Une nouvelle journée à ne rien faire. Une nouvelle année qui débutait et aucun client. Il s'ennuyait. Il se balançait sur sa chaise en cuir et se demandait quand est-ce que quelqu'un allait bien pouvoir lui permettre de faire quelque chose. Au-delà de l'argent et de la partielle radinerie que l'un de ses formateurs lui avait transmis, vivre en paix, seul avec son chat, mais sans épisode de Derrick et sans télé, ce n'était pas pour Oméga. Il était un diable après tout. Un être qui s'amusait en se battant. Un être qui s'amusait en risquant sa vie. Un être qui aimait le sang et l'acier claquant. Alors, pourquoi, par tous les saints, personne n'avait besoin d'un dératiseur ? Oh, quels que soit le rat, qu'il soit grand ou pas, lui, il ne désirait qu'une chose. Qu'on brise l'ennui de sa vie. Bon, il n'était pas non plus triste de la sérénité, mais tout de même. Il venait de passer une semaine à attendre un client, les bras croisés sur son comptoir. La queue à pompon noir frétillant de temps à autre.

Il en venait presque à regretter Silver Fang quoiqu'il détestât cet endroit. Bastian et son humour un peu traître lui manquaient aussi. Noah, ça faisait un bout qu'il ne l'avait pas vu. Merde, il repensait même à Tarô, ce psychopathe qui avait fait foirer sa seconde mission. Après, il n'avait plus jamais voulu bosser en équipe avec un indépendant. Trop de risques. Il priait pour que cet excentrique oriental glauque et fan de poupée (et pourquoi pas d'oreillers troués, du coup) aille se faire cuire en enfer. Même s'il ne cracherait pas pour le faire lui-même. Mais ce dernier était au moins doué pour être invisible. Il n'avait aucune idée de ce que Taô pouvait être devenu. Et puis tant pis, il valait mieux ne pas savoir, cela allait sûrement l'énerver. Quant aux démons, ils étaient particulièrement calmes en ce moment. Jusqu'à preuve du contraire, cependant. Peut-être qu'il avait un concurrent quelque part en Fiore ou en Earthland qui s'amusait à réduire son activité ? Alalah. Il s'ennuyait toujours autant. Encore heureux qu'il eût refuser de mettre d'horloge. Il n'imaginait pas entendre lentement le tic-tac se répéter en boucle. Décidément. Il était prêt à faire n'importe quoi. Même à retourner en enfer, si besoin était. Mais il ne pouvait plus.

Que restait-il ? Faire du tourisme ? Non.. Il détestait les touristes. Et le tourisme. Rendre visite à Atios ? Il eut un frisson dans le dos à cette idée. Trop dangereux. Il imaginait bien le porteur de l'épée sacrée être sur les nerfs en ce moment. Il jurait sur Belzébuth que les fêtes de fin d'année avaient été mauvaises pour celui qui avait réussi à provoquer une division interne dans Silver Fang. Il paraît que ça s'appelle le karma.

D'ailleurs, il allait craquer. Sérieusement. Il avait atteint le point de craquage. Les jolies fleurs dans le vase sur la fenêtre allaient exploser quand nerveusement, il appuierait sur la détente de son flingue pour se passer le temps. Mais il n'en eut pas l'occasion. Kuro lui sauta sur le visage et le fit tomber à la renverse de sa chaise. Oméga maugréa et disputa le démon au corps soyeux et à la queue bifide. Il était mignon. Il était la seule personne avec qui il discutait dans la journée. Matin, midi et soir. Son serviteur à quatre pattes, un démon chat, était le dernier point actif et vivant de sa vie sociale. Ah bah ça, en étant indépendant, il aurait dû se douter qu'il finirait tout seul. D'un autre côté, il n'imaginait pas être resté à Silver Fang. Plutôt crever que de faire ami-ami avec Clifford. Parce que là, il aurait vraiment été désespéré. Et quand il imaginait l'autre alternative - Karito Shizuka, la nouvelle (ancienne, bien qu'il ne le sût pas encore) élève de Tomaso -, il adorait soudainement sa quiétude tiède et froide.

Il soupira et se releva lentement, en soulevant Kuro de ses deux mains, qui lui fit un grand sourire ... De chat. Oméga soupira en soulevant la chaise et en reposant son chat sur le comptoir et en se dirigeant à la fenêtre, pour se dégourdir les jambes. Les rues étaient pleines. Pleines de gens qui ne regardaient pas son enseigne et qui se contrefichaient de son agence de chasse aux monstres. Et dire qu'il avait eu cette idée en croyant que les gens auraient plus de problèmes de Vulcan. Il paraissait que la chasse aux griffons - les blorgts en étant une espèce dérivée - allait bientôt rouvrir. Il serait sûrement aux abonnés présents, parce que les blorgts étaient connus pour leur taux de reproduction affolant, rendant la population de ceux-ci difficiles à gérer. Après il y avait les wyvernes. Mais ça, c'était des grosses bestioles et il ne se sentait pas prêt à taper sur ce genre de créatures. Même si ... Cela ferait un bon exercice, quelque part. Ah. Voilà. Il craquait. Il en avait le sentiment intime. Parce qu'il commençait à faire des plans foireux.

Bordel ! Vite, un café ! Se dit-il en allant se servir, dans un percolateur planqué derrière son comptoir. Et là soudainement, la sonnerie de la clochette accrochée sa porte le fit se cogner la porte contre le comptoir. Comment, parmi toutes les conjectures possibles, le seul client en une semaine, arrive, le moment où sa tête est sous le comptoir, sa queue en train de frétiller par-dessus celui-ci ? Il s'en était cogné la tête. Il sortit la tête et remonta de toute sa hauteur en tenant de préserver sa dignité qui venait d'en prendre un coup en même temps que sa caboche. Un vieil homme se tenait à l'entrée et examinait la sobre décoration du lieu de résidence de cet auguste diable dont nous suivons les péripéties.

Le vieil homme, demanda faiblement, haletant : ▬ Monsieur Oméga ?

▬ Lui-même. Bienvenue à la Oméga's Hunting Agency. Je traite des affaires de toutes sortes, allant de la chasse aux monstres à la chasse à l'h- aux démons. Mes tarifs sont négociables et j'ai besoin d'un minimum d'informations pour intervenir : le lieu supposé de la créature à traquer ; si je dois la tuer ou non. Si je dois la laisser vivante la capturer, ça vous coûtera plus cher. Et si je dois la chercher moi-même, pareil. Ce sera calculer au prorata de l'éloignement depuis la zone de recherche cible. Donc, que puis-je faire pour vous ?

Ah, il avait voulu le faire, son petit speech de commerçant en manque de travail tellement désespéré qu'il connaît son discours par cœur. Non, sans rire. Par contre, la suite allait vraiment beaucoup moins lui plaire.

▬ Eh bien ... Je viens du village de Tully ... Un .. Un diable s'y déchaîne et menace de tuer des gens si vous ne venez pas ...

Oméga laissa ses poings retomber le long de son corps alors que Kuro avait ouvert grand les yeux, écarquillés... Un diable... Qui voulait le voir ...

▬ Il a donné un nom ? Laissa-t-il échapper dans un souffle.

▬ Amaymon, je crois ...

Oméga se mordit la lèvre et passa par-dessus le comptoir. Kuro l'avait suivi. La situation était grave : le jeune homme alla chercher ses katanas à l'étage et se prépara mentalement à affronter l'un de ses anciens collègues : le roi diabolique de la terre.