| Sujet: Les arts secrets du marionnettiste Mer 18 Fév - 11:34 | |
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Jiro Yu
| « Je n’aurais jamais pensé trouver quelqu’un comme toi, quelqu’un qui me comprendrait tant. »
Jiro écoutait, l’air ailleurs, les tracas du jeune homme. Ils étaient assis au fond d’un café en piteux état, mais c’était l’idéal pour le criminel qui était après tout recherché. Il s’était attaché les cheveux et s’était légèrement maquillé pour contraster avec l’allure froide et androgyne qu’il avait sur la multitude d’affiches qui peuplaient Fiore. Pourquoi prenait-il tant de risques à se dévoiler ainsi en public, à flirter avec un inconnu ? Tout était à cause de Black Jack, qui le poursuivait sans relâche avec ses sbires légionnaires, et qui voulait assurément avoir la tête du marionnettiste plantée sur un pieu à la proue de Christina. Pas de chance – Jiro ne souhaitait pas mourir, et il était prêt à se battre pour gagner son droit de survie. La première étape de son plan débutait ici, avec ce garçon volage qu’il s’était amadoué.
« Joshua, tu comptes vraiment pour moi. Je veux dire, on ne se connait pas depuis longtemps, mais tu... tu m’apaises, oui, c’est ça. Avec toi, je deviens quelqu’un de bien. »
Joshua n’était qu’une identité parmi tant d’autres qu’il avait arboré, et pourtant, malgré sa triste et récente notoriété, le garçon n’y avait vu que du feu. Le comble pour une personne travaillant chez un célèbre éditeur qui devait voir passer un flot d’informations devant lui. L’entreprise où le garçon travaillait était en effet spécialisée dans l’édition rapide, ils publiaient journaux quotidiens, hebdomadaires, romans et encyclopédie en énorme quantités. Un fait moins connu du public, néanmoins, était qu’ils se spécialisaient également dans la restauration d’anciens ouvrages trop altérés. Et c’était ça qui intéressait principalement Jiro.
« T’es un mec cool, Joshua, et franchement, je crois bien que... _ Tu veux qu’on aille chez moi ? »
Le garçon se redressa, étonné, mais son visage glissa rapidement vers l’amusement.
« Tu veux qu’on aille chez moi ? _ Si tu le souhaite... je te suis ! »
Jiro paya l’addition et ils se hâtèrent de rejoindre une petite chambre dans une auberge à deux rues d’ici, le marionnettiste tachant de ne pas se faire voir par le grand public. Il referma la porte derrière eux, et indiqua le lit au garçon qui s’y assit. Jiro se pencha alors vers lui, humecta ses lèvres et, plongeant son regard dans celui de l’autre homme déjà excité, lui murmura quelques ultimes paroles.
« Je ne voudrais pas me montrer trop avenant... Je ne ferais rien sans ton accord. _ Tu l’as. »
Et l’autre garçon parut alors se ruer sur Jiro pour l’enlacer, mais c’était déjà trop tard. En donnant son accord formel au marionnettiste, il s’était lié avec lui par un pacte et désormais n’était plus qu’un pantin aux yeux de Jiro qui se redressa, dévoilant son profond désintérêt.
« Je crois savoir que tu as accès à la réserve de ta maison d’édition. Tu y trouveras un vieux grimoire, les Arts Secrets du Marionnettiste, dans sa dernière édition. Il est apparemment en cours de restauration, mais est tellement abimé que le travail serait voué à l’échec. Tu vas quand même le trouver et tu tacheras de me recopier mot pour mot chaque phrase, chaque mot, chaque annotation que tu trouveras le long des centaines de pages. Tu n’auras pas mal au poignet, tu ne sentiras pas la douleur car tu n’es que mon petit pantin, n’est-ce pas ? »
Cela lui prit une semaine. Sept jours durant, l’homme se rendit à son travail, et durant ses pauses ou les instants de négligences de son équipe, il se rendit dans la réserve, débusqua le grimoire et commença à recopier chaque ligne. Tous les soirs il rapportait à Jiro les écrits recopiés, qui se hâtait de s’en imprégner. Les écrits étaient malheureusement incomplets, tout était flou et seule la suggestion permettait de deviner le raisonnement appauvri de l’auteur anonyme. Finalement, quand Jiro eu sa reconstitution infidèle du grimoire original, il utilisa Contact pour implanter dans la tête de sa marionnette l’idée qu’il n’avait jamais rencontré un certain Joshua et qu’il n’avait jamais entendu parler d’un tel grimoire puis il faillit le relâcher au détour d’une ruelle, avant de se rendre compte qu’il pourrait toujours être utile.
Jiro l’accrocha solidement sur son lit et le bâillonna de sorte qu’il ne puisse faire de bruit. A nouveau conscient, l’homme qui n’avait aucune idée de pourquoi il se trouvait ainsi captif ne cessait de se débattre – en vain. « Tu es mon cobaye. Ce n’est pas utile de te débattre, même si tu défais tes liens, je te rattraperai. Tu seras toujours vivant après mes expériences, tu ne t’en souviendras pas. Si tout se passe bien. Vois-tu, je suis marionnettiste, un art qui se fonde sur des contrats passés entre mes marionnettes et moi. Mais je veux être plus puissant. Je ne veux pas forcer l’accord des gens par des moyens détournés, ce qui biaise l’intensité, la puissance de mes sorts. Je veux m’imposer en tant que maître des pantins, qu’importe qu’une marionnette soit réticente. Tu comprends, non ? Je veux être Dieu. Alors je vais te demander une chose, une simple chose, mais extrêmement importante. Malgré tout ce que je pourrais te dire ou te faire ces prochains jours, jamais tu ne cèderas et tu iras dans mon sens, compris ? Je vais tenter de t’amadouer, de te convaincre d’accepter mes propositions, mais tu devras résister coute que coute. Dans ce cas, et dans ce cas seulement, tu seras relâché. » La semaine qui suivit, Jiro tenta alors d’établir un lien entre lui et le garçon, qui obéissait convenablement à son ordre principal : celui de ne pas céder. En refusant d’écouter Jiro, il ne donnait pas son accord et ne pouvait donc permettre à un lien magique de s’établir entre Jiro et lui, et par conséquent Jiro était totalement démuni. Mais là intervenaient les Arts Secrets, qui justement voulaient faire sauter cette exigence d’accord mutuel. Jiro tenta plusieurs approches sinueuses pour corrompre son cobaye, et au bout de plusieurs jours, enfin, il réussit à établir le contact, le lien, entre sa victime affaiblie et lui, quand bien même elle n’avait jamais donné formellement son accord. Jiro lui commanda de se lever après lui avoir défait ses chaines et lui ordonna de tout oublier puis de partir. Il le suivit, pour maintenir le lien et alors que l’homme s’éloignait et que Jiro restait sur le seuil de l’auberge, le lien se rompit de lui-même et l’homme tomba, exténué, à terre. Jiro le laissa là, rassembla ses affaires dans sa chambre et s’en alla. Il venait d’apprendre à repousser les limites de son art. Une première étape pour la survie face à Legion.
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