Virgo of Sin

Ton démon est puissant, Oméa. Alors que tu t’avances dans la foule, tu scrutes les visages inquiets avec un sourire doux. Tu les maternes du regard, ces brebis égarées, comme le fait le lion à ton côté. Tu te demandes encore pourquoi tu es aussi persuadée qu’ils doivent payer. Il y a encore peu, le monde t’indifférait et maintenant, tu lui craches à la gueule avec enthousiasme. Il y a six ans, il aurait pu t’aider mais il n’a rien fait. Tes souvenirs, douloureux, oppressants, affluent. Alors que tu t’immobilises dans la foule, tu dévisage les passants avec un sourire navré. Tu te dresses dans le flot ininterrompu des habitants qui se rue vers la gare, comme un rocher au milieu d’un fleuve tumultueux pris d’une étrange fièvre. Tout en toi respire une mélancolie abominable alors que tu regardes le train arriver pour prendre ses passagers et en semer d’autre. Tu sais ce que cette arrivée annonce mieux que quiconque. Ton sourire devient sardonique lorsque tu vois une jolie tête brune émerger dans les flots, une arme imposante dans le dos. Aucune discrétion, pas la moindre délicatesse. Lentement, ton regard dévie vers l’horloge. 10h15. Ton doigt trouve le léger dispositif dans ta poche. Tu te sens étrange, à faire tourner l’objet dans tes mains, laissant l’occasion à quelques mages de s’extirper du chao. Puis, sans plus de cérémonie, tu insuffles un peu de magie dans le détonateur. Un craquement sinistre secoue la terre et tu lèves les yeux vers la légère colonne de fumée qui s’élève de la gare. Brusquement, l’explosion retentit, provoquant un souffle d’air jusque dans la rue où tu te tiens, soulevant l’écharpe que tu as rabattu devant ton visage pour te protéger du froid. Azariel rugit et tu quittes ta place de premier choix, toujours souriante. Tu sautes sur une caisse abandonnée et grimpe à hauteur des toits. Le tatouage, imprimé sur le bout de ta langue luit en écho avec les crocs de l’animal resté au pied de la maison alors que tu te lèches les lèvres. Aujourd’hui, vous êtes le loup dans la bergerie.

« Hé bien, hé bien. Que de remue-ménage pour une si petite explosion… » Ta voix, railleuse, s’élève haut et clair par-dessus le chaos qui règne dans la rue. Elle couvre avec autorité les pleurs et les cris apeurés, attirant aussi surement l’attention qu’un coup de lampe torche dans le visage. « Je me demande ce que font vos sauveurs, mesdames messieurs. Il doit y avoir des centaines de victimes dont vos proches. Voulez-vous qu’on les cherche ensemble ? » Les visages de plusieurs d’entre eux s’agrandissent lorsque leur yeux contemple le triskel que tu leur offres en tirant la langue. Tu n’aimes pas cette façon qu’ils ont de te foudroyer mais en même temps, tu savoures cette haine profonde. Toi qui t’es tenue dans l’ombre pendant une éternité, tu trouves presque jouissif de les voir contempler ce que leur péchés on fait de toi. L’esclave timide et soumise est bien loin de la prédatrice moqueuse qui se dresse sur les toits. « Oh. Ne faites pas vos effarouchés pitié. Je dis ça de bon cœur . » Tu te ramasses sur toi-même murmurant l’invocation de tes dagues. Le métal lui sournoisement à la lumière, éblouissant certaines victimes piégés sous les décombres projetés par ton travail. « Je suis sûre que vous serez ravie de les revoir, de l’autre côté . »

Sans rien ajouter de plus, tu sautes dans la rue. Tes pieds se posent sauvagement sur la poitrine d’un blessé et tu lui admire la façon dont ton indifférence se reflète dans sa peur. D’un geste doux, presque langoureux, tu lui tranches la gorge et passe à la victime suivante. Ta tenue se teinte de tache sombre, au fur et à mesure que tu massacres les plus mourants et ceux qui tente de s’interposer. Tu deviens un bien étrange ange, dansant au milieu des gens qui s’enfuient, dansant au milieu des gouttes d’hémoglobine que tu sèmes comme des pétales, dansant comme une possédée au milieu d’une montagne toujours plus importante de cadavre. Soudain ta danse se suspend et tu t’envoles, frappée durement par quelque chose d’inattendu. Tu te sens flotter un long instant avant de heurter sauvagement un mur. Sans plus de cérémonie, tu tombes à genoux et crache un filet de sang. Tu relèves la tête et lâche un étrange sourire à l’intention des deux jeunes gens qui te fixent. Tes yeux émeraudes pétillent de défi.

