La jeunesse d'Adamof

Avant 756 : ses parents et son héritage

Son père se nommait Lanfeust. Il était à l'origine un enfant des Fils-des-Brumes, une secte. Il fut l'un des derniers à avoir reçu les savoirs de celle-ci. Cette organisation s'appuyait sur un système de caste pour maintenir sans pouvoir. Les privilégiés étaient nommés les « Lordless » et les autres les skaa, d'un côté des nobles et de l'autre des esclaves. Tout rapprochement entre les deux était interdit, condamnable à mort. Les nantis pratiquaient la magie des arts métalliques, les autres, non. Pourquoi les arts métalliques ? Cette secte vénérait une divinité dont le nom serait Vulcain. Le père de Marcus avait eu la chance d'appartenir à l'une des familles les mieux considérées. Il grandit tranquillement à Glinin, un village perdu dans une région peuplée de Fiore. Il travaillait comme un simple apprenti forgeron. Pas si simple, faire fondre le métal était aussi naturel que respirer pour lui. Sa famille avait décidé d'une autre vie pour lui. Cette confrontation s'est terminée par une fuite de Lanfeust. Afin d'échapper à une mort garantie, il a parcouru des centaines de kilomètres pour atterrir par hasard sur un île aux forts accents féminins. C'était sur cette dernière que notre fuyard rencontra sa future femme, Cixi. Ce fut le coup de foudre. Cependant, cette île avait une règle absolue : un homme n'avait pas le droit d'y rester plus d'un an. Dans ce laps de temps, le genre masculin devait s'accoupler pour donner naissance à de filles. Les jeunes tourtereaux en avaient décidé autrement et avait fugué. Pourquoi, les hommes étaient juste des outils de production pour les insulaires ? Tout simplement parce que celles-ci avaient certaines croyances. Elles s'étaient nommées, elles-mêmes, les Dames du Lac. Elles vénéraient une divinité nommée Avalon. Selon les paroles de cette déesse, l'île ne devait pas être souillée par les hommes comme la magie de l'eau. Pendant des siècles, elles ont pratiqué en autarcie l'aquamancie et ont développé certaines aptitudes. Par exemple, Cixi avait cette capacité naturelle à changer l'état de l'eau (solide, liquide ou gazeux) en modifiant sa température. Dans leur fuite, le couple avait fait plusieurs fois usage de la magie et s'était arrangé pour faire disparaître le corps de leurs victimes. Ils ne faisaient pas que tuer leurs poursuivants, ils leur extorquaient des informations. C'est ainsi qu'après s'être installés à Shirotsume, ils ont appris qu'une malédiction avait été jetée sur eux, enfin, sur leur descendance. Ils ont donné naissance à un enfant unique au corps plus ou moins défaillant : Marcus.

La fin de l'année 756 : sa naissance et le début de son combat

Marcus est né le 24 décembre 756 à Shirotsume dans la forge familiale. Des immigrés n'étant pas forcément bien vus, ils étaient ces gens qui venaient voler les terres, l'argent aux natifs... Au dessus des ces bassesses humaines, le couple a su s'imposer par ses qualités humaines, ses aptitudes particulières, la forge Adamof était devenue très réputée en peu de temps. Cixi était restée assez naturelle dans sa manière d'être, c'est pourquoi elle avait choisi de gérer sa grossesse toute seule : une nourriture saine, un corps sain et un esprit sain. C'est plutôt qu'elle n'avait pas le choix, si elle souhaitait que son enfant puisse survivre à sa naissance. La malédiction des Dames du Lac, suite aux actes meurtriers de Cixi, demandait une vie pour rétablir la balance cosmique. Sauf que le couple n'en avait strictement rien à faire, ne pas croire en quelque chose a toujours réduis l'efficacité de cette dernière. Le travail de la mère avait duré des heures, le père l'assistait comme il le pouvait. Pour des questions de confort et de température, les parents s'étaient installés à côté de la cheminée. Les yeux et les oreilles indiscrètes pouvaient voir et entendre quelques animaux fermiers et domestiques frémir d'impatience à cette venue. Tout aurait pu bien se passer si Marcus n'avait pas manqué d'oxygène vers la fin. À peine, le cordon était coupé qu'il ne respirait plus, sans paniquer, Lanfeust le réanima. Les jours qui ont suivi avaient été particulièrement éprouvants pour cette famille. Le nourrisson cessa de respirer plus d'une fois, l'étouffement l'embrassait avec plaisir. Plus d'une fois, il a manqué d'oxygène et manqué de mourir. La malédiction se faisait de plus en plus oppressante en refermant ses griffes sur cet innocent. La maisonnée s'est battue comme une fière amazone et a vaincu. Marcus n'a pas lâché un seul centimètre carré de sa vie naissante. Au septième jour, le nourrisson créa son propre miracle. Son corps donna naissance à une sorte de brume. Il semblait respirer normalement dans ce manteau brumeux.

