Enfin, j’y étais arrivé… Où étais-je arriver, me direz-vous ? Mon voyage a commencé dans un village voisin d’Oshibana, dans l’Est de la région de Fiore. Un village paisible, sans ennui, dans lequel j’ai passé la plus grande partie de ma vie … C’est là-bas que je suis née, là-bas que j’ai été à l’école, là-bas que j’ai appris à vivre. Mes parents et moi avions une vie banale. Tout deux étaient épiciers, notre famille était respectée par le voisinage, dans la mesure où elle était l’une des principales sources de bien premiers dans le village. Mais voilà, dans la vie, les drames, c’est toujours sur la gueule de ceux qui le méritent pas que ça tombe … On avait rien fait de mal, on voulait de problèmes avec personne. Juste qu’on nous laisse vivre en paix. Mais il a fallu que ces saloperies de mages tous plus forts les uns que les autres nous tombent sur la gueule … Guildes illégales de merde !

A cette pensée, pour la énième fois en bien peu de temps, mon poing d’abattit sur la table, en plein milieu de la guilde. Me sentant stupide, je levai les yeux, personne ne m’avait vu, heureusement. Il doit être temps pour moi de prendre l’air … J’avais une flemme monumentale et aucune envie de retraverser la salle pour rapporter l’assiette de mon dîner au comptoir. Alors, le plus simplement du monde, comme je le faisais parfois, je fis léviter mon auge jusqu’à l’autre bout de la salle, et la fis se poser en douceur. Et oui, c’est que je ne tiens pas franchement à repayer le service avec ma paie … Enfin, pour avoir une paie, faudrait déjà que je prenne une mission. Et là, la motivation me manque un peu. A cause de cette guilde noire qui a attaqué mon village, celui-ci a été rayé de la carte, et la quasi-totalité de ses habitants avec. Je suis la seule survivante de ma famille, et c’est plus un coup de chance qu’autre chose. J’avais beau maîtriser la télékinésie, ils étaient trop nombreux et trop puissants … Heureusement pour moi, après m’avoir passée à tabac, ils m’ont laissée pour morte, et j’ai pu être transportée à la clinique d’Oshibana. Enfin, c’est une chance en considérant que je vis toujours. Mais la haine qui m’habite désormais est une véritable malédiction.

Je soupirai, avant de me lever et de quitter la salle, pour respirer l’air frais de l’extérieur. M’appliquant à ruminer le moins possible, je marchai, tout simplement, et m’amusait à exercer mon pouvoir sur ce qui se présentait. Quelques feuilles mortes que je fis tourbillonner dans l’air avant de relâcher mon emprise, une branche d’arbre au sol que je fis se briser mentalement, etc. Et alors que j’étais pleinement concentrée sur ma psychokinèse, quelque chose me percuta de plein fouet, manquant de me faire tomber. Je me redressai de justesse et observa la « chose » avec des yeux ronds, un air perplexe. Ah bah non, c’était pas une chose en fait … Mais plutôt un type avec un air de fou furieux et des cheveux décolorés à l’eau de javel. Mon Dieu, mais sur quoi suis-je encore tombée moi … Et, alors qu’il s’excitait pour rien, fit apparaître un … J’ai besoin de lentilles je crois. Je me frottai les yeux et clignai plusieurs fois. Merde, c’est bel et bien … Un poulet en caoutchouc. Donc à première vue, son pouvoir était le rééquipement, et pour équiper ce genre de conneries, ce nouvel arrivant ne devait pas dépasser les cinq ans d’âge mental. A sa réaction, on dirait vraiment un gosse, mais il a l’air plus vieux que moi … Curieux personnage. Mais alors, s’il est mage, et qu’il se promène dans ce coin de la ville, pense-t-il à rejoindre les Cuatro Cerberus ? Je croisai les bras.

« Tu devrais ranger ton jouet, c’est plus de ton âge … » Et je ris, avant de reprendre, en essayant de contenir mon fou rire qu’on pourrait prendre pour de la moquerie. « Qu’est-ce que tu fais dans le coin ? T’as l’air complètement paumé et crevé. »

Je le concède, le paumé est à double-sens, mais à prendre au sens littéral de préférence. En effet, ce personnage était bien curieux … Mais il avait réussi à me faire rire. En fait, il pourrait constituer une bonne source de distraction, ce guignol.