« Alors voilà la garde de Shirotsume . » Tu te redresses et siffle à l’intention du lion qui se tient toujours à l’écart. Il se rue vers toi en feulant et tu attrapes sa crinière. Vos regards se croisent un court instant puis reviennent sur vos deux adversaires. Ton expression respire le sarcasme à plein nez. « Ca chatouille, gamins. Si vous voulez réellement arrêter ce massacre, il va falloir faire mieux . » Tu te mets en position, croisant les bras devant ton visage pour encaisser le coup suivant. Encore une fois, tu prends un envol inattendu. « Hidden Fate . »

Ton corps s’arque pour contrôle ta chute et tu changes de tenue. La chemise te sert un peu la gorge et tu prends le luxe de tirer sur la cravate avant d’atterrir à l’improviste dans une ruelle. Tu remues un peu, légèrement sonnée par l’impact, et tes mains se referment sur la chaleur d’une peau au lieu de s’enfoncer dans la poussière. D’un bond, tu quittes ta piste d’atterrissage et tu l’observes. Tes yeux se plissent en le reconnaissant. Azariel te rejoint, ses pattes résonnant étrangement entre les ruelles. Tu lâches un juron, consciente que les deux mages seront bientôt là. Ta main saisit Iris par le col et le relève sans ménagement.

« Tire-toi. Ce n’est pas un endroit sauf ici . » Tu ne dis rien de plus et tu fais volteface pour admirer la nouvelle attaque. Ta main se referme sur la chemise de ta vieille connaissance et tu lui fauches les pieds pour lui permettre d’esquiver. Encore une fois, tu t’envoles plus loin. En voyant le sol se rapprocher, tu tends les mains et roules dans la poussière avant de te redresser. Tu fais un doigt d’honneur aux deux mages avant de t’évaporer sous leurs yeux. Tu te glisses dans la semi pénombre des bâtiments et tu les observes avec attention. Azariel s’est enfui mais tu sais qu’il n’est pas loin. Pour le moment, tu suis, étudies, attends. Il sera bien assez tôt pour toi le moment de revenir tuer à la lumière du jour.

Telle une amante, Erio avait dormit avec sa nouvelle acquisition entre les mains. Ne parvenant pas à trouver d'autres explications que celle ci, il ne parvenait à calmer les battements de coeur dans sa poitrine qu'en se tenant à proximité du métal né de sa chair. Si les battements s'étaient fait puissants lors de sa recherche, ceux ci par contre étaient déjà bien plus réconfortants et la présence de son bien ne faisait que renforcer ce sentiment apaisant. Si bien qu'au moment où il sentait son esprit sombrer dans le sommeil, il était persuadé de retrouver son rythme cardiaque habituel à son réveil...

Rares étaient ceux d'entre nous qui naissaient ou devenaient mages, mais tous avions le même droit de prendre part à cette honneur que d'autres nous enviaient. Toutefois, si tous étions armés de la même manière, les réactions variaient selon les individus. Ma mère par exemple, avait vu ses cheveux passer d'une teinte brune à rousse sans la moindre autre explications le jour où elle s'était vu remettre ses armes. Pour ma part...

