Mes yeux s’ouvrent doucement, gênés, frappés. Mon bras vient se nicher au-dessus de mon nez pour me couvrir. Mes jambes semblent ensevelies, bloquées, paralysées. Le bas de mon ventre force et par la seule puissance de mon haut de corps, j’essaye tant bien que mal à me lever, au moins à m’asseoir. Plage, sable blanc, ciel noir, vision nulle ; tempête. Je suis échoué, ici, seul sur une plage inconnue. La pluie bat au point que ma vue ne perce à plus de cinq mètres environ. Le vent souffle au point que si je ne m’ensevelissais pas à chaque pas dans le sable, je m’envolerai.
Depuis quelques minutes je fais avec prudence le tour de l’île. Mes genoux frappent le sol, rouge de douleur et d’appuis forcés. Le bruit de la tempête s’annule, le vide prend possession, l’abysse noir s’installe. Lorsque je comprends ce qu’est la forme qui arrive devant mois, une branche, soufflée par le vent, s’écrasant sur mon front, je m’effondre. Ma vue ne devient pas noire petit à petit mais d’un seul coup, sans compréhension. Le sang coule de la blessure ouverte au-dessus de mon œil droit.
Noir complet.

Plus tard je me sens revenir doucement. Doucement mais pourtant violemment. Quelque chose dans ma bouche a un goût salé ; je suis dans l’eau, essayant de me débattre des courants pour en retirer la tête. J’essaye de reprendre mon souffle mais une vague me percute sauvagement et m’entraîne de nouveau sous l’eau. J’ai l’impression qu’un marionnettiste s’amuse à me faire tourner sous la goule, jusqu’à ce que j’étouffe et perde de nouveau connaissance.
Ca ne c’en finit pas, je tourne encore et encore dans le sens inverse de la vague. Sur mes derniers espoirs, j’active ma magie au centre de mes paumes, essayant de créer un contre-courant. Rien ne fait effet, je ne fais qu’amplifier la force des vagues qui me percutent une à une.
J’annule absolument tout. Je force sur le haut de mon corps pour me positionner face au courant et, chargeant mon bras vers l’arrière, je menace la prochaine vague de ma paume. Une arrive en contre-courant et s’écrase sur le coup qui m’aurait sûrement été final. Les deux vagues s’entrechoquent, le flux m’entraîne à la surface.
Water Cane
A la fin de mon bras, une extension d’eau émerge et agrippe la branche qui m’a percuté un peu plus tôt alors qu’elle flotte et bascule à quatre ou cinq mètres d’ici.
J’essaye de la plaquer sous mon bras pour rester à la surface mais le courant ne me fait que passer d’un côté, puis de l’autre, pour me retourner à la suivante de nouveau.
Depuis peu je ne compte plus les secondes, les minutes, voire même les heures… Mes oreilles se calment tel un abandon. Aucun bruit, aucun son, les divinités semblent s’apaiser ; colère et cris ne sont plus, tristesse et détressent ne vont plus. C’est comme si on avait enlevé toute la vie de ce monde. Non, de cet endroit. Il y a peu les déferlantes battaient leur souffle telle l’annonce de la mort, le cri de la hurleuse, au moins il y avait quelque chose, une once de ce qu’il restait. Mais en ce moment il n’y a plus : le ciel est resté couvert, la pluie s’est pourtant arrêtée, l’océan est aussi droit qu’un sol de la ville ayant oublié l’existence de la pierre.
Danger.
Vide.
La branche tangue sur le côté droite, l’absence totale de son est détruire, je me retourne et je me fais littéralement noyé par une ombre. Elle est gigantesque, monstrueuse, tueuse. Une sorte de raz-de-marée. Alors c’est comme ça que je suis censé finir ? Tué par mon propre univers ? C’est un peu comme si j’étais percuté par deux malheurs en même temps. La vie derrière et la mort devant.


Je lâche la branche pour me laisser couler. Augmentant et contrôlant la pression de l’eau, je tente – et réussis – à me hisser au-dessus de la surface, comme si je marchais sur l’eau (je suis officiellement Jésus). Jambe se dégage en arrière, buste se décolle de la mort. Pivote. Yeux ardents, pourtant verts. L’énergie parcourant se débat, se venge, s’octroie à l’extrémité. La paume s’ouvre tel l’arbre du monde contrôlant l’univers de ses branches. Doigts arqués.
L’océan tremble.
Elle tourne derrière, me passe violemment sur le dos mais d’une sensation indolore, comme si un passage m’a été laissé. A chaque centimètre elle prend dangereusement de l’ampleur et puis finit par frapper la menace.
Vague contre vague.
La collision a créé un violant courant, qu’il soit d’air ou d’eau. De nouveau emporté, je me réveille bien plus tard sur une des plages de Fiore à côté de deux gamins d’environ dix ans qui crient déjà au cadavre retrouvé, essayant de m’enterrer sous un château de sable.
C’est définitif. Je déteste la plage. ET les gosses !