De 757 à 768 : son enfance et sa confirmation

Toute son enfance a été rythmée par de violentes crises d'asthme. Il a affronté cette maladie avec une volonté de fer et une chance insolente. À chaque crise, son manteau faisait son apparition, comme s'il était plus facile pour lui de respirer dedans. Pragmatique et efficace, il a réussi à le faire apparaître quand il le souhaitait. Entre ce doux et délicat nuage qui dérangeait ses camarades, ses professeurs et cette arrogance qu'il avait développé face à son environnement, il s'est isolé très tôt de ses pairs. Cette situation aurait pu s'arranger s'il avait été élevé par ses parents. Vers ses trois ans, sa famille a subi une succession d'attaques des Fils-Des-Brumes et des Dames du Lac. La situation semblait désespérée quand des voisins proposèrent leur aide. En contre-partie de Marcus, ces derniers s'engageaient à éliminer les deux sectes, le choix était fait. La famille d'adoption de Marco était des artistes martiaux qui pratiquaient Satsujinken. Ils étaient les héritiers des Neuf Poings de l'Ombre. Une organisation qui revendiquait de réunir en son sein les combattants les plus puissants du monde. Intelligents, ils ne reculaient devant rien pour atteindre leur objectif : développer la quintessence des arts martiaux dans le but de tuer et détruire complètement leurs adversaires. Ils n'étaient intéressés ni par l'argent ni par la gloire, les rendant par conséquent encore plus dangereux. Ils manipulaient les politiciens, la mafia et les économistes. Inutile de vous dire que les insulaires ou les brumeux ont été décimés en quelques mois. De plus en plus connus, ils s'étaient fait remarquer par le Conseil Magique. Ce dernier réalisa une descente, c'était cette dernière qui lui ouvrit les portes de l'armée. Il devait être âgé de onze ou douze ans quand les Neufs Poings sont tombés. Sa chance insolente, ses parents qui étaient restés à ses côtés comme servants, sa formation aux combats, sa brume ont été autant d'éléments qui ont piqué l'intérêt de l'escouade punitive. Après une évaluation du potentiel de notre ami, le récit de ses parents, des instructeurs se sont déplacés pour proposer à Marcus d'intégrer une des écoles militaires du royaume, Jormungand. Pour devenir un étudiant de celle-ci, il devait réussir le concours d'entrée et avoir l'accord de ses parents. Ses derniers avaient décidé de donner leur autorisation seulement si Marcus arrivait premier à l'examen d'entrée. Ce fut le cas. Ses résultats lui donnèrent accès à une bourse d'études. Un coup du destin ?


De 768 à 774, sa formation de militaire

Jormungand, un collège d'élite

Cette école formait les futurs miliaires de douze à dix-huit ans. Réussir les tests d'admission était une chose, survivre à la première journée était tout autre. Les nouveaux étudiants s'attendaient à une journée classique et pompeuse de parlote où le corps enseignant et les représentants des élèves gavaient les bleus de mots jusqu'à overdose. Sauf que cette première journée n'était pas que ça. L'objectif caché derrière était de réduire de cinquante pour-cent la nouvelle vague et de n'en garder que les meilleurs. Les recalés intégraient une école beaucoup moins prestigieuse. Comment diminuer drastiquement le nombre d'élèves sans crier au loup et recevoir les foudres de quelques parents mécontents et bien placés ? Il suffisait de demander à chaque étudiant de former une paire avec celui de gauche. Une fois les binômes formés, le corps professoral expliqua que chaque duo était une combinaison d'adversaires et non de partenaires. Celui des deux qui restait débout à la fin de la journée pouvait rester à l'école. Marcus s'était amusé comme un fou durant cette journée. Son adversaire était plutôt bon, il était d'une école de combat opposée à la sienne : Katsujinken. La différence entre eux se situait au niveau moral. Marcus était sans pitié, mais respectueux. Kenshi, son homologue était compatissant et respectueux. Notre futur président venait de jouer son premier combat politique en écrasant l'autre par son charisme, sa détermination et sa volonté inégalable. Si le premier jour était original, le programme et la pédagogie l'étaient aussi. Durant six années, les jeunes gens (femmes ou hommes) étaient formés aux arts du combat, à la magie, aux arts militaires en plus du programme classique. La scolarité se découpait en un cycle inférieur, le collège et un cycle supérieur, le lycée. À la fin du collège, ils passaient une série d'examens dont le fameux God Of High School. Cette partie pouvait paraître difficile et barbare dans la mesure où des camarades devaient se batte l'un contre l'autre pour passer au lycée. Rude, si l'armée n'avait pas créé des enfants-soldats pendant trois ans.

