Les rumeurs s’étaient propagées comme une traînée de poudre. Tout le monde en parlait. Tout le monde le savait. Ce n’était plus une surprise pour personne. Ce genre de nouvelle finit par atterrir dans toutes les oreilles, surtout dans celles de ceux qui veulent bien l’entendre. Fiore avait été attaquée. Fiore était à moitié tombée. C’était l’occasion, non, la chance du siècle de voir ce Royaume abjecte déposer les deux genoux à terre, de le voir s’enterrer lui-même alors qu’il venait de mettre un pied dans la tombe. La Reine est jeune, certainement naïve et inexpérimentée et il ne fallait certainement pas lui laisser la moindre occasion de se relever. Fiore et Jade E. Fiore devaient tombés ensemble. Mais le Roi est bien trop faible, bien trop lâche, il n’autorisera jamais une quelconque invasion directe émanant de vous. Le Roi ne cherche pas à faire la guerre…Ou plutôt pas directement mais si on le pousse un peu, il cédera. Il suffit de lui donner une raison de partir en guerre. Iceberg est un Royaume bien plus fort robuste que la faible Fiore et c’était là, une chance inespérée que de pouvoir vous étendre et de montrer ainsi à tous les Royaumes qui vous êtes vraiment.
« - J’aime pas ce regard. Ça veut dire que t’as une idée de merde derrière la tête et j’aime pas quand t’as une idée de merde. - Ewald…Où sont les autres ? - Éparpillés, un peu partout. - Il n’y a que toi au château ? - Non y’a la classe des couches-culottes aussi. Ils ne sont pas partis eux. Pourquoi ? Qu’est-ce que tu veux faire Yorick ? - Rends-moi un service, rassemble les 12 autres au plus vite et envoie-moi, nos meilleurs espions. - Je savais que ça puait l’idée de merde. Et le Roi dans tout ça ? - Oh ferme ta gueule, ce vieux bonhomme n’est rien de moins qu’un symbole. Je suis le véritable dirigeant de ce pays ! - Qui est le véritable dirigeant de ce pays, Premier Ministre ? »
Il ne manquait plus que lui. Ce petit prétentieux de service. Il traîne ses sales oreilles de partout pour avoir la moindre occasion de te supprimer. Le Prince est une plaie, une véritable plaie dont il faut se débarrasser avant qu’elle ne s’infecte ou pullule.
« - Votre altesse…Quel plaisir ! Que me vaut l’immense joie de votre visite ? Puis-je me rendre utile d’une quelconque façon ? - J’aimerais que tu me dises pourquoi tu demandes à ce que les « 13 » se réunissent Yorick ? Oserais-tu comploter derrière le dos de mon père et derrière le mien ? - Nullement votre altesse ! Voyons, vous me connaissez. Moi ? Faire ce genre de chose ? - Justement, j’attends tes explications. - Voyez votre altesse que ma démarche et mes intentions sont avant toutes choses dans l’espoir de protéger notre pays. La nouvelle vous est-elle parvenue mon prince ? - Tu veux parler de celle concernant le Royaume de Fiore ? Bien-sûr, j’en ai entendu parler, comme tout le monde ici. Quel est le rapport avec nous ? - Il paraîtrait que ces… "extrémistes" ayant attaqué le Royaume de Fiore aient des vues sur nous mon prince. Cela ne serait-il pas plus prudent que de protéger nos arrières avant qu’ils ne nous atteignent ? - Eh bien-sûr…Tu es au courant de tout ça avant tout le monde n’est-ce pas Yorick ? - Protéger le Royaume est mon devoir sacré votre altesse. Je ne faiblirais jamais devant une telle tâche. C’est un honneur. - Soit ! Si tu dis là la vérité, alors je te fais confiance. Mais attention Yorick…Que cela ne nous entraîne pas dans de fâcheux incidents. Je tiens à être informer en temps et en heure. - Bien entendu. Votre soutien et votre aval sont quelques choses dont je ne peux me passer en mes qualités de Premier Ministre. Vous représentez notre Royaume. »
Représentant mes fesses oui. Ce n’est ni plus ni moins qu’un enfant pourri gâté qui croit encore qu’il a un quelconque pouvoir et une quelconque autorité sur le pays. S’il savait que le Royaume lui glissait tout doucement d’entre les doigts depuis plus de 4 ans maintenant, il serait surprit.
Mais l’heure n’est pas à s’occuper de ce morveux abject et de son nombril…Le Prince Leoras aura bientôt trop à faire pour s’occuper de toi. Pour l’instant, tu dois envoyer les meilleurs à Fiore, seule une poignée suffira, il ne faut pas attirer l’attention et même si la Reine se cache derrière une forteresse, elle a toujours eu plus ou moins le soutien de ses « mages ». Pathétique. Elle ne qui fait jamais rien pour eux. Elle qui les envois se sacrifier vainement.
Les mages sont une énorme épine du pied qu’il faut arracher avant de s’occuper du réel problème : Faire tomber Fiore, une bonne fois pour toute. Mais pour cela, il faut les occuper et c’est là, toute la beauté de ton idée.
Tu n’es pas stupide et tu sais déjà que Yorick prépare quelque chose dans ton dos. C’est comme si tous les pores de ta peau transpiraient la méfiance à son égard depuis qu’il a été nommé Premier Ministre du Royaume par ton père il y a 6 ans maintenant. Tu n’as jamais eu confiance en cet homme et tu n’auras jamais confiance en lui. Tout ce qu’il a cherché à faire c’était de nuire à votre nom et au Royaume au nom de causes qu’il pensait juste.
Et maintenant quoi ? Que cherche-t-il à faire en impliquant Fiore dans ses dessins ? Que voulait-il faire là-bas ? Tu n’aimes pas ça. Tant de choses semblent t’échapper et tu n’aimes pas ça. Si seulement tu pouvais…Si seulement…Il te suffirait d’attendre et de voir de quoi il en retourne, convoquant les « 13 » et en faisant partie, tu auras très vite des réponses mais quelque chose te dis que le temps joue contre toi.
Faisant les cent pas dans tes appartements, le visage grave, tu as l’impression de passer à côté de quelque chose, de quelque chose d’évident. Pourquoi ceux qui ont attaqués Fiore en auraient après vous ?
