- C’est fou ce que les enfants sont intéresser par la magie, murmure Misto devant l’ordre de mission que vient de lui confier Asulf, tu l’as choisi par affinité à ce que je vois.

Le loup ne répondit pas et observa sa maitresse s’habiller avec la lenteur d’un humain fatigué. Quand elle saisit sa cape, il osa enfin demander :

- Tu es sure de toi ? Tu parais vraiment épuisée et je ne voudrais pas que …
- Ça ira, le coupa-t-elle avec fermeté.

Le combattant se tut et la suivit comme une ombre quand elle sortit de sa chambre. La jeune Kashu entendait trop de monde autour d’elle et mourrait d’envie de se sauver loin de la civilisation. Malheureusement, elle n’avait aucun lieu où se réfugier en dehors d’Hargeon et une mission plus lointaine ne la tentait pas outre mesure. Elle descendit les marches en baillant et sortit dans la rue. Elle jeta un œil à la carte donnée : L’école St Rosa se trouvait non loin du port, à l’autre bout de la ville.

C’est bien ma veine ! Bon allez ma fille, M.O.T.I.V.A.T.I.O.N !

La Kashu s’enfonça dans les rues en essayant de se persuader que tout irait très bien, un Asulf, inquiet, sur les talons. Le duo se perdit dans le dédale à plusieurs reprises avant que Misto ne décide de prendre la voie des toits. Une fois montée, elle observa les alentours.
Le port n’était pas loin – à deux rues d’elle en fait – et la silhouette de l’école St Rosa jetait une étrange ombre sur le lieu comme un … vieux professeur stricte qui menaça un enfant trop laxiste et fêtard.

Nous appartenons à la même page de ce récit
Si je suis destiné à sombrer dans la folie,
Alors tourne la page pour faire disparaitre cette rage
Jusqu’à ce qu’elle s’use et tombe sous ce carnage.

La jeune femme pencha la tête sur le côté.

- A qui appartient ce Chant ? marmonna-t-elle pour elle-même.
- Quel chant Mademoiselle ? Je n’ai rien entendu.

Misto sursaute et se tourne vers un grand gaillard dont le visage masqué par un faciès de chat contraste avec sa carrure. Malheureusement pour elle, son pied ripe sur les tuiles, la précipitant dans le vide. La mage eut tous juste le temps de tendre la main vers un de ses étuis de baudrier quand elle se retrouva dans les bras de l’inconnu à l’écharpe rouge. Elle le scruta du regard et pensa que s’il n’avait pas ce masque sur le visage, il serait en train de sourire. Le jeune Kashu s’extirpa de l’accolade du félidé et se planta devant lui les poings sur les hanches.

- Hé bien ! J’ai eu la peur de ma vie ! Heureusement que tu es mage sinon je crois que j’aurais mangé du pavé au petit dej’, s’exclama-t-elle.

Misto le vit hésiter et elle se résolut à continuer sur sa lancée, le sourire aux lèvres :

- Je m’appelle Misto et je te remercie … Mon chaton ? Misère, ça sonnait mieux en pensée …

Elle constata qu’Asulf avait profité du spectacle pour s’éclipser, la laissant seule avec le chat à l’écharpe rouge.

Trouillard, lança-t-elle
Tu préfères que je mange le gentil chat peut être ? répliqua le loup avec dédain.

Et pour finir, l'ordre de mission de la jeune femme tomba de son emplacement ainsi que son carnet de note. Elle n'eut pas le temps de ramasser, l'inconnu regardait déjà la mission avec le carnet dans l'autre main. Elle observa son interlocuteur avec attention alors qu'il lui rendait ses affaires.

Étrange mais intéressant, constata la jeune femme quand il pris la parole.

- Tu as attisé la colère du grand HIKITO TOMONASHI Misto ! Et pour cela, tu vas devoir assumer les conséquences ! Que le duel commence !

