Misto marchait d’un pas décidé dans la forêt aux alentours d’Akane Beach en essayant de se repérer sur sa carte. Elle faillit se prendre un arbre en pleine face tellement elle était concentrée sur sa tâche. Ce fut Rolf qui lui évita de justesse cette fâcheuse rencontre :

Regarde devant toi nom d’un chien !

L’ombre des végétaux protégeait la marcheuse du soleil de plomb qui s’était profilé pendant la matinée. Malgré cela, elle avait retiré sa cape et considérablement regretter de ne pas l’avoir laissé dans sa chambre d’auberge à Hargeon. La jeune femme tira nonchalamment sur son écharpe pourpre et s’éventa avec la carte. Elle foula bientôt le sol d’une petite clairière où trônait un magnifique lac à l’eau pure et attirante tant la chaleur lui pesait.

- Toi, tu tombes à pic ! dit-elle en se baissant pour retirer ses bottes.

La jeune demoiselle les prît à la main et trempa son pied dans l’onde paresseuse en réprimant un soupir de délice : le liquide était d’une fraicheur divinement envoutante. Décidément le sud était trop chaud pour la mage originaire d’Iceberg qui, bien que les températures négatives de sa nation en aient refroidi plus d’un, se trimballait toujours en vêtements légers.

Je piquerais bien une tête si je ne devais pas chercher ses foutus prisonniers, songea-t-elle avec regret en s’aspergeant le visage.

Elle rejoignit la terre ferme avec un soupir de résignation et reprit son chemin après s’être rechaussée. La partie boisée où la Kashu avait pénétré était d’une répétitive verdure sans envergure avec ses buissons peu touffus et ses arbres hauts. Néanmoins, Misto lui trouvait un certain charme mais elle n’aurait pas pu dire lequel avec certitude. Le pas ralentit, elle écoutait les alentours à la recherche de ses proies quand elle sentit une présence non loin d’elle.

Un observateur silencieux mais peu discret pour un chasseur, remarqua Asulf

La mage ne fit comme si de rien était mais se trahit en portant la main à la garde de son fleuret. Ils jouèrent ainsi au chat et à la souris durant quelques mètres jusqu’à ce que la jeune femme se lasse et s’arrête en plein milieu de la forêt. Sa voix s’éleva vers les cimes, calme et tranchante.

- Montrez-vous, je sais que vous me suivez depuis un moment !

Elle entendit un grommellement et remarqua un homme brun au regard impénétrable qui la fixait depuis sa branche, juste au-dessus d’elle. Il ne bougea pas d’un pouce et la détailla sans gêne, jaugeant son niveau. Misto, pas tout à fait convaincue de ses intentions, dégaina son arme d’une main et porta l’autre à son baudrier. La question était maintenant de savoir s’il s’était échappé ou si c’était un mage engagé pour le même boulot. Elle ne vit pas d’arme, ni de signe distinctif qui aurait pu l’aider.

- Vous semblez bien sûr de vous mais je ne sais pas à qui j’ai affaire, commença-t-elle, je suis Misto, je chasse actuellement les prisonniers de la prison d’Akane Beach.

Spirit du vent droit devant ! annonça Radulf en se préparant à aider sa protégée.

La jeune Kashu changea imperceptiblement son attitude en garde défensive et attendit. Son interlocuteur fit la moue avant de prendre la parole.

Indomptable mais loyale,
Il s’élance à l’assaut des vents.
Renfermé mais agréable,
Il t’offrira un futur admirable


Henning fredonna de manière enjouée l'âme du nouvelle arrivant avant d'affirmer :

Aie confiance, il risque de te plaire cet homme méfiant.

- ... Ce n'est pas vos dons de détection qui m’intéresse, mais plutôt vos raisons pour lesquelles vous êtes ici, c'est pour la mission vous aussi ?

Dons de détection ? Il se pait notre poire ?
La ferme Rolf.

- En effet. Cela voudrait dire que nous traquons les mêmes proies alors.
Propose lui de faire équipe bon sang !
Comme ça ? Sans raison ? Trop louche.