The God Of High School, un examen savoureux

Il s'agissait de l'épreuve finale. Elle se déroulait un mois après les écrits et oraux. Pour prétendre participer à ces épreuves, il fallait avoir au-dessus de la moyenne à chacune des matières. Cette évaluation était découpée en deux étapes. La première était de ce qu'on pouvait appeler une Battle Royale. Une course d'endurance durant laquelle chaque élève devait faire face à ses amis, ses ennemis, et accepter sa nature profonde. Les recrues étaient transportées sur une île isolée du monde. Une fois largués sur place, ils devaient survivre sept jours. Pour survivre, les recrues devaient s'approprier les ressources des autres tout en restant opérationnel. Tout étudiant qui suite à un combat ou un accident était rendu inapte, se voyait transporté en dehors de la zone de combat. Là-bas, il était soigné avant d'être renvoyé vers une école moins exigeante. Durant cette première phase, les élèves étaient évalués sur leurs techniques de combat et les stratégies mises en œuvre. Avoir terminé premier précédemment avait suscité autant de jalousie que d'admiration. Pour certains Marcus était l'ennemi public numéro un à abattre, pour d'autre, il était un modèle à suivre. Au final, le nombre de soldat-enfant a été réduit de moitié, il allait sans dire que les survivants étaient les pro-Adamof. La seconde épreuve était une série de combats dont l'objectif était d'attribuer un niveau à chaque élève. Il s'agissait d'un combat d'art martial pur et dur. La magie était interdite, son utilisation provoquait l'exclusion immédiate de l'école. Les combats suivaient des règles strictes. Il y avait un match d'assaut et un de combat. Lors des assauts, les coups n'étaient pas portés, mais touchés. L'assaillant était jugé sur ses qualités technico-tactiques. La durée de la confrontation était de quatre fois deux minutes. Le style était jugé, la puissance sanctionnée. Trois avertissements équivalaient à une disqualification. Le challenger ayant « marqué » le plus de points remportait l'assaut. Lors des combats, l'évaluation portait sur la puissance uniquement. Les matchs se déroulaient en cinq reprises de deux minutes. Pour en remporter un, il fallait mettre son adversaire KO avant la fin. Tout le monde s'attendait à ce que Marcus soit vainqueur et devienne l'élite. Sauf qu'au premier combat d'assaut, il a eu une crise d'asthme. N'ayant pas le droit d'utiliser la magie, il a été vaincu en une fraction de seconde. Il était dernier au classement.

Baka to test to shoukanjuu, de F à A

Le dernier cycle de cette école militaire avait une ou deux spécificités. Les élèves étaient répartis en six classes différentes d'après le classement obtenu lors de la dernière phase de la dernière épreuve de l'examen passé au collège. La Classe A réunissait les meilleurs élèves, leurs équipements étaient dignes des plus grandes écoles supérieures. Ils avaient des salles d'études luxueuses et des équipements derniers cris. À l'inverse, la classe F rassemblait les cas sociaux désespérés. Les cancres avaient une salle de classe délabrée, où les vitres étaient cassées, où les chaises avaient de vieux coussins sans rembourrage... L'autre particularité de ce système était la possibilité pour les élèves de se battre par l'intermédiaire de créatures apprivoisées dont la force dépendait des résultats scolaires de l'élève. Ainsi avait lieu de véritables guerres entre les classes. Si une classe de rang inférieur gagnait face à une classe de rang supérieur, la classe inférieure pouvait récupérer le matériel de la classe supérieur vaincue. Ses années lycée ont été un défi de plus. En effet, dans cette école, la magie, les aptitudes au combat, le savoir étaient le Saint Graal. L'élite de Jormungand dénigrait la base de l'échelle, la rabaissait autant que possible. Loin de se morfondre, Marcus a renversé la donne. Lui et sa classe ont été appelés la génération miracle. Bien qu'il fût en bas de l'échelle, ils ont su s'approprier les biens des autres classes. En trois années, ils sont passés du statut de moins que rien à celui d'idoles. La fin du cycle arriva très vite, les examens finaux aussi. Comme précédemment, une partie était théorique, l'autre pratique. Le meilleur d'entre eux se voyait la possibilité d'intégrer la prestigieuse académie Rosenstolz. Cette dernière formait les dirigeants et les hauts militaires du royaume. Marcus termina premier en théorie et en pratique. L'épreuve pratique s'était déroulée dans les souterrains secrets de Crocus, sous l'autorité d'une section d'élite : les Exécuteurs du Royaume. Pour réussir cette partie, c'était simple. Il fallait sortir avant un mois de ce labyrinthe et de ses pièges. Notre futur président a mis vingt-neuf jours.

Du militariat au consulat

De 774 à 779, Rosenstolz et ses premières armes

Cette académie n'était pas que réservée aux étudiants ayant suivi un cursus militaire. Elle était l'une des écoles supérieures considérée comme le summum et la clé pour le monde politique. C'est pourquoi seules les élites pouvaient y entrer, paradoxal par rapport à son nom. Cette prestigieuse école tient son nom d'un groupe de musique mélangeant pop et rock aux textes pouvant être mélancoliques, mais aussi assez crus, voire érotiques. Ce groupe s'était formé dans un pays alors coupé en deux suite à une guerre. Ouvertement engagés, ces musiciens ont sillonné notre monde. Pour lui rendre hommage et parce qu'il était fan, l'un des rois de Fiore a construit cet institut. L'année où Marcus a intégré cette école, les idéaux d'époques n'étaient plus. Les seules traces de leur existence étaient le nom et une section dédiée à la formation des idoles. Cette institution était un nid de crabes qui formait des démons au visage d'ange. Pour comprendre la teneur et la qualité de sa formation, il ne fallait pas s'arrêter aux cours et aux stages. Ces derniers n'étaient que des supports pour développer l'illusionnisme social. Cet art de la parole qui faisait vendre père et mère pour un brun de pouvoir éphémère dans le meilleur des cas, du vent dans la majorité. Comme tout étudiant qui voulait réussir, Marcus s'est équipé de cette arme aussi noble que vulgaire : la politique. Elle était aussi bien la noblesse d'âme d'une nation que sa corruption. Tous les coups bas étaient permis pour intégrer la classe spéciale, le Strahl. Notre futur président n'étant pas noble, ses chances étaient réduites. Cependant, le directeur était progressiste et avait enlevé le critère de noblesse comme condition d'admission dans cette classe. Marco intégra cette section en seconde année. Tout aurait pu bien se passer, si à la rentrée de sa dernière année une mauvaise surprise ne l'avait pas attendu. Un nouveau directeur démophobe avait été nommé suite à la mystérieuse disparition de l'ancien. Très vite tous ceux qui n'étaient pas bien nés, s'étaient vus relégués au rang de moins que rien... C'était sans compter la force de caractère et d'esprit de Marcus. En même temps qu'il faisait face à cette haine, il s'attirait la sympathie de tous et menait l'enquête sur la disparition de l'ancien directeur. Ce choix lui déroula le tapis rouge comme il aurait pu le briser. Juste avant la remise des diplômes, il résolvait l'affaire. L'ancien directeur n'était pas un noble. Il vivait une belle histoire d'amour avec une comtesse au patrimoine vertigineux. Un ministre de l'époque qui s'était fait refouler maintes et maintes fois par celle-ci avait décidé de se venger. Il avait fait supprimer l'amant et attendait que la Dame se suicide. Il avait placé un de ses pions à la tête de l'école pour éviter que quelqu'un du peuple puisse accéder à un haut rang. La résolution efficace et discrète de Marcus lui valut le titre de Premier Strahl. Ce morceau de papier lui a permis de choisir le ministère auprès duquel il allait officier : la défense.

