Elle lève les yeux de son ouvrage. La sensation de vide quand un de ses esprit disparait temporairement. Parmi les huit âmes qui l’accompagnaient, cela lui fait toujours cet effet. Il est tellement plus simple de sentir un absent que les huit présents qui restent avide des mots qui ornent les pages du livre dans ses mains. La bibliothèque d’Era est une providence sur le sujet qu’elle cherche. Les chansons courent dans les feuillets que la brune à soigneusement recouvert d’une écriture appliquée. Elle ferma le volume et le posa sur le chariot d’une des bibliothécaires qui passait par là en identifiant le loup manquant à l’appel. Runolf. Les notes disparaissent dans sa manche et elle prend le chemin de la sortie en remerciant chaleureusement la propriétaire des lieux pour son invitation. Une jolie lettre qui l’a cordialement invité à étudier un livre rédiger dans la façon de faire de sa famille, si bien que seul un petit malin ou un Kashu pouvait le lire. Elle remet une partie des feuilles volantes sur celui-ci à la vieille dame avant de franchir la porte. A défaut de pouvoir en lire le contenu, elle aura peut-être enfin une idée de son sujet.

La lumière du jour la fait cligner des paupières tandis que la forme épurée de l’esprit se dessine devant elle. L’adolescente se penche et s’accroupit pour regarder le guérisseur avec curiosité. L’esprit n’a pas besoin de l’entendre parler pour comprendre. Il la connait depuis suffisamment longtemps pour se permettre d’interpréter chacun de ses gestes. Il comprit la question et secoua la tête. Non. Ce n’est pas une envie soudaine. La jeune fille pose la main sur sa tête et gratouilla entre les deux oreilles. Elle cherche longuement ce qui a bien pu produire cet effet puis suspend son mouvement. Son bras retombe mollement contre son flanc et Runolf hoche la tête.

Ash.

Osulf se matérialise aux pieds de l’escalier qui mène à la bibliothèque, dérangeant en partie le passage des gens dans la rue adjacente. L’aigle se précipite et saute souplement sur son dos avant de s’accrocher du mieux qu’elle peut. L’oiseau gris décolle, frôlant l’une des tours du bâtiment du Conseil Magique en faisant demi-tour. L’esprit prend de ‘altitude et se laisse porter par les vents tout en suivant les informations de Runolf qui les mènent, lentement mais surement, vers les plaines de Nunchi où il les attend. Perdue dans ses pensées, la jeune femme cherche à savoir ce qu’il lui veut. Elle ne croit pas une seconde le Confident quand il affirme que ce n’est pas Aston là-bas. Elle sait qu’il est là. Elle est persuadée que c’est pour ça qu’il utilise la clochette. Le cri perçant d’Osulf la laisse indifférente mais l’avertit de l’arrivée. Les rumeurs qu’elle a pu entendre à propos d’un albinos qui sèmerait la zizanie lui a toujours fait craindre de connaitre son identité. Et même si elle n’a pu s’y résoudre, elle sait bien que c’est lui. Et que c’est sa faute aussi. L’adolescente saute de son dos et roule sur le sol.

Elle se relève et avance vers le jeune homme, ignorant ses paroles et le sert dans ses bras. Son aura a changée. Non. Il a changé. Elle sert le poignet armé et relâche son étreinte en reculant. Un sourire mélancolique orne son visage alors qu’elle dévisage ce nouvel Ash.

« Je sais qui tu es. Je n’ai pas besoin de t’entendre pour le voir. »

Elle ne bouge pas d’un cil quand il fait mine de l’attaquer. Elle se contente simplement de dévier le coup et se rapproche calmement. Sa paume, bien que n’ayant peu d’élan, claque douloureusement sur la joue de l’albinos. Elle se penche, le laissant sentir son souffle près de son oreille alors que ses deux paumes reviennent se poser sur son torse.

