L'astre diurne s'étendait dans toute sa grâce sur la toile céleste, tandis que Genesis arpentait les routes du royaume, dans ce qui semblait être devenu chez lui une forme d'habitude. Au fur et à mesure de son chemin, il redécouvrait non sans émerveillement un royaume qui avait bien changé depuis les profondeurs de ses souvenirs. Là où il n'y avait que vide auparavant, il prenait plaisir à rencontrer des villages, des chemins de fer, des routes aux allures ancestrales...D'après sa brève expérience en cette nouvelle ère, notre jeune mage avait remarqué que l'ossature du monde n'avait que très peu bougé au cours du dernier millénaire; en cela il avait déduit qu'aucun cataclysme d'une ampleur gargantuesque ne l'avait affecté, et il s'en réjouissait. Ainsi, les montagnes dont il se souvenait étaient globalement à leur place, tout comme les océans, les gorges, et l'ensemble de ce qui forme le squelette du monde connu. En revanche, sur le plan de l'agencement des villes, des sentiers, et des cartes, tout semblait encore confus pour lui, et en ce sens, il se trouvait réellement en terre inconnue. Quelques cités et axes de communication immémoriaux lui paraissaient familiers, mais quant au reste, il était véritablement dans le vague. Aussi prenait-il largement son temps lors de son voyage, soucieux d'en apprécier chaque instant. Mais il fallait pourtant préciser une chose, et non des moindres : il avait été franchement exténué dernièrement. Une poignée de jours s'étaient écoulés depuis que le démoniaque Yue l'avait attaqué, alors qu'il se trouvait en la compagnie d'un autre mage insoupçonné dénommé Chris. Il lui avait fallu du temps pour se remettre intégralement de ses blessures, mais à présent qu'il était à nouveau opérationnel, il se sentait plus puissant. C'est un fait dans le monde la magie, chaque instant de pratique, chaque altercation vous renforce un peu plus.
Cette fois-ci, le périple de notre protagoniste l'attira vers les étendues de l'ouest de Fiore. Seul, de jour comme de nuit, sur les chemins parfois ardus du pays, il se sentait parfois comme un vagabond solitaire. Il savait, au fond de lui, qu'il lui faudrait une guilde, un foyer, et au plus vite, sans quoi il risquait de craquer. Il lui fallait un contact humain régulier, et non pas une vie creuse et solitaire d'ermite, surtout pas avec le nouveau tournant qu'avait pris sa vie ici-bas. C'est d'ailleurs dans le but de trouver des compagnons de bonne fortune que Genesis passait de ville en ville, préférant les grosses agglomérations aux villages désolés de campagne. En vérité, il souhaitait toujours passer inaperçu, mais dans le même temps scruter les potentiels mages environnants qui pourraient être susceptibles de constituer son nouvel entourage. Car seul, il ne pourrait jamais répondre aux incessantes questions qui le taraudaient, même jusque dans son sommeil.
Alors que le soleil atteignait son zénith, ce fut sous une chaleur harassante que notre héros franchit les portes de la grande ville d'Hosenka, jusqu'ici la plus étendue qu'il lui ai été donné de contempler depuis son arrivée en ces temps avancés. Réajustant son capuchon, il se fraya un chemin parmi la populace, prenant lentement mais sûrement ses marques avec son nouvel havre de passage. Plus par méfiance qu'autre chose, il n'aimait pas rester trop longtemps dans la même ville. La dernière fois, à Tully, il aurait pu s'attirer de nombreux problèmes à une journée près, au vu de son statut de "clandestin". Passant par les rues marchandes de la cité, il en profita pour s'acheter quelques vivres afin de se sustenter, tout en cherchant la direction du coeur de la ville. Rasant les murs, il se prit à surprendre une conversation, alors qu'il se tenait aux abords d'une fenêtre ouverte. Jetant un bref coup d'oeil, il y aperçut deux hommes d'un âge relativement avancé, qui conversaient librement. Ils paraissaient être des doyens de la ville.
"Crocus nous réclame bien trop d'hommes...as-tu vu les prouesses des nouvelles unités d'infanterie ? C'est une honte..!
