Forcément, on invite madame à faire les magasins et c’est pour ta poche. Aaah les femmes. On ne peut pas vivre avec mais on ne peut pas vivre sans non plus, même si celle-là a le don de te rendre chèvre ou fou, dans bien des sens. Il est inutile de préciser que quand Sting voudra un rapport de mission, vous sauterez forcément toute la partie concernant cette nuit et les autres moments qui vous arrivera de ce genre-là. Ces moments où vous vous perdrez l’un dans l’autre, l’un avec l’autre. Ces moments où vous écarterez vos rôles d’époux trop parfaits pour simplement être vous.
« - Aaaaah, je suis bien heureux d’être un riche héritier alors ! Comment ne pourrais-je pas faire plaisir à une femme aussi MERVEILLEUSE que toi ma chérie ?! Que l’on me damne. »
Vous le faites exprès. Vous le savez. Autant elle peut te faire passer pour un fou en parlant de mission, autant il ne faudrait pas oublier ce pourquoi vous êtes là et même si tu prends goût à jouer à ce petit jeu avec elle, les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures.
Puis, elle vient à te poser cette question qui fait suite à ce que tu venais de dire. Décidément, cette femme a la délicatesse d’un buffle quand il faut essayer de lire entre les lignes. Dana t’avais pourtant assuré que toute femme sur cette terre arrivait parfaitement à comprendre les sous-entendus mais vous aviez oubliés, dans votre équation de l’exactitude, que Sybilia existait. Ni homme. Ni femme. Un genre à part. Quelque chose de nouveau. Totalement inédit même.
Sybilia ne manque pas de joie de vivre et de force mais aussi d’entêtement et de colère quand il faut s’exprimer. Elle n’a rien de délicat, ni de fragile et au lieu d’être la rose, elle serait plutôt la ronce. Elle pique. Elle agrippe. Elle s’accroche. Elle blesse. Elle n’est pas cette petite chose que l’on protège bien malgré soi. Elle est celle qui survit en milieu hostile. Elle s’adapte. Elle est celle qui traverse le temps, les obstacles et tout ce qui lui barre la route. Elle est cet ensemble de choses. Cet ensemble qui fait d’elle, la personne qu’elle. Cet ensemble qui fait d’elle, la personne remarquable et la femme incroyable qu’elle est.
Mais hors de question de lui dire. Plutôt mourir.
« - Si j’aime ce que je vois ? Oh oui. Tant que tu ne portes pas mon AMOUR cette horrible robe boudin. Elle te grossit vraiment. Tu ressemblerais presque à ma chère belle maman que j’adore ! Ta mère est si charmante… »
Tu rigoles en lui glissant un léger clin d’œil et tu te lèves avant qu’elle n’ait une nouvelle fois, le temps de t’en mettre une, te dirigeant vers le comptoir pour payer vos deux petits déjeuner. Sting payera la note de cet hôtel.
Une fois dehors, tu prends la main de Sybilia que tu poses sur ton bras et vous continuez votre comédie faussement romantique dans les rues de la ville. Jusqu’à arriver devant cette boutique. Un tailleur hein ? Autant faire du sur mesure avec elle. Sait-on jamais. Un donut de trop et la robe pourrait avoir besoin de retouches.
« - Je vous confie ma charmante et éblouissante épouse que voici mon brave. Faites-en la plus belle d’entre toutes pour ce soir. Je vous en serais reconnaissant. »
Il faudrait un miracle pour rendre la beauté que Gorilla a perdu mais bon…Par moment, il suffit de faire preuve d’un peu de foi et le reste…Eh bien, le reste repose sur le destin.
Tu regardes autour de toi, curieux de l’endroit puis tu finis par t’installer dans un fauteuil dans lequel tu t’affales en attendant qu’ils finissent tous les deux. D’ailleurs, par moment, on croirait entendre des bruits étranges provenant de l’arrière-boutique. Ça t’intrigue. L’espace d’un instant, t’imagines Sybilia se faisant mesurer de la tête aux pieds et se retenant de pas frapper ce pauvre homme se donnant tant de mal pour transformer l’épave qu’elle est.
Comme si un tel miracle était possible ahaha. Alors…Pourquoi être venu ?
La porte s’ouvre et des bruits de pas résonnent sur le parquet grinçant. Ils reviennent. Finalement, ça a été plus vite que ce que tu ne croyais.
