermination inébranlable. Il n’allait pas la questionner directement – il n’était pas seulement là pour ça. Mais d’être désormais du côté de cette femme lui procurait comme un baume un cœur ; la sensation qu’il faisait un pas de plus vers la vérité.

L’annonce du jeune Hirata était finalement tombée, et Sybilia Philips accueillit favorablement son désir d’intégrer le Conseil Magique de Fiore : « Bien! Parfait! Je suis contente de l'entendre! Pour officialiser le truc, on va aller ailleurs si ça ne te dérange pas, voir toute cette paperasse à cette heure-ci me donne un mal de crâne pas possible. » Elle se leva et invita son interlocuteur à quitter la pièce, il fallait qu’elle change d’air et il la comprenait – mais il restait ailleurs, un mot se répétant inlassablement au fond de son crâne : officialiser officialiser officialiser tu y es Kôta tu ne peux plus faire marche arrière c’est bon t’es dedans alors on y va. Ils sortirent du bâtiment pour rejoindre le premier bar qu’ils croisèrent, menés par Sybilia connaissant bien le chemin vers l’agréable endroit. L’ambiance tamisée était apaisante et le regard du jeune homme se posa sur les moindres détails tout aussi chaleureux qui donnaient à l’endroit une prestance inédite. Sybilia fit une accolade au barman qui l’enlaça tout sourire – ils échangèrent des commodités et la femme présenta Kôta à l’autre homme, Anderson. Kôta s’inclina légèrement, son visage n’exprimant qu’un sourire respectueux, trouvant la silhouette du tenancier plus imposante qu’autre chose – ce qui contrastait avec son amicalité exemplaire. Il leur demanda ce qu’ils souhaitaient consommer, Sybilia répondit qu’elle souhaitait la même chose que d’habitude, et sous le regard quasi-insistant des deux autres, Kôta ne put bredouiller qu’une réponse évasive : « Je, je prendrais la même chose ! » Le barman s’en alla préparer leurs breuvages tandis que Sybilia alla s’installer à une table non loin.

Elle se posait sur une banquette et Kôta voulut prendre la chaise face à elle, mais elle lui indiqua de le rejoindre. Il prit donc place là où elle voulait qu’il soit, c’est-à-dire à ses côtés, tel un ami, un égal, et cet humble geste charma directement l’homme. Elle lui glissa les papiers officiels qu’il devait remplir et il s’empara du crayon qu’elle lui tendait, prêt à se lancer dans toute la procédure. Il vit du coin de l’œil la jeune femme exprimer sa fatigue et il se promit intérieurement de faire vite, tout en se demandant s’il allait était capable de supporter autant de pression sur ses épaules à long terme. On leur apporta deux boissons alcoolisées, et Kôta, concentré dans sa lecture, s’empara de la sienne après avoir remercié Anderson et y trempa ses lèvres sans se soucier de ce qu’il pouvait boire.

Nom : HIRATA Kôta

Hirata peut-être un dossier au Conseil où est mon père actuellement est-ce qu’ils savent qu’il est affilié à un criminel et Archibald aujourd’hui arrêté ou encore en liberté

Adresse : à renseigner plus tard

Bob je veux m’installer à la guilde ça fait un an déjà et je pense que j’ai ma place ici oh c’est parfait mon petit Kôta-chéri je vais te préparer la chambre de tes rêves bienvenue à la maison maison maison j’ai plus de maison aujourd’hui ou je vais dormir ce soir à l’auberge c’est sûr mais il me faut un appartement à Era au plus proche du Conseil mon job l’argent mit de côté ça devrait suffire pour payer et l’héritage de Grand-père

Antécédents de guilde : Entrée à Blue Pegasus en X782, élection comme Leader de la Triade en X785

Wow Maître Bob cet endroit est génial oui Kôta-chou c’est ça Blue Pegasus laisse-moi te présenter tout le monde ils vont t’adorer et tu vas les aimer toi aussi ce sont tes frères et sœur ta nouvelle famille

Crimes commis : Aucun

Nywell tuons cet homme si tu veux je lui coupe la langue il ne parlera pas tu seras sauve je suis prêt à le faire tuer n’est rien après Legion c’est devenu banal pour moi tuer ou être tué c’est comme ça que ça marche putain Kôta pense à autre chose c’est du passé du passé t’es au-dessus de tout ça maintenant

