| Sujet: Une étoile parmis les constellations Sam 14 Avr - 13:46 | |
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Solis Farron
| Solis courait dans les ruelles étroites. Il sentait qu'elle était proche. Il courait à en perdre haleine. Cette peur irrépressible qui l'empêchait de respirer. Il esquivait les poubelles et les obstacles. Elle était proche. Il tourna un instant, s'engageant dans une ruelle sombre. Trop tard pour faire demi tour, elle était là. Il courait. Puis il sentit qu'on le saisissait par la cheville et bascule. Et les ombres furent sur lui.
Ce matin là, il était simplement venu pour une mission de routine. Plusieurs boutiques locales avaient subies des vols ces derniers temps. Aussi lui avait on demandé d'appréhender le coupable. Une tâche simple a priori. Le seul facteur surprenant, c'était qu'il n'y avait aucun trace d'effraction, et que personne n'avait rien vu. Les objets se volatilisaient juste. Aussi, il y avait sans doute un mage dans l'affaire, d'où le dépôt d'une mission auprès des guildes, plutôt que de passer par les forces de l'ordre. Ce soir là, Solis buvait un thé bien chaud, errant dans les rues désertes. Rien ne garantissait une attaque cette nuit, et encore moins l'heure ou le lieu du vol. Aussi le jeune homme devait se contenter de se promener, en attendant de tomber par hasard sur le criminel. Une technique assez discutable selon lui. Mais bon... L'air était doux en cette nuit de printemps, et le vent jouait une douce musique en passant dans les ruelles. Musique ? L'air était trop précis pour être un simple jeu du vent. Cela sonnait comme... un air de flûte. Solis essaya de localiser sa source. Un petit air ainsi joué dans ces rues pavées de pierre avait tendance à donner l'impression de venir d'un peu partout à la fois. Aussi le jeune mage mit un peu de temps à localiser la source. C'était une femme semblait il, aux courbes de son corps. Il était difficile d'être sûr, puisqu'elle portait une longue cape et un masque qui cachait le haut de son visage. Debout devant la porte d'une bijouterie, elle jouait de la flûte. Drôle d'idée à cette heure ci. Solis sursauta en voyant l'ombre de la femme commencer à se tortiller au sol. Elle rampa alors lentement sous la porte, et celle ci s'ouvrit. Une mage des ombres. Elle utilisait la nuit pour ouvrir la porte de l'intérieur, et ne laisser aucune trace. Des sortes de pseudopodes d'ombre commencèrent à sortir de la bijouterie, emportant des monceaux de pierres, gemmes, bagues, diadèmes... Le tout, sans laisser de traces. La femme n'avait jamais franchi le seuil de la boutique. Un plan brillamment conçu.
« Vous ! Veuillez vous rendre ! »
La femme se tourna vivement vers lui, cessant de jouer de la flûte. Elle tendit une main blanche vers lui. Un jet d'ombre fonça vers le jeune homme. Solis esquiva, puis sortit ses lames jumelles.
« Ceci est un dernier avertissement ! Rendez vous, et il ne vous sera fait aucun mal ! »
Elle abaissa sa fine main. Puis elle porta la flûte à ces fines lèvres. Solis sortit une clé. Et la femme joua. Un air étrange, qui sonnait de façon cruelle, vraie et fausse. Solis entendit les cloches de l'église commencer à sonner. Minuit. Puis elles s'arrêtèrent soudain. Un murmure résonna parmi les ombres. Il était partout, nul part, résonnant, inquiétant. Un bruit diffus, des centaines de voix chuchotantes, caressantes, toxiques.
« Il est trop tard... Minuit est arrivé... Minuit éternel... Ton pouvoir est terminé... »
Solis fut envahi d'une brusque bouffée de terreur. La Voix avait raison. Ses pouvoirs étaient déterminés par les contrats, qui étaient en partie basés sur le jour précis de la semaine. Or, si minuit était bloqué, le jour était fini, et le jour n'avait pas commencé. Il était sans pouvoir. La Voix savait. Elle savait tout. Elle pouvait tout.
« Perdu... Sans pouvoir... Terminé... »
Elle rampait, caressante, et infinie. La Voix savait. Solis gémit de terreur. Il tituba, puis se retourna et commença à courir. Il devait fuir. Il n'avait pas d'espoir. Il allait mourir. Rien ne le sauverait. Il était seul, livré avec Elle. Elle savait tout. Tout de lui. Tout de ce qu'il était.