« Combien en as-tu donc tué dis-moi ? Combien de personne as-tu massacré pour te débarrasser de ta vraie personnalité ? Combien d’innocent as-tu eu besoin pour devenir cette loque immonde que j’ai sous les yeux ? » Elle le repousse et il fit deux pas en arrière avant de recouvrer son équilibre. La jeune fille en profite pour dégainer son fleuret et le pointa sous la gorge de celui qui lui avait volé son plus grand cadeau. « Rend le moi. » Son regard se fixe dans le sien et lui laisse le plaisir d’y découvrir le froid glacial de la colère. « Rend moi Aston. Maintenant. »

Elle tremble. Misto bouillonne littéralement de rage contenue et de tristesse. Ses yeux, qui s’embuent à vue d’œil, contemple ses erreurs pour les graver dans sa mémoire. Plus jamais. Plus jamais elle ne devait laisser ça se faire. Elle recule lentement, pas à pas, sans le quitter du regard alors que ses larmes coulent. Il n’avait pas à subir ça. C’est sa faute. Tout est entièrement de sa faute. Elle le regarde sans bouger, incapable de faire quoi que ce soit pour le moment malgré les cris des loups à son attention.

Elle ne tressaille pas. Au contraire. Inconsciemment, elle pose sa main libre sur le poignet d’Ash et presse sa joue contre sa paume. Ses larmes coulent sans retenue et son regard colérique se mut en pitié alors qu’elle l’écoute et contemple ce qu’elle a fait. Ses yeux ne le quittent pas quand elle sent la griffure sur son visage. Le sang coule et elle laisse échapper sa main sans trop savoir quoi faire. Tant de contradiction. Elle absorbe comme une éponge toute les paroles qu’il lui offre, toute cette histoire qu’il lui donne en la soulevant lentement, ses cinq doigts crispés sur son cou. Elle ne le quitte pas, et, dans le maigre silence qu’il lui laisse, parle.

« Tu mens. »

Elle chute en arrière, essuyant la salive sur ses blessures. L’arme la frôle de près mais elle ne bouge pas. Elle se relève et lui fait face, malgré sa taille. Son rire lui échauffe les oreilles et elle ferme les yeux pour se concentrer sur son âme. Sombre. Elle palpite et s’étend comme une pieuvre avec ses tentacules autour d’une mince paillette. Une paillette qui, il y a peu de temps encore, resplendissait comme un soleil miniature derrière les paupières de la jeune fille. Elle rouvre les yeux et croise son regard en entendant les trois syllabes. Mourir. Ses prunelles se plongent dans le vide obscure des siennes et elle se met en garde.

« Non, toi viens. Viens regarder la vérité en face. »

Les huit loups se dessinent dans son dos. Un par un. Mais aucun d’eux ne franchit le pas pour se matérialiser. Les huit âmes croisent le regard d’Ash avant de disparaitre comme si de rien était. L’esprit de la brune s’enflamme alors qu’elle détaille la position de son adversaire. Truffée d’ouverture ou elle n’a qu’à s’engouffrer. Un mince sourire s’étire sur ses lèvres alors qu’elle en choisit enfin une et frappe. Les deux lames s’entrechoquent mais Misto va au-delà de ça. Elle se coule sous les lames et, enfin face au visage d’Ash, pose ses lèvres contre les siennes. Elle s’évapore en un clin d’œil pour échapper au retour du tranchant de la double épée sans avoir perdu son sourire. Les griffures sur sa joue lui donnent un vague air taquin alors qu’elle lève le bras pour poser ses doigts sur sa bouche.

« Aston. Il est bel et bien là, tu le sais comme moi. C’est ça qui t’énerve. C’est pour ça que tu as fait sonner la cloche. Il reste encore un maigre espoir et tu veux l’anéantir comme tu l’as fait avec celle d’avant. Dis-moi, Autre, as-tu vaguement conscience de cette boule qui pulse dans ton cœur, brillante et blanche comme la lumière de soleil ? »

Le premier loup fit son entrée dans la zone, croc étincelant alors que la jeune femme reculait pour se concentrer. Sa seconde paume posée contre la garde du fleuret, elle focalisait la plupart de sa puissance magique dans le prochain coup. Juste assez pour pouvoir trancher ce qu’elle cherchait. L’âme de l’Autre qui pullulait et étouffait celle du jeune homme qu’elle connaissait. Elle ne se préoccupa pas de la façon dont il se débarrassa de la diversion crée par Asulf. Pas plus qu’elle ne dut esquiver le coup de que Brynjolf para et préparer la réplique de Runi qui se tapissait à ses pieds. Les deux loups déséquilibrèrent le jeune homme qui recula, visiblement trop occupé à se protéger des âmes pour se préoccuper de la menace grandissante de l’énergie que Misto déployait.