Au moins, et je ne vais pas m’en plaindre, je venais de trouver de quoi m’occuper un peu l’esprit. Ce jeune homme, bien que surprenant aux premiers abords, pouvait se révéler intéressant, qui sait ? Le simple fait qu’il soit mage m’encourageait à m’intéresser un temps soit peu à lui. N’empêche, quel style décalé, cette coupe de cheveux mi-longue puis cette couleur … Enfin, je peux parler, moi, avec ma tignasse vert gazon, mes boucles d’oreilles tape-à-l’œil et mon casque en permanence sur les oreilles. En fait, dans le monde des mages, chacun à notre façon, on a ce petit quelque chose de décalé, d’excentrique, qui nous caractérise. Et il n’y a pas que ça … Mais aussi notre motivation à avoir choisi cette voie là plutôt qu’une autre. Que ce soit par nécessité ou par vocation, ou encore parce qu’une tragédie nous a poussé dans cette direction-ci…

Et, alors que j’écoutai la réponse du mage, je levai les yeux au ciel. Lentement, la nuit tombait, et une légère brise se levait. Je sentis mes poils se hérisser, et croisa un peu plus mes bras sous ma poitrine. Encore un truc lié à mon excentrisme naturel, ça … A m’habiller comme ça, le ventre et les bras à l’air, au bout d’un moment, je caille. Mais je suis bien évidemment trop fière pour l’admettre et passer un pull, c’est esthétiquement beaucoup moins classe. Je reportai mon attention sur les dires du guignol. Il était donc à la recherche de ma guilde ? Bah tiens, quelle coïncidence. Quoique, pas tant que ça. Un mage égaré comme ça, à agiter un poulet en plastique comme un idiot, ça a souvent pas de guilde. Pour oser équiper des objets aussi ridicules, ils sont souvent encore au stade de l’entrainement, ce qui semblait ne plus être son cas. Je l’écoutai se présenter, puis me décida à faire de même, naturellement.

« Ravie de faire ta connaissance, Morgan. » Je souris, et lui tendis la main. « Je suis Nell, mage au sein de la guilde Cuatro Cerberus. »

J’omis volontairement de préciser que j’étais arrivée tout récemment. La traversée de Fiore avait été longue, surtout avec les soucis que j’ai eus. Notamment ne pas trouver les gares de changement de train, ou encore trouver le quai après le départ du train. Mais bon, ce genre de choses, ça arrive à tout le monde, pas seulement à moi. Je poursuivis donc.

« Est-ce que tu viens de la part d’une autre guilde ? Ou bien tu souhaites nous rejoindre ? »

Et dans mon fort intérieur, je savais bien qu’il était ici pour rejoindre la guilde. Que ce soit à moi qu’il ait eu à faire présentait au moins un avantage : J’aurai bien vite fait de le cerner. J’aime savoir à qui j’ai à faire, et avec qui j’aurai surement à faire équipe. Ce qui est normal, non ? Au moins, malgré son entrée en scène fracassante et marquante pour l’esprit, Morgan me semblait être du genre sympa. Pas très futé, mais sympa.

Au moins, maintenant que Morgan semblait calmé, j’étais à priori à l’abri de me prendre un coup de poulet en caoutchouc sur la tête … Toutefois, une question tournait dans ma tête, une question de plus pertinentes … Où donc avait-il trouvé ce poulet ? Dans une animalerie, le genre qui fait Pouêt quand on appuie dessus ? Un jour, il faudrait que je le lui demande, ou mieux encore, que je m’en empare pour vérifier moi-même. Puis que je sache quelles autres conneries il cache dans son arsenal, oui, ça pourrait aussi être bien drôle … Enfin, trêve de plaisanterie, avant que je ne meurs de rire à nouveau. Ce mage était donc bien un mage errant, souhaitant intégrer la guilde dont je suis membre. Mon Dieu, quelle horreur, il va me faire rire à en avoir mal aux côtes et la mâchoire décrochée ce con ! Il va falloir que je me trouve un bon traitement et en vitesse, sinon ça risque de ne pas aller bien longtemps. Comment entrer dans la guilde ? Hum, bonne question … Je levai les yeux au ciel, vers les étoiles, comme en quête d’une réponse que je n’avais pas en ma possession.

Lorsque j’étais moi-même arrivée ici, à Cuatro Cerberus, je n’avais pas eu d’épreuve insurmontable ou de tests stupides à passer. Il m’avait suffit de me présenter aux membres de la guilde, remplir une paire de formalités administratives, et hop là. Je n’avais même pas eu besoin de courir après le maître, Goldmine, pour le supplier de m’intégrer au sein de sa guilde. Il faut dire que dans mon état, après quelques jours de trajet et mon état de nerfs, je n’aurais de toute façon pas été en état de faire quoi que ce soit. Tant qu’à faire, pourquoi ne pas faire un peu marcher le jeune homme ? Pas futé qu’il est, je pense qu’il ne va pas marcher, non, il va carrément courir. Ouais, le bizutage, voilà une idée qui me plait bien. Je l’invitai à me rejoindre à l’intérieur de la guilde, m’assis à une table, la même que celle où je me trouvais précédemment, et attendis qu’il fasse de même. Puis, prenant un air grave, je commençai à lui raconter des cracks.