La réfléxion d'Erio n'irait pas plus loin, car son sommeil lui fut retiré d'une manière encore inconnue à son répertoire. S'il avait déjà eu droit à des renversements de matelas ou des sceaux d'eau dans le visage lorsqu'il ne voulait pas se lever, il n'avait encore jamais expérimenter le coup de se faire tirer du lit par le biais d'un souffle puissant...
Une douleur dans le corps le tira de son sommeil, et ses yeux s'ouvrirent sur le lit renversé qui l'avait presque écrasé contre l'un des murs de la chambre qu'il avait prit pour une nuit. Se dégageant d'un coup de pied sans faire dans la dentelle, il estimait ne pas avoir de compte à rendre au gérant vu ce qu'il venait de se passer. Que venait-il de se passer déjà... ?
Son regard se posa rapidement sur son entourage, la fenêtre semblait avoir été fracassée comme si une masse importante l'avait traversée, mais il ne trouvait rien sur le sol qui aurait pu lui donner une idée de quoi.
Ses oreilles sifflantes encore lui empêchait d'entendre ce qui semblait être une cohue dans la rue en contrebas, tout en lui fournissant la possibilité d'une attaque sonore ou autre. Mais qui ? Où ? Et pourquoi ?
Sans plus de réflexions, il chercha ses affaires et s'équipa rapidement. Un oeil sur la créature ornant son colier lui rappela tout son passé en bloc. Il ne savait pas ce qu'il pouvait bien se passer en ville, mais peut être qu'il allait devoir accomplir son devoir de Silverain bien plus vite qu'il ne l'aurait souhaiter. Sa poigne se resserra sur les gardes de ses armes alors qu'il les fixait à leurs places respectives, aurait-il le courage d’ôter la vie d'un autre être humain ?
Il avait grandi avec cette idée, mais il n'avait jamais encore pu "s’exercer" sur ce point...

-Reprend toi ! se dit-il à lui même en se claquant les joues.

Remuant la tête, il inspira profondément jusqu'à ce que ses oreilles cessent de siffler. Après quoi il décida de quitter les lieux pour aller voir ce qu'il se passait.

L'immeuble en lui même ne semblait pas voir eu grand chose, ce qui aurait pu laisser un espoir de tranquillité à Erio, mais la tendance changea lorsqu'il arriva dans la rue en elle même. Des cris parvenaient à ses oreilles, et bien qu'ils n'en avaient pas entendu par masse, il pouvait facilement les identifier comme étant de terreur. Sa main gantée se resserra sur elle même, l'heure était venue pour lui... malheureusement. Car si son intuition ne le trompait pas, il y avait des criminels à cette époque également. Et une attaque de cette envergure laissait soit présager une grande équipe coordonnée et armée, soit un mage puissant aux intentions malfaisantes...

Quittant la ruelle où il se trouvait, le voyageur chercha une avenue plus grande où il pourrait avoir un meilleur point de vue général, ou ne serait-ce qu'une autre forme de vie pour essayer de grappiller quelques informations entre deux hurlements. Mais ce qui semblait voler vers lui à toute allure ne semblait pas vraiment être ce qu'il recherchait.
Son esprit analysant plus vite que son corps ne pouvait réagir, il ne put que consolider ses appuis alors qu'il se faisait percuter et traîné sur plusieurs mètres avant de tomber au sol en même temps que l'objet volant non identifié...

Se redressant difficilement, il lève alors les yeux vers ce qui l'avait percuté, et qui semblait s'être... relevé ? Un être humain pour le coup se disait-il. Accompagné d'un... lion...
Non... non, ca ne pouvait tout de même pas être...

-Eris... ?

Le relevant sans ménagement pour toute réponse, la femme lui dit alors de quitter les lieux, sans aucune autre explication que de le remettre à terre d'un fauchage des jambes. Arrivant à peine à relever son visage, le jeune homme ne parvient qu'à voir la femme prendre un nouvel envol en arrière. Vu l'air qu'elle avait sur le visage, elle n'avait pas l'air d'être consentante.
L'homme se releva donc presque aussitôt en se retournant. Et son regard croisa alors aussitôt celui de ceux qui semblait être les agresseurs de la femme. Il avait beau avoir des doutes sur sa plus profonde gentillesse vu leur dernière et seule rencontre. Mais à défaut d'avoir des détails, elle venait de se faire attaquer sans raison sous ses yeux.

