Uzume, dans son corps artificiel, maniait ses bardiches comme elle ne l'avait jamais fait, poussée par une force qui allait courage, détermination, et la volonté de protéger quelqu'un. Elle toucha ainsi son adversaire, l'autre femme, qui n'avait pas daigné répondre aux paroles d'Uzume. Le sang gicla une nouvelle fois, ce n'était toujours pas des blessures sérieuses au point de stopper définitivement les agissements de la criminelle, mais au point où elle en était, face à une Uzume resplendissante en terme de puissance, la criminelle sembla juger cela bon de battre en retraite. D'un geste autant agile que noble, elle se dégagea de la portée des bardiches, et escalada les roches par où elle était apparue, puis se retourna, en hauteur, vers Uzume qui revêtait sa forme la plus horrible.
«Tu veux me poursuivre en enfer ? Mais je l'espère bien. J'ai hâte de te revoir...Quand à lui, je te le laisse...Il est tellement ridicule qu'il me dégoute.»
D'un furtif coup de tête, elle désigna Edgar, puis elle disparut alors derrière les rochers brulants. Uzume regarda l'endroit quelques secondes, immobile, comme pour s'assurer que son adversaire ne reviendrait pas à la charge, puis elle se retourna, sentant que l'attaque était terminée. Edgar était au bord de la syncope, et Uzume ne le félicita pas en lui adressant un regard assez noir. Elle s'en alla sans un mot chercher son épée, au loin, puis revint vers le cercueil, où elle s'enferma.
La véritable Uzume, dans son corps en chair et en os, ressortit de l'autre côté de la morbide pièce. Elle avait toujours, elle, ses blessures, même si son oeil avait cessé d'enfler, un mince filet de sang coulait sur son bras, et elle ressentait de petits picotements où elle avait été précédemment brulée. Elle s'approcha d'Edgar, puis le redressa d'une main ferme.
«Elle est partie, mais elle pourrait revenir, et il se peut qu'elle ne soit plus seule, la prochaine fois. Alors dépêchons-nous.»
Ils continuèrent alors le chemin, Edgar avançant d'un pas incertain, et Uzume trainant son cercueil dans une marche assez douloureuse. Quelques minutes plus tard, ils croisèrent l'autre escorte, avec l'associé d'Edgar. Par chance, ils ne semblaient pas avoir eut de problèmes. Ils échangèrent leurs mallettes, puis ils firent chacun marche arrière. En repassant à l'endroit de la gorge, où les traces de sang, par terre, avaient sèche, Edgar blêmit à nouveau, et Uzume accéléra la marche. Le retour se fit dans le silence, personne ne parlait, et sans encombre, ils aperçurent, au plus grand plaisir de l'homme, la fin du sentier montagneux, et les formes du village à l'horizon. Ils allèrent plus vite, dans cette dernière ligne droite, et se rendirent immédiatement à la gare. Edgar, rassuré, lui tendit une bourse d'argent.
«Merci beaucoup, Uzume. Tu m'as sauvé la vie.»
Comme simple réponse, Uzume lui adressa un sourire et murmura :
«C'est mon travail.»
Il prit le prochain train, et Uzume le regarda au delà de la vitre s'installer, puis partir en direction de la capitale. Elle resta quelques instants, morose, à observer l'horizon. Quelques jours plus tôt, elle vivait encore là-bas, plus au nord, dans la ville la plus grande du Royaume. Elle eut soudainement l'impression que cette vie était à des années lumières du temps présent.
Elle retourna alors à l'auberge, et sans s'arrêter pour parler à la tenancière, elle se dirigea vers sa chambre, et en refermant la porte, elle s'allongea sur son lit. Elle n'avait même pas apprit quel était le nom de son adversaire, mais elle se souviendrait pendant longtemps du fin visage qu'elle avait. Ses mots, «j'ai hâte de te revoir», résonnaient dans la tête d'Uzume. La criminelle était une magicienne novice, comme Uzume l'était dans sa maitrise des arts martiaux. S'ils pouvaient soumettre à leur force une bonne partie de la population, la jeune fille savait que des mages encore plus puissants que la criminelle grouillaient dans le Royaume. Elle avait su échapper à Terumi et à cette mystérieuse inconnue. Qu'en serait-il la prochaine fois ?