Pourquoi ces gens se donneraient-ils la peine de traverser un royaume tout entier pour vous atteindre ? Iceberg n’est pas connu pour ses mines de bijoux et de pierres précieuses comme Joya, ni pour sa culture et ses érudits comme Pergand…Non. Il y a quelque chose qui cloche. Il n’y a rien ici à part de la neige, de la glace et du verglas. Qui voudrait d’un pays immaculé de blanc ?
On frappe à ta porte et tu espères que ce soit lui.
« - Vous m’avez fait demander votre altesse ? - Entre Oralan, j’ai besoin que tu me rendes un service. »
Depuis que tu es petit, Oralan a toujours été d’une dévotion infaillible à ton égard. Il s’est occupé de tout, jusqu’à choisir lui-même les membres de ta garde rapproché quand tu t’enfuyais trop souvent du château pour aller jouer dans les rues de la ville. De plus, tout comme toi, Oralan est également un des « 13 » et il sera forcément convoqué par Yorick.
« - Que puis-je faire pour vous ? - Je t’ai déjà dit de me tutoyer en privé ! Dis-moi, toi qui es l’un des proches conseillers militaires du Premier Ministre, ne t’aurait-il pas parlé d’un de ces projets dernièrement ? - Non. Pas à ma connaissance. Aurais-tu des doutes sur le Premier Ministre, Leoras ? - Ce n’est pas ça ! C’est juste….Une impression. - Mais encore ? Tu as souvent eu des intuitions plutôt justes jusqu’à présent et il serait malheureux pour le Royaume que celle que tu ressens vis-à-vis du Premier Ministre soit une réalité. - Pourquoi ? - Parce que nous sommes en période de crise mais je ne t’apprends rien. Depuis qu’il est à la tête du gouvernement, Yorick a vraiment tout fait pour le Royaume et pour sa stabilité. Il serait fâcheux que tout ce qu’il ait entrepris jusqu’à présent ne soit qu’une grotesque mascarade. - N’as-tu jamais douté de lui ? - Je ne dirais pas ça. Je dis seulement que cela ne sert à rien de se précipiter. Si vraiment tu as un doute, attendons. - Et s’il est déjà trop tard ? - Alors nous ne pourrons rien faire pour cela. Nous nous contenterons de réparer les pots cassés. »
Attendre, toujours attendre, cela n’a jamais été ton fort. Tu sais qu’il prépare quelque chose et qu’il sera trop tard et malheureusement Oralan ne semble au courant de rien. C’est étrange. Ses conseils sont précieux et tu n’imagines pas Yorick s’en passer une seule seconde.
« - Y’a-t-il autre chose ? - Non. Tu peux disposer. Je te remercie. - Promets-moi une chose Leoras… - Quoi donc ? - Ne fais rien de stupide. Je te connais, tu n’es pas un garçon d’un naturel très patient. »
Comme c’est étonnant. C’est comme s’il savait d’avance que tu allais tenter ta chance. D’ailleurs, la seule occasion que tu puisses avoir de coincer Yorick, c’est de le surprendre dans ses démarches. Il finira bien par commettre une erreur et le château n’a plus aucun secret pour toi. Tu connais bien un ou deux endroits d’où l’espionner sans te faire attraper.
Le temps presse, il faut des preuves et il les faut rapidement avant qu’il ne commette l’irréparable.
Tu sors des appartements du Prince et ce n’est sans surprise, que tu retrouves Rosario dans le couloir, le dos appuyé contre le mur comme s’il avait entendu l’intégralité de la conversation. Ce type traîne toujours là où il ne faut pas et aimer se mêler d’absolument tout ce qui ne le concerne pas.
« - Alors on complote ? - Qu’est-ce que tu veux Rosario ? - Oh, je me demandais pourquoi tu avais le droit à une audience privée avec son altesse tandis que nous, pauvres membres de la plèbe sommes censés rester dans le couloir. De quoi vous avez parlé ? - Et si je te disais que cela ne te concerne en rien ? - Voyons Oralan, on sait tous que le petit prince est bien trop capricieux et téméraire pour t’écouter. Je n’aimerais pas être à sa place si on apprend qu’il va attenter une action contre Yorick. - Qu’est-ce que tu insinues ? - Je ne suis pas bête l’ami ! Je vous ai entendu. Intéressante conversation. - Tu me fatigues à tourner autour du pot. Si ce n’est pour faire du chantage, pourquoi es-tu ici à traîner tes guenilles dans cette aile du château ? - Mes guenilles ? Tu devrais te voir dans tes robes de soirée. Sache mon ami, qu’à la moindre tentative, je ne resterais pas sans rien dire. - Gare à tes paroles Rosario ! Menacerais-tu la vie du jeune prince ? - Du tout mais tu sais…Pour reprendre tes termes, nous sommes en période de crise et un accident est si vite arrivé. Ahahahaha !!! »
Tu n’as jamais aimé la compagnie de cet homme ressemblant plus à une hyène que réellement un homme. Rosario buvait chaque parole du Premier Ministre comme si elles avaient une valeur sacrée et il lui obéirait au doigt et à l’œil. C’est ridicule. Cet homme a oublié sa raison quand il a accepté de travailler pour lui. Comme vous tous d’ailleurs.
Le titre des « 13 » te fait sourire par moment. La plus part des habitants du Royaume connaissaient la valeur de ce titre et beaucoup admiraient le groupe que vous étiez mais peu savaient. Trop peu savaient qu’être un groupe n’était que de la poussière aux yeux. Un titre pour « faire joli ». A l’intérieur même, ces 13 mêmes personnes se détestaient à un point qu’il n’était pas possible de définir avec des mots. Il y avait bien des alliances ou des tentatives d’amitié mais avec tout ce que chacun a traversé, il est impossible de bien s’entendre avec son voisin. Et puis 13 pour dire quoi ? Vous n’étiez même pas sur un pied d’égalité. Certains n’étaient que des monstres de puissance…Particulièrement celui à la tête du groupe. Assez fort pour que le Premier Ministre ne requière sa présence qu’en cas d’extrême nécessiter. Parfois quand tu penses à lui, un frisson parcours ton corps, descendant lentement le long de ta colonne. Il faisait peur. Vraiment.
