Je suis un comédien
Et je suis ma destinée !
| PARTICIPANTS • Alouarn Grimgorson & Isaiah B Stone
Résumé • Hiver 792,
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La ville des lumières
Je ne compris pas tous ses mots. Pourquoi voulait-il s’en aller ? Je ne voulais pas qu’il me quitte. Pour une fois que je croisais un homme qui n’avait aucun apriori sur ma personne, il fallait qu’il s’en aille. J’aurais voulu lui dire que je le protégerais de ces hommes en colère, mais les mots restèrent coincés dans ma gorge. J’ouvris plusieurs fois la bouche : les sons restèrent bloqués. Les paroles du majordome et du maitre d’hôtel ne parvenaient que vaguement à mes oreilles. Il s’approcha de moi, et me prit dans ses bras. Je me laissais bercer par cet élan de douceur. J’aurais voulu que cela dure éternellement. Je pris de grandes inspirations, voulant goûter à son odeur, à son étreinte, mais surtout pour empêcher les larmes de couler en abondance sur mes joues. J’étais en train de comprendre qu’il partait. C’était trop triste de se quitter ainsi.
D’un autre côté, il m’expliquait beaucoup de choses. Il ne comprenait pas encore l’être humain. Enfin, pourquoi voulait-il le comprendre ? Sera-t-il différent lorsqu’il comprendra que le monde n’est pas fait pour les hommes comme lui et moi ? Je secouais la tête : et s’il devenait comme tous les autres ? Je poussais un petit cri en ayant cette pensée, et pris un air effrayé : non, non, non, je ne voulais pas qu’il soit comme tous ces êtres vivants, ceux-là même qui n’aiment pas la différence. Pourquoi ? Je ne comprenais pas.
Je me recroquevillais sur moi-même alors qu’il sautait par la fenêtre. Le vent frais me fit relever la tête. Je me précipitais vers le trou béant, et regardais les traces de pas s’éloigner. Je le vis se retourner une dernière fois vers nous, avant de disparaître complètement dans la nuit. A quoi jouait-il ? Il était parti sans ses vêtements. Il avait néanmoins promis de revenir. Comment me retrouverait-il ? Un petit sourire apparut sur mon visage : je sais qu’il le fera. Mon cœur prenait le dessus sur ma raison : il reviendrait, rien que pour moi.
Une main s’abattit sur mon épaule. Je sursautais, et me retournais vivement. Le majordome me faisait face, d’un air désolé. D’un coup d’œil, il comprit que nous avions dérobé la carte. Je ne savais pas quoi lui dire. Le maitre d’hôtel, dans l’encadrement de la porte d’entrée, me regardait d’un air impassible, comme s’il attendait quelque chose de bien précis. Je n’aimais pas ce monsieur. Il était austère et méchant. Oui, s’il devait être le personnage d’un conte, il serait l’ombre qui menace le petit peuple, le maléfique sorcier qui prônait vengeance sur tout le royaume.
Je me raidis. J’en voulais un peu à Isaiah de m’avoir laissé seul face à ces deux hommes. Pourquoi était-il parti ? Je croyais qu’on était des amis. Et on n’abandonne pas les amis. Ma vision se troubla légèrement, certainement à cause des larmes qui s’agglutinaient à la commissure de mes yeux. Je ne comprenais pas. Voulais-je seulement comprendre ? Pourquoi voulait-il tant comprendre le monde ? A côté, je passais pour un idiot. Cela faisait trop longtemps que je n’avais pas été en contact direct avec les hommes. Je dis d’une toute petite voix :
❝ ▬ Est ce que je peux aller retrouver mon grand frère maintenant ? ❞
Ils me laissèrent partir. Je me mis à déambuler dans l’hôtel, si bien que je me perdis complètement. Je n’avais pas du tout retenu le chemin que nous avions emprunté pour venir jusque dans l’antre du majordome. Comment allais-je retrouver mon grand frère ? Peut-être qu’il allait partir sans moi, me croyant mort dans d’atroces souffrances ? Je finis par me cacher dans un placard à balais. Je ne sus pas vraiment combien de temps je restais ainsi, prostré dans le noir. J’avais tout de même laissé un peu entrouvert, pour que la lumière baigne doucement mon visage : on ne sait jamais, la pénombre aurait pu me manger.