Le premier pas qu’elle fit l’aide à franchir la distance. Le second marque le tempo de la lame quittant son fourreau. Le troisième, l’union des deux fleurets alors que sa vue se voile. Le quatrième le coup qui transperçe sans blesser pour directement trancher à même l’âme sombre et suintante de L’Autre tapis. Le cinquième accompagne la retraite de Misto alors que Runolf se penche au-dessus du jeune homme pour le sonder. Les deux armes regagnent leur fourreau et l’adolescente reprit sa garde.

« Allez Aston. Je sais que tu es là. Bouge-toi donc tête de pioche. Viens me regarder en face et assumer ce que tu as fait. Fuir c’est mal et tu le sais. »

Le loup borgne et son compagnon noir se volatilisèrent, laissant la jeune fille et le guérisseur sous ses traits seuls face à Ash. La brune serra les poings et s’accrocha à ce qu’elle avait vu dans le corps de son ami.

« Je sais que tu es là. Je sais que tu m’as vu. Sors de là ou je te garantis que je vais te chercher et que je te ramène par le caleçon Aston ! »

Sa voix s’éleva et ses jointures blanchirent. Elle attendit, immobile, la réaction de son maigre espoir. Plus le temps passait plus l’Autre avait le temps de revenir et de reprendre le contrôle. La jeune femme se maudit. Cinq pauvres minutes. Elle avait cinq pauvres putains de minutes pour le revoir avant que le mal revienne.

« Aston répond. Je t’en supplie répond moi ! » Elle s’approcha et empoigna le jeune homme par le col pour le porter à hauteur de son visage. « S’il te plait, Aston… Si tu ne le fais pas pour toi, fais-le au moins pour moi… »

Elle se contente de poser les deux mains sur le plat de la lame et de la pousser. A bout de bras. Les yeux clos et concentrée sur le brusque mouvement de flux à l’intérieur d’Ash. Une action qui vient la requinquée et la force à rouvrir ses paupières pour reprendre ce qu’elle a commencé. Désarmée et ne le quittant pas des yeux alors que son appel résonne dans ce combat de volonté.

« Henning. Asulf. »

Un tourbillon de vent balaye lentement la zone alors que les deux nouvelles Misto prennent la place de l’originale qui dégaine son arme. Elle recule et claque des doigts pour faire disparaitre les deux âmes avant de se remettre en garde. Un sourire fend son visage de part et d’autre alors que a poignée se crispe sur le manche du fleuret. Elle ne se fait d’illusion sur l’utilité de l’arme dans sa main. A vrai dire, elle doute même totalement de son utilité mais la garde malgré ce doute persistant. Elle avait réussi à donner le premier coup dans l’armure noir et n’avait plus qu’à continuer.

« Tu veux parier ? Tu n’imagines pas à quel point j’ai changé, Autre. Tu n’imagines pas à quel point la petite fille est loin de là. »

Les loups apparaissent dans son dos comme un nouveau soupir alors qu’elle saute hors d’atteinte du premier coup. La première âme se matérialise et pose la patte dessus pour empêcher l’arme de se lever et Misto prend son envol. Posant ses deux bottes sur l’arme, elle court à vive allure et s’arrête, sa lame à deux pas de la gorge de son adversaire.