« - Je vois qu’il est toujours aussi bizarre celui-là. »
Une voix résonne dans ton dos alors que tu aperçois un jeune homme à la démarche nonchalante.
« - Arthur. Tu es rentré depuis combien de temps de ta mission ? - Hmmm une petite heure. Je viens d’arriver. Pourquoi Rosario rigolait comme un animal ? T’es loin d’être le gars le plus drôle qu’il soit. - Je te remercie… - Non mais c’est vrai. Donc ? - Pour rien. Va savoir ce qui ne tourne pas rond dans sa tête à celui-là. Et toi ? Qu’est-ce que tu vas faire maintenant ? - Ewald a demandé à me voir…T’es au courant qu’il rassemble les 13 ? - C’est pour ça que t’es rentré ? - Ça et aussi parce que j’avais finis en avance. C’était banal comme mission. Bref…tu ne saurais pas où il est le papy par hasard ? - Pas du tout. Suis Rosario, il y va surement. - Ouais merci. Et toi ? Tu ne viens pas ? - Je dois trouver Amin…Tu ne l’aurais pas vu par le plus grand des hasards ? - Si, aux écuries comme à son habitude. - Merci. »
Arthur faisait partis de ce qu’Ewald appelait « les couche-culotte ». Un petit groupe de jeunes parmi les grands. Il aimait bien les provoquer à ce sujet…Surtout Cascysse qui ne saute jamais sur l’occasion de se mesurer à lui ce qui entraîne toujours des travaux de reconstruction. La dernière fois, ce fut toute l’aile gauche à refaire. Mais Arthur était loin d’être le plus jeune…Il y avait parmi vous, encore plus incroyable. Notamment les jumelles.
Arrivant aux écuries, tu trouves Amin perdu dans ses pensées, brossant son cheval.
« - Je te dérange ? - Oralan ! Qu’est-ce que tu fais ici ? Non, laisse-moi deviner…Qu’est-ce qui t’amènes plutôt ? - Ahahaha, tu te doutes déjà que je viens pour quelque chose. - Tu viens TOUJOURS pour quelque chose. C’est quoi cette fois ? - Amin, j’aimerais que tu gardes un œil sur Leoras. T’as longtemps fait partis de sa garde personnelle non ? - Y’a un souci avec Leo ? Qu’est-ce qu’il se passe ? - Rien. J’aimerais surtout que tu lui évites les ennuis. - Aaaaah... à croire que ce gosse ne tient pas en place ! C’est d’accord, si tu me le demandes, je ne peux refuser. - C’est gentil. T’allais partir ? - Ouais, j’avais un boulot à faire vers les montagnes pas très loin mais faut croire que c’est raté pour aujourd’hui. T’es de la partie ? - Oui. On y va ensemble ? - Tant qu’à faire…Allons-y. »
Peut-être que le Prince avait raison. Peut-être se passait-il réellement quelque chose pour que vous soyez tous convoqués. Peut-être y avait-il réellement besoin de se faire du souci mais il ne fallait pas trop se précipiter…Tu attendais de voir et puis, tant qu’Amin surveillera les arrières du Prince, tu n’as pas vraiment de soucis à te faire à son sujet.
Assis à une table, le regard perdu dans le vide, perdu vers l’extérieur du château, perdu dans la poudreuse, tu réfléchis au pourquoi du comment tu t’es retrouvé coincé au château à cause d’Ewald.
T’aurais bien aimé sortir, aller en ville, surtout dans ce quartier chinois. Y’a que des maisons closes ou disons des maisons entretenant un certain commerce et t’y perds à chaque fois toutes tes primes là-bas. Faut dire que les filles, elles sont plutôt bonnes. Les paires de nichons énormes ! T’as jamais vu ça. Et puis, elles savent s’y prendre pour faire revenir le client ces vilaines. Mais non, au lieu d’être l’esclave des plaisirs charnels, tu t’es retrouvé enfermé dans cette pièce ridicule à attendre des êtres tout aussi ridicules les uns que les autres. Sauf un. Lui tu diras rien. Lui, tu le respectes. T’as pas le choix. Il est comme ça. Il est de ces hommes qui forcent le respect. Alors devant lui, tu fermes ta gueule parce que sinon, t’iras manger des pissenlits par la racine.
La porte s’ouvre, tu te détournes et tu vois Rosario arriver en compagnie du petit jeune qui le suis de près. Pauvre gamin. Déjà qu’être dans la même pièce que ce type te donnes des crises d’urticaire mais en plus lui, il a du faire le chemin avec. Pauvre gosse.
« - Je vois que je ne suis pas le premier arrivé. T’es là depuis le temps le pervers ? - Ta gueule le clown. Commence pas à me casse les couilles. - Hola l’ami, calme-toi. T’as tes règles ou quoi ? - Me parle pas. »
Tu ne l’as jamais aimé. Personne ne l’aime en fait. Du moins pas à ta connaissance. Il fait partis de ces êtres tout juste bon à se faire détester par tout un royaume. Il est de ceux qui font d’horribles choses sans y réfléchir à deux fois. Vous lui dites d’aller tuer, il y va. Vous lui dites de commettre un massacre, il le fait. Rosario est certainement le pire d’entre vous tous. Peut-être même pire qu’Ewald, faut voir. T’aimerais pas voir un concours entre ces deux-là.
Arthur s’installe entre vous deux et déjà une tension incroyable s’installe dans la pièce. Et dire que ça sera pire dans quelques minutes quand les 13 seront réunis. Pourquoi t’es dans ce groupe de tordus sérieusement ? T’as rien fait pour, t’as rien demandé. Toi tu voulais juste la gloire parce que la gloire, ça attire les filles. C’est tout. Et maintenant te voilà à répondre à l’appel d’un homme que tu supportes tout juste et dont les projets mégalomanes n’ont échappés à aucun d’entre vous. Pourtant, t’obéis. Parce qu’au-delà d’être le Premier Ministre, c’est surtout le salaire du mois. C’est tout. Tant qu’il paye, tu fermes ta gueule et t’obéis comme un clebs.
En attendant les autres, tu te sors une clope et tu l’allumes devant le regard agacé du clown.
