Ce fut comme une prémonition. Un sentiment saisissant en pleine nuit alors que le silence régnait en maître sur le manoir. Ton cœur s’était emballé comme s’il allait sortir de ta poitrine à tout moment alors que tes cheveux en bataille sont trempés à la hauteur de ta nuque. Ce n’était qu’un cauchemar. Encore un. Toujours un. Toujours le même qui revient encore et encore et encore.
A chaque fois c’est la même chose. Tu te revois au milieu de la salle de bal à Joya et tu vois Oméa, le visage tâché de sang, les mains ensanglantées. Tu la vois souriant au milieu des cadavres s’empilant. Tu la vois souriant alors qu’elle se dirige vers toi, ne faisant aucune distinction entre toi…et tous les autres. Entre toi et eux. Son monde t’éclates à la figure d’une façon tellement violente que tu en tombes au sol à chaque fois. Tu te sens transpercé par une lame d’acier. Tu sens la panique, la peur, l’angoisse de mourir alors que ton corps git dans ton propre sang, tes yeux fixant sa chevelure blonde.
Et à chaque fois, tu te réveilles quand tu penses qu’elle va t’achever. A chaque fois c’est la même histoire. Pourtant, tu te dis qu’elle est différente. Qu’elle n’est pas «cette chose », que tout son être ne se résume pas qu’à cette simple tuerie d’un soir. Tu te dis qu’il y a forcément un fond. Il doit y en avoir un. C’est ce qui te permet d’y croire.
Alors tu te lèves, le pantalon de jogging t’arrivant jusqu’aux hanches et tombant légèrement un peu plus bas. La porte de ta chambre est entre-ouverte et donne sur celle de Noah totalement ouverte. Tu le vois, de l’autre côté du couloir, allongé sur son lit, un pied en dehors des draps, ronflant et bavant sur son oreiller. Il avait l’air heureux, lui. Il avait l’air insouciant. Parfois tu l’enviais. Tu enviais cette capacité à tout accepter. Cette capacité qui lui permet de rester sain d’esprit alors que toi, t’as qu’une envie, c’est de prendre tes jambes à ton cou. T’avais envie de fuir mais pour aller où ?
Le pays est retourné, comme ton estomac.
Tu descends vers le hall et remarques Amélia dormant sur le canapé, un livre recouvrant sur son visage. Elle était drôle Amélia. Elle était gentille aussi et un peu impulsive sur les bords…Mais elle était drôle. Tu remarques le titre de son livre « Alice aux Pays des merveilles » ? Tu souriant en l’imaginant en Alice. Tu serais certainement une de ces cartes de la Reine de Cœur toi.
Le feu crépite légèrement dans la cheminée et tu prends le livre avant de le poser sur l’étagère à côté du canapé, dépliant la couverture pour recouvrir l’endormie juste-là.
La guilde semble bien vide depuis l’absence de Seth et de Jasper. C’est étrange. Cela semblerait presque trop calme pour être réaliste. Enya est restée bien silencieuse également depuis quelques temps, elle s’enferme dans son bureau, en ressort que pour s’occuper de diverses choses et y retourne. On aurait dit qu’elle tournait en rond. Par curiosité, tu passes la porte en bois, grinçant légèrement et tu remarques que ce dernier est totalement vide. Qu’il n’y a plus grand-chose mise à part deux ou trois affaires traînant là. Sur la table, à côté d’une chandelle arrivant sur sa fin, tu trouves une lettre.
Tu l’attrapes et la lis, silencieusement.
Tu t’asseois sous le choc de la nouvelle et tu réfléchis. Enya était partie. Loin. Elle était partie sans vous en parler et en vous laissant là. Elle était partie en vous laissant en plan après tout ce qu’il s’était passé. Elle était partie en vous laissant dans ce pays chaotique.
Au bout d’une heure ou deux, tu cherches à réveiller tout le monde, ils s’entassent, à moitié endormis, sur les canapés du salon principal et tu leur parle de la lettre et du départ précipité et brusque de votre maîtresse. Tous sont sous le choc mais personne ne semble réellement surpris parce qu’au fond, tous vous saviez…Que ça vous pendez au nez.
Alors vous êtes là, réfléchissant dans le silence à quoi faire ? Reprendre le flambeau ? Maintenir la guilde jusqu’à son retour ? Mais pendant combien de temps ? Vous n’aviez pas sa force et qu’allait-il advenir de vous si une nouvelle autorité se formant, s’en prenait à vous ? Qu’allait-il advenir d’Echoic ? Vous n’étiez pas recherchés, pas connus. Vous n’étiez qu’une bande comme ça, faites sur l’instant, à la va vite. Elle ne vous avez rien promis de plus Enya.
Chacun partage son avis, son idée, chacun monte dans sa chambre. Chacun se prépare au beau milieu de la nuit parce que la décision que vous veniez de prendre, elle était unanime : Il fallait partir tant que cela était encore possible.
Vous remballez, prenez le plus important et vous sortez un par un sur le petit chemin en gravier alors que tu fermes la porte, comme un ultime au revoir.
« - Bon….Eh bien….qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Demandes-tu en te tournant vers tous les autres
- Pour ma part, je vais continuer l’aventure dans mon coin avec Shane, on vient d’en discuter.
- Ouais, on va voir du pays un peu !
- Et toi Amélia ?
- Je vais certainement rentrer à Joya.
- Tu ne risques rien en y retournant ?
- Je verrais bien et puis si j’ai un soucis, je t’appellerais au secours Robin !
- Et toi alors Robin ? Qu’est-ce que tu vas faire ? Tu vas attendre ?
- Je vais écrire une nouvelle page de ma vie disons-le comme ça. Prenez soin de vous et envoyez-moi de vos nouvelles ! »
Et quand Enya reviendra, que ferra t-on ? Cette pensée t’as traversé l’esprit l’espace d’un instant mais tu ne saurais dire. Akane est on ne sait où, Seth est à l’étranger, Jasper partit…Oméa….Disons qu’elle est occupée par ses affaires. Il ne fallait plus attendre ni compter sur les autres. Il y avait encore trop de choses à faire.
Le pays était à refaire. A reconstruire. Peut-être pourras-tu aider…Ou peut-être finiras-tu en prison ? Qui sait ?
Peut-être qu’il était temps de passer officiellement à autre chose et de tirer un trait sur l’existence éphémère d’Echoic Roar.