Depuis combien de temps à présent Lucile était-elle partie vivre dans la montagne ? Elle ne savait plus. Elle était passée dans quelques villages à peine plus grands que celui dans lequel elle avait grandi, et partout on la regardait étrangement.
Sans doute était-ce à cause de son bagage. Lucile n'avait jamais aimé porter les vêtements que celle qu'elle considérait comme sa tante lui ramenait gentiment de la ville ; c'est pourquoi lorsqu'elle était partie après la mort de ses parents, elle avait emporté sur son dos de grands rouleaux de tissu et un nécessaire à couture. Ainsi le soir, auprès d'un feu qu'elle allumait, elle cousait ses vêtements du lendemain.
Peut-être justement, les regards étaient-ils dus à sa tenue en soi. Quelle que soit la température elle n'avait jamais froid, et n'aimait pas la sensation de friction qu'exerçait le tissu sur elle, aussi confectionnait-elle des habits qui ne cachaient guère que l'essentiel. De plus, les violences qui lui avaient été infligées avaient façonné depuis son plus jeune âge une aura d'indécence qui émanait de sa personne ; ceci associé à cela, elle ne pouvait tout simplement passer inaperçue.
Bien sûr, il y avait aussi des gens qui ne la regardaient pas. En fait, beaucoup plongeaient leurs yeux dans les siens, fronçaient les sourcils un instant, puis la révélation et la terreur se succédaient rapidement : ils reconnaissaient en elle la meurtrière de John, un adolescent d'un village voisin, qu'elle avait tué par inadvertance. Mais quel idiot, songeait-elle avec rage ; pourquoi diable avait-il fallu qu'il vienne se moquer de son apparence amazone ? Il était évident que dans sa sensibilité psychologique actuelle elle allait exploser. Rien qu'à y penser, elle avait l'impression de sentir encore le sang couler sur les jointures de son poing et ressentit un étrange frisson. Elle avait réussi à le faire taire, comme elle avait réussi à empêcher son père de lui faire plus de mal, et cela la satisfaisait d'une certaine manière.

Ce qui l'avait le plus surprise lorsqu'elle avait tué ce garçon, c'était qu'elle n'avait pas eu à fuir et vivre clandestinement comme elle avait dû le faire après avoir tué son père. La population avait bien évidemment été secouée mais personne ne lui avait fait de remarque ; au contraire, une personne s'était excusée de l'insolence de feu l'individu et avait emporté son corps sans plus de paroles. Elle avait pris soin de ne pas montrer sa surprise, car elle savait que cela l'aurait trahie. Mais elle n'avait vraiment pas compris pourquoi ils ne protestaient pas.
A présent, elle savait. Ils l'avaient prise pour une membre de Silver Fang.
Elle était allée les voir, bien sûr. Elle savait qu'elle n'aurait jamais sa place dans un village en tant que meurtrière, aussi devait-elle tenter sa chance auprès de ceux qui avaient les mains tout autant souillées. Or Silver Fang était composée dans une grande partie d'assassins sanguinaires, de pilleurs sans pitié et plus généralement, d'individus sans aucun scrupule. Que demander de plus ?
Mais on n'entrait pas si facilement à Silver Fang. Selon un membre qu'elle avait rencontré sur place, il lui fallait accomplir une mission qui déterminerait ses talents. Dans un village proche, quelques pouilleux (pour reprendre le terme utilisé par l'assassin) se pensaient capables de tenir tête à la guilde. Il fallait donc les remettre à leur place afin de donner l'exemple.

"Il y a un autre newbie qui doit passer cette épreuve", lui avait indiqué le membre la guilde. "Il est déjà en vadrouille, mais attends-le sur place ; je lui dirai de te rejoindre quand il reviendra. T'inquiète pas pour l'attente, il va vite."

Elle devait donc l'attendre dans une taverne située un peu à l'écart du village. Cela ne la dérangeait pas ; elle n'avait jamais montré d'impatience. Qu'aurait-elle dû apprendre à attendre ? Les visites de son cher père ? Ben voyons. Le temps passait tel qu'il était, il n'y avait nulle utilité à être pressé.

Elle s'assit à une table et fit taire d'un regard sec le barman qui lui demandait ce qu'elle désirait boire. Puis elle fixa la porte, prête à attendre une minute aussi bien que plusieurs heures. Elle l'attendrait.