« - Va fumer ailleurs putain. - T’as qu’à fermer tous les trous qui te servent d’orifice. - C’est ton trou du cul que je vais fermer oui ! - Désolé, je suis pas de ce bord-là, vois-ça avec Ewald. Je suis certain que se faire enculer, il adorerait ! Il aime déjà la queue de Yorick qu’il la suce toujours plus fort en espérant avoir une promotion. - Êtes-vous au courant, messieurs, qu’il y a un enfant parmi vous ? »
Vous vous regardez tous les deux avant de vous retourner vers la porte du salon dans lequel vous vous trouviez pour remarquer Melosia à l’entrée. Ah Melosia…Une déesse parmi les déchets. Tu l’aimes tellement Melosia. Elle pourrait te dire « saute du pont » que tu sauterais les yeux fermés si cela pouvait lui faire plaisir. Tu ferais tout pour Melosia. Comment lui dire non ?
« - Ça va fait pas chier la Sorcière, il a l’habitude le gnome. Et puis ça forge le caractère ! Hein le nain ? - Comment tu parles à ma Melosia toi cul de babouin ?! - T’as un souci tronche de cake ? - SILENCE ! »
A la suite de Melosia, Amin et Oralan finissent par arriver. Mécontents comme d’habitude. Ils sont toujours ensemble ces deux-là. Enfin…Quand ils ne sont pas ensemble, ils tournent autour du Petit Prince chéri de la Nation. D’ailleurs où est sa majesté pourrie gâtée ? Il croit qu’il peut rater une réunion le petit con ? Y’a vraiment du favoritisme dans ce pays de merde. Putain.
« - Je suis entourée de rustres…Vraiment. »
Elle s’assoit et tu changes de sièges pour t’asseoir à côté d’elle, lui faisant les yeux doux…Dommage pour toi, Melosia, elle, ce n’est pas une femme à charmer. Elle aime les hommes, les vrais.
« - Ahahahaha t’as aucune chance bouffon abandonne la bataille ! T’as de la concurrence ! - Mais lâche-moi la grappe, toi ! Ce n’est pas les vendanges merde. »
Mais il n’avait pas tort et ça te trouait le cul que de l’avouer. Melosia, elle ne jure que par Amin. Chier. Sale immigré de merde. Retourne dans ton pays d’origine putain. Retourne à Desierto. Monsieur muscle mon cul oui !
Y’a plus qu’à attendre les autres maintenant. D’ici là, y’aura surement un mort…Ou deux…Peut-être trois si t’es en forme.
Leurs voix résonnent comme un écho dans ton esprit. Tu les entends se disputer, s’insulter, se manquer de respect les uns envers les autres. Il est difficile de passer à côté d’un tel vacarme. C’est d’un désagréable. Ne peuvent-ils pas faire preuve de retenue ? De courtoisie ? Il est évident qu’ils se détestent et se maudissent les uns aux autres et certains s’adonnent même au vaudou dans l’espoir de maudire son voisin, ça, tu le sais mais ce qu’eux ne savent pas, c’est que tu es aussi ici, avec eux.
Au fond de la salle, dans l’ombre de la bibliothèque, un livre à la main. Ils sont entrés comme des sauvages, des bêtes, des animaux, sans prêter attention à ta simple présence discrète et silencieuse.
Alexander. Rosario. Arthur. Melosia. Amin. Oralan. Eh bien, cela fait déjà une bonne moitié. Il ne manque plus que les jumelles, son altesse, Ewald, Cascysse et Indigo. Aux dernières nouvelles, son altesse traîne et erre comme une âme en peine dans le château. C’est un enfant curieux qui ne manque pas de s’attirer le moindre ennui. Mais bon, tu lui passes le moindre de ses caprices parce que malgré tout, pour son jeune âge, il fait partie de ce joyeux petit groupe.
« - Pourriez-vous faire moins de bruits ? Je n’arrive pas à terminer mon chapitre et cela me contrarie. Je vous en serais reconnaissant. »
Ta voix douce et paisible semble apporter le calme dans la pièce. Tout le monde se retourne et le silence règne en maître sur les lieux. Il n’y en a aucun qui osera lever la voix ni même continuer à parler tant qu’ils savent que tu es là. Tu trouves ça dommage. Tu n’inspires pourtant pas la peur, non. Tu aimerais discuter avec chacun d’entre eux, apprendre à les connaître, savoir leurs petits secrets, parce que tous les hommes ont des secrets. Ils sont si noirs par moment. Toi-même tu en as des secrets. Tout un jardin aussi fleuris que l’Eden.
Alors tu replis les couvertures du livre et le pose sur la table basse devant toi avant de te lever et de passer une main dans tes cheveux. Tu ne pourras pas finir cette histoire aujourd’hui malheureusement, il va falloir attendre. C’était pourtant d’un captivant.
« - Bien, bien, bien, tout le monde est presque là. Quelqu’un aurait-il l’amabilité de me dire où sont les autres ? Son Altesse notamment ? Est-elle trop occupée ? Si c’est le cas, nous pouvons nous passer de la présence du Prince. - Mais ! - Pas de « mais ». Rosario il serait temps que tu grandisses et que tu comprennes que le Prince est un jeune homme aussi occupé que nous tous réunis. Je le plains sincèrement. - Vraiment Michael ? Le plains-tu ? Ou n’es-tu pas la cause du désordre qui règne en ce moment ? - Ahahaha, que tu es drôle Amin. Voyons. Si vraiment je dois causer du tort à notre petit protégé, crois-moi, je le ferais mais je n’aime guère me salir les mains, je trouve ça répugnant et puis…J’ai bien d’autre choses à faire. »
Tu lui adresse un clin d’œil portant mille mots. Amin et Oralan étaient devenus, avec l’âge, les gardes du corps de son Altesse royale et tu trouvais ça mignon. Une telle dévotion, une loyauté aussi impressionnante, rien ne les changera.
« - Arthur, va donc chercher les autres…Particulièrement les jumelles. Je ne voudrais pas commencer sans elles, elles pourraient m’en vouloir et je n’y tiens pas.»
