La traversée du Mont Yakobe. Un périple sinueux et dangereux. Une chaîne de montagne constamment mis sans dessus dessous par les blizzards et tempêtes si particulier dans ce genre de milieu. La neige y tombait abondamment toute l'année, transformant le paysage mois après mois. Les falaises étaient escarpées et glissantes, alors que les gouffres étaient profonds et mortels. Des bêtes aussi féroces que sauvages vivaient ici, sans se soucier de l'homme et sans le craindre. Un endroit parfait, lorsqu'on voulait se mettre au défi. Une vraie carte postale apocalyptique, version âge de glace.

J’avançais lentement, dans cette neige épaisse et poudreuse. En quête d'un adversaire particulier et peu commun, que peu avait vu, bien que son espèce était fréquente ici. Un balkan. Je souhaitais en affronter un, rien qu'un seul. Ma vie avait pris une tournure des plus étranges, une tournure que je n'aurais jamais imaginé. J'avais un nouveau corps, de nouveaux objectifs, mais tout cela était trop nouveaux. Je devais me familiariser avec ce corps qui était le mien... Qui l'avait toujours été apparemment. Grand, trapu, à la chevelure écarlate comme celle du sang et non pas un petit, maigrichon, aux cheveux couleur pissenlit doré.

Sur mon dos, reposait un vieux sac que j'avais rempli de nourriture et de vêtements de rechange. J'avais beau être vêtu comme un ours dans le désert, je sentais la brise glaciale me refroidir jusqu'à l'os, mais rien n'y fit. Je continuais d'avancer. Un but à atteindre, voilà ce que je fixais droit devant moi. Une grotte assez grande pour m'accueillir, en attendant que mon adversaire se montre.

Je pénétrais dans la cachette naturelle, me protégeant de ce vent aussi froid que chiant. Déposant mes affaires dans un coin, je ramassais ce qui semblait être les affaires d'anciens voyageurs peu chanceux et me fit un feu dans cette grotte des plus accueillantes. De mon sac, j'ôtais une bonne bouteille de saké, cet alcool aussi prononcé que délicieux. Depuis combien de temps n'en avais pas bu ? Bien trop longtemps. J'inaugurais donc ma nouvelle vie qui allait s'annoncer des plus charmantes, d'une bonne bouteille de saké à déguster seul. C'était dans un moment pareil que j'appréciais le fais d'être un renégat. Les héros devaient partager, alors que nous renégat, nous ne partagions pas. Nous buvions seul notre magot ! Rhum et saké étaient les seules boissons de nos coeurs et ceux prétendant le contraire, n'étaient qu'un ramassis d'ignare sans cervelle n'ayant aucune saveur de la vie.

*Gloups Gloups Gloups*

Le bruit charmant d'un homme qui buvait une bonne bouteille gorgée après gorgée, avec une distinction hors norme. J'étais de ceux-là, qui buvaient le saké comme s'il s'agissait d'un sirop pour enfant. Le temps n'était pas à la dégustation raffinée mais à l'excès. Un excès solitaire empreint à une folie refoulé pendant trop longtemps. Aujourd'hui elle brûlait plus forte que jamais et mon âme... Mon âme dansait dans cette ronde de colère grandissante, enfermé dans une cage trop petite pour la contenir plus longtemps. Une colère si immense, que je n'avais pas pu l'exprimer dans mon ancien corps plein de fragilité. Mais aujourd'hui. Aujourd'huiii ! Le monde allait brûler sous l'empreinte d'un nouveau maître. Je n'étais rien, mais j'allais tout devenir.

Soudain, un balkan apparut face à moi, agitant ses poings comme s'il voulait faire une partie de catch. Bien évidemment il devait venir au mauvais moment celui-là... J'attrapais une deuxième bouteille de saké et je la lui lançais. Que croyez-vous ? Vous pensiez vraiment qu'il y avait des vêtements dans mon sac ? Ahah. Idiots que vous êtes. De quoi tenir plusieurs jours dans un état d'ivresse parfaite.

« Arrêtes le catch Chewbacca et testes donc le saké. Ça c'est bandant, tête poilu. Ah et pendant que j'y suis, tu n'aurais pas une petite revue porno ? Bah ouais, vous avez une sale réputation de pervers, donc je me suis dis qu'on allait être sur la même longueur toi et moi. Ahah... »
Prononçais-je d'une traite, alors que des airs d'ébriétés commençaient à teinter ma voix.

Le singe attrapa la bouteille, sentant l'intérieur de son nez noirâtre dégouttant. Sans même estimer la valeur de ce qu'il tenait dans la main, il jetait la bouteille contre le sol où elle explosa en des milliers de morceaux. Outrage, seigneur ! Regardez ce que ces hérétiques font ! Ils jettent l'eau sainte !! La pilosité sur patte se mit à gesticuler dans tous les sens avant de prononcer des mots pleins de bons sens.