Sa main glissa jusqu'à sa ceinture ou il empoigna son épée toute récemment acquise qu'il pointa sur les deux inconnus. Perdu dans un monde inconnu, voilà qu'il était déjà impliqué dans une attaque massive vu l’état des lieux autour de lui. Mais il parvint toute de même à aligner quelques mots, il se devait de savoir ce qu'il se passait.

-Êtes vous à l'origine de ce chaos ?

Une question unique, qui en laissaient entrapercevoir bien d'autres. Qui sont-ils ? Sont-ce eux qui ont attaqué Eris ? Et pourquoi ?
Il y à bien des questions qu'il aurait pu poser dans ce genre là, mais à défaut d'avoir suffisamment d'informations sur ce temps, il savait qu'ils ne parviendraient pas à comprendre leurs réponse. Ce qui l'importait donc pour le moment était de savoir s'il devait les classer comme des ennemis ou non... Il ferma les yeux un moment.

Silverain, mon âme est mon épée.
Silevrain, né d'une histoire de destinée
Je détruirais ceux qui entachent ma réalité
Et mon honneur ne saurait être enchaîné
Silverain

Se répétant à lui même ce poème qu'il avait apprit depuis sa plus tendre jeunesse, son regard se posa de nouveaux sur l'homme et la femme. Sa concentration doubla alors, à l’affût du moindre geste et des moindres mots. Il eut même la sensation que son métal anti-magie vibrait en accord avec lui, comme pour lui donner raison.
Amis ou ennemis, tout allait dépendre d'eux...

Virgo of Sin

Tu inspires pleinement en refermant tes doigts sur l’arc. Sagement tapie dans les ténèbres, tu observes la petite fille qui s’élève dans les airs. Un sourire sournois se dessine sur ton joli visage de poupée. Envole-toi, petit poney, penses-tu, envole toi avec ta stupidité, ta candeur à gerber. Ta main libre saisit la corde dans un geste qui aurait pu être sensuel s’il n’avait pas été destiné à tuer. Ton propre parfum t’envahit les narines alors que tu la ramènes près de ta joue en levant l’arc au niveau de ta tête. Le bois démoniaque ne produit pas le moindre son et l’air commence à se déformer entre tes doigts. La flèche se matérialise lentement, son fuselage sombre luisant un bref instant dans l’obscurité, pour tes yeux à toi, petite privilégiée des enfers. Ton sourire devient amer comme le jus d’un citron. Les habitants comptent sur une bande d’enfant. Des pré-pubères sans la moindre once de jugeote, qui volent à découvert entouré de verre. Tu retiens ton souffle et ferme un œil. Iris est plus que mignon. Il concentre l’intégralité de l’attention, sans avoir la moindre idée de ce qui se joue. Peut-être même pourras-tu en faire un allié grâce à la réponse cassante de la petite fille volante. Peut-être. Tu ne peux pas compter sur une demi-mesure. Tu chasses l’éventualité de ta tête. Pour l’instant, Iris est pour toi une gêne, d’autant plus que tu sais de quoi il est capable. Tu ne peux pas te reposer sur une hypothèse. Tu te débarrasses peu à peu de tous les paramètres futiles pour ne conserver que l’essentiel. Tes sentiments s’éteignent, tu n’es plus qu’un fer de lance acéré, tourné vers une idée. Montrer à ce monde pourri que ses péchés ne peuvent demeurer oubliés pour l’éternité. Déchainer le chao qui a pétrie ta magie. Tuer ou être tuée. Après tout, tu es née pour ça, ne vis que de ça.