De 779 à 786, le général aux cent hommes

Marcus réussit sa première opération militaire, dans un pays étranger, Enca. Lui et l'unité qu'il dirigeait ont été envoyés en renfort suite à une demande d'aide du gouvernement en place. Ses pieds ont foulé en premier la ville de Skandia. C'est le principal port du royaume, son activité a toujours été une référence, quiconque qui le souhaitait pouvait s'installer sur place une journée, mais les apparences ont toujours été trompeuses. À cette époque, des changements silencieux et insidieux s'opéraient, les nantis locaux voulaient faire tomber leurs dirigeants. À peine avait-il posé pied et bu un café que lui et sa cargaison devaient prendre la route pour la capitale, Navea. Elle est le bastion de la culture et du commerce. Cette ville sacrée réunit en son sein des citoyens de tous horizons. Elle concentre le pouvoir exécutif et législatif. Elle symbolise l'espoir. En chemin, les troupes fioriennes avaient fait un détour par Lunarton, le centre religieux, spirituel et magique de Terra. Arrivé à capitale, le détachement n'a même pas eu le temps de se reposer qu'il devait intégrer la coalition militaire. La situation était critique. Des pirates avaient pris le contrôle d'Hélonia, le second port du pays. Ils s'étaient alliés avec les mages et les créatures obscures des marais du Lumiphore et de la Forêt Sans-souci. Une armée de 100 000 hommes s'apprêtait à envahir Navea. Pour réunir un nombre équivalent d'homme, le gouvernement d'Enca avait demandé de l'aide aux autres pays. Fiore n'avait pu dépêcher que 101 hommes. L'unité fiorienne était sous la responsabilité de Wang Ki, le plus fort de six généraux. Ce fut une guerre de stratégie et d'usure d'un an. L'objectif de chaque camp était de faire tomber les dirigeants miliaires de l'autre. Avec le recul, il s'agissait d'une partie de go avec des pions vivants. En 780, Marcus gagna le titre de Général aux Cent Hommes après un assaut décisif des fioriens qui avaient fait tomber le stratège. Ce général ennemi dirigeait ses troupes avec une précision millimétrée, chaque pas, chaque coup d'épée était pensé par lui. Se réfugiant derrière sa logique mathématique et sa supériorité numérique, il n'avait pas vu Wang Ki tirer sa flèche, une centaine d'hommes dirigés par un professionnel des guérillas. Le conflit s'enlisait, Fiore décida de retirer son soutien. Suite à cette opération et d'autres Marcus gravit les échelons rapidement. En 786, âge de trente ans, il devient officiellement général, le plus jeune de l'histoire. Il aurait pu continuer ainsi, si son destin n'en avait pas décidé autrement.

De 786 à nos jours, l'évidence de la présidence

Un incident au centre militaire d'Edge EA a poussé Marcus à rejoindre le Conseil Magique. Il s'était rendu dans cette institution pour une intervention auprès des étudiants. Tout aurait pu bien se passer si un élève n'avait pas tenté de le tuer. S'il n'était pas aussi bon stratège que fantassin, il serait certainement mort aujourd'hui. Cet attentat avait fait pas mal de victime parmi les élèves. Une colère et un injustice avaient parcouru chaque cellule du corps de Marcus. Il avait cette furieuse envie de condamner et de mettre en pièces les commanditaires de cette attaque. Il était conscient dès le départ que ce jeune homme ne pouvait être qu'une marionnette. Le combat acharné entre le militaire expérimenté et Agate a été stoppé par la mort prématurée de l'adolescent. Ce dernier possédait d'étranges pouvoirs qui semblaient sans limite alors qu'Adamof atteignait ses limites. En plein milieu du combat, Agate s'est mis à déglutir du sang, puis ses viscères. Son corps commençait à se disloquer, mais grâce à sort de congélation, sa dégradation a été stoppée. Une enquête minutieuse et l'autopsie réalisée sur les restes d'Agate ont permis de découvrir un complot des plus sombres. Une poignée d'homme avaient inventé des armes humanoïdes pour combattre à leur place : des soldats artificiels, des humains génétiquement modifiés, ne connaissant ni la peur ni la pitié et prêts à obéir à n'importe quel ordre de leur maitre. Après deux ou trois mois d'enquête, le coupable a été démasqué par Marcus. Il s'agissait de l'un des mages du Conseil Magique. Il avait profité que les membres les plus éminents aient disparu un peu près en même temps que les guildes de Blue Pegasus et de Fairy Tail avaient sombré dans le sommeil. Telle une veuve noire, il avait tissé sa toile un peu partout et était prêt à tout dévorer avec son armée de pantins. Suite à un très long tête-à-tête, Marcus obtenu toutes les informations pour mettre fin à cette sordide histoire. Cet interrogatoire a été l'un des plus difficile de sa carrière, Hannibal était le vice incarné. La résolution de cette affaire lui permit d'intégrer le Conseil. En quatre ans et demi, il gravit les échelons. Adulé et reconnus pour son travail, il était l'un des mages les plus puissants. Ses qualités humaines, ses soutiens l'ont transformé peu à peu comme candidat à la présidence. Le conseil n'était pas encore remis de l'incident, il tenait grâce à ses employés indéfectibles et son image. Cependant, les apparences allaient tomber peu à peu et provoquer l'effondrement d'un système. En parallèle des échos lointains murmuraient que l'incident d'il y a six ans était un prélude au chaos avenir. Conscient des enjeux, Marcus est devenu le Président du Conseil Magique.