Tu t’installes, jambes croisées, au bout de la rangée de cette fausse et ridicule table ronde et aucun d’entre eux ne t’as quitté du regard mais aucun d’entre eux ne se lèvera un jour contre toi. Ils ont tous essayés pourtant. Combien de fois ont-ils, chacun leur tour, attenter à ta vie ? Combien de fois les as-tu laissés au seuil de la mort pour ces grossières actions inutiles ?
« - Je présume donc que maintenant…Nous devons attendre Ewald, qui est la cause de notre rassemblement. Sachez néanmoins que cela me réjouit de vous revoir. J’ai l’impression que ça fait une éternité que nous ne nous sommes pas vu. »
Bien-sûr…La dernière fois parait tellement lointaine maintenant.
Au fond de toi, ça te tuait d’admettre qu’Oralan avait raison mais pouvais-tu vraiment t’offrir le luxe d’agir après Yorick ? Pouvais-tu réellement attendre que les choses se mettent en place pour agir ? Que préparait-il dans votre dos, à toi et à ton père ? Et d’ailleurs, comment cela se fait-il que ton père ne s’en inquiète-t-il pas plus que cela ? Pourtant, la rumeur qui circulait sur l’attaque de Fiore était fondée.
En regardant l’heure affichée au mur, tu te dis qu’il est inutile de perdre ton temps en réflexions futiles. Le meilleur moyen d’avoir des réponses était d’agir. Il fallait que tu y ailles. On ne convoque pas les 13 sur la base de rumeurs informant que des extrémistes étrangers auraient des vues sur le pays. Non. Cela relève de la compétence de l’armée. Il y a quelque chose d’autre derrière toute cette histoire qui n’est qu’un vulgaire mensonge de plus de la part de celui que beaucoup considèrent aujourd’hui comme un héros. Si seulement il n’était pas vu de la sorte, les choses seraient alors beaucoup plus faciles pour toi.
Au détour du couloir pour te rendre dans le salon principal, tu entends des rires dans ton dos. Le genre de rire à vous glacer le sang, vous donnant la chair de poule. Pourtant tu restes là, droit et fier, tu sais à qui appartient ce rire et tu te doutes depuis le début, que le propriétaire a toujours été dans ton ombre.
« - Anagaia, je sais que tu te caches. Montre-toi. »
Elle rigole. Elle s’amuse de toi. Elle s’est toujours amusée de toi. Anagaia et Severiana n’ont que 8 ans et pourtant, elles font parties des « 13 ». Elles sont pressenties pour remplacer Michael et cela serait naturel, ces deux filles sont des monstres à l’état pur. Non humaine et quand tu eu vent de la façon dont elles sont « nées », tu fus pris d’une terrible nausée et plus d’un repas y passa.
« - Vous voulez jouer avec moi mon prince ? »
Apparaissant devant toi comme un fantôme l’aurait fait, tu ne pus t’empêcher de sursauter. A chaque fois tu te fais avoir par son petit tour de passe-passe. A chaque fois. Cela en devient énervant.
« - Où est Severiana ? Nous sommes demandés. - Nous le savons…Mais « il » a demandé à ce que l’on garde un œil sur vous. - « Il » ? Tu veux parler de Yorick ? - Peut-être que oui, peut-être que non. Si vous jouez avec moi, je vous le dirais. Sinon… - Sinon quoi ? - Eh bien, vous savez…. »
Parfois tu te demandes si dans le processus de création des jumelles, Rosario n’y serait pas un peu pour quelque chose. Mais les menaces ne t’atteignent plus, plus depuis que tu as leur âge en tout cas. Tu y es habitué. C’est un peu comme recevoir des lettres d’amour, ça arrive fréquemment.
« - Comptes-tu au moins me laisser passer ou vas-tu rester ici devant moi ? Tu sais qu’il y a plein de gardes autour de nous quand même ? Tu en es consciente. - Oh oui, oui, « il » a dit de faire attention à ce que l’on faisait. Mais vous savez mon prince…Il a aussi dit que si l’on ne se faisait pas attraper, on n’aurait pas d’ennuis et il ne nous disputerait pas. - Donc tu ne comptes toujours pas me dire pour qui tu travailles cette fois hein ? - Hmmmm nop ! Ahahahahaha !!! Vous devinez deviner. C’est drôle les devinettes, il en pose toujours à ma sœur ou à moi. On aime bien. Et vous mon prince ? Vous aimez les devinettes ? - Pas celles de mauvais goût dans tous les cas. - Alors jouons et je vous laisserais passer. Jouons à….Qui essaye de vous tuer ? - Ce genre de jeu ne m’amuse même pas et je n’ai guère de temps à perdre avec ces sottises. - Tant pis. Vous savez…Vous allez peut-être mourir au détour du couloir si vous ne faites pas attention à vous. - Aller, ça suffit. J’en ai assez entendu ! »
Mourir au détour du couloir. Pourtant, tu ne pus t’empêcher de redoubler de vigilance même si tu te doutes que rien ne se passera tant que tu es dans l’enceinte du château. Mon dieu ce que tu as horreur de ce genre de chose.
Tu as l’impression de devoir te cacher, de devoir te terrer ici. Pourtant pour que l’on menace ta vie avec l’appui des jumelles, tu devais être un élément plus que gênant.
Mais si Yorick n’est pas derrière cette grossière manigance…Qui pourrait oser ? Qui pourrait s’octroyer l’aide de ces sœurs maudites alors qu’elles n’ont jamais obéis à personne ? Il y avait de plus en plus de questions qui s’entassaient dans ton esprit…Sans réponses à venir.
D’ailleurs, quand tu franchis le seuil de la porte du salon, tu remarques que Michael est déjà là, te faisant un grand signe de la main, déguisant ses intentions derrière un faux sourire. Personne n’a jamais été capable de dire à quoi il pensait réellement et quand il le pensait. Tu sais seulement que jamais…Tu ne tenteras quoi que ce soit de stupide contre cet homme.
« - Ça va ? Tu fais une tête bizarre. - Mauvaise journée, je présume… »
Quelque part, retrouver la présence d’Oralan et d’Amin te réconfortes et te sécurises. Pendant plus de 15 ans tu t’es caché derrière eux…15 ans. Maintenant, il serait temps de grandir.