Aujourd'hui est un grand jour ! Un grand événement va se produire aujourd'hui ! Et pourtant, le concerné n'est même pas encore au courant. Enfin, enfin ! Il allait enfin avoir le droit à une mission d'entrée pour cette guilde dont il n'était pas encore officiellement membre. Un groupe de proie potentielle défiait Silver Fang, sot qu'ils sont, et Kuro était chargé de les éradiquer, heureux qu'il en serra. Enfin, du moins, leur faire comprendre qu'ils ne devaient en aucuns cas défier Silver Fang. Il était partie trouver une proie, pour se faire les dents, cependant, on le fit convier avant qu'il n'ai trouvé la dite proie, le fesant ainsi rester sur sa faim. Fondu dans les vents au dessus de Fiore, il rejoignit l'homme qui l'avait appelé. Kuro fit changer la direction du vent vers l'homme puis fit ralentir ces mêmes vents afin d'en sortir sans dommages. Aux yeux de l'homme, Kuro apparaissait petit à petit, comme si on tournait les pages d'un livre et que l'image de l'homme se trouvait sur la page d'après, à l'exception que l'image n'était pas aussi sage que ça.

« Vous m'avez appelé ? » Fit-il en gardant un ton respectueux. Comédie, il n'avait aucuns respects envers cet homme qu'il ne connaissait même pas. Il l'aurait bien tué ! Mais avoir les assassins des Silver Fang aux basques n'est pas très recommandé. De plus, s'il voulait se faire accepter par la guilde, tuer l'un des membres n'est, encore une fois, pas recommandé.

L'homme acquiesça et lui fit comprendre que le temps de devenir officiellement un Silver Fang était venu, qu'il devait faire ses preuves lors d'une mission. Il lui expliqua brièvement les détails de la mission et l'informa qu'il aurait une partenaire, celle-ci étant déjà sur place, apparemment. Kuro afficha un sourire qu'il masqua habillement de sa main. Une femme ? Si elle était belle, peut être la tuera-t-il. Non non non, il ne faut pas, il ne faut pas qu'il tue un membre de Silver Fang. Son appétit sera couvert par la mort de quelques uns des villageois, au mieux, mais pas par sa partenaire...

« Je me met en route dans ce cas. »

Il se mit à marcher dans la direction de la ville où la mission avait lieu puis d'un geste demain se dissipa comme il était venu dans les vents qu'il aime tant. Il prit ensuite de la hauteur et accéléra les vents pour atteindre rapidement sa destination. Il détestait faire attendre ceux qui l'attendaient... Lui était patient pourtant, mais il savait que les gens ne l'étaient pas tous. Et puis, lorsqu'on attend une personne et qu'on est impatient, notre jugement est mauvais, chose qui, dans le cas des proies de Kuro, se révèle mauvais pour lui quand il tente de donner une image idéale de lui afin de mieux attraper ses proies dans ses filets. Passons. Le jeune homme des vents vit la taverne du rendez-vous en vu et s'en approcha en ralentissant l'allure des vents. Les arbres jouaient à l'approche de Kuro un son que certains trouvaient paisible et d'autres agaçant, le son des feuillages était pour lui une façon de masqué les cris et les pleures de ses victimes... Donc pour lui aussi, c'est un beau son.

Il se faufila par la fenêtre ouverte d'une chambre de l'étage et se laissa porter jusque l'intérieur de la taverne. Il descendit sous sa forme éthérée qu'est son Wind Walk le long des escaliers soulevant quelques grains de poussières bouts de papiers que personne ne remarquerait sans vigilance accrue. Une fois dans la pièce central de la taverne, Kuro rejoignis la demoiselle en gardant une vitesse lente, afin de rester invisible et, surtout, ne pas s'épuiser inutilement. Une fois à la hauteur de la demoiselle, il osa laisser sa bouche murmurer quelques mots en restant dans son état invisible.

« Voilà une bien jolie demoiselle. »

Il se plaça, tout en laissant ses mots murmurés atteindre vicieusement les organes auditives de la demoiselle, au dessus d'un siège en face d'elle afin de réapparaître lentement, comme si on remplissait son corps invisible d'une substance qui le rendait visible. Lorsque que son apparition se termina, son visage d'ange et son sourire qui va avec était la seule chose qui le préoccupait. Les gens étaient trop occupé à discuter entre eux, et le tavernier ne regardait pas dans cette direction à ce moment là. Kuro posa ses coudes sur la tables, croisa ses mains et posa son menton sur celles-ci.