Si je vous demande qui de l'œuf ou de la poule est venu en premier. Si je vous réponds, « c'est l'œuf », vous me demanderiez « mais qui a pondu cet œuf ? ». Si je vous réponds, « c'est la poule », vous me demanderiez « mais cette poule sort bien d'un œuf, non ? ». Le paradoxe vient du fait qu'aucune réponse ne paraît satisfaisante. Si je prends la définition suivante de la magie de Kiri, une magie assez étrange, à mon image. Elle allie la brume et la maîtrise des lames. Kiri est l'art de contrôler la brume à travers toute lame blanche en ma possession, me permettant de changer ses caractéristiques et de donner naissance à des techniques redoutables capables d'influencer leur environnement. N'éprouvez-vous pas cette même frustration que le paradoxe de l'œuf et de la poule ? Cette magie est un don offert par mes parents à ma naissance, elle est la première arme que j'ai employée pour vivre. C'est pourquoi je ne peux pas me satisfaire de cette médiocre approche. Il en va de même pour vous, mais pour d'autres raisons. Si le savoir est le pouvoir, si la connaissance de soi emmène au savoir. Alors, mettre des mots sur cette magie revient à améliorer sa connaissance et sa maîtrise. Je vous propose un voyage au cœur de cette magie, de ses origines pour mieux en apprécier son potentiel et ses limites.

Si je suis le fils de mes parents, Kiri est leur fille inattendue. Mon père descend des Fils-des-Brumes, une ancienne communauté de mages. Elle est aujourd'hui éteinte. Cette dernière avait développé un art magique particulier. Celui-ci s'appuyait sur les trois arts métalliques. L'allomancie autorisait son utilisateur de puiser son pouvoir dans une source externe et le stockait dans son corps. La ferrochimie permettait de stocker son pouvoir non pas dans son corps, mais dans du métal pour les employer plus tard. L'hémalurgie consistait à voler une caractéristique à quelqu'un en le tuant pour la stocker dans une tige de métal et l'implémenter ultérieurement. Elle a été développée dans le but de s'approprier les pouvoirs allomantiques de certains mages et de les transférer à une autre personne, se créer une armée personnelle. Les écrits sur eux étant rares de nos jours, il n'est pas possible développer plus ces aspects. Ses adorateurs du dieu des forgerons avaient un fonctionnement eugénique. C'est la cause probable de leur disparation aussi bien identitaire, que culturelle, que biologique. Les rares récits sur eux nous expliquent que cette communauté s'appuyait sur un système des castes. Les Lordless réunissaient les familles dirigeantes qui exploitaient les skaa, leurs employés, le mot esclave étant plus adapté. Cette hiérarchie s'appuyait autant sur la richesse que sur la pratique de la magie, art réservé aux lords. En référence à un certain dieu du feu et de la forge, la magie développée et pratiquée était liée uniquement au métal. Celle-ci n'était pas transmise naturellement par le sang. Pour devenir mage, il fallait basculer. Tout homme pouvait le devenir, ce n'était pas réservé à la noblesse. Là où ces derniers étaient intelligents, c'était qu'il gardait le processus de transformation secret. Le basculement était le résultat d'un traumatisme violent lié à l'enfance et faisant surface à l'adolescence ou plus tard. Voir la mort de près était idéal. Ce fait était inconnu des skaa qui le devenait par accident, mais il était exploité par les sphères aisées et dirigeantes. Au sein de ces familles, il était coutume de battre les enfants jusqu'à la mort si nécessaire pour forcer le déclenchement des capacités magiques. Cette évolution était appelée l'investiture. Mon père n'a gardé d'eux que la capacité magique à faire fondre le métal. De lui et d'eux, j'ai hérité d'une affinité particulière avec le métal. Il me permet d'exprimer ma magie.

