Etoile, tombée si loin de chez elle, que fait elle?Sofia trottinait entre les tables d'un café bondé du centre ville d'Oshibana. Elle servait des boissons chaudes. L'air froid de l'hiver imprégnait les rues, et les citoyens venaient se réchauffer le coeur à l'aide d'un café, ou d'un chocolat, au sein de ce modeste établissement. Oh, on avait vu mieux comme situation. Sofia ne se sentait absolument pas destinée à devenir une serveuse. Il s'avérait cependant que c'était la seule mission qu'elle avait pu acquérir pour le moment. Aussi, elle s'y attelait avec résolution.
Chaque temple nécessite de poser la première pierre. Chaque pierre nécessite de poser le premier grain de sable. Ainsi commence l'homme.Aussi, la jeune femme devait viser petit au début. Son trajet était tout tracé. Il ne lui restait plus qu'à y accorder le temps. Et elle savait qu'elle avait l'éternité si elle pouvait.
Etre serveuse était un emplois simple et sans grande complication. Sofia n'avait reçu aucune formation quand à ce genre d'exercices, mais elle apprenait vite. Le plus génant était sans doute la tenue. Très légère. Les Soeurs de l'Ordre ne l'auraient jamais laissée porter cela. Un reflet du coeur souillé et impur des hommes, de leur décadence et de leur perversion interne. Mais Sofia savait qu'elle devrait donner d'elle même pour réussir sa mission. Et elle ferait tout les sacrifices. Même si ceux ci commençaient par une sorte d'étrange robe qui remontait bien au dessus du genou.
Le seul point qui intriguait la jeune femme était la demande pour une postulante à travers les panneaux des guildes. Pourquoi diable vouloir un magicien pour une telle tâche? N'importe quel citoyen devait être tout aussi qualifié.
Qu'importe. Le propriétaire de cet établissement était un homme charmant et souriant. Ils le sont tous au début. Le resterait il toujours, Sofia en doutait. Tous se présentent comme des bénédictions du ciel. Pour mieux poignarder ensuite. Mais ce n'était pas l'objet du jour. Non. Aujourd'hui, juste sourire, demander, apporter. Sourire. Important le sourire.
Le sourire est faille et forteresse.Alors que la lumière du jour s'atténuait, et que Sofia arrivait avec une autre de ces carafes du chocolat chaud, deux hommes entrèrent, cagoulés.
"Tout le monde à terre! Passez nous la caisse, et tout se passera bien!"
Ecoeurant. Ces hommes étaient décidément tombés bien bas, pour ainsi piller le labeur d'autres hommes. Le premier était petit et cassant. Le second était légèrement plus fort. Deux déchets pathétiques.
"Eh la serveuse ahurie, à terre!"
Plongée dans sa réflexion, Sofia en avait oublié leur injonction. Le petit tenait un pistolet, et le gros, une épée. Mais ils semblaient mal assurés avec leurs armes. La main qui tenait l'arme à feu tremblait, et l'épée était mal aiguisée. Sofia appela les forces qui régnaient en elle.
Enfant du Coeur, guidée par sa Tâche.Sofia laissa alors son pouvoir couler. L'Hiver appelait. Son froid mordant, sa neige tendre, et sa nature entre amour et cruauté. A l'extérieur, il se mit doucement à neiger. La porte maintenue ouverte par l'incapable à l'épée laissa passer un courant d'air glacial. Et la jeune femme obtempéra. Elle se baissa lentement, laissant échapper la cruche de chocolat qu'elle tenait, et dont le contenu se déversa dans toute l'entrée. Facile, trop facile.
"Shivering Breath"
Sofia se contenta de souffler sur le liquide répendu, qui gela instantanément. Les deux malfrats se retrouvèrent alors sur une plaque verglacée, et ils glissèrent tous deux au sol. Sofia n'avait que peu de techniques d'attaque. En revanche, elle disposait de la faculté de manier son environnement.