« Vous dégagez quelque chose que j'aime, et je ne parles pas de votre odeur corporel de femme qui me donne des envies que je ne vous exposerais même pas, mais de votre aura presque autant souillée que la mienne. »

Il laissa un léger rire circuler tout en se redressant en arrière, plaçant ses bras libres à l'arrière de sa tête pour s'étirer puis replaça ses bras sur la table avant de prendre un air un peu plus sérieux, mais pas son air sérieux, non, un air sérieux qu'il se créait, qu'il contrôlait. Son air sérieux à lui, c'est tout autre chose... Un sourire psychotique, un air diabolique et un visage déformé, ça c'est son vrai sérieux ! Là c'est un visage sérieux humain, rien à voir.

« Vous devez donc être ma partenaire, je ne vois personne d'autre capable de remplir ce rôle ici. Je suis Daio Kuro, maître des vents et peut être votre futur amant, qui sait. » Lança le jeune garçon narcissique et sûr de lui, accompagné d'un léger clin d’œil habile.

Il régnait dans la misérable taverne une ambiance joyeuse insupportable. Les occupants de la salle n'avaient guère prêté attention à la rousse demoiselle et bavardaient gaiement, créant une chaleur nauséabonde. Lucile se surprit à espérer que son partenaire arrive le plus vite possible afin qu'ils puissent tous deux échapper à cette bonne humeur excessive.
Le membre acquis de SIlver Fang lui avait assuré que le second nouvel arrivant ne mettrait pas longtemps à la rejoindre. Pourtant, il sembla à la jeune mage qu’elle attendait depuis une éternité en fixant la porte du bâtiment.
Il n’était pas dans son habitude d’explorer mentalement une pièce lorsqu’elle y pénétrait. A l’instar de son père, son regard était droit ; elle ne le portait que sur les détails dont elle savait qu’ils seraient intéressants. Elle ne prêta donc ni attention aux fenêtres sales, ni au plancher qui craquait sous le poids des consommateurs, ni aux escaliers qui aboutissaient dans un coin de la salle. Peut-être aurait-elle dû ; tandis qu’elle ne détournait ses yeux gris de l’entrée, elle aurait pu apercevoir la poussière qui voletait sans que nul être visible ne l’effleure…
Elle soupira.

« Voilà une bien jolie demoiselle. »

Lucile retint un sursaut mais ne put s’empêcher de frissonner. Le dernier à lui avoir parlé ainsi au creux de l’oreille était son père, une heure avant sa mort. Elle jeta un coup d’œil agacé derrière elle, puisqu’il n’y avait personne dans son champ de vision immédiat, et ne vit que la salle bondée, parmi laquelle d’ailleurs personne ne faisait attention à elle. Tant mieux, songea-t-elle ; mais alors, à qui appartenait cette voix ?
Elle commençait à penser qu’elle avait peut-être halluciné, ou alors qu’elle avait entendu un fragment de conversation. Mais cela lui paraissait improbable. Elle décida de passer outre et de reporter son attention sur la porte ; cependant un phénomène nouveau survint. Sous ses yeux, là où nul être ne se trouvait une seconde auparavant, un homme se composait petit à petit. La première chose qui lui vint à l’esprit fut qu’il s’agissait d’un fantôme. Puis, plus raisonnablement, elle songea que ce devait être un mage. Et logiquement, elle en conclut que ce jeune homme à présent entier était son coéquipier.
Une fois qu’elle fut sûre qu’il était bien humain, sa première pensée fut qu’il avait l’air stupide. C’était quoi, ce sourire ? Il avait l’air mièvre. Cette impression fut renforcée lorsqu’il prit une pose ridicule : menton sur les mains, coudes sur la table ; cliché. Lucile n’esquissa pas la moindre réaction.

