Pourquoi avoir choisi Hosenka pour mes vacances ? Eh bien c'est simple, c'est une ville éveillée la nuit. C'est tout ? Ben oui. Rien de plus, rien de moins. C'est juste ça. Mais ça fait toute la différence. Le climat est agréable, les boutiques sont ouvertes toute la nuit et les foires vont bon train dans les allées marchandes. Oui, j'aime beaucoup cet aspect-là. En plus, ça me fait changer d'air. Ces vacances sont bien méritées, et j'espère que cette fois-ci, elles ne seront pas dérangées par des gens qui mangent les autres.

-C'est dommage que tu n'es que deux jours de vacances quand même...
-Oui... Mais on va en profiter au maximum pour se changer les idées!

C'est dingue comme elles peuvent être toujours de bonne humeur, souriantes et pleine d'énergie, je trouve ça hallucinant. Où est-ce qu'elle puise tout ça sérieusement ? Mais dans un sens c'est pas plus mal, elles me tirent vers le haut, m'empêchant de sombrer dans une dépression. J'ai encore du mal à me dire qu'il est parti, mais pourtant il va bien falloir que je me fasse une raison. Mais peut-être que de là-haut, il nous regarde et aimerait être fier de moi, de nous. Je dois essayer de remonter la pente. Pour lui. Pourtant... Quand je repense aux meurtres de sang froid que j'ai commis, je n'ai toujours aucuns remords. C'est peut-être passager ? Ou bien encore le fait que j'ai grandi... Ou que plus rien ne m'atteint. Comme si j'avais perdue toute humanité, que mes sentiments étaient enfouis tout au fond de moi sans pouvoir me faire penser raisonnablement mais me les faire ressentir encore. C'est vraiment étrange. Bref.

Je flâne entre les étales de la foire dans laquelle je me suis engouffrée, regardant à droite et à gauche les babioles. Il n'y a que la plupart du temps des colifichets. Colifichets très jolis, il n'empêche. Je me laisse tenter par quelques bracelets et un collier, mais rien de plus. Je n'avais pas spécialement envie de me trimballer avec des sacs, être légère est beaucoup mieux. Il y a du monde en fait... Je me fais bousculer par un homme qui s'excuse puis continue son chemin. Même pas capable de regarder où ils vont. On se croirait à Crocus, sérieusement, c'est flippant. Les gens sont trop pressés, ils ne prennent pas le temps de vivre. Enfin... Seulement, moi je ne le prends pas parce que je n'ai plus envie, peut-être que c'est pareil pour eux... ? Enfin bon.

-Toutes les lumières accrochées sur les banderoles, c'est super joli!
-En plus, ça rajoute un petit côté romantique...
-Pff !

Je lève les yeux au ciel alors qu'elles rient de bon cœur. Non vraiment, je ne vois pas ce que ça vient faire dans tout ça. D'accord, toutes les lanternes de couleur je trouve ça joli, mais ça s'arrête là, il n'y a pas à faire allusions à l'amour. De toute façon, ce n'est pas quelque chose qui m'intéresse et je ne suis même pas douée pour les relations, alors qu'est-ce que ça devrait être si c'était « et plus si affinités » J'ai toujours tendance à tout prendre presque à la légère, avec des manières je-m’en-foutiste mais au fond, c'est bien parce que je ne saurais pas comment y prendre. Et puis, ce n'est pas comme s'il y avait des hommes raides dingue de moi à tous les coins de rue. N'importe quoi. Les deux esprits viennent se planter devant mon visage, les poings sur les hanches.

-Ben Amy ! Il n'y a donc personne qui t'intéresse ?
-Non, c'est bien le cadet de mes soucis.
-Pas même quelqu'un dans la guilde?
-Non.

Mais c'est quoi leur délire là ? Pourquoi elles se mettent à poser autant de questions ? Elles font une enquête ou quoi ? Ce n'est pas comme s'il y avait réellement quelqu'un qui m'intéressait en plus. Non vraiment, il n'y a personne d'intéressant à AS. Tout le monde est gentil, mais ça s'arrête là. Et puis de toute façon, je m'en fiche totalement. Ce n'est pas ma priorité. Je les chasse d'un coup de mains alors qu'elle reviennent vers moi en gloussant comme des dingues. Elles sont vraiment irrécupérables...

