La nuit était déjà bien avancée. Alicia se tenait bien droite sur sa chaise, dans une taverne à la propreté et aux clients plus que douteux. En face d'elle, un homme qui ne semblait pas très intelligent regardait intensément ses cartes, cherchant un moyen de piéger la lady. Elle se pencha vers la table. Vétue d'une jupe courte et d'une chemisier léger, elle savait que son "camarade de jeu" avait quelques problèmes de concentration. Cela faisait déjà plusieurs heures qu'elle jouait aux cartes avec lui, et elle avait déjà empoché une fortune. L'homme dégoulinait de sueur.

"Je suis"
Il abattit ses cartes.
"Paire de roi"
La jeune femme lui lança un regard enjoleur.
"Carré d'as... Tu perds... Encore"
L'homme devint tout rouge. Alica sentit qu'elle venait de gagner la partie de trop. L'homme blessé dans son égo allait d'abord l'accuser de tricherie, puis monter les gens de la taverne contre elle, avant d'espérer la violer.
Il se leva.
"Eh! Tu triches, c'est pas possible! Eh les gars! Ya une dinde qui croit pouvoir nous plumer!"
*Typique...*
La jeune fille posa sa fine cheville blanche sur la table. Une petite fleur violette tenue par une chaînette à sa cheville tressauta.
"Allons... Je te propose une dernière partie... Si tu gagne, tu remporte le tout. Autrement, je m'en irai..."
L'homme parcourut de ses yeux porcins la jambe de porcelaine de la lady. Il déglutit, puis se rassit. Alicia savait que tout le monde dans la salle suivrait désormais cette partie. Elle n'avait plus qu'à gagner, puis filer.

"Puis je me joindre à vous?"
Un inconnu en haut de forme s'assit à leur table. L'imbécile du soir devint rouge écarlate.
"Laisse tomber pignouf! C'est entre moi et la demoiselle! Alors vas te faire..."
Il s'étrangla, puis se rassit gentiment, le regard bovin.
*Passer du porcin au bovin... Quelle victoire...*
Cependant, un tel changement n'avait pu se faire naturellement. Même en jouant de ses charmes, Alicia n'était pas sûre d'y arriver aussi vite, et encore moins de changer un homme en un tel zombie. L'homme au chapeau distribua les cartes.
La partie suivit son cours, sans aucun incident. Jusqu'au moment de révéler ses cartes. Alors que la lady s'apprétait à les dévoiler, l'inconnu lui sourit.
"Inutile. Votre brelan de dames ne peut rivaliser avec mon brelan de rois"
Alicia se leva prestement. Elle était une joueuse hors paire. Si l'homme pouvait effectivement gagner, il ne pouvait avoir vu son jeu. A moins de tricher par magie.

L'homme au chapeau se leva.
"Inutile ma chère, encore une fois. Vous ne m'échapperez pas, tueuse."
"Ces accusations sont blessantes. Vous m'importunez..."
Sa réponse fut nettement plus froide.
"Cessez de jouer les mijorées. J'ai parfaitement reconnu l'emblème d'une guilde noire à votre cheville."
Alicia se débarrassa de son air offusqué.
*Plus la peine de jouer la comédie maintenant*
"Je me présente, Augustus Philibert, chasseur de mage noir"
Il leva les yeux vers elle.
"Et accessoirement, mage mentaliste"
La lady sentit l'esprit inquisiteur du traqueur pénétrer le sien. Elle gémit. Elle sentait la puissance perverse de cet esprit étranger la sonder, cherchant des failles dans son esprit.
Il tentait de s'imposer à elle, de prendre le contrôle de son corps. Elle tomba à genoux, et hurla.

Elle perdait le fil. La présence impérieuse de cette force en trop dans son esprit la rendait folle. Elle hurla, hurla à s'en arrcher les cordes vocales. Puis elle se perdit.


Quelque part, une fillette chante sur une balançoire.


Un terrible sceau apparut sous la jeune fille. Sans les barrières de son esprit, son pouvoir était sans contrôle. Elle leva le visage au ciel en hurlant, ses cheveux balayés par un puissant vent qui provenait du sceau. Ses oreilles s'effilèrent et ses canines s'allongèrent. L'homme parut hésiter.


Quelque part, une fillette tremble. Elle sait qu'elle ne devrait pas être là.


