J’avais quitté la ville pour m’enfoncer profondément dans la forêt avoisinante, même si elle était plutôt loin pour le coup. S’écarter de la civilisation était une activité que j’appréciais particulièrement, cela me permettait de m’évader et d’y trouver un calme total.
Mais ce jour là, j’avais d’autres raisons : j’étais parti pour m’entrainer. Et je préférais de loin être seul, pour pouvoir travailler mes techniques en détail, sans que personne n’en voie les forces et les défauts.
Je m’étais renseigné sur les bois aux environs de Harujion, et avais choisi celui qui était le moins fréquenté et le plus étendu.
L’environnement forestier était aussi celui qui convenait le plus grâce à sa terre plus meuble qui me permettrait de travailler son déplacement plus facilement.
Je m’avançais ainsi à travers une nature sauvage, où je devais parfois me frayer un chemin entre d’épais buisson – pas trop souvent heureusement - espérant arriver jusqu’à une clairière. M’étant écarté du sentier, je ne savais pas vraiment où j’allais, et je me dirigeais un peu hasardeusement à la position du soleil.
Après une bonne heure de marche, je m’arrêtais pour souffler. Je devais être suffisamment loin de tout témoin potentiel. En réfléchissant pendant le trajet, j’étais arrivé à la conclusion que trouver une clairière ne me serait pas utile. Et pour cause, je n’avais qu’à la créer moi-même, et cela constituerait une partie de mon entrainement. J’étais donc passé outre des endroits tout à fait convenables, en cherchant l’endroit parfait où « naitrait » ma clairière.
Mon choix se porta sur un petit talus au bas duquel s’écoulait un petit ruisseau. La pente m’aiderait à dégager l’espace nécessaire à la suite.
En premier, je m’approchais d’un arbre de petite taille en bas de la face Est de mon talus (si l’on pouvait parler de face pour un endroit aussi petit). J’examinais ses racines en surface, puis je me concentrai sur la terre qui l’entourait.
« Ground Modulation »
Une fois l’élément sol ancré dans mon esprit, j’étendais ma présence mentale tout autour de l’arbre. Je pouvais sentir le contact des racines s’enfonçant dans la terre. La puissance émanant de l‘arbre se diffusait autour de lui ; à la fois par l’expansion imperceptible et pourtant irrésistible des membres souterrains que par l’absorption des nutriments terrestres.
C’était un peu nouveau pour moi… Je m’apprêtais à tuer un innocent – jusque là rien d’inhabituel. Mais cet être vivant là ne pensait même pas. Sans aucun vice en soi, c’était l’innocence sous sa forme ultime.
Pourtant cela ne m’arrêterait pas, j’avais déjà tué des innocents humains de sang-froid, et j’avais une raison de mettre à bas celui-ci. Il me fallait de la place.
Je commençais donc à déplacer mentalement la terre autour de l’arbre. Etant resté à quelques mètres, je pouvais observer les légers tressaillements en surface.
Je ne me pressais pas, pour économiser mes forces. En utilisant mon pouvoir lentement, j’étais capable de le faire durer de longues minutes.
Au bout d’une minute, l’arbre commença à pencher, et finit par tomber complètement au sol. J’avais créé un trou d’un côté, supprimant ses appuis, pour ensuite surélever le second côté. En déséquilibre, cet être immobile ne pouvait pas résister.
Je répétais l’opération sur 4 autres arbres, à chaque fois plus rapidement. Il me faudrait encore du travail pour acquérir une maitrise totale, mais ma confiance augmentait au fur et à mesure.
Une fois l’espace dégagé, Je contemplais mon œuvre.
Une atmosphère de dévastation planait sur la clairière. L’odeur de la terre fraichement remuée s’était répandue avec les racines des arbres maintenant à l’air libre.
Il était temps de passer à la seconde phase de l’entrainement.
Créer ces grandes cavités avait une autre utilité, elles me permettaient d’accéder à plus de roche dans le sous-sol. Je les extrayais donc, et faisait un tas, qui s’élevait ensuite dans les airs en prenant les formes qui me venaient à l’esprit.
Faire voler ces pierres à mon gré était divertissant, mais cela n’apportait pas grand-chose à l’entrainement. Je choisis donc de passer à une technique de combat.
Un agrégat de roche d’un diamètre d’environ 10 cm de diamètre se forma.
« Stone Shoot »
Les pierres fusèrent vers un arbre au tronc épais. Une cible immanquable, mais je visais le centre.
L’impact fit trembler les feuilles et quelques oiseaux s’envolèrent en panique. L’arbre lui, n’avait pas bougé d’un pouce, cependant, un la trace du choc s’était dessinée dans l’écorce. Cela n’était pas initialement mon but, mais je m’approchais pour voir à quoi ressemblait l’impact. A ma surprise, on voyait que les pierres étaient beaucoup moins unies qu’au départ, l’impact faisait donc plus de 20 cm de diamètres avec des espaces entre les pierres.
Sans plus attendre, je recommençais la technique, en visant juste au dessus du premier impact. Cette fois, je me concentrais sur l’unité que je voulais donner à mon attaque.
Le choc me sembla tout aussi violent que le premier, mais en allant évaluer la marque, la différence était flagrante. En réduisant le diamètre, la pression s’était accrue sur la zone, et la marque était plus significativement plus profonde.
Je passais encore une dizaine de minute à améliorer ce mouvement, en savourant le gain de puissance. Le pauvre arbre vit son écorce littéralement ravagée.
La première marque m’avait aussi donné une autre idée de technique.
Au lieu d’unir totalement mon mouvement, je libérerais les roches au dernier moment pour que chacune attaque un endroit différent. Le début était le même, et j’exploitais ainsi la force de l’ensemble pour surprendre mon adversaire au dernier moment en étant sûr de le toucher.
Un arbre n’était pas la cible idéale pour cette technique, il me fallait quelque chose de plus grand pour constater mes dégâts.
Faute de mur dans les parages, je dus me résoudre à en créer un moi-même.
« Ground Modulation »
J’avais déjà utilisé une grande quantité d’énergie, aussi je laissai la terre monter très doucement, m’étant même assis pour me reposer. Je pris 5 minutes pour créer ce que j’aurais fait en 20 secondes d’habitudes, mais j’avais encore des forces, et c’était l’essentiel.
J’allai à 20 mètres du mur, et préparai ma technique.
« Stone Splash »
Comme prévu, relâcher l’unité au dernier moment avait conduit les pierres à s’éparpiller et à attaquer le mur en plusieurs points, s'entrechoquer entre elles avait produit l'effet d'une mini explosion. C’était bien moins puissant que le Stone Shoot, mais pouvoir rompre ma concentration à la fin de la technique la rendait moins fatigante, et aussi plus précise d’une certaine façon. On a plus de chance de toucher une cible en lançant une poignée de pierre qu’en en lançant qu’une… c’était le principe de cette attaque.
Sentant mes forces faiblir, je ne répétais le coup que trois fois avant de décider de rentrer. Ma maitrise était déjà suffisante pour ce qui n’était au final qu’une variante de mes techniques.
Je jetai encore un œil à la zone d’entrainement. Si quelqu’un passait par là – ce qui était quand même peu probable – il aurait du mal à comprendre ce qui s’était passé ici. 3 arbres abattus sans traces de hache, ni de bourrasque, des trous un peu partout dans le sol et un arbre totalement mutilé, et enfin un mur difforme dans lequel des pierres étaient incrustées…