Titre : Discount De Gaulle Crédit : Zulria (avatar), apache (journal), okinnel (sign) Feuille de personnage Maîtrise Magique: (15900/35000) Mérite: (620/800)
Dans la nuit les dernières braises ont pu s’arrêter et se dissiper. Je bouge les dernières poutres encore droites avec le pied et elles se déchirent pour terminer comme le reste du bâtiment : en cendre. L’arc de mes sourcils se forme et mes lèvres se crispent. Qui aurait pensé que nous soyons attaqués d’une telle manière ? Qui aurait pensé que des individus nous détestaient ? Je frôle le dos d’une chaise avec mes doigts. Il ne semble qu’être carbonisé et il n’est pas détruit. J’aurai aimé l’attraper des deux côtés et poser le meuble sur ses pieds. Je regarde l’état des lieux. Je pourrai baisser la tête mais à la place je baisse le regard, je plisse les yeux et je brûle de mes remords et de ma tristesse comme l’endroit qui brûlait de son bois et de ses flammes. J’essaye pourtant de trouver plein de désespoir des choses qui seraient à nous, des choses qui pourraient être récupérées. La salle commune est complètement noire ; les bouteilles d’alcools ont dû tout embraser. Quelques pas plus loin je trouve une peluche. Je ne sais pas à qui elle est. C’est en l’attrapant et en la retournant que je me rends compte qu’en fin de compte nous ne nous connaissons pas tous dans les moindres détails. Ou est-ce juste moi qui ne connais personne ? Je n’aurai jamais pensé que l’un d’entre nous puisse avoir cet ourson dans sa chambre. Et sous la tristesse complète d’une maison détruite j’esquisse pourtant un sourire mince et chaleureux, des doigts qui caressent la matière douce quelque peu déchirée et qui s’irritent sur le coton qui ressort des oreilles ; je suis un dirigeant qui ne connait même pas ce qu’il doit défendre et c’est encore plus triste. L’ourson est peut-être cher à quelqu’un. Je décide de le garder avec moi.
Quelques pas plus loin je trouve le bureau que j’utilisais avant de sauter par la fenêtre. Il était à l’étage. Mais le plafond s’étant affaissé il a terminé en bas. Lorsque je vois que le bâtiment n’a aucune possibilité d’être reconstruit sur ses bases je force machinalement sur ma mâchoire. Il y a un stylo par terre. Sa plume est intacte. Je l’aimais bien ce pauvre stylo. Au moins lui il est fort. Lorsque je remets le bouchon pour le couvrir la plume reflète le soleil qui perce les nuages gris. Je me vois sur le métal. Je vois le visage d’un homme meurtri par les événements. L’existence d’une personne qui a souffert de tout ça. En tournant la plume dans mes doigts je vois divers reflets, divers portraits et divers angles de moi-même ; les sentiments qui s’en reflètent. Je regarde derrière moi et je ne vois personne dans ma vision. Où sont passés les autres ? Certains ont voulu aller jusqu’à la ville la plus proche pour profiter de soins complets. Je me souviens du corps d’Anri par terre. Elle non plus elle n’a pas pu échapper aux événements. Cette fois-ci je baisse bien la tête pour souffrir. Parce que c’est une fois de plus quelqu’un que je n’ai pas su connaître précisément. Une fois de plus quelqu’un qui m’est passé entre les doigts. Et elle non plus n’a pas pu être protégée. Suis-je vraiment devenu aussi vulnérable pour pleurer pour quelqu’un qui n’a rien fait pour me connaître ? Mais au final, lorsque nous étions sur Yselin c’était la seule à être restée. Elle a gardé le bâtiment. Elle l’a protégé. Alors que moi je n’ai rien fait de tout ça. Et hier elle s’est retrouvée par terre, sans connaissance. Et aujourd’hui elle se retrouve sur un lit d’hôpital pour un rôle qu’elle a voulu prendre, pour un rôle qu’on lui a laissé sans lui demander son consentement pour un rôle que nous n’avons pas cherché à reprendre de ses frêles épaules. Mais certains s’en sont rendus compte. Parce que l’inconnu Altiel l’a protégée. Il est un inconnu et il a fait notre travail – mon travail. Je me sens encore plus transpercée par la Damoclès qu’est le triste remord et l’intolérable culpabilité. Drake lui aussi l’a suivi. Et Alice. Alice la femme faible que j’ai pu connaître il y a longtemps. Cette Alice qui est venue nous aider, qui est apparue sans qu’on ne puisse s’y attendre – parce qu’on ne l’attendait pas Alice.