L’empennage de la flèche caresse le dos de ta main en quittant sa place. Le trait quitte l’obscurité à une vitesse surprenante compte tenu de l’arme par laquelle elle a été créée. La Paresse est lente, la Paresse est lascive. Seulement, lorsque la Paresse agit, elle ne le fait qu’une fois. Parce que jamais son démon ne supporterait une seconde tentative. La flèche fend l’air vers Suzu, consciencieusement orientée vers son cœur. Une seconde suit, dans l’ombre de la première, glissant sournoisement vers son abdomen. Deux blessures mortels même si la seconde serait volontairement plus lente et douloureuse. Qui que tu sois, petite ponette, tu n’existeras sans doute plus dans un instant. Tu quittes ta retraite et t’élance sur un mur pour prendre de la hauteur. Ton ombre se dessine sur les toits alors que tu te mets à courir vers ta cible, les mains pendantes dans ton sillage. Tu franchis la distance entre la fillette et toi sans te préoccuper des éclats de verre qui frappe au hasard dans le vide. Quelques morceaux te blessent mais tu t’en désintéresses, aussi bien parce que les dégâts sont superficiels que parce qu’au final tu te moques de ce que ça engendre en toi. La réaction de douleur de ton cerveau te semble étrangement douce, comparé au froid qui t’as envahi à la mort d’Elena. Ton sourire s’élargit et tu t’envoles vers la brunette. Ton corps entier vibre de ta décision alors que tes bras inutiles se referment sur la lourde arme de Lucifer. L’épée à deux mains semble voler seule, sans personne, avant de heurter ta cible. Le poids et la gravité précipite votre chute vers le toit suivant, qui se dérobe. Sans attendre, tu t’accroches à sa bordure en laissant tomber le reste. L’épée luit contre Suzu et disparait quelques secondes plus tard alors que tu reprends ta course sur le toit. Ne jamais rester immobile au même endroit.

Tu retournes dans l’ombre alors que la végétation croit. Tu trouves malin de sauter sur les pousses pour assurer ta progression mais reste consciente de la visibilité de tes mouvements. Cette conscience se raffermit lorsque tu entends la voix de l’étrange esprit qui sourit.

« Trouvée. »

Ton cœur manque un battement et tu files comme une antilope dans la jungle végétale. L’esprit roux ne quitte pas ta progression des yeux, te laissant un fort désavantage. Dommage. Tu augmentes la cadence et disparait dans les ténèbres causés par la frondaison des plantes. Ton regard entrevoit précipitamment la créature chlorophyllienne face à Iris. Tu lâches un soupir contrit. De tueuse, te voilà devenu jardinière. Quelle tristesse. T’appuyant sur les racines, tu progresses vers tes adversaires. Avec un petit rire moqueur, tu utilises l’élan pour sauter sur le bavard. Ta main se pose sur sa tête alors que tu t’immobilises et redevient visible. Dans un étrange poirier, tu souris à l’invocateur, sa nymphe des forêts et le crétin qui trouve passionnant de te chercher. Tu sais qu’il t’as vu mais tu ignores pourquoi il t’a laissé faire. Qu’importe. Tu tires la langue au gamin, lui offrant ton triskèle crépusculaire comme récompense pour t’avoir forcée à te dévoiler.

« Me trouver ne suffira pas, poussin. Il va falloir me suivre aussi. »

Ton bras se plie et tu t’envoles, disparaissant à nouveau pour t’accrocher dans la végétation. L’esprit vert est planté dans le sol, aussi trouves-tu judicieux de te tirer de cette jungle ou tu n’auras pas l’avantage. Tu te glisses entre les arbres, laissant volontairement le son de tes talons indiquer ton chemin à travers la verdure. Tu te lèches les lèvres et te dissimule dans les ombres de la forêt. Tu t’arrêtes un instant pour reprendre ton souffle et ferme les yeux. Tes sens se canalisent dans ta seule ouïe. Tu les entends marcher, parler. Le son ricoche dans les racines et se déforme, brouillant les informations que tu pourrais en tirer. Tu soupires puis murmure avant de refermer ta main sur la garde du stylet qui vient de surgir dans les airs, vomit par un cercle de ténèbres. Il reste visible, noir dans la peinture en camaïeu de vert, avant de se soustraire à toute vision. Tu reprends ta course sans plus de cérémonie alors que ton rire retentit dans le décor, rejoint par le rugissement frustré d’Azariel. Tu avances un nouveau pion sur ton plateau mental. Trois couleurs, trois camps. Tu ne connais pas la couleur du roi frappé du motif des poneys. Cependant, tu connais le mignon cavalier bardé d’acier de ton autre camp opposé. Un bien hésitant petit cavalier qui ne demande qu’à être convaincu de la légitimité des évènements. Tu te mords la lèvre, remplie d’excitation par la tournure de la situation. D’une voix piquante et railleuse, tu dévoiles ta position mouvante. T'enfonces le clou dans cette planche pourrie en espérant qu’Iris réagira à ton avantage.