Je reprends mon chemin, slalomant entre les gens, inlassablement. Cela faisait combien de temps que je faisais ça déjà ? Au moins deux bonnes heures. Mais, je ne sais pas, ce spectacle de couleurs, ces mouvements, c'est admirable. Les choses les plus simples sont souvent les plus belles. Je me fais bousculée une fois de plus par un homme qui court, tenant quelque chose dans les mains, par réflexe, je tends la main pour éviter de tomber et étrangement, une sorte de chaîne se créer autour de mon poing, attrapant de l'autre la jambe d'apparemment un voleur. Oh whait... Comment je viens de faire ça... ? Il trébuche et déjà un autre homme le rattrape au moment où un cercle se forme autour de nous. Je regarde ma main d'où la chaîne vient de disparaître, toujours aussi choquée. Alors que les gens continuent de régler l'histoire de vol, je m'éclipse pour rejoindre finalement un parc non loin. Je me laisse tomber sur un banc, regardant les marques de brûlures autour de mon poignet. Celles qui se sont ajoutés aux autres, celles qui ne se sont pas résorbées depuis l'apparition de cette seconde magie. Les chaînes de la Haine, de la Douleur...

-Amy...?

Je redresse la tête et fixe Ran qui me fait comprendre sa question muette. Comment j'avais fais ça ? J'en avais strictement aucune idée. Encore ma magie qui s’accroît de jour en jour et de plus en plus rapidement, sans que je puisse l'expliquer. C'est vraiment étrange. Je ferme les yeux, me remémorant la scène de tout à l'heure. La main tendue, la concentration au maximum, je respire doucement, modélisant la chaîne. J'entends la foudre crépiter, ce son rauque qui s'immisce au plus profond alors que tel un serpent, la chaîne électrique s'enroule autour de mon poignet, se tendant de l'autre côté. J'ouvre les yeux d'un coup en étouffant un cri au moment où ma peau se consume sous la foudre. Je relâche toute concentration et la chaîne disparaît, laissant seulement mon poignet couvert de substance écarlate. Miki et Ran s'approche paniquée.

-C'est rien... Tout va bien.

Moi-même je n'en étais pas persuadée, ce serait encore des cicatrices qui resteraient, s'ajoutant à celles des chaînes de métal de mon cauchemar. Super, à croire que je me mutile. Quelle image que ça me donne. Bref.

J'avais décidé d'écourter mes vacances le soir-même, trouvant plus raisonnable de rentrer à la guilde. Quelque chose m'avait poussé à la faire, je saurais bien-sûr incapable de dire quoi. En tout cas, j'avais opté pour porter que des manches longues ou des bracelets. Je n'avais pas envie qu'on me pose des questions. Je n'y aurais pas répondu, mais ensuite les messes basses et les regards de travers, non merci. Pourtant, Dieu sait qu'ils sont compréhensifs ici. Je me rends dans mon refuge habituel, sous ce grand arbre, près d'une des nombreuses cascades. Personne ne venait par là, peut-être parce que c'était trop éloigné du bâtiment principal. Au moins, je suis sûre d'être tranquille. C'est comme qui dirait mon jardin secret.

J'avais déjà essayé d'utiliser de nouveau les chaînes électriques, je maîtrisais mais il y avait toujours cet effet secondaire qui me coûterait ma peau à force. Force est que j'ai décidé aujourd'hui de tester un tissu résistant à la magie. J'ai décidé il y a déjà de cela quelques heures, d'aller m'acheter une paire de mitaine que j'accrocherais avec les portes-clés si cela s'avérait utile. C'est ce que je compte bien essayer tout de suite. J'enfile paire de gants troués puis me concentre. Les chaînes électriques apparaissent, s'enroulant autour de mes poignets, claquant dans l'air comme un fouet. Je sens des picotements sur la chair au niveau de mes poignets, je regarde rapidement, les gants sont intacts. Je fais disparaître les chaînes et enlève soigneusement la paire de mitaine. Rien. Si ce n'est que ma peau est légèrement noircie. Yeah, c'est vraiment efficace ce truc ! La petite fortune que j'y ai dépensé en valait finalement bien la peine !

Je m'allonge sur l'herbe et contemple les nuages dans le ciel. Es-tu fier de moi de là où tu es ? Pense-tu que je devrais changer ? Et pourquoi.... Pourquoi. Trop de questions posées et qui resteront suspendues dans le vide, effacés par les rouages du temps, comme un vulgaire souffle. Je sais que tu es là, quelque part. Peut-être dors-tu dans la masse cotonneuse, ou bien encore tu flamboie dans l'astre de feu. Mais je le sais, tu n'es jamais bien loin. Et même quand les démons viennent envahir l'obscurité, tu es sûrement en train de briller dans la faucille d'or. A l'envers des nuages il y a toujours un ciel, un vrai. Alors peut-être tu te caches dans celui-là. Et dans ce cas, je n'ai plus de soucis à me faire. La seule chose que je peux maintenant, c'est me relever et marcher, passer à autre chose. Je sais que c'est ce que tu veux vraiment. Aujourd'hui est le commencement, encore une nouvelle fois. Et même si cela me prendra du temps, même si je ne serais pas une jeune fille souriante, j'essaierais d'aller bien. Juste pour toi.