Mage de Fairy Tail ? Il se retint de poser toutes les questions qui lui venaient à l’esprit. Rejoindre une guilde avait été son premier choix, fortement influencé par son mentor, mais à défaut de trouver laquelle, il s’était dirigé vers le Conseil.
Ce n’était pas un choix qu’il regrettait, car il se sentait à sa place ; il pouvait contribuer à répandre l’ordre et la justice.
Néanmoins, il était toujours très curieux de savoir comment elles fonctionnaient, si elles étaient très différentes du fonctionnement du Conseil – qui était aussi un groupement de mage après tout.
Cesus préféra donc garder ces questions pour plus tard, il ne voulait pas avoir l’air trop curieux. Et puis comme elle l’admettait elle-même, Fairy Tail était connue pour créer du désordre partout où elle mettait les pieds. Ce n’était pas une guilde faite pour lui.
Le combat amical entre la demoiselle et le gentleman avait débuté. Leurs armes étaient assez différentes en maniabilité et en poids, mais ça ne les empêcha pas d’échanger plusieurs coups. Aucun des deux ne voulait risquer de blessure chez l’autre, et il retenait un peu leurs attaques et la différence ne se faisait pas tellement sentir. Après les premiers coups de faux, qui avaient été esquivés ou parés sans difficulté, le duc répliqua par une fente vers l’épaule gauche, qui s’avéra être une feinte pour attaquer à la hanche. Il jouait de la vitesse de son arme, mais la tenait de manière à ce que ce soit le plat de la lame qui entre en contact, si jamais elle n’arrivait pas à la bloquer – ce qui était peu probable, mais tout de même…
La seule chose qu’on pouvait dire de ce combat était que chaque protagoniste était très aguerri et avait une grande maitrise. Le constellationniste n’était pas surpris, car il s’attendait à voir une puissante guerrière ; la vision d’une personne si jeune avec ces aptitudes était pourtant étonnante.
Sentant qu’ils avaient suffisamment évalué leurs forces, le vieil homme recula d’un pas puis fit une révérence du meilleur effet assorti d’un nouveau compliment :
« Vos gestes sont d’une fluidité proprement stupéfiante. Cela faisait longtemps que je n’avais pas eu d’adversaire de cette qualité. Je pense qu’il est à présent temps pour moi de vous dire au revoir, j’espère que nous nous reverrons. »
Dans un dernier salut, il disparut en laissant quelques étincelles de lumière qui s’estompèrent peu à peu.
Etant dans une démonstration de leurs pouvoirs, ils ne pouvaient s’arrêter là. Cesus était tenté d’aller lui-même frotter son épée à celle d’Ai, mais cela ne montrerait pas sa magie. Il sortit donc une autre clé, également en argent.
« Ouvre-toi porte de l’Indien ! Caporal Indi ! »
Des volutes de fumée commencèrent à s’élever à partir du sol, formant des cercles, puis un homme pour le moins atypique apparut. Vêtu d’un simple pagne qui laissait le reste de son corps nu, de mocassins en peau d’animal et d’une impressionnante coiffe de plumes, le chef indien était assis en tailleur, bras et jambes croisés, et les yeux clos.
« Caporal, nous faisons une démonstration magique pour Ai-san. »
Indi ouvrit les yeux. Son maquillage n’était pas extravagant, constitué de simples bandes rouges en diagonale sur les joues, mais il lui procurait une puissance et une sévérité du regard qui aurait pu en faire fuir plus d’un.
Le mouvement des yeux avait été le seul à présent, il était resté parfaitement immobile, tel une statue. Il décroisa lentement les bras, qu’il posa sur ses genoux, puis se releva en prenant son temps. Comme si un ralenti voulait ajouter une tension dramatique à son apparition.
Toisant tour à tour son maitre puis la jeune femme, il n’eut qu’une parole.
« Hug. »
C’était visiblement un salut tout à fait suffisant de sa part. On était loin de l’élégant et attentionné Scuti, même si lui aussi dégageait comme une aura majestueuse.
Sans dire un mot, il brandit un tomahawk en l’air, puis commença à s’agiter frénétiquement d’avant en arrière dans une sorte de danse, tout en déblatérant des paroles incompréhensibles.
« Hoyah Haha ! Hoyah Hehe ! Hoyah Haha ! Hoyah… »
Cela dura quelques instants pendant lesquels Cesus s’approcha de la jeune mage. Il savait que c’était une expérience singulière. Un beau spectacle, mais qui prenait parfois du temps, or il ne savait pas comment elle réagirait.
Au bout d’environ une minute, le chef indien s’était redressé, le bras avec le tomahawk en l’air, et poussa un cri de victoire :
« Horaaa ! »
Le temps, qui était jusque là très chaud sembla se couvrir, et une légère brise vint les rafraichir. Un petit nuage avait fait son apparition à l’Ouest. Il était de petite taille, et n’avait rien de naturel, mais quelques gouttes perlaient. Les rayons du soleil s’y reflétaient, décomposant leur spectre en 7 couleurs. Ils avaient devant eux un arc-en-ciel.
Ils contemplèrent pendant quelques instant la beauté de ces couleurs, quand l’indien se tourna vers eux. Il avait remis son arme à sa ceinture, et croisait à nouveau les bras.
Jaugeant leur armes, il dit pour la première fois d’une voix claire :
« Les braves ne doivent pas se battre entre eux. Ils doivent porter sur leur visage les couleurs de leur courage. Bison Clairvoyant, chef de la tribu des Têtes Froides a parlé. »
Sa voix n’avait aucune trace de méchanceté et était cependant déterminée au point d’en devenir autoritaire. Ni Cesus ni Ai ne bougèrent quand il s’approcha d’eux, avec un bol rempli d’une peinture bleue. Il leur passa sur les joues, dessinant des traits similaires aux siens, quoique de différents motifs. Ayant fini, ils ne se voyaient pas eux-mêmes, mais le résultat était réussi. Sans être effrayant comme pour le chef, c’était même très esthétique.
« Hirondelle du matin et Scarabée Tenace sont maintenant les frères et sœurs des Têtes Froides. »
Aussi lentement que pour se lever, il se mit à nouveau en tailleur, et sortit un objet de sa poche.
« Fumons maintenant le calumet de la fraternité. »
Vu leur âge, il était probable qu’aucun des deux ne soit un fumeur, mais il était presque impossible de refuser. Ils s’étaient assis comme lui, et le chef montra l’exemple en tirant une longue bouffée. Ce fut ensuite au tour de Cesus.
Un regard vers son amie lui montra qu’aucun des deux n’était très rassuré, mais il franchit le pas et tira lui aussi une bouffée. Il toussa sur la fin puis commença à sourire. Il donna ensuite le calumet à la jeune mage.
Il était empli d’une profonde sensation de bien-être, d’une joie indescriptible.
Une fois la cérémonie terminée, le chef parla à nouveau :
« Bison Clairvoyant doit maintenant retourner en son tipi.
Hug. »
Il disparut soudainement, dans la même fumée qui avait précédée son départ.
A présent ils restaient tous les deux, avec leur peinture sur leur visage, symbole de leur fraternité récente, leur bonne humeur contagieuse, et un arc-en-ciel en guise de paysage.
Cesus ne songeait plus vraiment à se battre maintenant, pour la première fois depuis un long moment, il avait la sensation d’être heureux…