Il y eut un silence hésitant tandis que les deux mages s’observaient. Misto y mit fin en s’éclaircissant la voix. Son regard, posé sur un bosquet à l’allure suspecte, se fit plus froid alors que les loups comptaient les proies embusquées.

1 … 2 … Il y en a trois. Un dans le buisson que tu as sous les yeux, un dans l’arbre face ton « copain » et un autre en retrait.
- On a de la compagnie, murmura-t-elle en se rapprochant de son interlocuteur.

Celui-ci paraissait ailleurs, le regard perdu dans le vague si bien que la main que la jeune femme posa sur son épaule le fit tressaillir. Elle eut la vague impression qu’il allait la repousser mais Rolf la détourna de son observation.

Le zigoto dans le buisson à une arme et vu son bruit, on risque de manger sévère si il est sur le chemin. Pousse-le dans la clairière. Maintenant !

Le prisonnier choisit cet instant de flottement pour surgir, son énorme gourdin levé au-dessus de sa tête de pitbull mal léché. La Kashu poussa son compère du plat de la main alors que son bras libre stoppait le coup. Les deux armes entrèrent durement en contact. La force de son adversaire manqua de la faire vaciller alors qu’elle serrait les dents pour ne pas couiner de douleur en sentant le choc se répercuter dans son pauvre bras. Le colosse sourit, dévoilant des dents gâté et une haleine … pestilentielle.

Baisse-toi

Misto s’exécuta et sentit la grosse paluche du détenu lui frôler le crâne. Il s’en était fallu de peu ! Si elle n’avait pas réagi à temps, elle aurait fini assommée sur le sol. Fâchée par sa négligence, elle remonta violement son genou dans l’entrejambe de son agresseur. Celui-ci ce plia en deux en hurlant, les mains qui brandissait le gourdin posé sur la partie sensible de l’anatomie humaine.

Je n’aurais pas aimé que ça m’arrive

La jeune femme, sans la moindre once de pitié, l’acheva en lui portant un coup de pommeau à la tempe.

- Bonne nuit mon gros, soupira-t-elle en le voyant s’écrouler.

Misto se tourna vers l’inconnu qu’elle avait rencontré et rengaina son fleuret au profit de l’ocarina rougeâtre d’Asulf. Le brun tenta de parler mais elle ne lui en laissa pas le temps. Le doigt levé vers les arbres, elle affirma :

- Encore deux. Je te fais cadeau de celui dans l’arbre juste là. Le second est caché en contrebas un peu plus à l’Est est pour nous.

Elle porta l’instrument à ses lèvres en écoutant vaguement distraitement le grommellement de son allié improvisé. Le chant entrainant du Combattant résonna longuement entre les arbres tandis que les contours brouillés du loup roux apparaissait face à eux. Le pelage de l’esprit colora lentement la silhouette et deux yeux fauves se posèrent sur le mage aux yeux noir qui accompagnait l’invocatrice.

- Salut beau brun ! Ça t’ennuierais de garder un œil sur Misto le temps que je m’occupe de l’autre peureux que j’entends trembler jusqu’ici ?
- Asulf !
- Je compte sur toi, amie des vents !

Il s’élança aussitôt dans les sous-bois, laissant la Kashu, outrée, entre les mains d’un inconnu et d’un spirit des vents tout aussi étranger mais cela ne l’inquiétait guère. Henning avait proclamé le duo intéressant, voir même prometteur, donc tout ce passerais très bien en son absence. La jeune femme, elle ne savait plus où se mettre et finit par demander d’une petite voix :

- Dis, en attendant que l’autre singe descende, pourrais-tu te présenter, fils de l’air et réceptacle d’une âme ?

La triste mélancolie de Jiro s'était évaporée de la manière la plus simpliste qu'il soit. Sa rencontre brève avec Rosa, tenancière de la bibliothèque de Crocus, en avait été le catalyseur principal. Il avait confié ses crimes à la femme, il s'était offert à elle, lui donnant droit de l'envoyer en prison si elle le souhaitait. Mais elle ne l'avait pas fait, et elle avait prit Jiro dans ses bras. Ses mains s'étaient posées dans le dos de l'homme sans expression, qui commençait, peu à peu, à découvrir quelques affections. Rosa était toujours une grande inconnue pour lui, il ne connaissait que son histoire, et son but. Mais, ensemble, ils s'étaient fixés un objectif commun, qu'on pourrait simplement résumer, en extrapolant, qu'ils devaient tout deux s'épanouir du mieux que possible dans Fiore.