- Ressaisis-toi Pycus...il n'est nul besoin de protester contre les désirs du Roi...nous n'y pouvons rien.
- Mais tu sais aussi bien que moi que nous ne sommes pas en sécurité avec de tels empotés chargés de nous défendre !! Et s'il y avait une attaque, un quelconque incident ?
- Ne t'en fais pas. Le maire a fait quérir un formateur dans les terres voisines. Avec un homme d'expérience en guise de tuteur, nos troupes seront en mesure de faire face aux problèmes éventuels..n'aie crainte.
- Et bien en ce cas, qu'on le trouve, cet homme, et vite !!"
Genesis n'eut nul besoin de réfléchir à deux fois : une occasion en or de se remettre d'aplomb, tout en récoltant une brève récompense. Avec un peu de chances, on pourrait l'envoyer vers une guilde, pour services rendus ou quelque chose du même goût. Aussi se rendit-il tout droit aux quartiers du dirigeant des lieux. Après quelques négociations avec les gardes, il réussit à obtenir une audience auprès du haut fonctionnaire. Une fois en présence de ce dernier, il prit la parole lorsqu'on lui demanda l'objet de sa visite.
"J'ai eu vent de vos soucis...aussi je me mets à votre service pour faire de vos hommes de valeureux guerriers.
- Fort bien...et comment puis-je m'assurer de votre...compétence ?
- Aucun de vos soldats ne saurait me porter le moindre coup".
Pour appuyer ses dires, Genesis tourna la tête vers les deux gardes sur le coté du maire. Lorsque ce dernier leur fit signe d'aller à sa rencontre, le mage laissa s'échapper son aura d'un vert fantomatique,et de la paume de sa main, effectua une violente poussée sur le torse du premier soldat, une poussée renforcée par sa magie. Sous l'impact du coup, il entraîna son collègue, qui se tenait derrière lui, et ils allèrent tout deux s'encastrer dans le mur qui les attendait patiemment. D'un oeil effaré, le maire accepta ainsi de léguer cette tâche au mage, qui avait fait démonstration de son talent en toute efficacité. C'est ainsi que moins d'une heure après, Genesis se retrouvait dans un espace qui lui avait été spécialement dédié par les autorités compétentes afin d'entraîner les nouvelles recrues. Il avait donné sa parole au maire qu'ils seraient aptes au combat d'ici la fin de la journée. Il se retrouvait donc devant quelques dizaines de "soldats" qui, semble-t-il, savaient à peine tenir correctement leur arme. Pour commencer cet entraînement express, il leur demanda de se mettre par paire, un à l'épée, l'autre au bouclier, afin de simuler des conditions de duel. Lorsqu'ils eurent entamé les combats, Genesis était dépité. Les frappes manquaient cruellement de vigueur et de précision, les blocages étaient maladroits et assez faibles, bien qu'il nota un point positif : ils se déplaçaient. Rien n'est plus aisé à atteindre qu'une cible statique. Aussi, pour perfectionner ce point, il leur demanda de faire des tours de piste en sautillant, tout en faisant varier les vitesses de temps à autre.
"Arrêtez-vous ! Tous en file devant moi !"