« Franchement, comment voulez-vous que je vous crois ? Vous causez de la destruction. La gare puis maintenant les rues ? Mage légaux ? Votre parole sonne faux. » Tu ris encore en corrigeant ta garde. Maintenant, le jeu peut enfin commencer.

A y regarder de plus près, les silhouettes lui faisant face ne faisaient pas présence d'un duo mais bien d'un trio. Plisant les yeux pour mieux orienter son regard, l'on pouvait voir que non loin derrière le premier homme se tenait une ombre ardent qui se fondait sur le fond aux couleurs de flammes. Il semblait que l'un des deux lui faisant face était capable d'invocations...
La réponse de l'un des deux mages se fit rapidement entendre à la question d'Erio, bien que ce qui s'en suivit lui plu bien moins toutefois. S'il avait baissé légèrement son arme dans le but de les questionner plus en profondeur sur ce qu'il se passait, il l'avait bien vite relever face à lui lorsque la fillette s'était élevée dans les airs et que le verre cassé ensuite s'était figé dans les airs en le menaçant d'une pluie tranchante et probablement mortelle.
Inconnu d'un autre temps, il n'avait pas encore eu le temps de s'informer sur les guildes existantes en ce moment, et ne connaissait certaines de celles ci que de nom et non encore de réputation. Il aurait certainement pu proposer son aide à ceux qui se disaient présent pour aider le peuple, ce qui lui aurait permit au passage d'en apprendre plus sur la blonde qu'ils pourchassaient. Elle aurait très bien pu être celle à l'origine de ce chaos, et il se serait dressé contre elle malgré la maigre sympathie qu'il avait à son égard pour le fait qu'elle l'ait épargné autrefois. Mais même à cette époque, il doutait que l'on menace quelqu'un qui ne faisait que demander qui était à l'origine des troubles actuels, quand bien même il était armé, pas avec autant de verre en tout cas...

Puis dans le crépitement des flammes, un son lui parvient à travers le vacarme environnant. Sa peau se met à le picoter au niveau de son pendentif, comme pour l'avertir que le temps n'était plus à la conversation, mais qu'il était maintenant entrer dans un moment où les mots n'allaient plus lui être d'aucune utilité. Le prenaient-ils donc pour un ennemi ? Ou étaient-il ces mêmes ennemis ayant amener le chaos en ville ? Des questions auxquels il prendraient surement le temps de réfléchir une fois qu'il saurait à qui, ou à quoi il avait à faire face à cet esprit qui lui faisait face, sortie d'il ne savait où.
Elle est plus rapide que lui, ne lui laissant même pas le temps de demander ce qu'elle voulait. Un seul mot de ses lèvres chlorophylles font trembler la terre sous les pieds d'Erio qui se retrouve enchaîné dans une situation qui lui rappellerait presque sa rencontre avec Eris, mit à part qu'il s'agissait de plantes et non de chaînes ce coup ci. Un claquement de main le rappelle alors à lui, et comme pour donner écho aux mots de l'esprit, la végétation semble prendre vie tout autour et dans ce qui semblait se dessiner comme l'arène d'un violent combat à venir. Le regard du voyageur se perd un court moment sur cet arbre qui pousse même au beau milieu de la ville avant que son coeur ne se mette soudainement à ralentir. Ses jambes se mettent alors à trembler sans raison avant de céder sous son poids, son arme tombant à ses pieds... Son souffle se fait rauque, et sa respiration difficile... et il comprend alors bien tardivement ce qu'il lui arrive. Les plantes retenant ses chevilles ne sont pas là pour le tenir au sol, mais pour le vider de ses forces. Le jeune homme se maudit lui même, et ses mains glissent dans son dos pour aller sortir l'une des deux dagues de son fourreau.
La lame bleutée siffle dans l'air au niveau de ses chevilles, tranchants les liens responsables de son malaise. Difficilement, le voyageur se relève, saisissant sa lame principale au passage, ses yeux rivés sur la créature chlorophylle.