« Viens... Viens à moi... »
Il fallait fuir. Courir tant qu'il le pouvait. Elle était là, partout. Il était terrorisé. Sans pouvoir. A Sa merci.
« Reviens... Tu es impuissant face à Nous... »
Elle avait raison. Il n'était rien. Rien qu'un pantin face à Elle. Sa toute puissance était absolue. Il ne pouvait rien. Rien à part prier pour Lui échapper, qu'Elle le laisse enfin. Mais Elle le suivait. Il repensa à sa douce mère, Hilda
"Elle est morte, et tu as été incapable de venger son sacrifice..."
Il était faible, il l'avait toujours été. Rien qu'une chose faiblarde et gémissante, qui n'avait échappé au décès que par chance.
Solis courait dans les ruelles étroites. Il sentait qu'Elle était proche. Il courait à en perdre haleine. Cette peur irrépressible qui l'empêchait de respirer. Il esquivait les poubelles et les obstacles. Elle était proche. Il tourna un instant, s'engageant dans une ruelle sombre. Trop tard pour faire demi tour, Elle était là. Il courait. Puis il sentit qu'on le saisissait par la cheville et bascule. Et les ombres furent sur lui.
Le monde prit la couleur de l'encre. Il était seul, au milieu des ombres. Recroquevillé sur lui même, il écoutait les plaintes et les murmures des Voix. Il oscillait d'avant en arrière. Solis n'était plus rien qu'une masse de terreur, livrée à elle même. Il n'avait plus aucun pouvoir. Plus de sorts, d'astuces. Il n'y avait rien à faire. C'était fini. Il était perdu dans les ombres à jamais, attendant que sa fin vienne. La Voix pouvait tout. Puis un éclat. Un main fraîche comme le marbre, posée sur sa joue. Il releva les yeux. Cassiopée le fixait dans les yeux. Elle n'avait pas cet air hostile qu'elle lui présentait d'habitude. Juste une farouche volonté. Aussi, elle lui mit une grande claque. « Ne sais tu donc pas reconnaître un sort ? Ais foi. »
Son image se brouilla. Antlia apparut à sa place. « Allez mon bouchon ! »
Antlia fut remplacée par Aquila. « Allez Milord ! Sus à l'ennemi ! »
Ils défilèrent les un après les autres. « Crois en ton prochain, et en ceux que tu aimes. »
Tous. « N'oublies pas que tu me dois un mariage ! »
Ceux avec qui il avait grandi, appris. « Nous devons aller à la plage. »
Il avait vu des gens mourir, d'autres vivre, certain pleurer, d'autres sourire. « Le petit homme est fragile. Mais rien ne l'empêche de changer cet état. »
Ils avaient été là pour lui. Ils lui avaient donné la force et l'envie de se battre. « Debout, et avance, bourrique ! »
Il n'avait jamais été seul. Ils étaient unis. « Vous ne comptez pas échouer alors que je me suis donné le mal de vous apprendre toutes ces règles ?»
Au delà de tout. Par le contrat. Par la confiance. Par l'affection d'une famille. « Le cœur commun est la plus grande des barrières de l'homme seul. »
Pour finir, Aries apparut. Elle lui tendit la main. « Pourquoi pleurer ? Tu es fort. Nous sommes toujours avec toi. » Aries. Depuis le début. Il avait tant voulu lui donner de la force. Mais c'était plus que cela. C'était à deux qu'ils étaient devenu fort. « Pourquoi pleurer la nuit, pour avoir perdu le soleil ? Tu ne fais que t'aveugler, alors que tu pourrais admirer la beauté des étoiles. Les étoiles qui vivent en nous, et en toi. »
Dans les yeux bleus de Solis, un flot d'étoiles infinies étincela. Il avait vécu parmi les esprits des étoiles. Il ne tenait qu'à lui d'y croire, et d'en devenir une, à son tour. Ses mains s'allumèrent. De la lumière au plus noir de la nuit. Au delà de la radiance du soleil et de la lune. La lumière des étoiles. La lueur d'un espoir, et d'un achèvement. Une fin et un renouveau. Sa lumière perçait les ténèbres, chassant les Voix qui lui obscurcissaient l'esprit de leur paroles venimeuses. Mais surtout, au delà de leurs plaintes, un petit air de flûte.
