- Prête-moi ta puissance magique !
- Tu es sérieuse ? Mais si je fais ça, le bouc…
- Nom de Diou, satanée babine de schmilk, on a changé nos couches dans le même lit, tu vas pas chipoter ! Utilise ton sort d’empathie ou j’te ferai bouffer la porcelaine de grand-mère !

Sur ce, je m’exécute. Elle a toujours eu les mots pour me convaincre.
Comment on en est arrivé là ? C’est une longue histoire.

~~~

Pour se détendre en toute tranquillité, il m’arrive de faire preuve d’asociabilité. Avec un pouvoir comme le mien, il est un peu difficile de se sentir seul, isolé, et donc tranquille, même enfermé dans une pièce à la guilde. En restant honnête, j’ai aussi besoin de décompresser et de penser calmement aux derniers évènements, entre autre et surtout, l’attaque de la guilde par ma faute. Donc aujourd’hui, je suis parti seul m’entraîner. Et j’ai choisi les montagnes de Jura, super accueillant comme environnement non ? Cette idée m’est venue en tête à force de parcourir des livres relatant d’ermites partant à la montagne et revenant des années plus tard totalement transformé, avec une puissance magique décuplée et de nouveaux pouvoirs. Le genre de personnage qui disparait, où vous n’avez aucune idée de ce qui s’est déroulé, mais qui revient comme de par magie assez fort pour passer à la suite de l’histoire. C’est forcément bénéfique comme stage, moi aussi j’aimerai bien que la vie soit comme dans les livres parfois. C’est donc avec l’imagination en pleine activité farfelue que je monte la pente sinueuse devant moi.

Au bout d’un certain temps, alors que la température diminue de plus en plus, j’atteins une grotte. Comme il fait drôlement froid, je me précipite à l’intérieur en me frottant énergétiquement pour me réchauffer, pensant me poser ici et m’autoriser à lire tranquillement avant de commencer à m’entraîner. Sauf que je ressens tout d’un coup une méfiance d’une grande intensité. Et je n’en suis pas la source, ça, c’est sûr, étant donné que je me croyais seul. Et avant même que je comprenne quoi que ce soit, je me retrouve projeté à terre, ventre à terre, une lourde masse m’atterrissant dessus. De même, sans que je puisse caser un mot ou me plaindre du choc, je sens le contact d’une lame froide contre ma nuque. Totalement immobile, je me retiens de geindre alors qu’une voix féminine et cristalline s’élève en résonnant dans la grotte.

- Sale mioche, t’es qui ?
- Je… Hein ? Je ne pus répondre. J’aurai reconnu cette voie entre mille. Ania ? J’ai des hallucinations ou…
- Pardon ?.. Miku ? Non, c’est une illusion ? Un mage venant de par chez vous hein ?
- Ania, tu délires ou quoi ? Légère pause ; ma sœur n’est pas paranoïaque. Si elle se méfie, c’est qu’il y a une bonne raison. Si j’étais une illusion, tu crois que je pourrai te raconter la fois où grand-mère nous a cuisiné de l’octopus et a tenté de nous forcer à le manger ? Je me souviens de la texture de caoutchouc que ça avait, on n’en pouvait tellement plus que dès qu’elle eut le dos tourné, on a été donner ça à un groupe de chat qui trainait là et même que le premier n’a pas voulu y toucher, alors que le deuxième a fait une indigestion. Et puis après tu as…
- C’est bon, la ferme.

Je sentis le changement d’humeur dans l’atmosphère, mais surtout, je sentis la lame partir et le poids disparaitre de mon dos. Libéré, je me permets enfin de lâcher des onomatopées de douleur et je soupire de soulagement en me mettant debout. Elle m’avait mis un sacré coup tout de même. Me frottant le dos, puis la nuque, je m’étire pour faire passer la douleur puis je lève enfin la tête vers mon agresseur. Y’a plus de doute, je vois bien en face de moi le visage de ma sœur. Ses cheveux noirs, longs et fins, son visage aux traits que j’ai toujours vu comme parfaits. Et cette aura de classe qui ne se sépare jamais d’elle, cette sorte de charisme naturel qui la rendait si spéciale. Nous nous fixons avec stupéfaction jusqu’à ce que je saute dans ses bras

- Ania ! J'arrive pas à y croire ! Mais qu’est-ce que tu fiches ici ?
- Je te poserai bien la même question, crétin bienheureux.

J’ai de la chance, elle semble de bonne humeur et à répondu à mon câlin de la même manière. Il y a des jours, étant petits, où à peine avais-je décollé du sol pour lui sauter dessus qu’elle me remettait à terre la tête la première d’un coup bien placé. La sachant peu tactile, je me recule immédiatement. Nous échangeons des regards à la fois étonnés et soulagés.

- Ils nous ont entendus, tu as encore tout fait capoter. Boulet de frangin. Vient là

Elle me prit par le bras et me cache derrière elle dans un recoin sombre dans la grotte.

- Pas besoin de vous cachez, on sait que vous êtes là
- Vous vouvoyez une demoiselle, chez les brigands ?
- Oh, tu t’aventures seule par ici, c’est risqué sais tu ?

