L’esprit était une sorte de boîte, dont la clé était autant précieuse qu’elle était difficile à trouver. Lui, préférait l’imaginer comme une porte. Une porte que l’on pouvait ouvrir et fermer à loisir, mais que l’on pouvait également contourner. Lund était cela sans l’être. Une porte contournable ; une boîte sans clé ; une lumière qui fait de l’obscurité. En général pour ce genre de personne, la masse grouillante et sans visage, « la civilisation » comme elle se nomme elle-même, n’a qu’un avis : La folie, un mot inventé par les esprits faibles, jalousant la créativité des esprits libres, ceux qui ne se laisse pas brider par les règles. Lund ne se considérait pas fou. Cet assemblement de lettre n’était que pour lui un mot, jolie à l’oreille, mais dont il ignorait totalement le sens. Son âme était beaucoup trop volatile pour s’intéresser à des choses aussi extraordinairement normale que le sens des mots, lui préférait les croque-mitaines, les papillons, et un tas d’autre choses amusantes et mystérieuses.

Pourtant, au fond de lui, vivait ça. Une part de lui qu’il n’expliquait pas, qui se manifestait rarement, bien que récemment, elle ne se soit manifesté avec beaucoup plus d’enthousiasme qu’autrefois, à d’intervalle plus cours. C’était comme un vieil ami que l’on retrouve : on ne l’oublie jamais réellement, et lorsqu’on le rencontre de nouveau, c’est comme s’il n’était jamais parti. Dernièrement, ses pensées se brouillaient. Un son de cloche résonnait dans sa tête. Il ne se souvenait plus de quoi ; ce qui était très affolant. Chaque personne possède un quoi : une sorte d’objectif. Ca peut-être pour une vengeance, ou pour une recherche. Celui de Lund s’était envolé. Il ne s’en souvenait plus. Effectivement, parfois, il se souvenait bien de bribes. Des cheveux verts. Une ombre. Une horloge. Un nom. Sophie ? Emilie ? Il l’ignorait. Il ne se souvenait plus de rien, mise à part un tic, un tac, et un rire violet. Il était à la recherche d’un quoi.

C’est pourquoi, à ce moment, dans une contré isolé, en plein milieu d’une conversation, véritable pseudo bataille qui se solderait probablement par un enrôlement, absolument pas forcé, la conversation elle-même situé sur une montagne froide, froide et… froide, Lund Saleight trouva en consultant ce foulard, son quoi. Finalement il cherchait la question, puisqu’il avait déjà la réponse. Aussi, ce jour-là, en présence de deux mages talentueux, promis à un avenir aussi radieux que leur mort serait horrible, dans les Montagnes de Jura, un aigle eut froid dans le dos. Il n’avait connu cette sensation qu’une fois auparavant : un jour, alors qu’il chassait, quand son regard avait croisé celui d’un individu aux cheveux rouges, qui buvait un étrange breuvage. C’était la même sensation : une décharge de quelque chose d’imprononçable que d’aucun nommait « Folie ».

C’est sûrement ce que conclut le loup, lorsque le Saleight lui sourit. Il était d’excellente humeur, et comptait bien en faire profiter tout le monde, mais pas immédiatement. Il se borna d’abord à écouter poliment l’auto-dialogue d’une personne, ce Shaporo, et ce qu’il écouta lui fit presque lever les yeux au ciel : c’était pour ça que les gens confondaient les gens extraordinaire comme lui, avec les gens plusieursdansleurstêtes, d’un banal stupéfiant. Un fou n’était pas un mec malade. Un fou était un esprit créatif. Ridicule. Il attendit néanmoins la fin de la harangue, et admira même certains coups de Misto : son talent était prometteur, et il entrevoyait bien pourquoi Tsukiyo l’avait recruté dans leurs rangs. Bref, le katana, il le jeta à terre, et gardant le foulard, il retourna à l’intérieur. Si Shaporo voulait le retrouver, il devrait convaincre Misto de le laisser passer, et le retrouver dans la guilde silencieuse. Chaque aigle possède son nid, qu’il personnalise souvent, bien malgré lui. Le mage possédait le sien : la bibliothèque, terriblement grande et complète du bâtiment. Pleine de livre. Pleine de papier.