L'immense porte me fait face, béante, ouverte sur la noirceur de la cathédrale. Cet endroit m'a toujours impressionné... Impressionné et effrayé. Je ne sais toujours pas pourquoi, d'ailleurs. Les moines sont censés être des gens plutôt sympas ; la preuve, Emil est un gars sympa, donc je ne devrais pas trop m'en faire. Mais là, ... Je lui trouve quelque chose de... sinistre. Entrer là-dedans ne me dit rien qui vaille.

Mais Travis et la jeune fille aux cheveux blancs sont déjà à l'intérieur tandis que je pose ma question. Me voilà donc embarqué dans une affaire qui me dépasse, sans aucun doute. Je les suis et parviens à les rattraper juste avant que la porte ne se referme derrière nous.

Tandis que nous avançons dans la nef, c'est comme si l'air s'était mis à se rafraîchir de lui-même. D'ailleurs, je me dis que ce serait assez pratique, en été, quand on est en pleine fournaise. Je rajuste mon manteau sur mes épaules et croise les bras pour retenir la chaleur ; mes pieds sont légèrement engourdis à cause du sol froid, il va falloir que je les bouge assez rapidement pour ne pas finir comme l'un de ces esquimaux glacés qu'on vendait à la guilde, il y a six ans. Les vitraux sont recouverts de givre, mais bien vite ils sont emprisonnés dans une épaisse gangue de glace, tout comme les gigantesques battants de l'huis.

- Je crois que je le sens pas, ce coup-là..., chuchoté-je pour essayer de rompre le silence oppressant de nos pas sur la patinoire qu'était devenu le carrelage.

Mais à peine ai-je fermé ma bouche qu'un éclat apparaît dans mon champ de vision, et il va très vite. Beaucoup trop pour que je puisse réfléchir, que je puisse penser à quoi que ce soit. Je fais d'instinct la seule chose que j'ai à l'esprit.

SLOW DOWN !, m'exclamé-je tandis que la dague se trouve à un bras de mon front.

Je plonge au sol, oubliant sur le coup qu'il est aussi glissant que si on venait de le badigeonner de gomina, et me ramasse le coin du menton sur le verglas. En relevant la tête, je n'arrive pas à me retenir de pouffer de rire, voyant que Volt a subi le même sort que moi. Mais à ce moment, un nouveau poignard de glace fond sur moi - au sens figuré s'entend.

Je me redresse au plus vite, évitant de justesse la lame, qui se brise à mes pieds. Là, Travis croise ses bras à son tour, et c'est comme si l'air s'était mis à crépiter. Une sorte de dôme nous englobe, et nous protège de nouvelles dagues qui viennent. Je ne peux pas m'empêcher de morigéner Volt.

- Tu sais que tu aurais pu commencer par ça..., lui dis-je avec un grand sourire. Puis, me tournant vers la fille aux cheveux de neige, Je crois que l'on ne nous a pas présenté : Edward Stirling, ravi de faire votre connaissance.

« Dites leurs, de ne jamais abandonner!»