Parfois tu oublies. Tu oublies la chaleur d’un sourire, la sécurité d’un bras autour de toi, l’éclat de rire d’une personne aimée. Parfois, la nuit, tu oublies ce qu’il y avait avant. Avant cette vie, avant tout ce désordre, avant toute cette merde s’écroulant sur toi comme pour essayer de t’écraser. Parfois tu oublies juste ce que tu faisais avant. Etre une fille banale, sans aucune capacité, sans aucune habilité. Etre une fille normale cherchant juste à vivre sa vie. Parfois tu oublies toutes ces choses. Mais les choses ont bien changées pour toi en quelques années. C’est arriver comme une gifle en plein visage, brutalement, marquant à jamais cette joue sur laquelle s’échouent parfois les larmes d’une vie lointaine, d’une vie oubliée.
« - Cascysse ? »
Ton regard se perd parmi les aurores boréales, parmi les étoiles et les glaciers à perte de vue. Même la civilisation et les mensonges des hommes semblent avoir frappés cette terre que tu connaissais si pure.
« - Cas’ ! - Hmmm quoi ? - Il faut que tu rentres au château. Une réunion d’urgence des 13. - Au diable leur réunion stupide. Qu’ils fassent sans moi. - Cas… - Quoi ?! - Il faut que tu y ailles. Rappel-toi cette promesse que tu nous as faite. »
C’est vrai. Parfois, ça aussi tu l’oublies. Cette promesse faite à un mort s’éteignant. Tu as vu la vie quittant son regard ce jour-là, tu as vu son corps se raidir, se refroidir. Tu as vue tout ce qu’il était possible de voir d’un homme mourant petit à petit.
Un jour tu tueras cet homme pour t’avoir privé de cette personne. Tu te l’étais promis. Tu le tuera de tes propres mains, tu le feras souffrir autant que toi, on t’as fait souffrir. Mais pour ça, tu as du ranger ta haine dans une poche de ton cœur et accepté d’être mise dans une salle avec lui. Rien que sa simple présence te donne des nausées.
« - Je vais y aller… - Reviendras-tu prochainement ? - Je n’en sais rien, si j’en ai l’occasion peut-être. Je vais déjà me faire tirer les oreilles pour avoir fuis le château alors ils vont m’avoir à l’œil un moment maintenant. - Je t’attendrais ! - Tu sais Arel, tu ne devrais pas te faire de faux espoirs. »
Tu lui ébouriffes les cheveux avant de mettre en route. Tu te souviens du sourire d’Arel qui paraît si faux, si forcé maintenant. Depuis ce jour-là. Lui qui était toujours à rire de tout. Tu te souviens du petit Arel que tu défendais tout le temps et qui s’est engagé dans l’armée juste pour être ton ombre et te suivre partout. Tu te souviens du petit garçon téméraire qu’il était et de la fille courageuse que tu fus. Avant.
C’est pour ça que c’est toi qui dois le faire. Tu devais le faire. Il n’y avait que toi qui pouvait …Imposer un tel poids sur ces épaules serait le détruire plus qu’il ne l’est déjà.
Dans les couloirs, ça chuchote, ça parle, on te dit que tout le monde est déjà là. Même le Prince serait arrivé avant toi ? Pour une fois. C’est plutôt rare ça. Tu dois vraiment être à la bourre.
Tu passes la porte et tu sens déjà sa présence dans la pièce. Ton corps te hurle de lui sauter à la gorge mais tu n’en feras rien. Pas maintenant.
« - Suis-je en retard ? - Non, il nous manque encore Indigo…Tu ne l’aurais pas croisé dans les couloirs par hasard Cascysse ? - Non. C’est ton job de le baby sitter..Pas le mien. - Oh, je vois. Eh bien assis-toi, je t’en prie. J’ai appris que tu viens de rentrer. Où étais-tu ? - J’étais occupé. Ma vie personnelle ne te regarde en rien Michael. - Soit. C’est vrai. Excuse-moi. »
Les autres ne disent rien mais tous vous regarde. Aucun d’entre eux n’aura jamais le courage pour faire ce que tu vas faire. Aucun d’entre eux ne s’aventurera jamais dans cette tentative suicidaire que de supprimer le plus gros problème du pays. Ils en ont trop peur.
Ton regard se pose alors sur Leoras qui semble contrarié. Comme toujours. Lui aussi, un jour, il mourra s’il ne fait pas plus attention à ce qu’il fait. Cela serait dommage. Tu l’aimais bien le petit Prince.
« - Donc ? De quoi il en retourne ? Je n’aime guère me déplacer pour rien. - Patience… »
T’en as marre de cette bande de guignols. Ils sont là à discuter tranquillement sous ton nez, alors qu’il y a peu, c’était toi qui était assis à la place de cette blondasse. C’était ton siège, ton trône et tous te respectais. Tous se taisaient quand tu disais quelque chose et maintenant, ils te rient au nez. Ils se moquent de toi comme on se moque d’un enfant de bas âge faisant un caprice. S’en ai trop.
Et pourtant, assis à cette table de débiles, tu te souviens du cours de la journée et des évènements à venir. Bientôt les choses vont changer…Mais d’abord, il faut le tuer lui. C’est une gêne, une épine au pied, un chewing-gum à la botte. C’est un vieux rhume coriace qu’il faut annihiler. Si tu le tues, il reconnaîtra de nouveau ta façon de faire et te confieras une nouvelle fois les rênes des 13, il te l’avait promis. Seulement si en échange, tu le débarrassais de cette gêne.
« - Vous avez compris les naines ? Si vous réussissez, je ferais en sorte de bien vous récompenser. Si vous échouez… - Mais les gens seront en colère si on le tue non ? - Je m’en fiche. Faites-le. Et si vous le faites bien, comme à votre habitude, ils ne verront rien venir et vous serez tranquille. - Mais on l’aime bien nous. C’est le seul qui joue avec nous…. - Argh ! Obéissez sinon c’est moi qui vous jette depuis la haute tour ! »
Il était hors de question que tu portes la responsabilité des évènements à venir si vraiment cela réussissait comme tu l’espérais. Il fallait que ça réussisse. Les jumelles étaient connues pour n’avoir connu aucun échec et tu espères secrètement que cette fois sera la bonne.