Poste envisagé : Ce qu’on me propose, mais habilités à être au contact avec les gens

Bonjour Yume no Ai de Fairy Tail je suis Kôta de Blue Pegasus on m’envoie pour renforcer les liens entre nos guildes Saphira Miku je suis un pégase et on est allié désormais Kyugan Leck des mages indépendants que j’ai recruté oui je suis un bon diplomate sans doute un peu trop rigide et inexpérimenté mais je peux le réussir j’ai des valeurs à partager Bob avait confiance en moi il a toujours confiance en moi

Qualités principales : Raisonnable, analyse rapide des situations

T’essayes de te vendre t’es pitoyable tu mens tu ne vaux rien

Défauts : Tendance à être trop émotif

Uriel tu me fais chialer de rire de tristesse arrêtez les gars c’est pas drôle c’est tragique et quand tout le monde pleure un enterrement Yume no Ai c’était affreux apparemment mais je dormais dans le coma et tout et Diego mon dieu Diego Kôta on doit te dire que Diego s’est suicidé impossible non non non je n’y crois pas et pourtant si c’est tellement tragique et personne ne veut en parler trop récent trop douloureux trop de questions sans réponses ambiance pesante étouffante à Blue Pegasus tout le monde avec des sourires amicaux et des tapes dans le dos pour remonter le moral mais personne pour vraiment parler de ce qui ne va pas mais qu’est-ce qui ne va pas pourquoi t’es parti Diego pourquoi pourquoi pourquoi mon dieu qu’est-ce que tu as fait

Motivation : Toujours été intéressé par le monde de la magie et ayant une proximité naturelle avec la justice […] rôle du Conseil Magique dans l’organisation du Royaume de Fiore me parait primordial […] envie de participer aux divers travaux du Conseil Magique […] promouvoir ses principes et idées […] rendre le monde magique meilleur, plus calme et serein

Il reposa le style et s’empara de son verre, les yeux toujours rivés sur ses écrits, mais il se rendit compte avec stupeur qu’il avait déjà bu tout son alcool. Il avait été totalement prit par son travail et ne s’était pas rendu compte qu’il avait tout englouti, et avait même complètement oublié Sybilia. Il se tourna vers elle, affichant une mine presque désolée « Voilà j’ai finis, désolé si j’ai pris du temps. Ma motivation n’est pas terrible mais je crois que c’est ce qu’il faut pour être ciblé et recruté. Qu’importe le rôle qu’on me donnera, je suis prêt à travailler. » Il eut un léger soupir, fatigué par ce léger devoir – mais il se cacha un peu pour ne pas le montrer à Sybilia qui avait eu une grosse journée derrière elle et qui n’en faisait pas autant que lui. « Du coup je dois déposer cette lettre demain ou tu t’en occupes ? Tu peux la lire si tu veux, tu me diras ce que tu en penses, et peut-être que tu auras une idée d’où on m’enverra ahah – ça serait drôlement marrant que tu sois ma supérieure, je ne sais pas si c’est possible mais ça serait bien quand même travailler avec toi doit être très enrichissant – mais il fait très chaud ici tu ne trouves pas ? La prochaine tournée est pour moi ! »

Il interpella Anderson avec le sourire pour lui indiquer qu’ils reprendraient chacun de quoi se désaltérer.

Les deux verres s’alignèrent sur la table, juste devant les deux jeunes veilleurs de nuit. Sybilia ne peut s’empêcher de rire en évoquant la vitesse à laquelle Kôta commandait les boissons – et pour une fois qu’il touchait à l’alcool c’est vrai que le garçon faisait fort. Il eut un petit sourire satisfait, s’enfonçant dans le creux de la banquette, se laissant aller à planer l’espace de quelques secondes dans ses plus pures pensées. Le verre frais et toujours rempli tenait entre ses doigts frêles mais il le lâcha d’une main pour la poser sans brusquerie sur l’épaule de Sybilia. « Merci pour tout. »