Des profondeurs de la terre et de ses mines, je vous tire pour vous emmenez en voyage dans ces îles perdues dans les mers, sur l'une d'elles en particulier, celle qui accueille les adoratrices d'Avalon. Cette île se veut encore plus inaccessible que les autres, protégée par une magie antique et oubliée. Pour vous apporter un éclairage sur cette île au doux nom de Camelotte, je ne peux que vous rapporter les paroles de ma mère et des quelques ouvrages qu'elle a ramenés avec elle. Dans l'ouvrage nommé Chorographie, elle est une île sainte Fiorienne dont les premières habitantes étaient des prêtresses, vouées à la virginité perpétuelle, au nombre de neuf. Elles étaient appelées Gallicènes. Elles avaient le pouvoir singulier de déchaîner les vents et de soulever les mers, de se métamorphoser, de guérir des maux dits incurables, de connaître et de prédire l'avenir, faveurs qu'elles n'accordaient néanmoins qu'à ceux qui venaient les aider à peupler leurs terres avec des femmes. Dans la Vita Merlini, l'auteur nous décrit les habitantes originelles de Camelotte comme : « Neuf sœurs y soumettant à la loi du plaisir ceux qui vont de nos parages dans leur demeure ; la première excelle dans l'art de guérir et surpasse les autres en beauté ; Morgen, comme on l'appelle, enseigne ce que chaque plante a de vertus pour la guérison des maladies ; elle sait aussi changer de forme et, comme un nouveau Dédale, fendre l'air avec ses ailes et se transporter à Etriiss, à Crocus, à Shirotsume, ou bien redescendre sur nos côtes. Ce que j'ai pu retenir, c'est que cette île est celle des femmes, qu'elle est plus grande à l'intérieur qu'à l'extérieur et protégée par l'ordre des Dames du Lac. Ces femmes qui ont poussé l'aquamancie à son paroxysme via leurs recherches. Ces fiers Amazones ne semblent plus êtres aujourd'hui. De son héritage génétique ma mère garde la capacité de modifier la température de l'eau. De ces guerrières, je garde une affinité particulière avec l'élément liquide, plus exactement son état gazeux. La brume que je crée me ressource, me détend. En regardant de près les interactions entre le métal et l'eau, notamment dans nos forges, l'union de mes parents était inévitable.

Ce n'était pas suffisant pour donner naissance à Kiri et moi. Il fallait un coup de pouce du destin. La nuit de ma conception, mes parents étaient en voyage dans une zone désertique. Alors qu'ils se réchauffaient à leur manière, leur campement a été frappé par une pluie de météorites. Ils ont miraculeusement survécu. De cet incident, mon art et moi sommes nés. De cette nuit épique et romantique est aussi né mon arsenal de guerre et ma symbiose naturelle avec l'électromagnétisme. Il est fait maison. Mon père a travaillé et retravaillé ces pierres venues de l'espace pour donner naissance à un métal. C'est vers mes dix ans qu'il lui a donné le nom d'adamantium. Il ne l'a pas nommé ainsi de suite, il l'appelait au départ le métal étoile. C'est au regard des spécificités de ce métal et de mon caractère qu'il lui a donné ce nom. Adamant, est un mot employé dans le dialecte de ma mère pour définir une personne inflexible, un peu comme moi selon elle. Dans les histoires que le père de mon père racontait à celui-ci, l'adamant était une substance extrêmement dure, comparable au diamant. Une fois forgé, ce métal se veut incassable. Mon père m'a créé sept type d'armes. Ma préférée est Kubikiribôchô. Ce nom des plus mélodiques et gracieux signifie trancheuse de têtes. Elle ressemble à un couteau de boucher géant. Elle est percée à l'extrémité et présente un arc de cercle proche du pommeau, servant généralement à la décapitation. Le manche est détachable, ce qui la rend moins encombrante pour le transport. En revanche, la porter sans entraînement reste difficile vu son poids. Durant cette pluie céleste, mes parents ont été exposés aux rayonnements émis par l'adamantium brut. Par chance pour eux, ils n'ont subi aucun effet nocif. Par chance, pour moi, je suis né avec la capacité de manipuler l'électromagnétisme. Je ne peux pas le faire sans une arme faite en métal étoile.

L'électromagnétisme est l'ensemble des interactions entre des particules chargées, qu'elles soient au repos ou en mouvement, et les effets de l'électricité. Historiquement, on séparait la force électrique et la force magnétique, comme si l'une et l'autre étaient deux étrangères. Les premiers écrits qui décrivent ces phénomènes sont des exemples évidents de cette dissociation. Les premiers savants avaient remarqué que des morceaux d'ambre frottés pouvait attirer des corps légers, tels des copeaux ou de la poussière. C'est ce qu'ils ont appelé la force électrique. Ces mêmes hommes ont découvert un minéral capable d'attirer le fer et d'autres métaux ferreux, la magnétite. C'est ce qu'ils ont nommé la force magnétique. À force d'expériences et de recherches, certains ont réussi à unifier ces deux phénomènes dans un concept unique, synthétique et précis, l'électromagnétisme. Le compagnon de route de ce mot est le champ. Il s'agit de l'influence que peut exercer, à distance, un objet sur son environnement. Un champ caractérise une propriété particulière de l'objet. Réciproquement, les autres objets présents dans l'environnement ne sont sensibles au champ que s'ils présentent eux-mêmes cette propriété. Cette discipline possède un domaine d'application considérable. Outre l'électricité, les ondes électromagnétiques sont englobées dans leur totalité ( radio, lumière, micro-ondes ou gamma). Il n'est pas nécessaire d'imaginer un mage qui manipule la brume électromagnétique, joue sur les longueurs d'onde, il est juste devant vous et achève son exposé de première année.