Tout ce que tu devais faire à présent c’était d’attendre. Prendre ton mal en patience. Bientôt, les choses iront mieux pour tous et tous te reconnaitrons à nouveau. Ils ne se moqueront plus de toi, n’oseront plus de rire au nez comme Alexander le fait, ni même te regarder de haut comme Amin le fait. Tu les détestes vraiment. Ils se pensent tellement supérieurs à toi sans vraiment savoir que tu es bien au-dessus.
D’ailleurs, c’est bien la seule règle qui règne ici-bas parmi vous…Vous avez beau être 13, vous êtes triés par ordre de puissance et pour l’instant…Même si Michael est tout en haut…Tu es loin d’être tout en bas. Tu réserves la dernière place à ce prince inutile et prétentieux. Il ne devrait même pas faire partis des 13. Il n’aurait jamais dû en faire partit.
S’il savait le nombre de cibles qui se sont accrochées dans son dos. Le petit Prince mourra, tout le monde le sait. Tout le monde doit le faire…Mais chacun attends. C’est plus comme pour voir ce qu’il se passera à l’un s’il tente sa chance. Tuer le prince signifierait défier Amin et Oralan…C’est chiant. T’as pas envie de te faire chier. Alors t’attends qu’on te dégage la voie.
« - C’est une putain de perte de temps ! Moi je m’en vais ! - Où est-ce que tu comptes aller Rosario ? Ewald n’est même pas arrivé et les jumelles ne sont pas là non plus. Sans compter notre cher Indigo. Je te suggère gentiment de retourner t’asseoir et de ne pas quitter cette pièce. - Sinon quoi ? Tu vas me jeter dans le vide ? - Voudrais-tu vraiment que je m’énerve Rosario ? Tu sais pourtant comme j’ai horreur de la violence et de la brutalité. Je n’aimerais pas manquer à mes principes en te faisant le moindre mal. Je t’aime bien tu sais. Tu m’amuses beaucoup. - Un peu comme le bouffon du roi ahahaha ! - Ferme ta putain de gueule toi ! - Voyons messieurs, un peu de tenue ! Nous sommes en présence de femmes et de son altesse. N’est-il pas inconvenant de paraître pour des animaux ? - ….. »
C’est comme s’il avait relâché sa magie un instant. Un cours instant. Ce fut bref mais ça vous cloua sur vos sièges. Son regard était devenu froid, glacial. Comme si dans ses yeux, brillait secrètement la fin de votre vie. Vous l’aviez sentit. Ce frisson et cette peur vous figeant sur place.
Chier’. Qu’il profite de la situation celui-là. Mais il ne t’empêchera jamais d’accomplir ce pourquoi on t’a embauché. Jamais.
Quinze ans. Cela fait quinze ans maintenant que tu es au service du Prince. Tu te souviens encore par moment, le soir quand tu le vois s’entraîner, à ses premiers combats, la première fois qu’il a tenu une lame entre ses doigts tous frêles et tremblants. Tu te souviens de cette fois où Oralan a pénétré ta chambre pour te demander d’entrée au service du Prince. De le protéger. De le servir. Quoi qu’il t’en coûte, quoi qu’il advienne. Sur l’instant, tu étais loin d’imaginer que les évènements auraient pris une telle envergure.
Assis autour de la table, le regard de chacun se pose sur son voisin comme si c’était la première fois que vous vous découvriez et pourtant, cela fait quelques années maintenant que vous étiez ces personnes, assises ici. Ces mêmes personnes. Il y avait des tensions, ce n’était pas nouveau, tout le monde ne pouvait guère s’apprécier mais de-là à parier sur qui abattra qui en premier, tu trouves cela ridicule.
Encore aujourd’hui devant un tel spectacle, tu te demandes pourquoi tu as accepté de quitter Desierto pour ce pays. D’échanger le soleil pour le froid. Le feu pour la glace. Cette question, tu te la poseras certainement éternellement car même si voir le Prince grandir est un véritable spectacle et honneur, cela ne te suffit guère. Le prince grandit certes, mais il devient très rapidement un homme et se retrouvera bientôt plus habile que toi avec une épée dans la main même si c’est encore loin d’être le cas. Tu as encore de nombreuses années avant qu’il ne puisse espérer te faire poser un genoux à terre.
Pourtant vous êtes là, à vous regarder dans le blanc des yeux même si Alexander semble n’avoir d’yeux que pour toi. Tu lui as pourtant déjà dis que tu n’étais pas de ce bords-là.
Et puis en bout de table. Il y a cet homme. Grand, élancé, avec certainement une tresse plus longue que ses compétences. Il y a cet homme qui en l’espace de quelques mois, de quelques années est devenu votre nouveau centre d’attention. Oralan avait déjà surprit plusieurs conversations entre lui et le Premier Ministre du pays et ce ne fut pas pour parler de l’avenir florissant du pays…Bien au contraire. Pourtant, vous ne vous êtes jamais permis de lever le moindre petit doigt contre lui, parce que quelque chose émane de lui. Quelque chose de pire que la mort. Vous attendiez tout simplement un faux pas…Mais il n’en fait jamais. Une erreur ? Impossible. Il était impossible à cerner et impossible à démasquer. Tout ce qui tournait autour de lui n’était que mystère. Même les hommes de l’armée ont très peu entendu parler de lui et la plus part n’en parlent qu’en tant que fantôme ou comme mythe. Ouais, ça en est bien un. Un mythe. Ton regard croise celui d’Oralan comme s’il pouvait lire dans tes pensées. Tu n’aimes pas quand il fait ça. Il lit en toi comme dans un livre ouvert et c’est certainement pour cette même raison qu’il t’a affilé au Prince. Aller savoir…Même les pensées d’Oralan, sont parfois étranges et totalement abstraites mais étrangement, cet homme a tout ton respect et ta gratitude pour avoir toujours été là quand tu en as eu le plus besoin…Et dieu seul sait que tu n’eut pas forcément des moments faciles entre ces murs. Avoir une arme en main c’est une chose. Discuter et comploter, ça en ai une autre.