La tirade fit sourire la jeune femme qui, comme pour illustrer les propos de son coéquipier, sortit un ocarina rougeâtre et un second vert bouteille qu’elle accrocha à son poignet. Les deux loups s’étaient relevés, l’un reculant précipitamment, l’autre s’avançant devant sa maitresse les crocs au clair. Hikito s’extrayait de l’écran de fumée noir, chat démon de la nuit dans toute sa splendeur terrifiante, l’épée levée fusant vers son adversaire. Misto sourit de la situation et porta le premier instrument à ses lèvres. Le rythme endiablé de l’âme d’Asulf se répandit dans la salle et l’esprit émergea de sa torpeur pour s’élancer sur le jeune homme.

- Il est temps que tu paies pour tes crimes ! cria-t-il en lui sautant dessus
Doucement, ce n’est pas un ennemi
Je connais mon métier fillette

Le loup tenta d’attraper la jambe de l’homme chat dans sa bouche. Il se retrouva prit au piège entre quatre portail sortit de nul part. Tout à coup, l’épée d’Hikito, sortie d’on ne sait où, frappa durement le flanc de son assaillant. Misto changea sa mélodie du mieux qu’elle put mais rien y fit : Asulf traversa la salle en sens inverse pour rencontrer le mur. Les spectateurs de cette farce improvisé crièrent de terreur et les professeurs tentaient de maitriser ceux qui voulait descendre aider la jeune femme. L’homme chat se tourna aussitôt vers la jeune femme alors que celle-ci changeait d’instrument. Brynjolf, couché derrière elle, les pattes sur les yeux, sauta aussitôt à ses côtés. Le rythme se fit plus angoissant, plus incertain et le hurlement du Cuirassé n’arrangea rien à l’ambiance tendu des gradins.

- Full Field ! s’écria le loup gris quand leur coéquipier abattit à nouveau son arme.

La lame rencontra le sort et échappa des mains d’Hikito. Plus loin, Asulf se levait avec une difficulté feinte et approcha tranquillement du combat – en vacillant quand même pour l’effet - . Misto s’en aperçut changea à nouveau d’ocarina, piochant celui de Radulf parmi les autres.

Tiens ? Tu m’utilises ? Qu’as-tu prévus ?
Tu verras, pour le moment dépêchons nous.

Sous le regard médusé des enfants, elle joua une mélodie à une vitesse ahurissante alors qu’Hikito bataillait avec la défense de Brynjolf. Asulf l’attrapa par la cape et tira un grand coup pour le mettre à terre et murmura quelque chose que seul l’homme chat put entendre :

- Ferme tes yeux et bouche toi les oreilles et plus vite que ça ! L’illusion va vous permettre de vous reposer pour le final.

Une distorsion apparu près de la jeune femme et s’enroula langoureusement le long de son corps. Elle descendit et se dirigea rapidement vers la foule rassemblée autour d’elle. Bientôt, des bruits d’armes qui s’entrechoquent s’élevèrent et les bambins se réjouirent du spectacle produit par le vieux Radulf. Misto tomba à genoux et regarda Hikito du coin de l’œil. Celui-ci paraissait avoir entendu les instructions du loup roux et l’observait aussi.

- L’illusion se brisera dans peu de temps alors prépare toi pour une fin digne du plus grand des méchants.

Le sourire qu’elle servit à l’homme chat était teinté d’un amusement grandissant. Elle se releva et vint jusqu’à lui en tendant une main secourable.

- La magie des portails est impressionnante, commenta alors Asulf, c’est la première fois que j’en vois une active de près !

La jeune femme aida son coéquipier à se lever avant de reculer précipitamment, le laissant perplexe quand elle posa ses mains sur ses tempes, les yeux exorbités.

Un visage sans trait voilait sa vue. Le corps de l’esprit tendait les mains vers la Kashu avec une gourmandise mal saine, avide d’une chose que la mage possédait. D’étranges tatouages lui ornaient le bras gauche et la jambe droite.

Viens à moi, fille des ténèbres

L’image s’estompa presque aussitôt et Misto entendit la voix inquiète de son coéquipier. Elle l’arrêta d’un geste et s’efforça de reprendre ses esprits.

- On verra ça plus tard Hikito, le spectacle doit continuer, dit-elle en rangeant l’ocarina de Brynjolf, qui avait disparu au passage, et celui de Radulf.

Elle dégaina son fleuret et faucha les pieds du jeune homme.