« Vous dégagez quelque chose que j’aime, et je ne parle pas de votre odeur corporelle de femme qui me donne des envies que je ne vous exposerai même pas, mais de votre aura presque autant souillée que la mienne. »

Quel contraste avec ce qu’il avait montré jusque là ! Son intonation était douce comme un léger courant d’air, et la jeune femme reconnut la voix qui avait soufflé à son oreille. Il n’avait plus rien de niais, et Lucile put sentir la profondeur de sa noirceur. Elle ne releva même pas l’allusion à sa féminité, ne retint que la souillure qu’il devinait dans son aura. Elle sentit un sentiment étrange et confortable s’insinuer en elle : elle savait que devant lui, elle n’aurait même pas à essayer d’être sociale.
Puis cet imbécile gâcha tout en reprenant son attitude naïve ; il s’étira et elle eut la très forte envie de le frapper. Il lui fallut toute la concentration du monde pour ne pas se jeter sur lui et le tuer, à l’instar du jeune John : il était son partenaire et il était certain qu’elle ne pourrait accéder au titre de membre de Silver Fang en le tuant. Puis, il voulut prendre un air sérieux qui ne lui allait pas et Lucile dut fermer les yeux de dégoût. Ce fut sa voix si douce qui l’amena à les rouvrir.

« Vous devez donc être ma partenaire, je ne vois personne d’autre capable de remplir ce rôle ici. Je suis Daio Kuro, maître des vents et peut-être votre futur amant, qui sait. » fit-il en s'autorisant un clin d'oeil.

Quelle présomption ! Quelle suffisance, quelle prétention ! Une lueur de meurtre passa dans le regard de la fougueuse demoiselle. Plus jamais on ne la forcerait.

« Je suis flattée que tu voies en moi une mage digne de toi, Kuro », fit-elle en s’efforçant d’adopter le ton le plus neutre possible. « Je suis Lucile Failer, mage des Ténèbres. J’espère que nous mènerons ensemble cette mission à bien. Quant à ta dernière proposition, sache que je choisis mes amants et non l’inverse. J’examinerai la question. »

Elle le regarda plus longuement, et fut soulagée de voir que l’hypocrisie avait disparu de ses traits. La pensée l’effleura qu’ils se ressemblaient peut-être, et se surprit à espérer qu’ils puissent un jour parler sans les artifices réservés à la vie en société.
Il n’était pas laid, loin de là. En vérité, Lucile le préférait lorsqu’il ne tentait pas de séduire. Ils se regardèrent encore un moment sans rien dire, et elle fut la première étonnée de se sentir sourire.

« Alors, quand va-t-on montrer à ces pouilleux ce qu’il en coûte de se frotter à Silver Fang ? »

Flattée ? Loin de là l'idée qu'il se faisait en décryptant les traits de la demoiselle. Neutre, neutre et neutre. Rien, il n'y avait rien qui montrait de la flatterie. Rougir et, dans l'extrême, glousser, mais aucunement un ton neutre ?! Était-elle une amateur des réactions humaines ? Comment pouvait-elle être une réelle tueuse en maîtrisant pas au moins les bases de la manipulation ! Les bases étant, être capable de se manipuler soit même. Ou, pour faire simple, contrôler ses émotions ! Mais passons ! Pourtant ! Pourtant, il avait reconnu en elle, en son regard, la chose qui caractérise les tueurs. La pulsion meurtrière, une sensation puissante qui parcours le corps, lui donnant une énergie capable de basculer au delà de la limite que l'humain a de nature. La limite de la survie de sa propre espèce.

« Mmh. »

Le reste de la phrase brisa légèrement le mythe qu'il s'était forgé de lui même. Une demoiselle qui refuse, aussi facilement, la proposition de Kuro, sans rougir qui plus est, sans émettre aucuns signes qu'elle pensait le contraire de ce qu'elle disait, cela le freinait, l'offusquait. Pas contre elle ! Loin de là, contre lui même. Il s'y était mal pris, c'était sûr. Peut être était-ce un nouveau type d'humaine qu'il devait apprendre à connaître, apprendre à maîtriser et à prendre à contrôler ? Ou est-ce juste une demoiselle qui n'est pas intéresser par les hommes ? Après tout, il y en a ! Pourtant ! Pourtant, ce n'était pas ce qu'elle disait. Elle choisissait ses amants, et non amantes, elle n'était donc pas attiré par la gente féminine, ou du moins, pas seulement. Mais passons. Ce mur qu'il s'était prit, à pleine vitesse qui plus est, était aussi violent que le choc lors de son accident de jeunesse. Il lui faudra du temps pour pouvoir reprendre, pouvoir être de nouveau assez confiant pour parfaitement séduire une créature porteuse.

