Quand on aime quelqu'un, on nourrit pour lui des craintes et des rêves. Il cristallise nos peurs et nos espoirs. Nos plus beaux élans naissent de cela. Ce lien nous anime, nous motive, nous porte, nous construit. La seule chose qui compte, c'est d'avoir quelqu'un pour qui espérer mieux. L'essentiel, c'est d'avoir quelqu'un pour qui trembler. Δ Gilles Legardinier.
Cachée derrière un mur du couloir, tu les entends. Tous. Tu reconnais la voix d’un Terence trop soucieux pour son Roi et tu sens l’hésitation dans les bras tremblants des gardes saisissant un Roi trop furieux pour reconnaitre la vérité. On dit que la Reine est tombée. On dit qu’elle ne sera plus. Tu ressens la douleur d’Adrien, non, tu la reconnais. Cette envie, cette rage naissante creusant dans son âme déjà fragile.
Et aujourd’hui, tu pleures. Tu ne pleureras pas une Reine que tu n’as jamais reconnue et cette femme que tu n’as jamais connue. Tu ne pleureras le destin funeste et lâche, d’une femme s’étant suicidée. Elle ne mérite pas tes larmes. Non. Tu pleures pour lui. Tu pleures à l’abri des regards devant sa détresse et son malheur. Devant sa souffrance et sa douleur. Devant sa peine. Aujourd’hui, tu pleures ton roi. Un roi aimant. Un roi aimé. Tu pleures pour cet homme qui, s’est toujours battu que ce soit contre la vie, contre les ennemis ou contre lui-même. Tu pleures cet homme brisé qui éclate sous vos yeux en d’infinis morceaux. Tu pleures alors la couronne rouillée. Et tu les vois, tous les deux, dans leurs intimités profondes, disparaître de ta vue pour partir vers les appartements de sa majesté. Alors tu les suis dans l’ombre. Tu écoutes à travers une porte, à travers une serrure, à travers une paroi. T’as envie de comprendre son geste. T’as envie de savoir comment …Un accident ? Elle aurait glissée en étant trop près du vide ? Non. Certains domestiques affirment qu’elle s’est jeté...Corps et âme dans les bras d’une amante bien trop connue à ton égard. Saloperie de faucheuse.
Certains gardes croisent ton regard et dans leurs yeux, c’est lueur d’hésitation, cette question en suspens : Et maintenant ?
« - Retournez à vos postes. »
T’as l’impression que Terence te murmures ce que tu dois dire. T’as passé tellement de temps à l’imiter dans son dos pour se foutre de sa gueule, qu’aujourd’hui, tes petits tours puériles servent enfin à quelque chose. Tu pourrais presque prendre sa place dis donc.
Ou pas.
A cet instant, dans cette chambre, tu ne pourras pas le remplacer. Tu ne pourrais pas être cette voix douce, délicate et pleine de bonnes intentions. Tu ne saurais pas l’être. Tu pas l’habitude de l’être.
Alors aujourd’hui, tandis que les premières gouttes de pluie tombent enfin sur les carreaux de la guilde, cette dernière pleure. En silence. Et demain, le soleil reviendra et tout reprendra. Votre vie, la sienne, celle de la guilde. Golden persistera malgré tout.
« - Qu’est-ce que tu fais-là ? - Inspection du ménage. Pourquoi t’as un souci ? - T’es au courant n’est-ce pas ? Tu ne devrais pas être là. - Je vais où je veux. Quant à toi, tu devrais dire à tes hommes d’arrêter de me reluquer le derrière. Tu seras mignon. - Laisse-le tranquille. - T’as pas compris ? Je m’en fiche de ton avis. Laisse-moi passer maintenant. - Et tu comptes faire quoi ? Apaiser sa peine et lui murmurer quelques mots doux ? - Oh bon dieu non, je te laisse cette tâche. - Alors quoi ? - Bon, quand tu auras finis de me passer au peigne fin pour savoir ce que je fais dans ce couloir et quand tu seras décidé à me laisser passer, tu me préviendras. - Peux-tu….Peux-tu l’aider ? - Non. Personne ne le peut. »
Et pourtant tu toques à la porte. Tu l’ouvres, tu entres. Tu le vois dans son lit à regarder dans le vide comme si le monde venait de s’effondrer sous ses pieds.
« - Par expérience, je sais…Je sais que vous n’avez certainement pas envie de compagnie et je le comprends mais je tenais à dire ceci : Vous êtes Roi. Ne l’oubliez pas. Vous êtes Roi et l’on ne peut se passer de vous. Alors relevez la tête. Bombez le torse et rendez-nous fiers car si vous ne le faites pas, on s’écroulera. »