Les doux instants qui suivirent cette rencontre permirent à Jiro de prendre une sorte de recul vis-à-vis des derniers évènements qui ont brutalisés son destin au point qu'il ait complètement accepté ce qui lui était arrivé. Il marchait donc sans remords ni regrets dans les rues de la ville, laissant Rosa à ses occupations, et ne voulant pas trop interférer dans la vie de la femme dans un premier temps pour lui laisser le temps de digérer leur première rencontre. Il avait fait le tour de la capitale l'esprit léger, observant coutumes et objets du pays avec une once de curiosité. Il commençait à apprécier la vie à Fiore, et il songeait bel et bien à s'y installer. Il logeait dans quelques auberges, mais pour voir du pays, il allait devoir voyager davantage. Il avait rassemblé ses affaires et avait quitté sa chambre, payant le loyer comme il se devait, et il était monté dans le train vers l'est. Fermant les yeux, la tête contre la vitre, il avait plongé au fond de lui-même. Au loin, il voyait une lumière. Il s'approchait, toujours un peu plus, sans pour autant l'atteindre réellement.

« Monsieur ? »

Il ouvrit les yeux, émergeant de son instance de sommeil. Au dessus de lui, un contrôleur du train l'observait les sourcils froncés.

« Nous sommes désolés de vous avertir que le train doit s'arrêter d'urgence. Il y a eut un petit problème région de Kunugi, et on a pour ordre de ne pas passer la région avant quelques temps... Ah ! Nous recherchons aussi des mages pour régler ce problème, si jamais vous l'êtes, mais je ne pense pas... 
_ Je suis mage.
_ Ah oui ? Vous êtes certains ? Boa, si vous le dites, c'est que c'est vrai hein, vous pourrez pas mentir sur un truc comme ça, même si vous ressemblez pas trop à un mage. Vous me suivez ? »

L'homme s'écarta et sortit du train, suivit par Jiro qui fut frappé par la clarté de l'endroit. Le soleil offrait volontiers ses rayons puissants sans être dérangé par un seul nuage, et son éclat rebondissait sur la flore verte qui peuplait l'endroit. Il se trouvait dans la région de Kunugi, connue pour être une des zones où la nature est reine. Le contrôleur était déjà parti en marchant sur un petit sentier, et Jiro le rattrapa rapidement.

« Bon, en fait, ce sont des prisonniers qui se sont échappés il y a peu d'une petite prison non-loin et ils se cachent dans la forêt. On a peu d'hommes sur le coup, certains sont déjà morts même, mais bon, suffit d'être vigilant, hein... Si vous êtes réellement mage, vous êtes quelqu'un de vigilant, n'est-ce pas ? Même si vous avez un regard bizarre, vous devez être quelqu'un de vigilant, je pense... »

Jiro ne regardait pas l'homme et l'écoutait distraitement. Il marchait droit devant lui, suivant le sentier qui se perdait dans la forêt, et son regard ne se détachait pas de ce qu'il voyait devant lui.

« Il y a quelques prisonniers qui ont été retrouvé par les gens du coin, mais le plus grand nombre reste caché dans cette forêt. J'aimerai pas qu'un d'eux me tombe dessus alors je vais vous laisser là puis je vais retourner à l'abri dans le train... Vous m'entendez ? Monsieur ? »

Jiro avait fermé les yeux. Il avait sentit qu'il pouvait replonger dans l'étrange rêve qu'il avait fait. Il avait quitté la forêt pour revenir dans l'espace noir, avec la lumière au loin. Cette lumière dont il se rapprochait de plus en plus rapidement. C'était un feu.