« Tu ne tiendras jamais la cadence. Pas avec lui et moi en lice. »

Elle lui administra une nouvelle claque du bout de sa lame et recula avant de sauter en l’air. Osulf se matérialisa, lui fournissant un premier point d’appuis où elle posa le pied pour continuer son ascension. Elle sauta ainsi d’oiseau en oiseau, faisant fi de la gravité et de son adversaire qui tenterait surement d’obtenir un point d’appuis sur les esprits qui s’évaporait au fur et à mesure. Son arme avait regagné son fourreau, laissant l’occasion à l’aigle de prendre l’ocarina durant son envol. La première note résonna douloureusement dans la zone. Puis la seconde en modifia l’aspect. Misto enchaina les autres sans se soucier de la chute, sachant pertinemment qu’Osulf la retiendrait. Ses deux pieds heurtèrent le dos de l’esprit avec souplesse alors qu’elle plaquait la finalité de son sort. L’illusion prit corps, donnant directement forme à la symphonie combattante résonnant dans les entrailles du jeune homme.

Le jour devint crépusculaire et voilé par une brume sombre et stagnante. Le vent qui balaye la plaine forcit et déstabilise la jeune femme alors qu’elle roule au sol en rangeant son instrument. Elle dégaine de nouveau son fleuret pour parer la lame d’Ash mais ne quitte pas les alentours. Elle a fait en sorte que le combat prenne corps. Pour la première fois de sa vie, elle peut participer parce que la chanson n’a pas cessé. Dans son dos, Osulf continue la mélodie sans faiblir. La brune se redresse, luttant contre la puissance de son adversaire en enfonçant ses talons dans le sol.

« ASTON ! »

Ses prunelles étincèlent et elle prend son élan pour sauter par-dessus le coup de taille. Elle utilise son élan pour glisser entre les jambes de l’Autre et se redresse dans son dos en accompagnant son mouvement. De nouveau son souffle chaud caresse le cou du jeune homme, le faisant frissonner au gré du murmure de la jeune fille.

« Il se bat. Je le sens, je le sais. On ne peut pas se toucher mais on peut se voir et se sentir. Tu n’es que le point central qui nous sépare tous les deux. Un point central bien trop fugace pour être un véritable obstacle. »

Les deux fleurets frappent de nouveau dans un ensemble parfait alors que Misto reprend sa garde à l’écart, laissant le corps de son ami tomber durement sur le sol. Au lieu d’amortir la chute, elle s’époumone.

« Bats-toi Aston ! Je sais que tu m’entends. Si tu regardes bien dans les ombres tu me verras. Ne baisse pas les bras, je suis là avec toi ! »

Elle adressa un sourire flamboyant et agita sa main armée en direction du flux blanc qui dansait à une dizaine de pas de là. La suite de la mélodie réussira sans doute à le rendre totalement visible mais pas tangible. Les loups ont leur limite et les ocarinas connaissent leur maitresse. L’adolescente recula encore de quelques pas avant de regarder l’Autre se relever. Elle oublie aussitôt son environnement pour se concentrer corps et âme sur le combat. Elle ne peut plus se permettre d’être distraite en sachant qu’Aston est là et qu’il a besoin de son soutien. Son sourire devient taquin alors que son regard croise de nouveau celui du jeune homme.

« Alors ? Toujours persuadé que je suis trop faible pour réussir ? »

Les yeux de Misto s’étrécirent jusqu’à n’être plus qu’un fin disque sombre au milieu de la pupille rouge clair. Son cœur implosa mais aucune larme ne lui échappa. Elle se contenta de regarder l’Autre, le visage vide et froid. Nywell puis Aston. Elle secoue la tête. Elle est là, elle est encore en mesure de l’aider mais pour ça, il va falloir briser la coquille. La brune ne s’apercevait que maintenant, au bord du gouffre, ce que ses esprits savaient depuis toujours. L’illusion se disloque alors que ses lèvres relâchent l’invocation du Requiem. Elle ne tressaille même pas quand il change de température et se permet même un rire sans joie.