Mais Abigail est introuvable. Hier elle se sentait mal. Trahie, huée, transpercée de la faiblesse et du sang de ses camarades qui a pu tomber par l’attaque. Détruite par l’enlèvement de notre arme la plus puissante ; le Christina. Déchirée par l’enlèvement de notre pilier le plus fort ; Bob. La tête baissée je me souviens des cris d’Abigail. Elle souffrait. Et là non plus je n’ai rien fait. J’aurais dû l’attraper et la serrer dans mes bras comme elle a pu le faire antérieurement pour moi. A la place je l’ai confortée dans son idée de vengeance. Je frappe du pied dans une poutre qui ne se brise pas. J’en suis content mais je me mors la lèvre dans la douleur. Je suis déjà près du cri, de l’énervement. En pensant à Abigail je remarque que je suis dans ce qu’il semble rester de sa chambre. Son bureau de bois est quasiment intact. Le feu n’a pas pris vers les chambres du fond. Elles se sont juste effondrées vers le hall. J’ouvre les tiroirs. J’y vois des plumes, du papier, tout ce qui doit contenir le tiroir d’un bureau de travail. Abigail n’a-t-elle pas l’utilité d’un cadre photo ? Je n’en vois pas. Et je ne sais pas. Je réfléchis et même au plus profond de moi je ne vois pas quelle photo elle pourrait garder précieusement. Tous ensemble nous n’avons jamais pris le temps d’immortaliser notre vécu, nos fêtes, nos conversations. Je ne sais pas si elle a de la famille, ou si elle en avait – et si seulement c’est le cas je ne l’ai jamais vu sortir ni parler de qui que ce soit. J’aurai aimé trouver un cadre. Un beau cadre. Sûrement de couleur bleu, peut-être parce qu’Abigail aime le bleu ? Je ne pourrai pas dire pourquoi mais j’en ai l’intuition. Oui parce que j’aurai aimé trouver un cadre avec une photo d’elle et Bob, comme père et fille. J’aurai aimé trouver une telle chose vivante, encore existence, que j’aurai pris avec moi comme cette peluche encore là après le feu. J’aurais voulu revoir Abigail et lui dire « j’ai trouvé ça ». Pour qu’elle puisse oublier la haine que je ne connais que trop bien. Juste une seule seconde. Pour qu’elle puisse sourire. Et pour que nous puissions tous voir une photographie d’un Bob encore présent dans nos cœurs. Mais pour le moment je ne trouve rien. Il ne me reste plus que trois tiroirs à ouvrir. Et lorsque j’ouvre le premier je m’impressionne à croiser les doigts pour trouver quelque chose de beau qui me réconfortera. Mais je ne trouve rien ; il est vide. Je ferme les yeux et espère pour le second. Lorsque j’ouvre le tiroir je vois quelque chose au fond dans le noir. Une lettre. Le doux papier jaune me rappelle ce que j’ai pu trouver quelques minutes avant avec les plumes. Elle a sûrement dû utiliser l’une d’elles pour l’écrire. Alors qu’est-ce que c’est ? Ce n’est pourtant pas à moi. Mais j’ai envie de la prendre. Alors je gratte le fond du tiroir avec mes ongles et fini par réussir à attraper l’objet fin. Je ne le regarde pas – ou très peu – et commence à l’enfoncer dans ma poche. Ça ne passe pas, la lettre s’emmêle dans les plis de mon haut. Agacé je l’attrape à deux mains et entre temps je remarque une inscription. « Pour Chris ». Elle l’a écrite pour moi.
« Chris, J'ai dû partir régler une affaire urgente. Quelque chose d'important pour moi, j'espère que tu ne m'en veux pas de ne pas t'avoir prévenu. Avant de partir, je voulais te parler mais je n'ai pas la patience d'attendre ton retour pour te l'expliquer. Ça te concerne toi directement, ainsi que ta famille. Après ta disparition suite aux événements d'Ajatar Virke, nous n'avons pas eu l'occasion de discuter. J'ai cherché à te joindre, sans succès, après tout, tu es un expert de la disparition. Quand tu as décidé qu'on ne te trouverait pas, on a beau suivre tes empreintes, elles disparaissent dans le temps. Tout ça pour te dire qu'avec Sybilia Philips et Alice, nous sommes tombées sur une Lydia en tant que l'un des mages les plus forts de la guilde. » Je sens mes doigts agripper la lettre fortement, le papier se froisser, je tremble et mon souffle devient fort, saccadé, traduisant la peur qui émane de moi. « Ce nom te rappelle des souvenirs, n'est-ce pas ? Je n'y ai pas cru au début, mais il y avait bien trop de similarités dans l'art que vous avez de manier cette magie qui vous est si propre. Trop de cohérences qui m'ont troublé. » Mes yeux s’embrument et une larme coule sur la lettre. « Chris, s'il te plaît, reste calme. Parce que j'ai retrouvé Lydia Eylis Illunar, elle a surgit des ombres. Elle est en vie, elle n'a jamais été morte, elle y a échappé. Je suis désolée de ne pas te le dire en face, j'aurais sûrement dû. Si tu as des questions, on en reparlera. Je voulais juste que tu le sache le plus vite possible et cette lettre était le seul moyen que j'avais pour te l'apprendre. Fais attention, cette guilde m'a l'air plus sombre, Ajatar n'est-elle pas la déesse des ombres ? Prends soin de toi et des autres, je reviendrai très vite, c'est promis. Abigail » Les larmes coulent à flot. Plus je comprends les mots et plus je pleure. Mes yeux reviennent sur le nom de Lydia et ma bouche s’ouvre mes lèvres tremblent. Je baisse la tête et me rabats sur moi-même. C’est une envie de crier qui me bouffe de l’intérieur. Mais je pleure. Je ne trouve pas le temps de faire autre chose. Je pleure parce que je ne sais pas quoi faire d’autre. Mais j’ai mal. J’ai quelque chose entre les deux poumons qui m’empêche de respirer. Alors je hurle. Ce n’est pas un hurlement dans la continuité, c’est un cri qui ne dure pas plus de trois secondes - peut-être même moins. C’est un cri étouffé qui me déchire la gorge. C’est un cri qui me fait enfoncer les doigts dans la peau de mon genou à travers le tissu de mon pantalon. Je suis par terre sur mes tibias. La lettre à la main. Je verse encore quelques larmes et je hurle de nouveau. J’ai étrangement mal. Mais la douleur me fait du bien. Parce que j’ai appris que ce n’est pas la haine qui me consume. C’est le mensonge et la peine.