Une fois qu'il estima avoir assez travaillé sur l'endurance et la force motrice des jambes, il les regroupa, chacun avec une épée. Il allait leur faire face un à un, et ils allaient devoir rester sur leurs pieds aussi longtemps que possible. Il ne leur fit pas de cadeaux, et aucun ne passa le cap des trente secondes. Puis, il voulut les prendre tous en même temps en combat de masse. Il s'équipa pour sa part de deux épées, quant aux soldats, ils avaient chacun une épée et un bouclier. Le but de la manœuvre était de voir comment ils pourraient gérer l'intrusion d'un ennemi, sachant qu'il valait à lui tout seul plusieurs soldats. Avant la mise en pratique de cet exercice, il leur avait expliqué que l'attaque de front n'était pas toujours la meilleure option. Ici, Genesis leur demandait de faire preuve d'ingéniosité afin de mettre en place une stratégie pour le repousser, voire l'acculer afin qu'il capitule. Il leur recommanda d'être sérieux et de le considérer comme un véritable ennemi. Il ne fallut pas longtemps avant qu'il ne se fasse entourer par nombre d'adversaires qui semblaient déterminés. Genesis était content de s'apercevoir qu'ils avaient décidé de l'encercler. Face à un ennemi surclassé en nombre, c'est une très bonne tactique. Malheureusement, avec son agilité et ses deux épées, il lui suffisait de recourir à quelques bottes de combat à l'épée pour se rendre intouchable. Comme il s'y attendait, des combattants de leur niveau ne pouvaient gérer un tourbillon de lames sur 360°. Néanmoins, même si bon nombre d'entre eux tombaient souvent à terre, ils se relevaient toujours, avant de repartir à l'assaut. Il était fier de ses capacités d'enseignant alors qu'il notait leurs progrès au fur et à mesure que le combat continuait. Par deux fois, il manqua de se faire embrocher, alors que les soldats, sûrement eux aussi conscients de leurs progrès notables, prenaient de plus en plus confiance en eux. Ils continuèrent ainsi des heures durant, et tous, Genesi y compris, ressentaient les signes de la fatigue. Rehaussant le niveau d'un cran, il désarma les soldats un à un, et une fois à hauteur du dernier, il arrêta la pointe de son épée sur la jugulaire du jeune garçon qui ne devait pas être plus âgé que lui. Tout au long de l'exercice, il avait pris garde de les frapper exclusivement du plat de ses lames, souhaitant éviter toute blessure, ou mort, inutile. Il jugea alors, tandis que le soleil était presque endormi, que l'heure était venue.
"Messieurs, votre entraînement est achevé. Ne soyez pas idiots, je n'ai pas fait de vous des soldats de l'armée royale en une journée. Vous avez encore beaucoup d'expérience à acquérir. Cependant, vos bases ont été solidifiées, vos gestes se sont affinés, votre précision s'est accrue, et vos tactiques se sont améliorées. Mais plus que tout, ce qui demeure parmi tout cela la chose la plus importante : votre esprit de combat s'est éveillé. Je vous ait frappé, encore et encore, vous vous êtes relevés pour m'assaillir avec encore plus de hargne. Vous verrez du sang, et des morts, en quantité, si ce n'est pas déjà fait. Je ne vous souhaite pas de connaître les atrocités de la guerre. Mais vos coeurs sont ceux de guerriers, et avec le temps, vous n'aurez plus jamais peur. Vous êtes prêts".
Après coup, Genesis s'étonna lui-même d'avoir dit ça. Ce n'était pas vraiment son genre de jouer les meneurs d'hommes, de sortir de grands discours, et tout ce qui s'en suit. Toutefois, il était content de voir que ces jeunes avaient progressé, et il était fier d'avoir pu les aider sur cette voie. Une vie faite de combats n'est en aucun cas aisée, et ils semblent maintenant le savoir bien mieux qu'au matin. Après les avoir tous salués, remerciés, et félicités, il s'en retourna rencontrer le maire. Il leur affirma que ses hommes pourraient pleinement assurer la sécurité de la ville, du moment que toutes les armées du monde ne sonnaient pas à leurs porte. Détendu, mais toujours quelque peu crispé, le maire, qui se savait redevable envers le jeune homme aux yeux d'un vert si captivant, lui demanda ce qu'il voulait en guise de remerciement, arguant qu'il ferait tout son possible pour satisfaire ses désirs. Il parut désarçonné lorsque Genesis lui affirma dans un sourire qu'il ne voulait rien en particulier. La tête du dirigeant d'Hosenka amusa beaucoup notre mage, qui mentionna simplement le fait que si jamais un jour, il avait une requête à lui formuler, il le lui ferait savoir. Encore sous le choc de ce qui passait pour la plus pure philanthropie, il lui promit ce qu'il voudrait pour le futur. Après une rude journée à jouer le bon samaritain, Genesis remercia le maire de lui avoir confié cette tâche, et s'apprêta à quitter la ville. Pour aller où, ça il ne le savait guère...