Le contact physique avait été fait et, à peine la main du jeune homme s’était retirée que le garçon, ayant sa magie d’activée, eu une analyse rapide du potentiel magique de son interlocutrice et future collègue. En touchant quelqu’un de sa main, Kôta pouvait s’imaginer l’énergie magique d’une personne en visualisant son estomac d’Ethernano. C’était une mauvaise habitude qu’il avait, de créer un contact factice avec tous ceux qu’il croisait histoire de jauger leur force en tant que mage. Ayant obtenu le plus discrètement possible l’information quant à celle de Sybilia, il leva son verre à ses lèvres, lentement, méditant sur ce qu’il venait d’apprendre. Elle avait une certaine force magique, c’était indéniable, mais il n’avait aucune idée de quels étaient ses dons réels. Mais de toute façon, elle ne pouvait que dire la même chose de lui – peut-être que le Conseil Magique était au courant de ses facultés de Take-Over, mais il n’était que peu probable qu’ils soient au courant de sa capacité à réguler la magie, celle au fond de son corps et surtout, celle qui l’entourait.

« T'es un gars plutôt agréable et facile d'approche. » Elle lui balança un regard sympathique, tout ce qu’il y avait de plus charmant et jovial à vrai dire, son regard transperçait littéralement l’espace. Kôta eu un petit rire, préférant ne pas répondre, et avala à nouveau une gorgée, laissant son regard se perdre dans les détails de la pièce. Les derniers clients commençaient à s’en aller et ne restaient plus que des personnes tranquilles qui ne conversaient plus que sur le ton de la confidence. Le barman commençait à préparer la fin de son service, derrière le comptoir, car l’horloge au-dessus de lui avançait toujours plus rapidement. Kôta avait l’impression qu’ils étaient au milieu de la nuit mais il ne ressentait aucune fatigue – son voyage de la journée, heure après heure, intrigues et dénouements, l’avait pourtant épuisé, mais l’excès de fatigue, à un certain point, faisait qu’il ne se faisait plus atteindre par les manifestations du sommeil. Il était plongé dans une léthargie joyeuse, lové dans les cousins de la banquette, aux côtés de sa nouvelle alliée, et presque rien n’aurait pu l’arracher de ce moment heureux.

La porte de l’établissement s’ouvrit à la volée et une silhouette on ne peut plus ivre pénétra dans les lieux, titubant jusqu’au bar et s’y retenant de justesse pour éviter d’épouser le sol. Toute l’attention se porta sur l’homme en piteux état, tellement ses déplacements s’accompagnaient d’un vacarme douloureux dans cet instant apaisé de la nuit, et un silence presque gêné répondait aux gémissements incompréhensibles du nouveau venu. Il désigna d’un doigt tremblant Anderson, qui fronçait les sourcils face à ce visiteur inattendu, et bredouilla quelques mots déformés par son ivresse nullement latente. Kôta reposa son verre – déjà vidé – tout en se concentrant comme jamais sur la scène qui se déroulait à quelques mètres de lui. L’homme ivre demandait de l’alcool mais Anderson le lui refusait, ne voulant pas aggraver son état déjà déplorable. Face à ce refus, emporté par la folie, le dérangeant client frappa du poing sur le comptoir et menaça délibérément Anderson. Dans l’assemblée muette qui les contemplait, il y eu un cri de stupeur devant ce spectacle qui virait au drame. Kôta, ne quittant pas des yeux les deux antagonistes au loin, passa son bras devant Sybilia, l’empêchant de bouger. « Attend une seconde… »

Anderson remonta ses manches, prêt à envoyer dehors le menaçant ivrogne, mais ce dernier claqua des doigts pour faire apparaître une flamme au-dessus de lui. C’était visiblement un mage – comme Kôta l’avait pressenti – et il n’avait plus toute sa tête pour utiliser sa faculté, surtout une magie inflammable dans un lieu où l’alcool coulait à flot. Kôta ayant eu la confirmation qu’il avait face à lui un magicien passa alors à l’action. « Sybilia, n’utilise pas ta magie s’il te plait. » Il resta immobile à sa table et activa Fury ainsi que Modulation.