« Vous devriez savoir qu'il ne faut pas prononcer ces deux mots à voix hautes ma chère amie. »

Son regard ne la fixait plus, alors qu'il ne l'avait quasiment pas quittée du regard jusqu'à présent. Il montrait un désintéressement, une envie de passer à autre chose, mais ce n'était pas son intention bien que cela soit les faits. Une demoiselle venait d'entrer dans le bar, attirant les regardes de nombreux hommes, dont évidemment celui de l'homme aux nombreuses victimes.

« Les pouilleux peuvent-ils attendre ? »

Il afficha un sourire effrayant, le sourire de la hyène ayant trouvé une délicieuse biche à engloutir. Et s'il n'y avait pas autant de bruit dans cette fichue taverne, peut être entendrions nous le rire sinistre et pervers de l'animal. Mais passons, encore une fois. La demoiselle rejoignit un homme qu'elle embrassa, elle se pencha sur lui et lui caressa la jambe d'une manière qui excitait la plupart des camarades de l’homme, mais pas Kuro. Il aimait les fragiles, bien qu'à l'occasion, il s'offrait l'une de ces filles de joies en attendant de trouver une des élues de son cœur. Pour tuer hein ! Pas pour autre chose, Kuro ne touche pas à cette branche de la perversité.

« En fin de compte, j'ai trop hâte de commencer. »

Son regard s'assombrit et plongea sur le planché tout en terminant sa phrase. Il ne laissait pas réellement le temps à sa partenaire de réagir, involontairement ou non, il n'était pas du genre à prendre l'avis des gens en temps normal. Là, politesse oblige, il avait posé la question... Mais si la créature précédente n'avait pas été de ce type là, elle ne serait plus d'ici une poignet de minute. D'ailleurs, elle quittait la pièce avec l'homme, calmant ainsi un peu l'ambiance de la taverne.

« Excuse moi, mais je n'ai pas besoin de toi pour tuer. Que pense-tu de rester ici pendant que je fais le boulot ? Tu n'auras qu'à préparer un récit à raconter au ''boss'' en attendant que je reviennes. »

Il avait accentué le mot boss en mimant avec quatre de ses doigts guillemets. Bien sûr Kuro n'avait ça que dans le but de voir la nature de celle qui était censé l'accompagnée. Si elle se résolvait à rester ici, il la tuera, Silver Fang n'a pas besoin de quelqu'un qui n'exécute pas les ordres, même dans ce genre de situation. Si elle insistait, ce serait déjà mieux. L'attaquer serait le plus amusant, pour sûr, mais dans une taverne remplit de gens, ce serait peu considéré, et preuve de manque de sang froid. Comment allait-elle réagir ? C'est ce qu'il voulait savoir, tout en rendant ses faits réels en faisant mine de se lever et de quitter la table.

[HRP: Voilà ! Tu vois que je réponds !! On va le finir ce post ma poule ^^ ( Bon, mon post est peut être un peu compliqué, j'essaie de jouer un psychopathe, un vrai, je n'ai pas l'habitude ^^) Si une partie te pose problème ou autre, n'hésite pas, même si tu veux que je modifie totalement mon post, si c'est pour toi, c'est d'accord ! *sbaf*]

C'est avec une joie certes dissimulée, mais certaine, que Lucile put constater la perte d'assurance dans le regard de son collègue. Bien sûr, il savait se contrôler, c'était évident. Cependant ses sourcils s'étaient très légèrement froncés, et la séduction avait définitivement disparu de ses prunelles. La satisfaction emplit la jeune criminelle : oui, décidément, elle le préférait sans son air niais.

« Vous devriez savoir qu'il ne faut pas prononcer ces deux mots à voix haute ma chère amie. »

Cette fois c'était clair : il était vexé. Lucile haussa les sourcils (et en plus ça rime) ; sa réaction était-elle si extraordinaire ? Les femmes qu'il avait l'habitude d'accoster -car il en avait l'habitude, c'était certain- aimaient-elles vraiment cet air mièvre qui rendait malade la flamboyante demoiselle ? Décidément, jamais elle ne comprendrait comment pensaient les gens. L'égout et les coups leurrent, comme disait sa tante... Comment ça c'est pas ça l'expression ?
De plus, elle ne voyait nulle raison pour s'interdire d'énoncer le nom de sa future guilde. Avant même d'en faire officiellement partie, elle était crainte à des kilomètres car on l'en croyait membre et qu'on avait vu de quoi elle était capable sans même se servir de magie. De nouveau, le souvenir du sang coulant sur ses jointures l'envahit et elle se sentit frémir de plaisir. Ce ne fut que lorsque son interlocuteur reprit la parole qu'elle revint au moment présent.