La jeune femme se releva. Puis elle ouvrit les yeux. Des yeux rouge sang. Elle ouvrit la bouche, puis siffla. Un des consommateurs tenta de s'enfuir en hurlant. Avant qu'il ne puisse atteindre la porte, la vampire tomba sur lui, lui tranchant la gorge avec ses griffes en poussant un cri de rage. Puis ce fut la panique. Les hommes s'armèrent comme le purent, tandis que le mage formait deux boucliers dans ses mains. La Bête était incontrôlable.


Quelque part, une petite fille pleure. Elle ne sait pas pourquoi elle est là. Elle est seule dans l'immensité.


Le sang giclait sur les murs en abondance. Les hommes tombait un à un. La vampire détruisait tout. Tables, chaises, être humains.... Rien ne semblait pouvoir l'arrêter. Le traqueur tremblait. Car le monstre en face de lui n'était qu'une coquille vide. Une coquille de pouvoir. Sans âme, ni sentiments. Et il savait que la Bête n'aurait aucune pitié.


Quelque part, une petite fille erre dans un long couloir. Autour d'elle flottent des images. Un homme stricte. Une jolie chambre. Mais quelle que soit l'image, la petite fille ne voit rien qui ne lui fasse ressentir quelque chose.


La taverne était en ruines. Elle tenait à peine debout. Il ne restait plus que le traqueur et la vampire. Il avait déjà essuyé plusieurs blessures, et la créature semblait infatiguable. Il savait sa fin proche.


Quelque part une petite fille regarde des images. Elles lui sont toutes étrangères. Toutes, sauf une, le portrait d'une très belle femme, accroché au dessus d'un cercueil. Et la petite fille pleure, car cette image lui donne mal à la tête. Des flashs envahissent son esprit. Un joli cristal, une coupure, puis des visages, des visages, encore des visages. Puis un miroir. La petite fille se regarde dedans. Elle n'est plus petite fille. Elle est femme. Puis un second miroir. Elle se regarde dedans. Elle est Bête. Elle lutte dontre la Bête.


La vampire tomba à genoux dans la taverne. Elle hurla en se tenant la tête.


La petite fille se rappelle. Et elle sait qui elle est. Elle bride son pouvoir. Car il est à elle seule. Nul autre n'a le droit de se l'approprier. Pas même la Bête. Elle entend le chant sacré des vampires. Le rythme du sang. Le murmure de la nuit. Les promesses de la lune. Mais elle sait qu'elle doit se contrôler. Car sinon, plus jamais elle ne l'entendra. Alors la petite se concentre.


Le mage psychique regarda timidement ce qu'il se passait. Il sentit que quelque chose jugulait l'excès de magie.


La petite fille serre les dents. Elle y est presque. Elle contrôle son pouvoir. Il est sien. Le chant vampire doit résonner en son coeur à tout jamais. Et non pas chanter aux autres. Alors elle force. Elle jugule son pouvoir. Elle le dompte, l'apprivoise, pour que plus jamais il ne lui échappe. Elle tait le goût du sang. Elle tait la soif de vengeance et la colère. Et la petite fille se souvient. Elle est.

La vampire releva les yeux vers le traqueur. Des yeux violets. Celui ci laissa échapper un petit soupir de soulagement.
"Vous êtes revenue."
Sans un mot, la vampire se leva, et se dirigea vers la sortie, évitant les corps démembrés. Elle regarda les morceaux de bouteilles brisées dans sa folie, qui avaient recouvert le sol de la taverne d'une épaisse couche d'alcool. Une fois sortie, elle se saisit de l'une des veilleuses. qu'elle jeta au sol. L'étincelle embrasa l'alcool. Alcia ferma alors doucement la porte, malgré le cri du mage, puis la vérouilla en tordant la poignée de sa poigne vampirique.
Et elle partit, sans un regard pour ce qui avait été une défaite, aveugle à la lumière du brasero, sourde aux cris du mage traqueur, insensible au parfum de la chair brûlée.


Elle maîtrisait chaque fibre de son corps, chaque sensation. Elle savait où et comment brider ses forces. Alicia revivait sa condition de sa vampire. Elle ne se laisserait plus perdre si facilement. Elle saurait taire sa soif et son instinct. Car plus jamais elle ne voulait être à nouveau seule dans le noir.