Oui, un feu brûlant se trouvait dans le néant. Un feu qui brule. Insensé ? Tous les feux brulent, mais celui-là brule autrement. Quand on pose sa main dessus, la chaleur ne nous fait pas mal, et nous enveloppe. Jiro, se rapprochant mentalement de ce feu jusqu'à avoir sa tête juste au dessus, sentit ses sens s'éveiller à la perfection. Ses pupilles se dilatèrent l'espace d'un instant quand il fit un pas à travers le feu. Son corps fut ankylosé, mais l'intensité des sensations qui en suivirent le plongèrent dans une plénitude mentale.

« Monsieur ? Vous allez bien ? Vous m'entendez ? Non... ? Rah, quel fichu homme ! Je le savais bien qu'il était bizarre. Rien qu'à voir sa tête, on le sait. Bon, tant pis, s'il tient à rester là, je le laisse là, moi, je rentre. Il a tellement une tête étrange qu'il va se faire prendre pour un criminel et va finir en prison. Tant mieux, il faut moins de tarés de libres de nos jours... Bon, j'y vais moi, continue à dormir debout ! »

La voix était lointaine, mais perceptible. Jiro voulut le faire terre, et il revint à lui, dans la forêt. Mais la sensation ne l'avait pas quitté. Et il comprenait à présent ce qu'elle était.

« Attendez. »

Le vieux se retourna, l'air bougon.

« Ah ! Faudrait savoir ! Vous êtes sourd ou quoi ? Il y a des criminels dans la forêt ! Et vous vous endormez comme ça, debout en plus ! N'importe quoi, les gens de nos jours ne sont plus ce qu'ils étaient... »

Jiro s'approcha lentement de l'homme, bercé par la sensation qui traversait son corps dans des salves régulières.

« Quoi... ? Pourquoi vous me fixez comme ça ? Vous êtes glauque, on dirait réellement que vous allez me tu.. »

Jiro leva son bras, déjà armé d'une aiguille, et la planta dans le front de l'homme. La pointe s'enfonça dans la peau, brisa le crâne et transperça le cerveau du contrôleur. Il émit quelques sons grotesques et tomba à terre, mort.

Ce feu qui brule et qui conforte, Jiro baignait dedans quand il tuait. C'était pire qu'une addiction. Il ne pouvait s'en défaire. C'était vital. Il tuait, il devait tuer. Il pensa à Rosa en voyant le corps éteint par terre. Il lui avait promit de ne plus tuer.

Mais il n'avait pas promit de ne plus mentir. S'il disait à Rosa qu'il ne tuait plus, elle allait continuer à l'écouter. Et il allait continuer à se sentir bien, en tuant, et en passant du temps avec son amie. Il eut un sourire, le fait étant suffisamment rare pour le souligner. Il regarda autour de lui. Il sentait l'aura mauvaise qui régnait sur la forêt. Il y avait des criminels dans les bois. Et il était le chasseur. Il se sentait suffisamment bien pour qu'il n'ait pas envie que cela s'estompe, et il avait moyen de faire durer le plaisir encore plus longtemps. Sans hésiter, il se mit en marche.

Au bout de quelques minutes déjà, ayant quitté le sentier pour marcher à l'aveuglette entre les arbres, il tomba nez-à-nez avec un criminel. Ce dernier, haletant, avait un long couteau dans les mains et se renfrogna quand il vit Jiro.

« Ha... Tu vas te taire et me laisser passer, puis je te laisserai en vie, d'accord ? Si tu fais le moindre bruit, si tu fais le moindre geste, je t'égorge, compris ? »

Mais Jiro ne l'écoutait déjà plus. Il avait collé ses mains puis concentrer sa magie dedans, puis il avait créé un fil de magie. Il s'avançait, le fil, quasi invisible entre ses deux mains désormais écartées, vers l'homme.