« Crétin. »

Le mot sifflé se transforma en véritable tempête de neige, la soustrayant à la vision du jeune homme. Puis le calme relatif se mua en colère. Le Fimbulvetr frappa le faux mage de glace, le saisissant jusqu’à l’os en lui rappelant ce qu’était le vrai froid. Misto révoqua sa magie et s’empara de l’instrument. Les premières notes, bien que couverte par le bruit du vent en furie alors qu’elle rejoignait tranquillement la zone où se trouvait Aston. Sa magie était un pont. Elle savait s’en servir. Radulf apparu à sa droite, attrapant l’un des ocarinas pour l’accompagner. A eux deux, ils suffiraient. La tempête s’incrusta dans le soir crépusculaire et la brume sombre, balayant le sol ténébreux de son blanc pur. Un troisième ocarina se joint à l’édifice, remplaçant Misto qui marche vers le corps d’Aston. L’image de l’Autre s’était volatilisée, sûre de l’avoir emporté. Seulement c’était sans compter la jeune femme. Elle s’accroupit avec une lenteur exagérée et saisit la main de son camarade. Il respirait encore. Elle tremblait légèrement à la pensée de ce qu’elle allait faire. Elle qui pensait que ce sentiment ne lui serait jamais autrement qu’inconnu et qu’elle regardait évoluer avec un sourire triste. Elle se pencha, se mordillant vaguement la lèvre et l’appela. Une fois. Deux fois. Trois fois. Puis elle craqua. Emportée par ses sentiments, elle laissa ses lèvres se poser sur les siennes alors que son cœur faisait vibrer la musique qui quittait rapidement les instruments à vent. Le son tissa les deux mots, complice de la musicienne tout comme l’était Runolf en s’immisçant dans le système du garçon.

« Je t’aime. »

Le sort se rompit, la laissant assise au milieu de la neige sans personne près d’elle. Elle serra dans ses poings et se releva. Elle ferma les yeux et avança pas à pas dans la neige, concentrée sur l’aura sombre de l’Autre. Elle dégaina ses fleurets, le cœur battant à tout rompre. Une larme dévala sa joue alors qu’elle effectuait une volteface pour frapper son adversaire. La lame empoisonnée vibra en tranchant les vêtements mais Misto ne s’arrêta pas là. Elle se coula sous le bras armé, remontant son genou dans un coup universel avant de faire décrire à son coude un mouvement semblable. Il esquiva, sauvant son nez au passage alors que l’élan de la jeune femme la poussait tout contre lui. L’aigle posa son fleuret sur sa gorge alors même qu’il changeait de main pour effleurer la sienne. Ils étaient aussi rapide l’un que l’autre. Misto respira à plein poumon, se laissant tomber en arrière. Elle ne fut pas surprise de sentir la poigne de l’Autre la retenir et la tourner de façon à ce qu’elle lui offre sa gorge. Seulement, il n’aurait pas le temps de frapper. L’écureuil borgne se matérialisa sur l’épaule de la jeune femme alors que Radulf reprenait l’illusion là où on l’avait arrêtée.

L’aigle se servit du bras de son adversaire comme point d’appuis et tourna autour, remontant violement ses deux genoux pour que l’Autre se les prenne en pleine figure. Lançant ses deux armes sur les côtés, elle s’empara de la manche de la veste et refis le même mouvement, talon en avant. Brynjolf para la lame, stoppant le coup dans la même seconde alors que la brune se servait du bouclier d’énergie comme plateforme. Elle se perdit dans la tempête, se soustrayant de nouveau à la vue de l’Autre. Puis trois silhouettes fendirent de nouveau la quiétude blanche. Trois Misto. Deux armée chacune d’un fleuret suivie par la dernière qui frappa dans le bas du dos du combattant avant de s’évanouir sur le coup ample de Blast.

« Dis-moi, n’as-tu jamais pensé au fin mot de cette histoire ? »

La voix de la jeune femme provenait de partout et de nulle part, empêchant quiconque de la localiser autrement que par ses sentiments ou même son aura. Runolf, séparée d’elle, remua lentement au-dessus d’Aston comme s’il sortait d’un long sommeil. Misto s’immobilisa complètement, mains crispées sur le dos d’Osulf. L’aigle géant s’arrangeait pour tourner autour de la cible malgré le vent chaotique qui la déviait sans cesse de son objectif. Les arabesques vertes pulsèrent alors que Runolf implosait en brume. Sa voix bercerait sans doute Aston mais il espérait sincèrement que ça le tirerait de sa rêverie.