Elle arrive en face de toi, princesse du jour, reine d’une nuit. Tes yeux parcourent la silhouette de la tête aux pieds plusieurs fois pour être sûr que ce n’est pas un mirage ou une illusion d’une quelconque sorte. Cette robe…
C’était le miracle attendu et tant espérer. Voyant que sa question reste sans réponse, comme flottante dans l’air, tu te réveilles et finit par te retourner, croisant les bras derrière la tête, te détournant d’elle.
« - Elle…Elle te vas bien ! »
Et peut-être même plus que ça.
« - Aaaahhh je suis un idiot…. »
Reprends tes esprits! Tu fais face au vieil homme attendant à côté. C’est maintenant qu’il faut pleurer….
D’ailleurs quand il t’annonce discrètement le prix pendant que Sybilia est partie se changer dans une cabine, tu crois faire un malaise. Les femmes coûtent vraiment cher ! Une ruine totale ! En espérant que ce soit réellement pour la bonne cause.
Sac sur l’épaule, tu attends qu’elle sorte et vous sortez de la boutique. Il n’est même pas midi…Et maintenant ?
« - Donc ? Quel est le programme maintenant mon amour ? »
Puis tu t’approches discrètement de son oreille avant de souffler, grinçant des dents…
« - Ne compte pas sur ma grande générosité maintenant…. »
Et c’est alors que l’idée du parc te vient. Il y aurait peut-être toujours ce même homme d’ailleurs ? Qu’est-ce qu’il te dirait s’il te voyait avec elle ?
Qu’est-ce que tes parents adoptifs te diraient s’ils te voyaient avec elle ? Martha serait déjà en train de prévoir un futur mariage en invitant tout le village certainement et Jo’…Jo’ se moquerait certainement de toi en te disant que tu fais la plus grosse erreur de toute ta vie. Tout à fait son style que de rire de ce genre de situation !
« - Suis-moi, j’aimerais te montrer un endroit. »
Légèrement plus en avant qu’elle, tu te retournes pour lui tendre la main, portant sa robe du soir sur l’épaule de l’autre.
Ce n’était pas tant pour les amoureux hantant le parc que tu l’avais emmené ici mais surtout pour le cadre. Tout était si calme, reposant, comme appartenant à une autre dimension. Avec la nuit agitée que vous aviez passée, il ne serait pas de refus d’avoir un moment de calme et de tranquillité avant de reprendre avec le jeu de rôles grotesques de Sting.
« - Ne t’inquiète pas pour le bal…On y sera. »
Elle s’installe tout contre toi, sa tête sur tes jambes tandis que tu la regardes fermer les yeux petit à petit.
Elle n’était finalement qu’un masque parmi un autre.
La femme agressive et bruyante qu’elle est naturellement se transforme dès qu’elle ferme les yeux. Il n’y a plus de bruits, plus de faux sous-entendus, plus de légères piques agressives lancées, plus rien. Il n’y a que vous. Que deux êtres cherchant le réconfort dans la nature et dans l’autre. Il n’y a plus rien d’autre qui compte sur l’instant. Comme si le temps s’était stoppé pour vous laisser ce moment.
« - Un jour, j’aimerais t’emmener avec moi, chez moi. »
A Seven, outre les quartiers où tu avais grandis, il y avait tellement de chose à voir et à découvrir. Des lacs réfléchissant les milles et une couleur de la nature, les montagnes plongées dans la brume, les réserves naturelles…Tant de choses que tu as eu l’occasion de voir en voyageant à chaque mission qu’on te donnait. Tu te rappelles de ce lac non loin de la caserne…Carl et Zentha y allaient souvent en t’entraînant de force avec eux.
Tu te rappelles de leurs cris quand ils se balançaient aux lianes avant de plonger. Tu te rappelles de vos fous rires quand vous essayiez désespérément de pêchés quelque chose et que seul toi, habitué de la survie, y arrivais, devant le regard désespéré de Carl. Tu te rappelles de toutes choses et tu te surprends à sourire.
S’ils étaient là aujourd’hui, ils seraient certainement cachés derrière un arbre, t’épiant sans aucune discrétion et espérant pouvoir caser ton cœur. Ce fut l’un de leurs plus longs combats. Des rendez-vous arrangés, des pièges et des traquenards, ils t’en ont fait subir mais tu n’as jamais regretté la chose…C’était plutôt amusant même.
Un silence suivit d’un échange de regard et d’un hochement de tête. Tu acceptes sa condition si vraiment tu peux l’appeler ainsi. Quelque part, rencontrer les parents de l’un ou de l’autre à quelque chose de presque solennel mais si c’est pour lui faire plaisir alors pourquoi pas ? D’une certaine façon, t’as l’impression que ça pourrait t’aider à la comprendre. Elle.