« Hé, tu veux crever, c'est ça ? Tant pis ! »

L'homme fonça et abattit sa lame vers le ventre de Jiro, mais ce dernier esquiva docilement puis passa sans prévenir dans le dos de l'homme. Il passa le fil dans le dos de l'homme et serra le plus fort possible. L'homme fut étouffé, puis au bout de quelques secondes, il mourut. On ne discernait qu'un petit trait rouge le long de son cou. Personne ne pourrait penser qu'il avait été tué par strangulation avec un fil aussi petit. Mais ce fil était magique et difficilement cassable. Il avait tué un homme. Jiro, fier de ce qu'il pouvait faire avec sa magie, fit disparaître le fil. Il ne maitrisait pas encore cette technique, et n'avait réussi à le faire que deux fois, la dernière fois remontant au Festival, des jours auparavant. Il n'avait même pas réfléchit en exécutant la technique, et n'était pas certain de réussir à recréer un fil de magie. Il sortit alors une nouvelle aiguille et reprit son chemin, toujours guidé par l'extase qu'il ressentait.

Il vit plus loin un criminel courir à toutes jambes. Il le suivit rapidement, puis l'abattit de dos en lui lançant une aiguille dans la nuque. Il continua à nouveau et plus loin, entendit des voix. Il se rapprocha, et distingua, au travers de feuillage de l'arbre où il s'était caché, deux silhouettes floues. Il sortit une nouvelle aiguille et écarta la branche pour la lancer vers la première silhouette. Il reconnut cependant cette dernière au dernier moment, et réussit à dévier la trajectoire de son aiguille pour qu'elle se plante juste aux pieds de l'homme. Il descendit de son arbre et s'approcha alors des deux personnes. L'une d'elle était Crysis, le mage avait qui il avait fait équipe au Festival. Mais Crysis ne pouvait pas le reconnaître, car il s'était présenté sous une autre identité. Il s'avança tout de même de lui, essayant de sourire naturellement sans trop grand succès.

« Excusez-moi, je pensais que vous étiez des criminels. Cette forêt en regorge depuis qu'une évasion a eut lieu non-loin... Un petit peu plus et vous succombiez. Je vous ai reconnu au dernier moment, enfin, j'ai cru vous reconnaître. Votre visage me dit quelque chose en effet... Vous n'étiez pas un des participants du Festival de la Fraternité ? »

Jiro s'adressait à Crysis, mais son regard bifurqua sur l'autre personne avant de revenir sur l'homme. C'était une femme qui semblait bien déterminée à quelque besogne. Jiro espérait être bien reçu parmi ces gens. Il s'était avancé, encore une fois, sans réfléchir, un peu saoul du trop-plein d'extase qu'il ressentait. Il commençait, petit-à-petit, à regretter son geste. Sa phrase de présentation était bancale, il allait sans doute être mal accueillit.

Crysis se montra sceptique en écoutant Jiro, sans doute peu ravi qu'on le reconnaisse ainsi. Le marionnettiste se souvenait en effet que le mage d'air était peu à l'aise devant les caméras et les évitait pour ne pas montrer son visage. Un caractère digne de quelqu'un de réservé et discret. Jiro était presque ravi d'avoir suscité une émotion désagréable à son interlocuteur. Chez ces personnes, savoir qu'on les reconnaît ainsi provoque des sensations de malaise, voire de paranoïa, de quoi facilement les mettre dans leurs derniers retranchements, là où ils réagissaient sans réfléchir... là où on voyait réellement quelle était la personne.

« Euh.. Oui, j'y étais, pourquoi ? ...Votre voix me dit quelque chose aussi... Étrange... M'enfin, on est pas là pour papoter, vous êtes là pour la mission j'imagine ? 
_ En effet, je suis là pour attraper ces criminels. J'ai été réquisitionné dans mon train, ils cherchaient des mages et... j'en suis. »

Crysis allait forcément faire un rapprochement, quand il verrait la magie des marionnettes à l'œuvre, entre lui et ce Taro, l'épéiste qui manipulait des fils magiques qui avait fait équipe avec lui et qui avait malencontreusement disparu pendant le Festival...