Je finis par sortir lorsque j’entendis la voix de mon grand frère au bout du couloir. Il était inquiet. Je me précipitais vers lui. Je vins enfouir mon visage dans son cou, et tentais de lui expliquer ce qui c’était passé. Les larmes coulaient abondamment parce que mon nouvel ami était parti sans prendre le repas avec nous. Linus eut toutes les peines du monde à me détacher de lui. J’étais inconsolable. Je n’avais pas compris, même après plusieurs heures, pourquoi Isaiah était réellement parti.
J’avais voulu être un chevalier pour lui, mais je n’avais pas su lui dire. Le médecin remercia le majordome qui l’avait accompagné dans ses recherches, et nous finîmes par nous rendre dans la chambre qui nous avait été attribué. Je finis par me rouler en boule sous le lit alors que mon grand frère commandait un repas pour dans la chambre. Il me chercha du regard avant de me trouver dans ma cachette. Avec beaucoup de patience et des mots doux, il me fit sortir et nous nous installâmes tous les deux devant le feu. Il finit par me demander :
❝ ▬ Qu’est ce qui c’est passé, mon grand ? Tu t’es fâché avec ton nouvel ami ? ❞
Je fis non de la tête. Il continua :
❝ ▬ Tu m’expliques ? ❞
❝ ▬ Moi, je voulais qu’on aille faire la chasse aux trésors dans l’hôtel. Mais il y a le méchant monsieur qui est arrivé, et qui a disputé très fort le majordome. Et… Et… Je crois qu’Isaiah a eu très peur. Il est parti en emportant la carte et il a promis, qu’un jour, on se retrouverait pour faire de l’exploration. Mais… Je n’ai pas tout compris. Il a dit qu’il ne comprenait… Non, qu’il avait peur de l’être humain et des sentiments. Qu’est ce que ça veut dire ? Moi, j’étais là pour le protéger. Mais je n’ai pas eu le temps de lui dire. Je ne comprends pas pourquoi il a réagit comme ça. J’aurais voulu en apprendre plus sur mon ami. Et… Et… Il avait besoin de réfléchir, de… de… faire un point. ❞
J’étais assis à même le sol, et, Linus, de son fauteuil, me regardait d’un air pensif. Il finit par venir à côté de moi, et il m’attira contre lui. Je me laissais faire. Nous nous allongeâmes sur le sol et mon regard se perdit dans la danse des flammes. Mon grand frère finit par me dire :
❝ ▬ Je pense qu’Isaiah avait une bonne raison de réagir comme ça. Tu sais, chaque être est unique en son genre. Et, parfois, il arrive que nous ne puissions pas faire face à certaines situations. ❞
❝ ▬ Oui, mais moi, maintenant, je suis malheureux. ❞
❝ ▬ Tu sais, ce n’était pas dans son intention de te rendre malheureux. Nous ne serons probablement jamais ce qui l’a vraiment poussé à partir. Nous ne connaissons rien de son passé. Nous ne savons pas non plus qui c’est… ❞
❝ ▬ … Mais c’était mon nouvel ami, grand frère. On ne devrait jamais se quitter de cette façon. C’est trop triste ! Je ne comprends pas les grandes personnes. Pourquoi est ce qu’Isaiah veut comprendre les êtres humains ? Ils ne sont que source de… de… Je ne sais pas comment dire… Ils n’apportent souvent rien de bon à la société. Il va se faire croquer tout cru s’il n’y a personne pour le protéger. Il semblait presque perdu face au majordome et au méchant homme. Pourquoi n’a-t-il tout simplement pas demandé de l’aide ? ❞
❝ ▬ Tu sais, il a lui aussi sa fierté, et sa façon de se protéger. Tu ne peux pas te permettre de faire des jugements trop hâtifs ! ❞
❝ ▬ Je suis sûr qu’il me retrouvera. Et, ce jour-là, je lui rendrais ses vêtements ! Dis, grand frère, est ce que tu crois qu’il pensera à moi comme moi je penserais à lui ? ❞
❝ ▬ Je ne sais pas, mon grand. ❞
Je souris alors qu’on frappait à la porte. Linus se leva et alla ouvrir. Le majordome nous servit un splendide repas. A la fin de son service, nous l’invitâmes à rester faire des jeux de société avec nous. Je finis par m’assoupir vers trois heures du matin.
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