Ma transformation complétée, il ne me restait qu'à manger normalement pour poursuivre ces heures de repos calculées. J'étais épuisé, encore blessé, mais je devais tout de même chasser pour manger. Je titubais pour me relever, me tenant contre un arbre. Je secouais la tête pour faire revenir ma vision. Cela n'arrangeait rien, j'avais seulement besoin de manger. Manger... mais les montagnes étaient rares en population humaine... Je marchais donc entre les arbres, longeant le sentier. Parfois il y avait des coureurs, d'autres fois des familles en balade ou des marchands. J'avais l'impression d'avoir marché pendant une heure jusqu'à ce qu'un individu attire mon attention par le bruit de ses pas. La tête haute, il n'avait rien à faire du danger que guettait la montagne. Il avait entendu des rumeurs, mais son orgueil passait par-dessus cela. De ses vêtements raffinés, il me paraissait comme un homme riche, profiteur de ses employés au maigre salaire: Une bonne cible en soi.

Ma faim outrepassa ma pensée et le reste de mes gestes m'étaient incontrôlables. Je sentis mon corps s'emplir d'adrénaline, augmentant mes capacités chasseresses et je me sentis courir, puis bondir comme un animal sur ma proie. Un cri sourd fit s'envoler une famille d'oiseaux. Mes dents arrachaient la chaire, mon estomac digérait rapidement les premières bouchées. Les autre s'empilèrent pour une digestion plus lente et agréable. Il ne restait pratiquement que les vêtements et les os quand j'eus terminé. Rassasié, il ne restait qu'à me reposer. Je retournai à la Guilde et retrouvai un repos que je qualifiais de mérité. À mon réveil, j'eus la même pensée que la veille. Hosenka... Pourquoi? Pourquoi cette ville me hantait tant? Y avait-il quelque chose que je n'avais pas accompli? Quelque chose que j'avais mal rempli? Je n'étais encore qu'une statue de marbre naïve. Nombreux étaient les mois qui avaient passé et je croyais encore possible de la revoir à nouveau.

Je m'assurais de quitter la Guilde sans trace avant de prendre le premier train vers cette ville aux sources thermales remplies de souvenirs. J'étais pensif... énormément pensif et anxieux. Où était-elle aujourd'hui? Que faisait-elle? Et son compagnon poilu la protégeait-elle autant qu'avant? Le train s'immobilisa à la gare et je sortis précipitamment du wagon. Je marchais rapidement vers le bâtiment de bains populaires où je l'avais rencontrée pour la première fois. Je fis le tour et vis encore cette gouttière mal posée. Je souris et je suivis le flashback physiquement jusqu'à ce qu'elle m'apparaisse. Je m'étais arrêté sur cette image et la revoyais encore et encore... Son odeur avait quitté la région, j'avais perdu sa trace. Nombreux étaient les passants, mais tout ce que je percevais était elle et moi. Je me surpris à serrer les poings.

Un lampadaire subit mon poing, se courbant par le geste violent, effrayant les gens autour. Les autorités allaient probablement être averties et l'histoire allait se répéter, mais cette fois, j'allais être seul...

Les dents serrées, le regard plongé dans les ténèbres, j'avais agi aveuglément. Je me balançais des répercussions, il n'y avait que de l'émotion qui me ravageait dans toute mon âme. C'était agréable dans un sens, mais dans un autre, c'était douloureux. Une pression sur la poitrine, une boule visqueuse dans la gorge, je ne comprenais pas. Pourquoi me sentais-je ainsi? Pourquoi avais-je agi ainsi? Pourquoi penser ainsi? Je voulais comprendre le sens de la vie, comprendre ces humains qui se comportent comme des animaux les uns envers les autres. Une voix rauque, enragée m'interpela. Il me posa une question. J'étais dos à lui, mais je n'avais pas besoin de regarder pour ressentir. L'air semblait pesant, une puissante aura magique émanait. Pourquoi écarquillais-je les yeux? Je secouais la tête, fis le vide dans mon crâne et cette frayeur disparue.

Je me retournai pour lui faire face. Ses mains illuminaient de magie, ses yeux colériques étaient prêts à me voir mourir. Pourquoi tant de haine envers un homme qui n'a prononcé qu'un mot? Était-il un de ses protecteurs? Ou bien un chasseur de tête qui avait l'intention de me faire parler pour la retrouver et recevoir tout le butin? Je ne connaissais pas sa motivation, mais je pouvais dire qu'il était comme l'autre albinos et qu'il protégeait quelque chose. La fille ou l'argent? Pour un chasseur de têtes, je trouvais son look un peu trop sportif et beaucoup moins traditionnel. Qui était-il?

Même après lui avoir dit cela, le jeune homme attendait toujours une explication. Je ne m'attaquais pas aux innocents et me battre en plein jour au milieu d'une ville ne me ressemblait pas. Déjà qu'un survivant avait vu mon visage, faire deux erreurs de suite ne me serait pas permis par Bastian. Je lui faisais face dans la plus calme des attitudes. J'essayais d'apaiser cette tension nouvellement crée par le bien de la sérénité. Qui sait de quoi cet innocent serait capable? Je levais les mains tranquillement dans les airs pour montrer que j'étais désarmé et que je ne lui voulais pas de mal. Ma laideur naturelle n'allait pas aider, mais que pouvais-je faire de plus?

C'était vrai, je ne savais pas ce que je cherchais vraiment dans cette histoire. Je ne savais pas où mon coeur me guidait, lui qui avait été rompu par l'obscurité et le mal. Pourquoi penser à elle? Pourquoi tenir à la revoir? Je crois que le jeune protecteur avait besoin de savoir toute l'histoire...