« Ici, c’est toi. Ton monde et tes règles. Tant que tu penseras sincèrement qu’il est plus fort que toi, tu mourras. Regarde par toi-même, je ne fais rien, tu te régénères seul. La peur de mourir a toujours eut une certaine vertu. Tu es capable d’abattre une montagne gamin. La seule chose qu’il te manque, c’est la conviction. Bordel tu l’as entendu comme moi non ? T’as pas le droit d’abandonner comme un lâche sous prétexte que ce salopard est plus terrifiant que toi. »

Le loup reprit consistance, empruntant les traits de Misto, et souleva Aston en prenant soin de le mettre debout. Il lui tapa un grand coup dans le dos, grommelant à qui mieux mieux.

« T’as pas envie de mourir bordel, tu le sais. Alors t’as intérêt à ouvrir les yeux par toi-même parce que je te garantis que si c’est moi qui t’y aide tu vas passer un sale quart d’heure dans les limbes. » Il le secoua comme un prunier et ramassa les épées pour les lui glisser dans les mains. « Regarde-moi ça. Tout ça parce que tu hésites. Heureusement que c’est ton esprit qui gouverne cet endroit sinon à quoi ça servirait que je tire sur mon lien avec la brune pour secouer un désespéré ? Et puis elle là, elle n’aurait pas pu mieux choisir son parti ? Remarque vous fait bien la paire à fuir la réalité... Aller bouge-toi espèce de tire au flan ! »

L’âme le lâcha, sachant qu’il allait rester droit comme un piquet. Il se permit même de lui mettre un bon coup de pied aux fesses avant de retourner voir la mage. Le tatouage reflua mais elle avait les larmes aux yeux sous l’effet de la douleur interne. Avant de franchir le plan spirituel, il se retourna une dernière fois.

« N’oublie pas gamin. Tout n’est qu’une question d’imagination. »

Misto toucha pied à terre alors que la tempête se dissipait. Runi et Rolf lui rendirent ses armes alors que tous les loups se volatilisaient. Elle murmura, syllabe par syllabe, l’invocation de sa seconde magie et se mit en garde, le regard pétillant sur l’émotion houleuse de vengeance. Aston ne l’avait jamais vue ainsi. Elle espérait que ça le réveillerait. De même qu’elle espérait que son adversaire hésiterait devant ce changement inattendue.

« Finissons-en. »

La meute explosa autour de l’adolescente, fusant autour du jeune homme pour arrêter l’épée. Leur crocs se referme sur le tranchant, grinçant, alors que d’autres tirent Aston hors de la zone d’affrontement. Misto approche calmement de son allié et le secoue rigoureusement sans quitter l’Autre des yeux.

« Assez. Bats-toi ou part maintenant, cela évitera un bain de sang. »

La jeune femme saisit sa clochette, révoquant sa seconde magie et se mit en garde. Elle ménagea une première attaque contre l’autre sans se soucier de savoir si le jeune homme était prêt ou non. Il n’était pas blessé. Il n’avait qu’à se relever et elle lui ouvrirait le chemin sans difficulté. Fléchissant ses appuis, elle passa sous le premier coup de Shadow et se porta au contact de son adversaire. L’armure le protégeait sans doute de la douleur mais il oubliait un point important. Le fleuret se leva, fusant vers la gorge alors que la brune fixait l’épéiste dans les yeux.

« Tu possèdes peut-être une bonne armure mais ta tête est à découvert. Comme ton cœur et tes faiblesses. »

Misto posa ses deux mains sur l’épaule du combattant et utilisa la jambe d’appuis de celui-ci comme tremplin, tombant dans son dos, elle para efficacement son retour de lame avant de se mettre hors d’atteinte. Les loups n’avait pas bougé de leur place et observait avec attention ce nouveau phénomène. Runolf grogna vaguement après Aston alors que Runi admirait l’armure avec un savoir précis. L’information claqua dans l’esprit de l’adolescente.

L’amure n’est pas indestructible. Pas plus que ses attaches ne sont cachées.