Avant même de penser en terme d'ennemis ou d'alliés, de méchants ou de gentils, il me faillais penser à ma propre survie. J'étais venu avec une quête que moi seul semblait être capable de comprendre à cette époque. Si je devais mourir aujourd'hui et en ce lieu, ces trois siècles de voyage n'aurait servis à rien.
Mon existence avant celle du monde !

La poigne de ses mains se referme sur la poignée de sa lame alors que l'homme affermit sa position face à ce qui semblait être un esprit magique. Il ne savait pas si le métal né de son sang allait pouvoir avoir le moindre effet sur son adversaire, mais il ne tarderait surement pas à le savoir bien assez tôt. Puis si son existence venait à en être bien trop menacé, il ne ressentirait aucune honte à fuir pour sauver sa personne.
Un sifflement fend l'air, une ombre fine filant à toute allure vers la demoiselle dans les airs suivit par une seconde. Puis une ombre plus imposante apparaît alors que le déluge de verre se met à pleuvoir sur les lieux...
Erio ne peut tous les stopper et il le sait... Son épée se met donc à voler devant lui, ne parvenant qu'à stopper les projectiles anarchiques les plus mortelles. Son sang se met à fuir son corps alors que des blessures mineures se font de plus en plus présentes, sans pour autant être les plus dangereuses qu'il ait pu subir dans sa vie. Toutefois, à moins d'aller les refermer au plus vite, il ne savait pas combien de temps il pourrait tenir debout alors que sa vie fuyait désormais petit à petit...

Des mots sortent des ombres végétales, une voix déformée par les débris et la distance inconnue de son origine. Surement qu'elle doit appartenir soit à Eris, soit à une pièce inconnue venant d'arriver sur l'échiquier. Des mots mettant les pégases dans le camp du chaos, en supposant qu'il ne s'agisse pas de mensonges mielleux distillés pour en faire une pièce usée telle une marionnette sur un plateau qu'il ne connaissait pas...
Erio secoua la tête, il avait déjà un adversaire à affronter pour le moment ; quand bien même il ne s'agissait même d'un "véritable" adversaire au sens où il s'agissait de la mage elle même. Peut être que s'il arrivait à la vaincre, son invocateur serait plus enclin à discuter... à moins qu'il ne le considère encore plus comme un ennemi.
Mais à quoi bon réfléchir, cela faisait bien trop longtemps qu'il restait là à ne rien faire, ni dire, il lui fallait maintenant agir. Rassemblant ses forces restantes pour les redistribuer dans les membres où il en avait besoin, il se jeta sur l'esprit des forêts, son arme volant sans retenue sur son opposante.

En face d'un être humain. J'aurais peut être essayer de viser les bras ou les jambes. De mettre à terre mon ennemi pour le mettre hors combat et discuter. Mais mon ennemi n'était pas naturel, et à défaut de savoir si lui couper la tête suffirait, autant essayer de le couper en deux.
Mon épée visa directement à la sectionner.

La lame trancha ce qui semblait lui servir de corps, sans qu'il ne parvienne à la trancher en deux. La force contenue dans ses bras lui donnèrent donc l'information qu'il ne lui en restait pas assez pour vaincre actuellement, mais également que son opposante n'était pas magique puisque le métal avait fait couler une espèce de sève coulant du corps de l'esprit...
Le jeune homme pesta en voyant le manque d'efficacité de son coup, jurant contre lui même sur le manque de concentration lui ayant valu de se faire ponctionner son énergie. Reculant de quelques pas, il jeta un oeil à l'invocateur avant de continuer à prendre ses distances. Puis sans aucune honte aucune, il s'engouffra dans les ruines d'un immeuble détruit en partie.
Il avait besoin de respirer un bon coup pour rassembler un peu plus de forces et pour mettre de l'ordre dans ses idées...