Soudain, un des buisson qui encerclait la mince clairière où ils se trouvaient bougea, et Jiro se retourna vivement vers celui-ci, sur ses gardes, un main rentrée dans sa poche pour lancer une nouvelle aiguille sur cet assaillant inconnu. Mais ce ne fut qu'une bête, un loup plus précisément, qui en sortit, presque gaiement, et qui s'avança vers Jiro. Ce dernier n'avait pas peur des animaux, même des plus féroces ; en général, c'étaient les animaux qui avaient peur de lui. Avec leurs sens développés, ils arrivaient à sentir l'aura malsaine qui se dégageait du corps du jeune homme. Il s'attendait donc à ce que le loup grogne, mais ce fut un tout autre son qui en sortit.

« Bienvenu dans notre partie de chasse. »

Jiro, surprit de voir la bête s'exprimer dans le dialecte humain, eut un bref mouvement de recul, mais la fille restée à l'écart jusqu'alors en profita pour lui sauter dessus. Elle s'empara sans lui demander son avis de sa main, et la serra de manière simple et sensuelle. La chaleur de la main de la jeune dame se transmit dans celle du sociopathe. Il en fut déconcerté.

« Ne crains rien, il ne te veut aucun mal. Asulf n’est pas méchant. »

Asulf était donc ce loup, et elle en était la propriétaire ? Un animal qui parle est digne d'un compagnon de mage, dans ce cas, cette adolescente en serait une ? Vu son assurance dans cette forêt grouillante de criminelle, Jiro en fut convaincu.
La jeune fille se détacha alors de lui et recula, presque confuse de son geste. Jiro, ne voulant pas l'inquiéter, se contenta d'esquisser un sourire. Ni trop vrai, ni trop faux, c'était seulement un sourire juste. Juste, car elle le méritait, se disait-il. Une certaine aura se dégageait de la frêle adolescente et lui faisait rappeler Rosa. Il aimait ces personnes qui avaient la capacité d'apaiser les gens. Il voulait ressentir, encore, la chaleur qu'ils transmettaient aux autres. Il voulait connaître une réponse. Pouvait-il transmettre lui aussi une chaleur à quelqu'un ? Pouvait-il aimer, et être aimé ? La réponse viendra, et le premier pas pour l'obtenir était ce sourire. Il fallait qu'il force le contact, pour arriver à ce qu'il souhaitait dorénavant.

« Utilise ton flair légendaire et débusque moi de l’évadé mon vieux !
_ Allons-y petite ! Vous avez intérêt à suivre les gars, je ne m’arrêterais pas !  »

Le loup se mit en marche, suivit de la fille qui s'arrêta aux côtés de Jiro et lui susurra à l'oreille :

« Ta décadence s’achèvera ici. Je te le promets même si je n’ai aucune idée de qui tu es. »

Et elle s'en alla plus loin.
Crysis, qui avait tout observé du coin de l'oeil, parla pour lui-même.

« Une promesse... […] Je sais pas ce que vous comptez faire, mais moi j'y vais, j'ai un travail à faire. Et je ne laisserais personne le faire à ma place. »

Il s'en alla alors, disparaissant subitement au travers des arbres, dépassant rapidement le loup et la fille. Après un bref coup d'œil à la fille pour savoir s'ils le suivaient, et ils se mirent à courir derrière les pas de Crysis déjà loin.

Le loup était en tête, suivit de près par la fille, et Jiro fermait la marche. Ils évitaient les arbres, se frayaient un chemin dans la forêt déjà profonde pour retrouver Crysis, quand un second loup apparut auprès de Jiro.

« Je ne connais ni ton nom ni tes origines mais si Misto jure qu’elle t’aidera et qu’il lui arrive malheur je te liquide sur le champ. »

Un autre loup qui parlait. Ils étaient donc bel et bien magiques, et visiblement, indépendants de la jeune fille. Elle qui semblait vouer une certaine confiance aveugle à Jiro était la maitresse d'un loup qui se méfiait de lui, maitresse d'un loup qui grognait en sentant son aura. Jiro ne fit pas attention à la bête et se rapprocha de la jeune femme, lentement, jusqu'à courir à sa hauteur.

« Mon nom est Jiro Yu, mage indépendant, et toi ? Tu connais donc ce Crysis ? »

Oui, il fallait forcer le contact et il était sur la bonne voie.