Et tandis que tu y penses, tu la vois se lever et partir vers la fontaine, levant sa robe sous le regard surpris et amusé des passants. Mais qu’est-ce qu’elle fait encore ?!
« - Viens-là ! Qu’est-ce que tu fais à patauger là-dedans ?! Ce n’est pas une piscine sors de là ! »
Les gens rient de toi, d’elle, de vous. Certains s’arrêtent. D’autres se morfondent dans la honte, principalement les vieilles dames. Tu les entends rouspéter derrière en bruits de fonds comme si, parmi les rires, tu ne pouvais entendre que leurs voix.
« - Ces jeunes alors ! C’est une honte ! Aucune tenue ! »
Le soldat et la criminelle. Voilà ce que vous étiez. Il ne manquerait plus qu’un milicien passe dans le coin et vous tape sur les doigts. Il ne manquerait vraiment plus que ça et tandis que tu poses les sacs sur le banc à côté de toi, tu t’avances vers elle, d’un pas déterminé à la sortir de là de grès ou de force et à peine arrives-tu à sa hauteur que voilà qu’elle s’amuse à t’arroser.
« - Vraiment ? Tu veux jouer à ça avec moi ? Tu l’auras voulu. »
Tu enlèves ta veste, la jetant sur le banc avec les achats de « madame », te montrant torse nu à la vue des dames se regroupant alors autour de vous.
Tu enjambes la barrière sans effort à ton tour et rejoins Sybilia dans la fontaine, l’air contrarié, sérieux, tentant de cacher un sourire amusé.
« - Alors ? On rigole moins maintenant que je suis là hein ? »
Sans crier gare, tu l’arroses à son tour tandis que le public s’esclaffe devant votre scène. Un couple, des amis, des collègues…Allez savoir ce que vous étiez à ce moment-là. Vous seuls le saviez.
Pour la plus part, vous n’étiez que des enfants jouant dans une fontaine publique. Pour d’autres, il y avait peut-être plus que ça…Se dessinant progressivement.
« - Ahahahaha ! Abandonne Gorilla, t’as AUCUNE chance de me battre »
Lui glissant un clin d’œil coquin et lui tirant la langue, tu t’approches d’elle et la mets sur ton épaule comme un vulgaire sac à patate.
« - Aller, on sort de là, tout le monde a assez vu tes obus. Dégagez ! Y’a plus rien à voir aller oust oust ! Si t’attrapes la crève, je vais devoir finir le boulot tout seul et ça m’embêterais de ne plus t’avoir avec moi ahaha ! Oust vous autres ! »
« Un complet ». Tu la regardes en arquant un sourcil, un sourire amusé. Parce qu’elle croit sincèrement que tu vas rentrer dans ce genre de chose peut-être ? Aurait-elle vue la vierge cette nuit ou se serait-elle cognée la tête dans la fontaine pour avoir eu subitement ce genre d’idée ?
« - N’est pas né celui ou celle qui me fera porter ce genre de chose. Et j’ai certainement plus de manières que toi donc j’ai déjà pris ce qu’il faut. On a qu’à retourner à l’hôtel maintenant. Le temps que MADEMOISELLE se fasse une beauté. »
Tu passes devant, l’air de rien, sifflotant, bras croisés derrière la tête et quand vos regards se croisent tu lui fais un léger clin d’œil. Ça s’appelle avoir un coup d’avance chérie. Tu apprendras un jour.
Au passage, tu récupères vos sacs et ta veste que tu remets sur toi avant de la rattacher vulgairement. Le temps de retourner jusqu’à la chambre…On s’en fout si on voit la moitié de ton torse.
« - Bon je te laisse te faire toute belle pour que TU sois à la hauteur de NOTRE mission, pendant ce temps, je vais étendre ça. File-moi tes affaires.»
Certains passants vous ont regardés avec ces yeux pleins de surprise et de curiosité. Qui oserait dormir dans un hôtel pareil dans vos états respectifs ?
Suspendant sa robe à la poignée de la porte, tu sors dehors sur la terrasse balançant tes affaires sur la rambarde, profitant des derniers rayons de soleil de la journée. La nuit va vite arriver. La raison de votre présence également.
Il était temps d’arrêter de jouer cette comédie et de passer à autre chose. Plus vite vous en aurez respectivement finis ici, plus vite vous serez rentrés, reprenant votre routine quotidienne.