La créativité est la base de tout. De l'art, de la science, de la politique, et de la magie.La jeune fille se redressa aussitôt, et elle sortit ses éventails. Bien qu'elle ait dû changer de tenue pour ce labeur, elle avait cependant gardé deux de ses éventails sur elle. On ne peut jamais savoir ce qu'autruis veut nous faire. Elle déploya les lames. Forgés dans une météorite, ses éventails métalliques étaient des armes redoutables avec l'entraînement adéquat. Sofia sauta gracieusement sur une table, avant de reprendre appuis pour plonger sur le petit malingre. Son arme à feu se trouvait à quelques centimètres de ses doigts, et il cherchait à ramper pour l'attendre. La jeune fille lui planta le premier éventail dans l'épaule. Elle manquait de force, et l'arme n'était guère adaptée à un tel usage. Mais la plaie serait très douleureuse. L'homme hurla, et oublia un instant son arme pour s'intéresser à elle. Après le coup porté, Sofia avait glissé un peu plus loin, tentant de trouver un support. Son pays natal ne connaissait guère d'hivers vraiment rudes, et elle n'avait donc pas eu l'occasion de s'initier au patinnage. En revanche, il suffirait pour le moment de savoir rebondir.
Le costaud à l'épée se débrouillait mieux. Se servant de son épée comme pic à glace, il se relevait, doucement mais sûrement. Utilisant le comptoir comme base, Sofia se relança, glissant sur le flanc, et donnant un vigoureux coup d'éventail dans l'autre bras du maigrichon. Celui s'effondra en gémissant, les deux bras saignant abondement. Comme quoi, les plaies les plus graves n'étaient pas forcément celles qui saignaient le plus. Pour le tireur, cela semblait être bon. Restait son compagnon. Il serait plus difficile de le mettre à terre. Sans compter que le sol gelé empècherait toute parade ou esquive. Le grizzli passa sous l'étagère, puis s'avança doucement vers elle.
Sofia maudit un instant les Fioriens. Aucun d'eux n'avait tenté de lutter pour la soutenir, lorsqu'elle avait commencé ce combat. Aucun d'eux n'avait bougé. Ils regardaient leur vie se jouer, sans y prendre part. Un souvenir au combien amer.
Sofia remarqua alors le lourde bouteille de vin posée sur l'étagère. Il s'agissait d'un grand vin Fiorien, posé ici en décoration, et qui d'après le patron, ne serait ouverte que pour une grande occasion. Et bien voilà qui suffirait.
"Shivering Breath"
L'homme à l'épée se couvrit le visage, pensant qu'il serait la cible. Idiot. Un tel sort n'aurait guère pu que lui causer de faibles engelures considérant la force de Sofia. En revanche, faire geler un grand cru... La bouteille se vitrifia, et oscilla suite au courant d'air créé par le souffle. Et elle bascula. Elle tomba lourdement, et rebondit sur la tête de l'aggresseur, qui papillona alors un instant des yeux, l'air surpris, puis s'effondra. Sofia se retrouva alors coincée dessous. Poussant un gémissement, elle tenta de s'extirper lentement. Elle bloqua son pouvoir, annulant la force de l'hiver, et le chocolat commença à fondre dans la chaleur de la pièce.
Elle rampa alors dans le choclat à demi fondu, et se releva, trempée. Les hommes regardaient d'un air dérangé sa tenue qui moulait maintenant son corps. Hypocrites.
Le patron sortit de derrière le comptoir.
"Bravo ma belle! Tu as assuré comme une bête!"
Son langage était des plus étranges. Assurer comme un animal était un compliment assurément intrigant.
"Par contre, je pense pas que mon bon vin va se remettre du gel..."
"Une bouteille contre votre estaminet, je trouve que c'est un prix raisonnable."
L'homme parut interloqué par sa façon de parler. Comme ça, ils étaient à égalité au moins.
"Je pense que j'ai terminé mon service. Je souhaiterais recevoir ma paie, ainsi que la notification envoyée au Conseil Magique Réformé."
"Hein...? Euh... Oui..."
"Merci"
Sans un regard pour les deux malfrats, Sofia se rendit au vestiaire du personnel, sous le regard des clients. Tous pathétiques. Mais nécessaires. Un jour viendrait où ils seraient tous utiles. Restait à les guider dans la bonne direction.
Etoile, tombée si loin de chez elle, combien de temps encore s'en voudra t elle?