- Ne bouges pas, l'illusion se termine sur cette image, expliqua-t-elle en s'asseyant sur lui et en lui mettant l'arme sans lame sous la gorge, a toi de décider si on continue ou pas.

Les spectateurs poussèrent alors une clameur sans précédant. Le sort venait de se briser.

Les enfants paraissaient ravis de la représentation mais quelques choses clochaient dans l’esprit de la jeune femme. Quel était cette étrange femme ? Et surtout, pourquoi l’attitude de son coéquipier semblait avoir changé.

J’ai grandi sans m’en rendre compte,
Pouvant proférer de beaux mensonges
Mais j’avais oublié à quel point ils pouvaient blesser
Aujourd’hui nous en payerons le prix.

Le chant de son âme avait pris une autre mélodie, plus mélancolique, plus triste encore que la précédente. Elle sourit malgré tout à Hikito pour le remercier de son compliment qu’elle lui retourna.
Ils marchèrent côte à côte pour sortir du gymnase quand Misto le surprit à fouiller dans ses affaires. Elle songea avec remord qu’il est temps de dire adieu alors qu’Hikito lui tendait une bille violette.

- Tien, je t'offre cette bille. Elle peut sembler bien inutile mais je l'ai enchanté. Si tu la brises par terre, un portail apparaitra automatiquement. Celle-ci t'amènera jusqu'à moi, peu importe où je suis, peu importe la distance. Pour lui procurer une telle puissance, j'ai dû méditer avec elle pendant plus d'une semaine mais, cela valait le coup. Attention, tu ne peux l'utiliser qu'une fois... J'ai comme l'impression que nos destins se recroiseront un jour...

- Merci, j’en prendrais soin, répondit-elle

La Kashu rangea l’étrange objet dans sa poche et eut tous juste le temps de rattraper l’homme chat. Elle manqua de tomber sous son poids et constata l’état tourmenté du jeune homme. Elle l’allongea parterre et le veilla en cherchant un objet dans son sac. La jeune femme en ressortit un petit grelot.

L’âme n’a qu’une seule destinée,
La musique suit un chemin dérivé
Mais l’on finira toujours par se croiser.
Maitre Vers n’a pas son nom,
Mais sa clochette vaut toute les affections.
Reviens-moi vite mon ami,
L’aventure n’est pas finie.

Elle chantonna le petit refrain une fois, deux fois, trois fois avant de l’attacher autour du poignet d’Hikito. L’incantation n’avait pas durée très longtemps, toute fois, Misto eut la surprise de voir le mage se dresser droit comme un « i », le regard vide de quelqu’un troublé et le visage fermé. Elle le vit s’éloigner et tendre la main en l’air.

- Mozaluesse kolonis zatovie Net !

Un portail surgit devant lui et la jeune fille se releva aussitôt. Elle voyait bien que quelques choses clochaient depuis le début et commença à s’avancer vers l’homme chat, malgré le vent qui menaçait de la faire tomber.

- Hikito ?

Les bords de la porte étaient hachés, comme si elle avait arraché un pan de la réalité pour s’ouvrir, laissant le verre protecteur de celle-ci tapisser l’œuvre de la tourmente de son mage. Il s’enfonça dans le portail, et, avant que Misto ait pu le rattraper, le referma. Elle se retrouva à l’endroit où s’était tenu son coéquipier, dans la même position.

Le directeur, qui avait observé la scène un peu en retrait, posa sa main tachée par la vieillesse sur l’épaule de la jeune mage.

- Les adieux ne sont pas toujours bons, constata-t-il, quoi qu’il en soit ce jeune homme est partis sans sa récompense.
- L’ordre de mission n’en mentionnait pas Mr.
- Je le sais bien ma petite, mais je tenais à le remercier quand même.
- Hikito Tomonashi, mage de Lamia Scale, maitre des portails …, énuméra Misto en sortant son carnet, merci pour tout, j’espère vous revoir un jour.
- Au revoir ! s’écria l’ancien, revenez nous voir quand vous voulez jeune Kashu !

Misto ne prêtait plus attention au vieillard et s’enfonça dans la ville. Son poing serrait la petite perle ronde et violette avec détermination.

On se reverra Hikito, je te le promet.