► Previously

Spoiler:

Ce sale mioche avait filé une fois que le visage de sa mère avait disparu. Profitant du monde et de sa petite taille, il avait du se frayer un chemin très facilement... contrairement à moi.
J'ai toujours détesté les endroits bondés. Le contact avec les gens avait tendance à me rendre aigrie. Peut-être à cause de l'odeur, ou de la sensation désagréable de devoir se comparer à une sardine... En plus, la plupart des gens avait tendance à ne pas vouloir se décaler, le fait de se décaler d'un simple pas, ou de deux était certainement un effort inconsidérable... Rageuse, je nageais à travers la populace lâchant parfois quelques jurons quand certains faisaient exprès de me bousculer.

Arrivée à la sortie de la gare, je me suis permise de souffler quelques instants avant de partir à la recherche du nabot. Il y avait tellement de rues, de places que mes espoirs de le retrouver étaient minces. La ville était tellement grande qu'il aurait pu aller n'importe où. J'avais toute la journée pour le retrouver, en espérant qu'il ne coure pas trop vite.
J'avoue que l'abandonner à son triste sort dans cette ville m'a effleuré l'esprit. Mais l'idée de le retrouver pour le mettre dans un compacteur à poubelles était nettement plus tentant. -Puis, il fallait aussi penser à sa mère qui serait sans doute très triste de ne pas retrouver son petit démon...-
M'enfonçant dans les dédales de la ville, je n'osais pas demander aux personnes que je croisais s'ils avaient vu un gamin de neuf ou huit ans. La raison ? Elle était simple. La plupart des enfants avaient les cheveux noirs et les yeux marrons. En dernier recours, je pouvais toujours en kidnapper un au hasard et le faire passer pour Tony... ou peut-être pas. Peut-être avait-il été enlevé pour une vente d'organes, ou pour servir de steak dans le restaurant du coin...


« Lache-moi, gros tas ! »

Tiens, cette voix m'était familière.
Mes pas me guidèrent vers l'auteur de ses paroles et mes yeux se fixèrent sur une scène insolite. Là, une sorte d'adolescent d'une carrure imposante tenait à bout de bras le gamin que je cherchais. Celui-ci ne touchait plus le sol et agitait ses membres dans l'espoir de faire lâcher prise à son agresseur. J'aurai tout simplement pu passer mon chemin, ignorer la scène et attendre que cela se calme, mais laisser quelqu'un se faire persécuter par plus fort que soi n'était pas dans mes habitudes. Surtout que ce gosse est censé être sous ma protection et s'il lui arrivait quoi que ce soit, cela serait de ma faute...Encore ma faute...
Dans une moue boudeuse, mes pieds s'avancèrent vers les deux garçons qui se tournèrent vers moi. Finalement, l'autre n'était pas si grand que ça par rapport à moi. Tony quant à lui, continuant d'agiter ses bras m'adressa des paroles autoritaires:

« Cheveux-d'Algues ! Dis à cette brute de me lâcher, sinon je vais tout dire à ma maman ! »

Le « Cheveux-d'Algues » avait toujours autant de mal à passer. Finalement, j'aurai peut-être dû le laisser se faire taper dessus pour savoir qu'il ne fallait pas parler aux gens comme ça. Mais, avant que j'ai pu dire quoi que ce soit, l'autre avait déjà pris la parole, s'armant d'un air menaçant et à la fois moqueur:

« Tu veux le récupérer ? Tu paies combien ? »

Je paie... combien ? ... Pour récupérer un gamin qui ne m'appartient même pas et qui a mérité ce qui lui arrive ? M'avait-il pris pour Crésus ? Ou quelqu'un d'assez aisé ? Le gamin quant à lui continuait à s'impatienter, lâchant des grossièretés que je ne prenais plus la peine d'écouter. Le pseudo-ravisseur quant à lui abordait un sourire narquois, rempli d'autosatisfaction. Un genre de comportement que je ne supportais pas. De plus, ce genre de sourire avait tendance à me rappeler ce qui s'était produit ce jour là...

« Combien pour le gamin... ? »

Ma forte pensée du « Mon poing dans ta g... » s'était réalisée. J'avoue ne pas savoir si je l'ai dis audiblement ou si alors cela était restée dans ma tête, mais ma main s'était lourdement -du moins, aussi lourdement qu'elle le pouvait- écrasée sur la joue du jeune homme.
J'admets, en toute honnêteté que ce n'est pas mon poing qui a mis K.O le ravisseur. Plutôt le mur contre lequel il s'est pesamment cogné, même si ma main a aidé à cet acte.
Secouant ma main ainsi que mes doigts, toute en essayant de faire passer la douleur, je me tournai alors vers Tony en tirant la langue. Celui-ci, au sol, la mine choqué n'hésita pas à lancer dans son habituel ton innocent mais blessant:

« Mais en fait, tu es une ogresse ! »

Ma mine aurait presque pu se décomposer sur le sol à l'entente de cette phrase. Je venais de lui porter de l'aide et le seul remerciement était de me faire traiter d'Ogresse... J'ai préféré, pour un semblant de dignité, garder la mine stoïque qui me collait habituellement au visage. Après tout, ce n'était qu'un enfant...
Tendant ma main vers lui, je l'ai aidé à se redresser avant de lui tenir la main pour retourner dans la ville. Simple précaution au cas ou il essayerait de nouveau de s'enfuir. Dans ce cas là, je pourrais toujours lui broyer les doigts en signe dissuasif...
Cependant, il resta à mes côtés, me racontant des bêtises qu'il avait pu faire avec ses amis, ou déblatérant des histoires censées être drôles. Malgré toutes ses tentatives pour me faire rire ou sourire, ma mine impassible resta de marbre.
Puis, alors qu'on continuait à déambuler dans les rues, cherchant une quelconque activité constructive, il me lança naïvement:

« Dis, mademoiselle Iza... pourquoi tu as l'air si triste ? Je ne suis pas gentil ? »

Je me suis arrêtée de marcher, fixant au loin pour réfléchir. C'est alors que, sans pouvoir dire un mot, Tony me lâcha la main pour courir en direction d'un attroupement de gens. Étrangement, je pris mon temps pour le suivre. Il n'avait pas l'air de vouloir s'enfuir de nouveau, juste regarder ce qu'il se passait devant: un mage.
Celui-ci s'amusait à impressionner les gens par des tours plus-ou-moins amusants. En tout cas, cela faisait rire le môme. Ses yeux étaient émerveillés devant de telles prouesses fantaisistes contrairement aux miens, éteins. Il fallait avouer que c'était assez fascinant, de voir des flammes danser dans le vide, créées comme ça, par quelqu'un...
Tony se tourna vers moi et pour attirer mon attention, il tira un bout de mon haut. Puis, dans un sourire enjoué, il me demanda si j'étais capable de faire la même chose. J'ai mis quelques longues secondes à lui répondre... En étais-je capable ? Techniquement oui... Psychologiquement non... Je hochai alors pour le non catégorique.
Mine déçue, le petit se tourna de nouveau vers le lanceur de sorts en souriant.


Le soleil commençait à décliner dans le ciel.
Il était l'heure pour moi d'abandonner Tony à sa mère. Un livre fraichement acheté sous le bras, il me fit un dernier signe d'au revoir avant de partir avec sa mère, reconnaissante.
Finalement, cela s'est plutôt bien passé. Fatiguant, certes, mais cela aurait pu être pire...