Combien de temps était-il sur les routes, depuis son départ de Silver Fang ? Il avait oublié. Il n'avait nul-part où aller. Aussi fou que cela puisse paraître, le quartier général de son ancienne guilde lui avait servi de foyer et de maison. D'endroit où retourner. Cette chambre avait été la sienne. Maintenant, le monde entier lui ouvrait ses bras. Oh, il avait fait les transferts de fonds, il avait appris de Bastian comment magouiller les experts comptables du conseil. Ainsi, ses richesses étaient toujours sauves et il pouvait courir les chemins, sans soucis. Il n'avait pas l'air très fin, chargé comme il était. Deux pistolets. Deux sabres. Et sous ses manches, deux lourdes lames de poignet. Mais elle ne le gênait plus depuis. Six mois à se balader avec un tel chargement sur le dos... Forcément, maintenant, il en avait pris l'habitude.

Il était passé par Shirotsume. Comme d'habitude, les Vulcans étaient actifs et sévissaient sur les routes. Et comme d'autre par le passé, il était temps pour lui de s'en débarrasser. C'était un boulot de routine. Pas besoin de finesse. Pas besoin de réfléchir. Juste de nettoyer. De tuer. Et d'empocher la récompense. Le ciel de la fin d'hiver était froid. L'ambiance était silencieuse. Dans la nuit noire, le diable aux oreilles pointues avançait, silencieux, stoïquement sur les sentiers. Il semblait faire un avec le stoïcisme de l'écoulement du temps, mesuré par la lente chute des flocons. Derrière lui, sa queue à pompon noir remuait un peu, témoin de son inhumanité. Ses yeux bleus dansaient à travers les paysages escarpés et enneigés. Il en avait marre de la cacher, de toute façon. Il ne savait même pas pourquoi il continuait de travailler, en fait. Il avait déjà assez d'argent.

Mais il avait compris. Un peu comme Atios ne pourrait jamais s'arrêter de punir les criminels et d'essayer d'instaurer une paix en sacrifiant toujours plus, lui non plus ne pourrait jamais s'arrêter de tuer ou de se battre. Sans ça, son existence perdrait sa consistance. Il s'effacerait. Quelque part, peut-être c'était une façon de mourir ?
En tout cas, il aimait bien ce monde. Quoi qu'on en dise, il était différent de sa géhenne d'origine, mais il était intéressant. Il se souviendrait toujours des gens qu'il avait connus. Même Bastian & Noah. Même Atios. Mais pour le moment, leurs routes divergeaient. Peut-être qu'il allait revoir la proposition d'Atios. Un contrat... Une raison de continuer de bouger. De vivre. Peut-être un toit. Protéger. Protéger... Cela avait un prix.

Un prix... Le prix de la protection ? Protéger... Cela rimait avec sacrifier. Il avait été protéger. Elle s'était sacrifiée. Pour lui. Elle l'avait protégé. Et elle était morte. Comme beaucoup d'autres. Protéger ici les routes du mont Yakobe allait coûter du sang. Le sien. Celui de la faune locale. Regretterait-il ? Il n'en savait rien. Tuer. Tuer. Tuer. Tuer. Il comprenait un peu mieux pourquoi Atios semblait léthargique en mission. Il n'y avait aucune passion. Juste une fatalité. Du sang pour éviter que celui d'autres coule. Des armes. Sacrées. Divines. Mécaniques. De la magie. Son propre corps en était une. En fait, sa propre existence était devenue sa propre arme. Ses armes étaient au service de sa propre existence et de ses idéaux. Mais les idéaux ne sont que des prétextes pour toujours plus de conflit. Les Balkans enlevaient les marchands. Pillaient les routes. Enlevaient les femmes. Et cela était sûrement une justification notable pour qu'on s'en débarrasse. Oh, de toute façon réfléchie n'était plus nécessaire. Ce monde n'avait pas de sens. Pas de respect.

La diplomatie ne servait à rien. Il n'hésiterait plus.