Un sourire s’étira sur le visage de la jeune femme alors que ses camarades se libéraient de leur immobilité contemplative. Chaque loup jaillit, entourant Aston pour le protéger avant de se disperser autour de l’Autre. Brynjolf changea discrètement, se faufilant en rompant dans la manche de l’ex mage du Conseil. Il transmettrait sûrement les idées de la meute à voix basse mais l’aigle doutait qu’il soit assez rapide pour ça. La jeune femme reprit sa danse, sa rapière en main et ses sept loups pour l’accompagner. Elle se coula sous les coups, se joua des distances en prêtant grande attention à chacun des mouvements des bouts d’armures. Runi avait raison, ils n’étaient pas solidarisés entre eux pour offrir à son porteur une meilleure maitrise de sa souplesse. Chaque articulation apparaissait brièvement, dans un intervalle presque toujours égal. La brune perdit une mèche de cheveux dans sa contemplation, manquant de peu le coup d’estoc qu’elle n’avait pas vu venir. Elle recula, frappée par la force déployée qui repoussait sa lame toujours plus près d’elle. Le but était clair, en finir au plus vite. Tandis que le duel faisait rage, les loups tentaient de rompre le contact en attrapant les pans d’armures les moins couverts. Henning s’était glissé près d’Aston, le fixant intensément alors que le son des armes qui s’entrechoquaient et des grognements d’efforts rythmait la nature encore vierge de la plaine. Transmission. Le sort se tissa, reliant les esprits et la jeune femme à l’homme qui hésitait dans son dos. Les duellistes rompirent l’affrontement pour se replacer prudemment.

Aston. Lève-toi. Si je fais le poids au niveau défense, tu es le seul d’entre nous à connaitre les combinaisons de ta magie.
On a besoin de toi petit. Maintenant.
N’abandonne pas.
Tu auras fait tout ce chemin pour tomber alors que tu es en train de gagner ? Pitoyable.
Runolf, crache ton mépris ailleurs.
Non. Je l’ai aidé à sortir des limbes et il rampe encore ? C’est hors de question. Il va se lever, prendre son arme en main et se battre comme tout un chacun. Il n’y a que lui qui peut mettre fin à ça et on le sait tous. Et ce n’est pas en tremblant comme une feuille dans la petite prairie qu’il va réussir.
Vise les interstices de l’armure Aston. Il y a des lanières en cuir qui maintienne les pièces de l’armure, c’est de ça dont on va se débarrasser en premier.
Alors debout tire au flan.
Misto t’aide mais elle ne tiendra pas éternellement face à autant de force. Elle est trop frêle pour ça.
Hé !
Concentre-toi ou tu vas te faire tuer. Ménage-nous les ouvertures dans la garde, on s’occupe de l’armure.

La jeune femme para le coup et répliqua avec un coup de pied dans la mâchoire. Elle enchaina avec un second coup de pied pour faire reculer son adversaire et reprit sa position de garde, essuyant le trait rouge qui barrait sa joue. Une blessure de plus. Si elle détaillait les multiples coupures qu’elle portait, elle en aurait sans doute pour la journée mais peu lui importait. Son adversaire lui donnait du fil à retordre et même son entrainement académique d’épéiste ne suffisait pas à faire ployer le combat en sa faveur. On aurait dit deux styles faits pour s’opposer en tout point. Chaque coup de l’Autre trouvait une parade de Misto et vice versa.

L’adolescente resserra sa poigne sur la garde de son arme et se lança dans un autre assaut. Les deux lames vibrèrent sous le déferlement d’énergie des deux opposants alors qu’une seconde aigle tirait l’autre rapière de son fourreau. Un premier gant fut privé de ses attaches, tombant sur le sol alors que l’adolescente reculait sous un coup de poing. Elle se repositionna, les yeux vides de toute vision, attendant de voir l’âme se diriger vers elle pour répliquer ou parer. Si le coup suivant était prévisible, il n’en demeura pas moins plus rapide que les sens de la jeune fille. Celle-ci, levant son fleuret avec une seconde de retard, se prit à envisager sa mort sans aucune crainte. Cependant, les regrets fusèrent. Se mordant la lèvre, elle mit toute sa volonté pour s’empêcher de hurler quand la lame lui entaillerait profondément la peau.