Ania m’a gentiment fait comprendre que je devais rester caché. Il devait être une douzaine, de ce que je voyais à travers le trou dans la paroi rocheuse. En fait, ce fut très rapide, même pas le temps de la contester pour me joindre à elle dans la bataille. Elle a enfilé une armure que je ne connaissais pas, et à en constater son art du combat, elle lui conférait une vitesse exceptionnelle. Deux temps trois mouvements, ce fut fait. J’ai bien sûr bondi de ma cachette les bras en l’air pour attraper ma frangine victorieuse

- Pour ma princesse, hip hip hip…

Houra. Dis-je sans comprendre pourquoi je me retrouvais dans les bras d’un grand balourd. Oh mon Dieu, comme je me sens mal. Oh. Ooooh. Il émane de lui une telle… aura de mal-être et d’insensibilité que… Je sens mon morale disparaitre. J’aurai bien cru que c’était son pouvoir, mais non, c’est le mien. Le mien qui me fait ressentir ce qu’il ressent. Mon regard se vide, je me sens comme un corps sans essence… Comment peut il être aussi... ?

- On tient ton frangin, Miku, c’est bien ça ?
- Huhu, la belle Anastasia est en difficulté, n’est-ce pas dommage ?
- Je ne v…

Je n’entends plus. Je ne vois plus. En fait, je ne bouge plus. Mais c’est étrange, j’ai l’impression d’être dans le noir complet. Je suspecte ce mage de jouer sur ses sentiments. Auraient-ils prévu le coup pour contrer Ania ? Je suis ailleurs. Je ne suis plus parmi eux, c’est certain. Noir. Noir complet. Lueur ? Couleur. J’aperçois un petit blond en train de jouer dans l’herbe avec une… Oh mais c’est nous quand nous étions petits ! Je me souviens , on se battait souvent pour nous entrainer. C’est là que j’ai appris…

- Miku !

Erf, là, j’ai mal au bras. Et je me retrouve dans la grotte. Enfin, je vois la scène plutôt, je me vois le regard vitreux, mon corps ne réagit même pas alors que le balourd m’a allègrement tailladé le bras. Et pourtant, ça fait mal, je peux vous l’assurer. C’est frustrant. Son camarade, qui semble être son chef, marmonne un discours que je n’entends pas, je vois juste ses lèvres bouger. En revanche, la réponse d’Ania, je l’ai entendu.

- Mon frère est plus fort que vous ne le croyez.

C’est tout ce dont tu es capable, me répétait-elle sans cesse. C’est exactement ce que ça voulait dire. Il faut que je reprenne possession de moi-même. C’est mon pouvoir, c’est à moi de décider. Je refuse de servir d’éponge au monde entier, à fortiori face à des gens comme eux. Je refuse, et ce, catégoriquement d’avoir un lien si minime soit il avec ces gens. Je refuse. Concentre toi Miku, reprends contrôle de ton corps.

- Shi… fting…
- Patron ? Le gamin…
- Shifting… Bolt.

Ca y est. Je sens mes jambes, mes bras, je suis dans mon corps, il m’appartient. La magie monte en moi et je sens ce sort se déclancher de lui-même. Je plante mes ongles dans les bras de mon kidnappeur. Mon esprit est en plein dans le sien, si bien que je suis au cœur de ses émotions. Et effectivement, il y avait bien un sort qui donnait une fausse apparence à ses sentiments. Totalement perdu dans le contrôle de cette technique, je réalise vite qu’il me permet d’avoir un libre accès à ses émotions. Tentons le coup. Je sélectionne la mélancolie qui traine puis je la modèle, l’explose, lui donne une ampleur qu’elle n’avait pas. Et ça fonctionne. Le lourdaud me lâche pour s’effondrer à genoux, en pleurs. Ca, c’est pas rien. J’en profite pour rejoindre ma sœur et créer immédiatement une barrière défensive entre les deux camps. Le chef semble ravi, tellement qu’il fiche un coup de pied dans l’abdomen de son acolyte toujours noyé dans sa mélancolie profonde. Et c’est là que je réalise que c’est lui, qui avait jeté ce sort qui m’a causé tant de malheur. Tout simplement parce que je le sent refaire une tentative. Mais cette fois c’est… Différent. Mon esprit est comme bloqué. Et effectivement, je ne ressens plus les émotions de qui que ce soit. C’est perturbant, moi qui ai vécu aux grés des flots des sentiments des autres…

- Prête-moi ta puissance magique !
- Tu es sérieuse ? Mais si je fais ça, le bouc…
- Nom de Diou, satanée babine de schmilk, on a changé nos couches dans le même lit, tu vas pas chipoter ! Utilise ton sort d’empathie ou j’te ferai bouffer la porcelaine de grand-mère !

Sur ce, je m’exécute. Elle a toujours eu les mots pour me convaincre. Empathy permet à ma sœur d’invoquer une armure assez… Waouh.

- Unison Raid : Shining stars, l’armure de la fraternité.

Deux épées. Un coupe-croix. Et ils furent vidés de leur puissance magique.

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Un chocolat chaud dans la boutique de la ville, quoi de mieux pour se rappeler les bons souvenirs. Le mal est passé, j’ai un beau bandage au bras mais rien de grave. Alors comme ça, Ania est devenue drôlement forte, et était en mission et j’ai tout capoté. Comme d’hab’, me direz vous. Mais ça me fait vraiment du bien de la voir. J’ai pu lui parler de toutes mes aventures de mon côté, de la stèle dorée, d’Angel’s Sky, de Légion… Elle m’a rassuré sur beaucoup de chose, comme elle le fait toujours. Et m’a donné des objectifs précis. Jamais je ne serais aussi puissant qu’elle, mais peu importe, ma magie à moi ne sert pas à cela. Nous nous sommes séparés sur une note joyeuse, et elle m’a même laissé son bracelet d’adamant que j’ai un souvenir. Ca me fait plaisir. Sourire au lèvre, je me tourne vers l’avenir en pensant déjà à notre prochaine rencontre.