Sortant ses armes à feu, il lève les canons en l'air. Tôt ou tard, ils sortiront des neiges pour l'attaquer et peut-être le tuer. Il n'hésiterait pas sur les gâchettes. Il n'hésitait plus depuis un moment. Appuyant sur la gâchette et le déclencheur, la balle partit, emplie par les flammes bleues. Il ne faisait pas autant dans le détail que le type de Phantom Lord, et puis, il s'en fichait. La créature qui avait surgi de la neige, au sol retomba au sol, le bras éclaté, le corps en feu. Un de moins. Se retournant, il tira une série de six balles, mécanique. La créature s'écroula au sol, dans son propre sang, le torse troué, mutilé, brûlé, implosé. Oméga courut vers l'avance, fit une roula sur le côté, tira, rata ; il se mit derrière un chariot brûlé, rechargea ses armes et les rangea. Il bondit à travers les flammes, arriva devant la grande créature blanche et lui éclata les rotules, en utilisant le déclencheur de ses lames de poignet. Puis, profitant qu'il soit à genoux, il lui trancha la gorge avant de la pousser d'un coup de semelle en arrière.

Laissant ses lames à découvertes, il avança, laissant une trainée rouge derrière lui, jusqu'à la prochaine, qui tenait une femme, en otage, sous ses grosses mains.

▬ Recule ... Ou je tue la femme..

Mais Oméga continuait d'avancer, le regard vitreux, embrumé

▬ N'approche pas ... N'approche pas !

Il allait lui broyer la tête. Mais il n'eut pas le temps. Sa main prit feu avant. Reculant, se tordant au sol, Oméga avança sur le torse de la grosse créature. Et sans sourciller, il perça le cœur de la créature alors que la femme le regardait avec horreur. Le feu se dissipa, s'éteignant dans la nuit comme si Oméga avait soufflé sur une bougie.

▬ Il y en a d'autres ?

Elle hocha de la tête en lui indiquant de la main, une grotte, un peu plus loin, à l'ouest. Oméga, se mit à avancer dans cette direction, sans dire quoi que ce soit de supplémentaire. Il était satisfait. Il ne ressentait plus rien. II était enfin devenu capable d'assumer ses ambitions jusqu'au bout. Et il y parviendrait, sans sourciller. Bastian, où étais-tu ? Ton apprenti aux oreilles pointues, aussi peu officiel soit-il, était devenu plus grand. Alors que ses pas dans la neige laissaient une preuve macabre de sa venue, il s'avança dans la grotte gelée. Un Vulcan plus gros que les autres s'apprêta à le broyer tout entier sous un gros rocher.
Deux tirs dans les coudes. Deux tirs dans les genoux. Deux tirs dans les épaules. La créature s'effondra au sol, lâchant sa massue de fortune. Avançant un peu plus, piétinant le monstre, il rangea ses armes et dégaina un sabre dans son dos. Un Vulcan armé de ce qui semblait être une lance manqua un premier coup. Il perdit son bras, tranché à travers l'os, sous la lame bleue enflammée. Oméga l'attrapa par l'autre main, libre et l'envoya valser contre une paroi de la caverne de glace. Au fond, une femme était recroquevillée au sol. Il s'approcha en silence. Et lorsqu'elle lui sauta au cou, il lui trancha la tête, net. Il était arrivé trop tard. Mais au moins, il n'y aurait pas de victimes supplémentaires. Que ce soit à Shirotsume ou sur les routes. rangea son sabre dans le fourreau qu'il raccrocha dans son dos.
C'était l'heure de la paie. Où irait-il ensuite ? Il n'en savait rien. Mais l'eau que l'on servait dans les bars de Fiore était amers, en comparaison à celle versée par le barman de Silver Fang. Peut-être devait-il recontacter Atios ? Ou peut-être devait-il chercher parmi les guildes indépendantes ? Le conseil ou bien ? Ils avaient besoin de meurtriers silencieux et qui ne discutaient pas les ordres, après tout. Tant de possibilité. Et tant de contrats à négocié Prochaine destination ? Il n'en savait rien non plus. Mais le nord était trop froid. Oui... Beaucoup trop froid et inhospitalier pour ce qu'était devenu son propre sang.