Adamof Marcus, première année, Académie de Rosenstolz

Je pense mener ton interrogatoire classiquement, bien qu'il puisse se révéler sport vu la teneur de l'affaire. Pour éviter toute surprise et comme à mon habitude, j'ai préparé et planifié chaque minute. D'ailleurs, j'ai trouvé léger le travail de ton profiler attitré. Il t'a résumé à un mégalomane. Vu le contexte cela paraît cohérent, j'aurais aimé avoir deux ou trois détails croustillants pour te donner un peu plus d'épaisseur. Après tout, tu n'es pas le premier, ni le dernier qui veut dominer le monde. Une personnalité classique et prévisible. C'est pour cela que j'ai choisi la salle des miroirs comme lieu d'interrogatoire et la méthode Reid pour le mener. Cette dernière est silencieuse, froide et efficace. C'est un cube ou chaque arête mesure trois mètres, une entrée en matière adaptée pour les conditions à venir de son emprisonnement. Le sol, le plafond et les murs sont faits d'un verre particulier. D'une part, il annule la magie. D'autre part, il permet de voir uniquement dans le sens extérieur-intérieur. La lumière grise est émise par un néon. Le son ne peut franchir les cloisons, un micro posé au centre de la table permet de transmettre l'échange à mes subordonnés installés confortablement dans la pièce à côté. Le mobilier est conçu avec le même verre. Il se compose d'une petite table entourée de deux chaises.

Tu es assis immobile. Ta respiration calme et régulière est à peine perceptible. Je me pose face à toi. Le visage inexpressif, je plonge mon regard franc et direct dans tes yeux. C'est une technique de base pour s'imposer. Sauf que tu ne réagis pas comme je l'attends. Tes yeux se mettent à briller. Tes narines rentrent en mouvement. Elles s'ouvrent délicatement pour happer mon arôme. Tu ressembles à un œnologue, me recevant comme si tu humais un bon vin.

"Vous portez souvent l'air du temps, mais pas aujourd'hui."

Brillante entrée en matière, Hannibal ! J'ai l'impression d'être au restaurant, non comme un convive, mais comme le plat. Tu respires mon odeur. Tu imagines le goût de ma chair. Je suis certain que tu te délectes de l'éventualité de te nourrir de moi. Tu as donné la note. Si je n'étais pas sain d'esprit et fort de caractère, l'effet serait plus impressionnant. Je ressens déjà le besoin de m'embrumer... Réagir avec un froid piquant pour renverser la vapeur.

"Suis-je à votre goût, Hannibal ?"

Je guette la moindre réaction physiologique, la moindre faille pour m'engouffrer dedans, te dévorer, t'éventrer. Tes pupilles s'allument. Ta bouche m'offre un sourire carnassier. Elle s'offre un malin plaisir à me laisser découvrir ta dentition parfaitement blanche. Ton souffle a cette odeur enivrante et captivante. Celle des manipulateurs, des dirigeants, de ceux qui se délectent de leurs proies. Tes effluves ont les mêmes nuances que les miennes.

"Marcus, je peux vous appeler ainsi ? Je ne peux pas vous répondre pour le moment. Ce n'est pas l'objet de notre discussion, qu'en pensez-vous ? "

Je n'ai jamais douté du pouvoir des mots, mais dans ta bouche, ils deviennent sanguinaires. Chacun d'eux lacère mon corps, me donne l'impression d'être un morceau de viande que le boucher charcute. Si tu veux jouer avec les mots, je suis ton adversaire. Si tu es un prédateur redoutable, ne m'envisages pas comme une brebis égarée, mais plutôt comme le sommet de la chaîne. Je te réponds par ce même sourire.

"Puisque je vous appelle par le vôtre, je vous autorise à faire de même. Vous semblez être joueur, cela me convient. Pensez-vous m'amuser un peu ?"

-Avec ce genre de personne, il ne faut rien laisser au hasard. Il faut dire et ne pas dire, suggérer et observer. Les mots employés, le ton, les silences et la gestuelle sont des armes à double tranchant. Je me demande comment ton profiler a fait pour te manquer. Il faudra que je me débarrasse de cet incompétent. Tu n'es pas un client ordinaire. Tu n'es pas le sommelier d'une maison prestigieuse. Tu es le génie qui a joué avec le corps d'innocents. Celui qui a monté un réseau silencieux et malsain. Tu es un dangereux psychopathe. Non, pire encore ! Mon instinct hurle que tu es conscient de ce qui est bien ou mal. Tu es un sociopathe abouti. C'est pourquoi, il est logique de voir naître le vice dans tes yeux couleur acier. Avec eux, tu tentes de me pénétrer. Ai-je seulement été passif une seule fois ? C'est avec un ton provocateur, sadique et amusé que tu me réponds. .

"Bien que cette pièce annule la magie, la mienne comme la vôtre est dans mon sang. J'ai cette capacité à pouvoir analyser les personnes qui m'entourent seulement avec leur parfum. Elle ne se limite pas à la manipulation des autres avec des fragrances ou l'amélioration d'aptitudes quelconques. Je suis conscient que ce n'est toujours pas l'objet de notre tête-à-tête. La magie me sert d'introduction. Voulez-vous savoir pourquoi ?"