Virgo of Sin

Tes gestes s’accélèrent. Les branches fusent à droite, à gauche, en haut, en bas. Tu as du mal à réaliser que tu tiens la cadence endiablée que la forêt t’impose. Tu te sens bizarre, à glisser entre les bras de celle qui te sert de refuge. Tu te sens même presque intruse et irrespectueuse, alors que tu repousses un nouvel assaut en tranchant la ramure qui vient de naitre prêt de ta chevelure. Les lianes tentent de te saisir et tu n’as d’autres choix que de te glisser dans leur ombre pour échapper à leur étreinte. Tu te surprends à aimer cette danse sauvage contre les plantes, un peu comme si la nature elle-même te considérait comme un danger à éliminer. Un sourire doux se plaque sur ton visage alors que tu te mets à virevolter pour elle. Toujours plus vite, toujours plus audacieusement. Des griffures apparaissent sur tes joues, sur le dos de tes mains, dans ton cou. Les feuilles coupent le tissus de l’armure qui commence à s’effilocher par endroit, sans même que tu puisses y faire quoi que ce soit. Tu n’entends pas le bruit, tu ne sens pas la chaleur des pas qui se rapproche de toi, trop concentrée sur ton ballet complexe, dicté par la nature elle-même. Ton corps s’arque brutalement et tu fends la dernière liane. Tu t’apprêtes à repartir quand tu le sens. Quand tu sens la chaleur étouffante qui passe au-travers de l’armure magique. Quand tu sens les mains presque amoureusement posées autour de ta taille tandis qu’il ronronne plus qu’il murmure. L’urgence se reflète dans tes traits, alors que tu frissonnes en anticipant les douleurs de la brûlure. Son souffle chaud, plus lave qu’homme, caresse les plaies qui orne ton visage. L’odeur te soulève le cœur mais tu n’a pas le temps de te préoccuper de ce détail. Le temps presse, la chaleur de son étreinte ne fait qu’augmenter. Un mince sourire ironique s’empare de tes lèvres.

« Tu tiens horriblement chaud, Ishvra. » Moqueuse, elle prend le risque insensé de se rapprocher un peu plus, pour aménager l’espace qu’il te faut. L’étreinte commence à lécher l’armure, qui se consume en flamme timide. Encore une fois, la température monte pour récompenser ton sarcasme. « Chain of Envy. » Un cercle sombre apparait au-dessus de vous deux. Si l’espace d’un instant, rien ne semble en sortir, une longue chaine sombre fuse et s’entoure autour de sa gorge. Le contact glacé du métal fait apparaitre quelques volutes de fumée alors que trois nouveaux passages s’ouvrent en vomissant le reste de l’arme, qui s’enroule autour de ses poignets et du tiens. Tu sens la douleur pulser dans ton dos. Pressée par l’urgence, tu tires sèchement sur le lien. « Ne m’en veux pas, mais j’ai besoin d’air, chéri. »

Lentement, les bras s’écartent de toi et il s’élève. Les bras en croix, la gorge enserrée par les chainons qui lutte contre la chaleur pour ne pas se désolidariser. Lorsque tu es certaine de pouvoir t’en tirer, tu relâches ton processus et tu te jettes loin de lui. Tu es essoufflée, tremblante sous l’afflux de l’adrénaline qui ne fait qu’augmenter. De loin, tu dois ressembler à une camée. Tu grimaces en sentant le tiraillement de ton dos, tu grimaces en te relevant pour te remettre en garde, poings fermés. Tu as perdu Sharp Trick dans la bataille et tu n’oses même pas espérer remettre la main dessus dans les ténèbres de la végétation. Les ténèbres de… Tu tiques. Un nouveau murmure passe sur tes lèvres et ta tenue change. Les volutes de fumée sombre qui la compose entourent ta poitrine et ta taille, dévoilant ta peau avec indécence. Tu le laisses admirer les dégâts, renonçant à te protéger pour jouer sur une toute autre carte. Holy Speed. Les bottes rouge vives tombent devant toi et tu les enfiles sans plus de cérémonie. Vitesse, ténèbres. Tu disparais encore une fois dans la végétation, marchant à pas de loup pour rejoindre Iris et le maitre de la torche humaine.