« Les pouilleux peuvent-ils attendre ? »

Elle suivit son regard et aperçut -mais pouvait-on la manquer ?- une créature féminine à la dignité outrageusement inexistante. L’apparition était vêtue de manière vulgaire, quand bien même on considérait qu’elle était vêtue. Par opposition à notre jeune assassine qui, il faut bien l’avouer, ne portait pas tellement plus de tissu cousu, la nouvelle arrivante ne dégageait rien : rien n’aurait changé ç’avait été une poupée gonflable qui entrait dans la taverne.
Lucile fut d’abord emplie de mépris à la pensée que son nouveau collègue s’intéressait à cette insignifiante péronnelle. Elle se retourna vers lui pour lancer une remarque acerbe, mais la lueur qui brillait dans les yeux du concerné n’avait rien de concupiscente. Le meurtre, rien de plus. Une envie de sang et de souffrance. Lucile fut soulagée : oui, décidément, elle finirait par beaucoup apprécier cet homme.
Puis la créature se dirigea vers un groupe de personnes masculines, et aguicha sans aucune ambiguïté l’un d’entre eux. Aussitôt le regard de son collègue s’assombrit, ce qui la surprit : n’aimait-il que les femmes qu’il fallait séduire ? Elle se demanda quelles auraient été ses envies à son égard s’ils n’avaient pas été voués à travailler dans la même guilde, côte à côte.

« En fin de compte, j'ai trop hâte de commencer. »

Ah, les pulsions assassines… Combien de personnes avait-il tuées pour en arriver à un tel degré de dépendance ?

« Excuse moi, mais je n'ai pas besoin de toi pour tuer. Que penses-tu de rester ici pendant que je fais le boulot ? Tu n'auras qu'à préparer un récit à raconter au ''boss'' en attendant que je revienne. »

Lucile n’avait même pas eu le temps de se demander si elle avait bien entendu. Déjà elle s’était levée, repoussant violemment le siège sur lequel elle était assise et qui se renversa avec bruit. Elle empoigna le dénommé Kuro par le col et le tira au point d’entendre un petit craquement dans son habit.

« Comment oses-tu, misérable insecte ?! Pour qui me prends-tu ? hurla la meurtrière, et l’ensemble des occupants de la salle se retourna. Et vous je vous ai rien demandé ! fit-elle un peu plus fort, sans même tourner la tête : les malheureux interpelés s’exécutèrent. Je te tuerais moi-même ici et sur-le-champ si cela pouvait t’empêcher de me sous-estimer, cracha-t-elle enfin entre ses dents serrées. On y va tous les deux, et gare à tes fesses. »

Sans plus de cérémonie, la furie entraîna son coéquipier hors de la taverne, sans le lâcher. Ce ne fut que là qu’elle reprit ses esprits. Elle ne se souvenait déjà plus de ce qu’elle avait exactement dit ou fait ; de plus, elle savait par expérience qu’il lui faudrait une minute avant d’être totalement maître d’elle-même de nouveau. L’assassine rouquine se réjouit de ne pas avoir fait couler le sang : il aurait été très mal venu que les petits nouveaux de Silver Fang se soient entretués lors de leur examen de passage. De plus, il lui vint la pensée que tous deux étaient au même niveau, sans doute même la dépassait-il. Enfin, il ne fallait pas qu’elle épuise ses forces avant d’avoir effectué sa mission.
Lui parvinrent les échos des conversations naissantes dans la salle, qui suivaient le silence de mort qu’elle avait provoqué. Dans de discrets murmures, ils plaignaient Kuro. S’ils avaient su… Mais la jeune femme avait davantage une apparence, et déjà la réputation d’une tueuse ; son homologue savait arborer un air innocent et n’était pas encore connu des autochtones. La déduction la plus logique de leur part était bien évidemment la suivante : Lucile entraînait Kuro pour le saigner à l’écart des regards.