Ceci explique cela. Ma magie est sans forme comme la tienne. La différence est que la tienne s'insinue dans le corps de l'autre. Tu joues la carte de la ressemblance et de la proximité ? Non, c'est trop simple pour toi. Tu donnes à tes mots les mêmes propriétés. Tu tentes de faire comme avec les autres. Tu veux me souiller, me marquer, comme si j'étais tien. Une trace infime et indélébile de notre rencontre, c'est ce que tu veux me laisser. Le goût de ce que je ne connaîtrai jamais. Au-delà de cette vaine tentative, une question me vient à l'esprit... Comment le sais-tu ? Les dossiers me concernant ont un accès sécurisé. Tu viens d'éveiller en moi cette curiosité maladive. C'est le moyen le plus pertinent dont tu disposes à l'instant pour me tenir en haleine, continuer ton travail. Je suis impatient de voir où tu vas m'emmener. Sans empressement, sur le même rythme et avec la même précision chirurgicale, je continue.


"Je ne pensais pas avoir mérité autant d'enthousiasme. Je ne suis qu'un simple militaire. Un professionnel de la défense qui vous écoute avec objectivité. Je vais répondre à votre désir. Vous demandez pourquoi ce laïus magique est une introduction appropriée."

Formulé de la sorte, je nous remets dans le cadre d'un interrogatoire et garantis la fiabilité des questions-réponses. C'est un moyen de prendre du recul instantanément. C'est un outil pour en refroidir nos ardeurs respectives. En toute sincérité, je ne pense pas que cela fonctionne. Tu ne changes toujours pas d'expression, ni de ton. Au contraire, le parfum de ta présence prend une note de plus en plus malsaine. Un changement très subtil dont je suis sans doute le seul à le percevoir. Notre proximité en est la cause.

"Vous savez ce que cela fait d'être différent. Je suis les des hommes « les plus géniaux et les plus abominables de cette époque ». Au départ, je suis simplement un homme qui avait le génie et l'unique ambition de se borner « à un domaine qui ne laisse point de traces dans l'histoire », le « royaume évanescent des odeurs ». J'étais dépourvu des notions de bien et de mal. J'étais habité par une âme limpide, vide de toute émotion. Je vivais uniquement à travers l'odeur, les phéromones et les arômes. Depuis que je suis né, je perçois et découvre le monde avec mon nez. Il est une source de jouissance au même titre que... Je possède une excellente mémoire olfactive. Grâce à elle, je peux assembler mentalement toutes les odeurs que je connais et créer des parfums uniques."

Tu enfonces le clou. Même privé de ta magie, tu es capable de me cerner. Tu es sans doute en avance sur moi. Tu distilles peu à peu ta présence dans mon esprit. Tu sais que je ne vais pas t'interrompre. Le faire, c'est admettre que tu prends le dessus. Je peux encore maîtriser mon corps. Je peux l'empêcher de transpirer, de lâcher cette particule qui dit : « Ça y est, je t'ai ferré mon poisson ». Tu marques cette pause, tu m'imposes ce silence pour prendre les rênes...

"Je me suis aperçu que le parfum des puceaux et des pucelles au moment de perdre leur virginité était sublime. Naturellement, j'ai fait miennes toutes ces premières fois. Lors de jeux intimes, j'ai tué ma première vierge par inadvertance. Le parfum libéré au moment de leur mort était divin. J'ai recommencé, encore et encore. J'ai prélevé du matériel pour créer l'essence parfaite, celle d'un dieu."

Tu viens de me lâcher qu'en plus de vouloir être un tyran, tu es la personne que l'on recherche depuis des années pour cette série de meurtres. Ceux qui ont laissé derrière eux des corps mutilés où tantôt les cheveux étaient arrachés, tantôt les ongles, tantôt les os et laissant le reste du corps intact. Tu sais que je le sais. Habilement, tu vas pouvoir raconter ton œuvre. Tu vas la placer de sorte à ce que ces monstres que tu as créés en soient la conclusion. Tu vas violer mon esprit. Tu vas me taillader avec tes mots sachant pertinemment que je ne réagirais pas. Une seule réaction déplacée et tu te mures. Tu embrasses ce silence éternel en me laissant avec mes questions, ces images, cette horreur. Tu la vois déjà cette colère. Je ne peux pas la réprimer totalement. Tu as déjà senti son odeur émaner de mon corps. Dans ce silence glauque et pesant, je suis sûr que tu peux entendre l'accélération de mon rythme cardiaque. Tu as remarqué cette légère pigmentation envahir mon visage. Tu as noté cette respiration plus ample et plus rapide. N'étant pas totalement soumis mes mains comme mon visage restent impassibles. Rouge, c'est la seule couleur que je vois à présent. Je ne sais pas si je pourrais l'empêcher de se transformer en cette fureur incontrôlable. Ce sentiment qui pourrait me transformer en monstre comme toi... Je sens ce tsunami s'éveiller en moi. Celui qui ne demande qu'à sortir pour tout détruire sur son passage... Je cherche cet endroit où je suis calme. Celui où personne ne m'atteint. Celui où je peux retrouver ma sérénité. Tant bien que mal, au bout d'une minute éternelle, je te dis à la manière d'un pantin de bois sans âme.

"La soirée va être longue. Je vais chercher une carafe d'eau et deux verres. Il me semble que nous avons beaucoup de choses à nous dire."