Depuis les évènements du Palais Royal d’Ajatar Virke, il s’était rendu compte, après le difficile combat contre le doublon d’Uriel, qu’il avait réussi à maitriser son sort furieux qui contaminait l’atmosphère. Il activa donc Fury pour empoisonner seulement quelques particules d’Ethernano qui se trouvaient autour de lui, puis avec Modulation il guida ces particules jusqu’à l’ivrogne qui les inhala naturellement sans s’en rendre compte. Kôta se redressa et se leva, s’avançant de quelques pas vers sa cible. « Hé toi, recommence à menacer une seule personne ici présente et tu auras affaire à moi. » Totalement saoul, l’autre homme se retourna difficilement vers Kôta, le jaugeant de bas en haut avec un rire dédaigneux, puis il le pointa du bout de son index avant de redresser sa main pour claquer des doigts.

Mais à la place de faire venir une flamme, ce fut un vomi dégueulasse qu’il envoya face à lui, glissant sur le sol, prit d’une insurmontable nausée qui le rendit inconscient sur le coup. Kôta adressa un signe de tête à Anderson pour lui indiquer qu’il n’y avait plus rien à craindre désormais, et il alla chercher une serpillière pour nettoyer tout ce qu’avait recraché son adversaire du moment. Agenouillé à nettoyer le sol, Kôta reprit la parole envers sa compère : « C’est une de mes facultés, je peux empoisonner l’Ethernano autour de moi et quiconque utilisera sa magie en ayant absorbé ces particules douteuses sera bloqué par une violente nausée. Je l’avais prévenu, après tout, qu’il n’avait pas intérêt à recommencer à nous menacer. Au moins ça l’a sonné et on est tranquille, même s’il a tout vomi on aura empêché un trop plein de violence. » Les quelques personnes encore présentes dans le bar et ayant assisté à l’intervention de Kôta lui envoyèrent quelques applaudissements, ce qui fit rougir considérablement le jeune garçon. « Merci mais ce n’est pas la peine de faire tout ça, je l’ai quand même fait dégobiller, ce n’est pas très joli à voir comme spectacle… » Il se massa la nuque, réellement gêné, et attendit que les personnes se détournent de lui. Il fut en quelque sorte sauvé par Anderson, qui sonna la cloche pour indiquer qu’il fermait.

Sybilia et Kôta se retrouvèrent ainsi dehors, transis par le vent mordant de la nuit, grelottant presque sous le croissant lunaire et la voute céleste dégagée de tout nuage. La nuit allait être tranquille et Kôta aurait ainsi un doux sommeil pour récupérer de tous les évènements de cette étrange journée. Il avait posé le pied, ce matin, dans une guilde. Il allait se coucher, ce soir, aux côtés de son acte d’engagement dans le Conseil Magique de Fiore. Il pivota vers Sybilia, silencieux, et guetta alors pour la première fois son expression. Il l’interrogea du regard, pour savoir si elle désirait continuer leur traversée dans la nuit, mais aussi pour lui signaler qu’elle pouvait enfin aller retrouver son lit si elle souhaitait, chose qui lui ferait le plus grand bien. Dans ce cas, il irait loger dans une petite auberge encore ouverte, non-loin.

Les deux mages marchaient dans les rues de la ville, se laissant imposer le silence nocturne et continuant leur chemin sans un mot. Sybilia montrait de nouveaux signes de fatigue, et Kôta espérait que son logement n’était plus très loin, soucieux du sommeil de son amie. La légère brise de la nuit les gardait éveillés par sa fraicheur qui épousait leurs visages endormis. Quand la femme laissa échapper un long bâillement, Kôta ne put que réprimer difficilement le sien, tentant de le cacher derrière sa main. Ils continuèrent ainsi sur quelques mètres jusqu’à ce qu’elle s’arrête, interdite, pour désigner une étrange scène au loin. Dans la prochaine ruelle face à eux un homme se faisait passer à tabac par un homme du Conseil magique. Déjà révolté, Kôta se pressait à intervenir mais Sybilia lui demanda de faire le tour du bâtiment pour prendre l’homme par derrière et qu’il soit ainsi bloqué entre les deux mages. Il se hâta ainsi à contourner la ruelle, espérant pouvoir maitriser l’agresseur, et remarquant qu’il suffisait de veiller tard pour rencontrer un tas d’atrocités dans les heures les plus noires de la vie.