« Star Core » La lumière quitta ses mains, formant une petite étoile qui tournait délicatement entre ses paumes. Il savait ce qu'il devait faire. Il l'avait toujours su. Il projeta l'orbe. L'étoile éclata en heurtant la joueuse la flûte. Les ombres se dissipèrent, libérant Solis de sa peur irrationnelle. Comme l'avait dit Cassiopée, cela devait être un envoûtement. Pourquoi réagir si violemment sinon ? Et cette histoire d'arrêter minuit était absurde. Cette jeune femme pouvait rendre les gens fous de terreur.
Elle commença à se relever. Solis retendit la main. Il lui fallait retrouver cette petite étincelle qui lui avait donné ce pouvoir. Les mages qui utilisaient leur magie sans objets avaient ils toujours autant de mal à appeler leur essence interne ? Le jeune homme n'avait jamais eu l'occasion de manipuler ce genre de magie. « Star Core ! »
L'étoile partit comme un boulet de canon. Dans un réflexe, Solis voulut la retenir. Aussi, lorsqu’elle heurta la femme, elle n'éclata pas comme la précédente, mais revint sagement vers Solis. En revanche, il avait bien sentit la décharge d'énergie au moment de l'impact qu'il avait du fournir. Plus gênant, sa paume lui cuisant. Elle brillait de manière inquiétante, et il n'arrivait pas à juguler son énergie. Dans la mesure où il n'avait jamais exprimé son pouvoir propre avant, il n'avait pas la moindre idée de la manière dont il fallait procéder pour fermer les vannes. Ses mains lui brûlaient terriblement. Un deuxième orbe rejoignit le premier. Les deux étoiles se mirent à tourner l'une autour de l'autre. Puis Solis perdit le contrôle. Les deux orbes foncèrent sur la femme à terre, et explosèrent dessus. Et ses mains continuaient d'en émettre. Malgré la souffrance, Solis était près à attendre d'être vidé de tout son pouvoir pour que ça s'arrête. Mais la femme, même si elle était une voleuse et une mage de mauvaise fréquentation, ne méritait pas d’être rouée de coups à mort. Solis serra ses mains l'une contre l'autre. Il fallait que ça s'arrête. Il le fallait.
Il était étoile parce qu'il le voulait. Et pour rien d'autre. Il serait fort. Pour lui. Pour ses esprits. Il lutterait à leurs côtés. Pour tous ceux qui avaient été perdus. Pour Yume no Ai sur l'île de Légion. Et pour tous ceux qu'il rencontrerait encore. Pour Obaba sama qui ne manquerait pas de le trucider. Pour tous. Ses mains reprirent leur couleur habituel. Elles brûlaient toujours, mais au moins ne lançaient elles plus des étoiles en tous sens. Solis se releva en titubant. Il partit s'enquérir de l'état de la femme au masque. Toute méchante qu'elle était, elle avait le droit à un jugement, et à des soins en conditions décentes. Et pas une exécution accidentelle. Le jeune homme lui retira son masque. Elle avait l'air assez jeune. Et elle n'avait pas l'air spécialement mauvaise. D'un autre côté, les gens ont toujours l'air plus fragiles dans le coma. Son nez saignait, et elle avait la lèvre fendue. Pour des dommages internes, il faudrait attendre un médicomage. Seul un interrogatoire par les forces du Conseil saurait expliquer ses actes...
Solis se rendit à la plus proche demeure, réveillant ses occupants. Ceux ci, d'abord assez contrariés d'être tirés du lit si tôt, furent plus enclins à l'aider lorsqu'ils virent son état déplorable, égratigné, couvert de sueur et pâle comme un linge, et qu'il leur expliqua sommairement la situation. Il put ainsi contacter les forces magiques locales, qui envoyèrent une escouade et un mage médecin. La jeune femme fut emmenée inconsciente vers leur centre, où elle serait maîtrisée puis soignée. Solis les avertit de ses petits talents secrets, et du fait qu'il fallait lui retirer sa flûte. Il se fit ensuite examiner par le médecin. Celui ci ne détecta rien d'anormal, si ce n'est une tension un peu élevée, sans doute due à la terreur folle dont il avait été victime. Cette demoiselle à la magie de terreur était décidément douée. En revanche, rien ne put être fait pour ses mains. Le mage affirma que la douleur partirait sans doute d'elle même sous peu.
A l'aube, Solis quitta la petite ville. On lui avait promis de lui envoyer le compte rendu de l'interrogatoire de la jeune femme. Il repartait avec sa mission accomplie. Mais plus encore, il avait trouvé sa propre étincelle. Il n'était plus un être faible qui utilisait la lumière des autres pour briller. Il avait trouvé sa propre force. Il était devenu une étoile parmi ses constellations. Ensembles, à jamais. |
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