« - Je pense que chacun aimerait retourner à ses occupations. Combien de temps sommes-nous censés attendre ici ? - Jusqu’à ce qu’Ewald arrive. Et les jumelles. Auriez-vous tous des tâches plus importantes à faire que de protéger votre Royaume auquel vous avez juré allégeance ? - Ne crois-tu pas que tu interprètes un peu trop nos mots Michael ? - Je n’interprète pas vos mots Amin. Seulement vos silences qui en disent long. Si vous voulez vous tapez dessus comme des barbares faites-le donc, mais je ne veux pas être tenu pour responsable s’il y a des morts. Et il y en aura…Croyez-moi. - Qu’attends-tu de nous au final ? - Rien. Ce n’est pas comme si vous dépendiez de mes ordres directement non ? Nous sommes les 13 Généraux et j’estime que chacun d’entre vous se rappelle parfaitement où est la place qui lui revient de droit. Ou alors devenons-nous actualiser notre classement ? Dans le cas échéant, j’aimerais en être informé. J’adorerais voir ça. - Qu’est-ce que tu essayes de nous dire ? - Que vous devriez patientez. Nous ne commencerons pas sans les jumelles et Ewald. Après tout, démarrer une course sans le haut du podium, n’est pas vraiment intéressant non ? »
Une nouvelle fois, ton regard croise celui d’Oralan et cette fois, ce n’est sans aucune difficulté que tu comprends ce à quoi il pense. Puis vos yeux se posent sur le Prince, toujours boudeur. Il ne changera jamais et pourtant, il est tellement difficile à abattre…Et il y a bien une raison à cela et tu estimes en être en partie responsable ce qui te rends assez fier. Qu’ils essayent donc, tous autant qu’ils sont, de mettre fin à la vie de Leoras…Ils pourront vite déchanter et ça t’amuserais de voir ça. Surtout de voir le Prince remettre ce prétentieux de Rosario à sa place.
Oui, ça t’amuserais. Mais s’il ne le fait pas avant toi….Sinon, tu te feras un grand plaisir de t’en occuper toi-même…Après tout, tu le lui dois bien.
On t’as dit qu’il était par là. Ou par ici. Certains disent qu’ils l’ont vu dans la cuisine et d’autres disent qu’il a été vu près du bain pour dames. Décidément, ce type bouge partout et ça commence à te casser les pieds. Quand tu demandes si quelqu’un l’a croisé, on t’informe qu’il vient de passer dans le couloir pour tourner vers les escaliers menant à l’étage supérieur. Qu’est-ce qu’il fout putain ? Alors tu cours, à droite, à gauche, et peut-être encore à droite parce que t’as que ça à faire de ta journée, courir après un mec qui a sa tête dans les nuages. D’ailleurs tu t’es toujours demandé s’il en avait une…de tête. Il a tellement le regard…Vide par moment qu’il ferait presque peur.
En entrant dans une salle, tu le trouves allongé, là, par terre, sur le carrelage glacé, entrain de marmonner puis il se roule, s’enroule dans le tapis comme si ce n’était qu’une vulgaire couverture. Non mais il a vraiment une case en moins ce type. Pourquoi c’est toi qu’on a envoyé le chercher ?
« - Qu’est-ce que tu fous putain ? - Hmmmm laisse-moi ! - Non mais qu’est-ce que tu fais par terre ? - Laisse-moi je te dis ! Je suis avec monsieur le sol. Il me parle. Il me raconte des choses. - Lève-toi bon sang ! Imagine que le roi nous surprends ici et toi par terre. On dirait un alcoolique. - Naaaaaan !!! Va-t’en ! Laisse-moi tranquille, je suis bien là. Va-t’en. - Indigo ….Lève-toi. - Parle à mon cul t’auras des verrues !!!!! AHAHAHAHAHAH !!! - T’es vraiment chiant quand tu t’y mets. »
Tu fermes la porte derrière toi et tu attends que sa crise passe. Indigo c’est ce genre de bonhomme là. Le genre un peu « pas tout seul » dans sa tête. Le genre à qui il arrive de faire des choses disons, étranges, à un certain moment donné. Comme là.
« - Tu sais qu’on est attendu ? - M’en fou ! C’est tous des enfoirés !!! Qu’ils crèvent en enfer ! Satan viendra leur arracher les yeux dans leur sommeil !!!! - Michael t’attends Indigo… - ………….. »
Comme un seul homme, il se relève, raide comme un bâton et te regardes dans le blanc des yeux. Vous ne saviez pas quel lien il y avait entre les deux hommes, ni pourquoi le nom de Michael était le seul nom à faire réagir Indigo mais la seule chose dont tout le monde était sûr et certain, c’est que ces deux-là avaient un passé commun. Ils sont arrivés dans la même période au château et beaucoup disaient qu’avant…Indigo n’était pas ce qu’il était. Qu’avant, il n’était pas « ça ». Avant, c’était un homme d’une grande clairvoyance…Maintenant, c’est limite un chou-fleur.
« - Hey Arthur ! - Quoi ? - Tu vas pas dire à Michael que j’ai fait ça hein ? Il va me punir sinon…J’ai pas envie qu’il me punisse. Ça me fait mal. - Non. Je ne dirais rien. Aller vient maintenant. C’est finis les bêtises. Si on ne les rejoint pas, c’est toi et moi qui se ferons punir. - T’es gentil toi quand même ! Je t’aime bien tu sais ? Tu pourrais dormir avec moi cette nuit ! - Woooowwww !!!! Je t’arrête de suite ! C’est non. T’es grand, tu dors tout seul. - D’accord….Mais demain alors ? - NON ! Indigo ! »
Vous arrivez finalement à rejoindre les autres et dès que vous faites un pas dans la salle, le regard de Michael se plante sur Indigo qui se cache derrière toi en t’agrippant par les épaules. Il est carrément flippant ce mec…Mais bon, si c’est lui le patron, c’est que y’a une raison. Toi tu t’en fous un peu que ce soit lui ou un autre, de toute façon, ils sont tous pareils.
Tant qu’ils ne viennent pas te faire chier….
Pourtant, quelque part, t’aimerais bien savoir…Ce qu’il s’est passé entre Indigo et Michael. Leur lien, leur passé…Pourquoi il est comme ça ? Il doit forcément y avoir une raison précise.