« En fait, notre maître, Goldmine, va surtout se fier à ta tronche … Moi, qui suis assez mignonne, je n’ai pas eu beaucoup de mal à entrer dans la guilde, mais toi, comme t’as l’air d’un sacré comique … » Je fis une pause, avant de baisser le ton et de lui dire, sur le ton de la confidence. « Ca reste entre nous, mais pour ceux dont la gueule lui revient pas, il est capable de les envoyer au mont Yakobe et de leur faire massacrer 50 Balkans, de leur demander de ramener les cinquante paires d’yeux pour preuve, et ceux en cinq jours grand maximum. Tu comprends, il faut que tu prouves ta valeur, sinon ça marchera pas. Puis vaut mieux pour toi que l’épisode du poulet soit passé sous silence, sinon tu vas encore plus en baver. »

Et je l’observai le plus sérieusement du monde, essayant de dissimuler le fou rire qui menaçait d’éclater d’une minute à l’autre. S’il croit à mes conneries, je sens que ça va être très, très drôle …

Décidemment, c’était une seconde nature chez moi de déblatérer des conneries pour passer le temps. Tuer cinquante Balkans et leur arracher les yeux … Déjà qu’en tuer un seul c’est pas évident. J’ai déjà vu quelques missions sur le panneau d’affichage étant en rapport avec des Balkans, inutile de dire que j’ai passé mon tour. En même temps, ce sont des missions de rang B, voire plus élevé, et je suis encore une mage de rang D ici … bah, j’aurai bien le temps de monter en grade. Quelque chose me dit que je resterai bien longtemps dans cette guilde. En attendant, je ne savais pas si ma petite blaguounette de bienvenue était passée, mais … Ah bah non, elle est pas passée la blaguounette. Je levai des yeux ronds comme des soucoupes vers le mage qui me faisait face alors qu’il se levait d’un bon, et je marmonnai un timide « Calme toi hein, je blaguais. ». Mon étonnement redoubla lorsqu’il fit apparaître son ridicule poulet en caoutchouc. Mais qu’est-ce qu’il allait encore nous faire comme connerie celui là ? Au moins, j’avais la réponse à ma question. Ce pitoyable jouet fait bel et bien un agaçant son de couinement quand on frappe une surface rigide avec. Un bruit presque aussi agaçant que quand on fait grincer un ballon de baudruche gonflé à l’hélium.

Et voilà que ça tourne mal, non mais pourquoi est-ce qu’il crie comme un perturbé dans l’enceinte de MA guilde ? Pourquoi est-ce qu’il ne va pas foutre la merde ailleurs ? Je sais pas moi, à Fairy Tail par exemple, eux qui ne sont jamais sérieux ! Et voilà une baston générale déclarée pour un jouet pour chien qui couine, je rêve ! J’en ai marre là, je sature. Enervée, je montai sur une table et, ne faisant pas attention au gamin de cinq ans d’âge mental qui se défilait, je mis mes mains en entonnoir autour de ma bouche avant de crier à plein poumons : « C’est pas bientôt fini ce merdier ?! », puis je redescendis, prête à bien sermonner le nouvel arrivant. Mais ses petites piques eurent raison du peu de calme qu’il me restait, et dans un élan de ras-le-bol prononcé, j’arrachai le poulet de ses mains avant de lui porter un coup au visage avec. Et voilà le retour du couinement … Au bord du pêtage de plomb, je pris le poulet par le cou et le tira au maximum de son élasticité, avant de faire un nœud dedans.

« Hop là, couic, le poulet ! » Et je poussai un soupir bruyant en reposant l’horripilant jouet en caoutchouc sur la table derrière moi. « Puisque t’as pas l’air de comprendre comment fonctionne une guilde, on va être bien clair dès maintenant. Ici, t’es pas dans une cour d’école où des sales gosses se foutent sur la gueule. Ici, t’es dans une guilde. UNE GUILDE ! Les mages qui se trouvent ici veulent bosser, se reposer, et pas nécessairement se faire emmerder par un blond décoloré à l’eau de javel et son poulet qui fait pouêt ! Alors t’auras vite fait de rectifier ta conduite parce que sinon, la porte est là. » Je désignai la porte d’entrée. « Si t’as envie de faire le con à longueur de temps, tu t’es gouré de guilde, c’est chez Fairy Tail qu’ils passent leur vie à se foutre sur la gueule. Pigé ? Moi j’étais disposée à parler de toi au maître, mais à ce rythme, tu vas finir par te démmerder tout seul. Au lieu d’essayer de t’aider je pourrais très bien me reprendre une mission et partir sur le champ, tiens toi le pour dit. »

Et je me rassis, prise d’un mal de tête incontrôlable. Pour une fois que je pensais qu’une soirée se déroulerait bien … Mais non, je patauge dans les emmerdes et les galères depuis que j’ai quitté mon village. Si seulement tout ça ne m’était pas tombé dessus …

« Ras le bol, sérieux … »

Et je croisai les bras sur la table avant d’enfoncer ma tête dedans. Toujours pour ma tronche, les emmerdes …