« Rival ! Rival ! Rival ! Riiivaaaaaal !!! »
Criait-il, dans ses singeries acrobatiques.

Je riais aussi fort et clairement que mon état d'ivresse me le permettait. Alors autant dire que l'on pouvait m'entendre bien loin. Je me levais lentement, alors que je sentais craquer chacune de mes articulations dans une symphonie mortelle.

« Ahah ! T'es un marrant toi. Tu n'as pas l'air trop con, mais je vais te dire une chose face de pet... Il est clair que je suis ton rival, car quelle dame ayant un minimum de bon goût irait choisir une boule de poil puante et crasseuse comme toi, à un roi comme moi ? T'es de la merde bonne à faire les écuries mon pote. »
Lui déclarais-je sauvagement, d'un air malicieux.

La suite fut si brutale et anarchique, que même le temps se stoppa un instant pour contempler ce carnage. La bête et l'homme se battait à la force de leur corps. Les poings d'acier qui frappaient l'autre d'une force presque inhumaine. Voilà dans quoi je lançais toute ma colère, un combat de monstre à monstre. J'étalais mon poing dans sa figure, dans un coup rapide et sec. Pas de politesse, pas de maladresse. Droit au but, comme je les aimais. Le balkan me le rendait tout aussi fort dans la mâchoire. Vint ensuite les coups de genoux dans l'abdomen, les frappes dans les cotes, les attrapés jetés revu dans un style purement sauvage et brutal, des morsures bestiales de la part de la bête et des coups de crâne barbare de ma part.

« Frappes. VAS Y FRAPPES PLUS FORT SI TU T'EN SENS CAPABLE !!! »

Je sentais chaque partie de mon corps s'enflammait dans une force qui n'était pas mienne. Une force qui apportait à chacun de mes muscles une contraction presque parfaite pour un combat comme celui-ci. Nous nous battions jusqu'au sang, jusqu'à l'os. Marquant l'autre de nos coups puissants et impitoyables. Je sentais ce lien étrange qui apparaissait à chacun de nos coups. Je pouvais sentir l'âme combative de mon adverse qui brûlait aussi intensément que la mienne. Nos coups ne cessaient pas de voler et de s'abattre. Acharnement digne de deux bêtes aussi féroces l'une que l'autre, ne voulant céder face à son opposant perturbé. Un concert de folie où la bête et l'homme partageaient tout ce que ce monde recelait. De la colère. De l'animosité. De la rage. Ces sentiments enfouis sous terre que tous refoulaient. Ces sentiments que chacun ignorait par cupidité, se trouvant souvent trop bon pour pouvoir exprimer des envies aussi malsaines. Nous deux, nous étions là. Exprimant par nos poings, par nos regards, par nos corps en feu, cette sensation abominable qu'était la haine.

« Je ne perdrais paaaas !! »
Criais-je dans un dernier élan de force inhumaine, puisant dans mes dernières ressources pour frapper mon valeureux adversaire.

Le dernier coup. Celui qui marquait toute la rage du combat, celui où nous déposions toutes nos forces et nos ambitions. C'était sur celui-là que le combat prit fin. Un bruit sourd qui fit l'espace d'un instant, trembler les parois de la grotte. Nos grognements respectifs qui gravaient dans le coeur de cette montagne, notre combat acharné et haineux. Pourtant, à cet instant... Je me sentais plus proche de cette bête, que de n'importe quel homme sur Terre. Il ne me suffisait que d'un regard avec lui, pour comprendre ce que ses yeux me transmettaient.

« T'es pas une merde finalement. Ahah... »
Prononçais-je alors que nos derniers coups avaient été donnés.

Nous tombions tout deux à la renverse, nos corps aussi vide de force qu'un citron pressé. Étrangement, je me sentais d'une légèreté extrême. Mon corps, comme mon âme étaient dans une ébullition parfaite de bien être. J'avais accompli mon défi. Même si pour certain cela ressemblait plus à un match nul qu'à une victoire, j'avais vu ce que je voulais voir. Tendant la main vers l'avant, je fis apparaître le livre enflammé. Le recueil de ma magie, celui qui détenait toutes les techniques que je pouvais désirer. Les pages défilèrent rapidement, avant de s'arrêter sur une page particulière. Le livre décidait pour moi, quel technique j'allais posséder.

Aussi brusquement que l'arrivée d'un bon mal de tête après une nuit d'ébriété total, je sentis mon dos brûler d'une chaleur familière. Un phœnix venait d'être tatoué, allant d'une épaule à l'autre. Cette créature mythique éternelle.