Il arriva dans l’autre bout de la ruelle, respirant bruyamment à cause de l’excitation et de sa petite course, et vit Sybilia déjà en train de s’adresser à leur homme. Ils semblaient se connaître, et la femme n’excusait pas le comportement de l’autre. Prêt à frapper à nouveau, le violent personnage fut pris de cours par la victime qui hurla, ayant réussi à se libérer d’un énorme bâillon, et l’exécutante du Conseil en profita pour faire apparaître un nuage de papillons qui volèrent à toute vitesse en direction de l’agresseur. Kôta, à l’écart, observa ainsi la magie de son alliée à l’œuvre et fut surpris par l’énorme explosion qui fut provoquée par les jolis papillons au simple contact avec l’homme. L’apparente douceur de l’attaque contrastait avec sa violence finale, et Kôta se concentra presque effaré sur le nuage de fumée soulevé par l’évènement, pour constater avec une sorte de soulagement que l’homme n’avait rien. Ils avaient apparemment face à eux un mage de renforcement physique, s’il n’était aucunement perturbé par une explosion, ça n’allait pas être Kôta et sa carence de muscles qui allaient changer la donne.

Fort heureusement pour eux, lui aussi était mage et disposait d’utiles facultés.

« Arborer le manteau du Conseil, s’imposer comme le juge des mages et les punir en les frappant sans ménagement dans une ruelle miteuse à l’abri de tous les regards, c’est vraiment ça que tu représentes ? » La victime était réellement en piteux état, l’autre s’était acharné dessus plus qu’il ne fallait – Kôta avait un seuil de tolérance à la violence, quand il savait qu’elle était un ultime recours, mais il n’utilisait qu’une violence utile, quelque chose capable de déstabiliser l’autre pour qu’il puisse le maitriser. Là, l’homme qu’il avait face à lui n’avait pas réfléchi en frappant de ses poings d’acier le pauvre qui avait croisé son chemin. « A quelles foutues règles crois-tu obéir ? Celle de la loi du plus fort et du règne de la violence ? Quelle connerie, je n’arrive pas à y croire là. Sérieusement comment t’as réussi à entrer dans le Conseil avec tes valeurs à deux balles comme ça ? Tabasse-le à mort on te dira rien, c’est sûr qu’il finira par te respecter au final quand tu l’auras défiguré, hein ? » Le jeune homme serrait tellement fort ses poings, ravagé par la colère, que ses propres os craquaient d’eux même sous la pression. « Bah alors gamin tu te prends pour un justicier, tu crois me faire peur ? Rentre chez papa maman et va au dodo, t’occupes pas de mes affaires. » Et il se détourna de Kôta, ce qui eut pour effet de rendre le jeune garçon encore plus rouge de colère. « Attend t’as dix ans de plus que moi et tu me méprises à cause de ça ? Je te parle d’égal à égal là, et je te demande d’arrêter de le frapper. » L’autre pivota vers Kôta, le sourire aux lèvres devant le petit énergumène. « Sinon quoi ? » Kôta n’allait-il avoir que la violence comme solution face au refus de l’homme de coopérer ? Désolé par la tournure des évènements, il fit quelques pas en direction de son adversaire pour le défier. Celui-ci, énervé par le jeune homme, s’approcha alors de lui et leva son poing pour le frapper en plein visage.

Kôta utilisa Flow.

Sa tête fut projetée en arrière sous le choc de l’impact. Mais il ne ressentit aucune douleur et n’eut aucun mal. Grâce à sa capacité, il avait formé une barrière magique suffisamment puissante pour que son corps à lui aussi soit renforcé. « Tu vois, on est égaux. Maintenant, à toi d’aller te coucher ! » Il leva les deux bras en direction de l’homme puis utilisa Modulation pour supprimer toutes les particules d’Ethernano autour de lui. Il n’aurait plus de quoi utiliser comme énergie magique pour utiliser ses capacités défensives. « Sybilia maintenant ! » Kôta espérait ainsi que Sybilia l’attaquerait et le mettrait au tapis maintenant qu’il était privé de sa défense réputée imparable.