Solis bavardait avec Pyxis, alors qu'elle le guidait vers une chocolaterie, quand il fut heurté par la silhouette en noir. Celle ci s'esquiva avant qu'il n'ait l'occasion de lui rendre la lettre qu'elle avait perdue. Il fut d'autant plus surpris en lisant le contenu. Cette lettre pouvait presque lui être adressée. Mais pourquoi passer par une telle mise en scène?

Oh oui, oh oui, on y va, on y va?! C'est chouette les fêtes, y a des gens, on peut manger, y a de la musique, y a du bruit!

Solis bâillonna la petite fée en réfléchissant au concept. Certes, la manière de procéder était étrange, mais l'idée était intéressante, et une soirée de détente ne lui ferait pas de mal. Au mieux, il prétendrait à Obaba Sama que c'était pour garantir la présence de Lamia Scale à la soirée, pour prouver l'influence de la guilde, et blablabla, tout ce qui résonnait mélodieusement à ses oreilles.

Solis s'était vêtu sobrement pour l'occasion. Il avait une préférence pour les tenues blanches. Atrocement salissant, mais bon, c'était plus sympa que l'éternel noir glauque dont les gens se paraient en toutes occasions. Il nota au passage que ça lui faisait traverser tout le pays pour y aller. Les riches ne savaient pas faire simplement pour les pauvres blonds sans fortune. Enfin sans fortune... Il était passé dans les bons mages de Lamia. Pas encore les meilleurs, mais bons quand même. Et le jeune homme comptait peut être passer rang S un jour. Et qui dit plus grosses missions disait plus gros salaire. Et accessoirement, plus de tartes. Aussi paya t il le transport avec une petite grimace seulement.

La voiturette le déposa dans un endroit perdu au milieu des bois. Pour le chaleureux accueil, c'était rappé. Une vieille bâtisse perdue dans une forêt sombre, emplie de bruissements en tout genre, avec la vieille grille de fer qui s'ouvrait toute seule dans un grincement digne du crissement des ongles de balkans sur un tableau noir, ça donnait très envie de rester. S'enfuir à toutes jambes? Non, du tout.
Et encore, la déco du jardin valait bien l'entrée. Otarie, mais qu'est ce que c'était encore que cette histoire...? Il parlait bien d'une réception, pas d'un enterrement... Solis relut plusieurs fois la lettre, mais il était bien prévu que ce ne soit qu'une soirée de festivités... Il traversa à grand pas le jardin. Les citrouilles, surtout la petite là bas avec le regard en coin, donnaient la désagréable impression de le suivre des euh... encoches...? Pour tout arranger, lorsque le jeune homme monta sur la devanture de porte, celle ci protesta vivement, insinuant premièrement qu'il avait grossi, et deuxièmement laissant tomber une pluie de poussière depuis le plafond. Autant pour le costume blanc. Solis s'épousseta rapidement en appuyant sur la sonnette, qui laissa échapper un bruit de cloche. Ah, pas banal ça. Il ne savait pas trop si c'était d'origine magique, ou si quelqu'un s'était VRAIMENT amusé à coller une sonnette avec une cloche quelque part dans le mur... Dans un cas comme dans l'autre, certaines personnes avaient du temps à perdre. La porte s'ouvrit, apparemment toute seule. Cela faisait bizarrement moins d'effet la deuxième fois. Un serveur enroulé de bandelettes le pria poliment de le suivre. L'intérieur tranchait de façon nette avec l'extérieur. Les bottes du jeune homme s'enfonçaient dans une épaisse moquette, tout était propre et chaud, dans des teintes pourpres et dorées. Il fut conduit à une grande salle de bal. Richement décorée, elle prouvait que leur hôte de ce soir avait des jewels qui coulaient à flot. Il salua le jeune mage dans un éclat de rire tonitruant et une grande tape dans le dos, suffisante pour lui déplacer au moins deux vertèbres. Au moins, il n'était pas vraiment ce qu'on pouvait appeler "snob". Solis reconnut plusieurs personnes dans la salle. Certains vus au Festival de Magnolia, comme la petite demoiselle aux cheveux fauves, le jeune homme dont il se souvenait l'avoir vu sur un écran contre des araignées, ou encore la demoiselle aux très longs cheveux bruns qui semblait ne pas savoir sourire. D'autres, juste par ce qu'ils étaient connus, comme Lucy de Fairy Tail. Et enfin, il lui sembla même apercevoir des membres de Lamia. Il avait entré toutes leurs coordonnées avec Pyxis, mais il passait si peu de temps à la guilde qu'il avait du mal à se rappeler qui venait d'où. Pas bien, méchant Solis.
Il reconnut également Nywell. Il n'avait pas encore de résultats pour son cristal, mais cela viendrait. Visiblement, elle avait réussi à se remettre en selle. Il n'eut cependant pas le temps d'aller la saluer, car le maître des lieux demanda l'attention.

Son discours fut des plus... étranges. Solis n'était pas certain d'aimer la suite du "jeu". Il sursauta quand la serveuse peinte à bleu à ses côté tomba soudain en poussière. Les toiles remuaient, et frissonnaient, comme si quelque chose essayait d'en sortir. Les habitants de ces hideux portraits prenaient soudain vie, une lueur gourmande dans le regard. Dans un seul ensemble, l'arme de mages puissants, pouvant combattre tous ensemble, fit ce que toute personne normalement constituée ferait. Ils prirent la fuite dans la plus grande panique. Solis s'échappa avec une nuée d'autres convives. Mais le chemin retour semblait bien plus long que l'allée. Les couloirs étaient labyrinthiques, et il n'arrivait à retrouver l'entrée. Le décors était soudain devenu bien plus oppressant et lugubre. Ses bottes claquaient sur chaque dalle de béton que la moquette élimée dévoilait. Soudain, ils ne furent plus que deux. Seuls. Tout les autres avaient été perdus dans les couloirs. Et les créatures devaient rôder, traquant les âmes errantes dans les couloirs.

Solis Farron, Lamia Scale. Je crois qu'on va avoir un problème, va falloir assurer jusqu'au lever du jour...

Yawe était optimiste tant qu'à la tentative du jeune homme. Ce n'était pas parce qu'il avait échoué à la cartographie qu'ils étaient vraiment perdus. Ce manoir avait forcément une fin. Aussi, mieux valait rester en mouvement, pour éviter leurs poursuivants. Ils marchaient depuis quelques temps déjà, quand un bruit de mécanisme fit sursauter Solis.

Attention...

Un lourd miroir tomba de tout son poids devant lui, dans un fracas sonore. Solis se pencha légèrement, suspectant un piège. On ne jetait pas des miroirs sans raison sur les gens. Le cadre était lourd et ancien, d'un métal qui avait prit des teintes vertes avec le temps, peut être du cuivre. Le design était celui d'un objet très ancien, avec ces volutes et ces courbes particulières. Le jeune homme regarda le miroir un peu partout, et finit par croiser les yeux de son reflet. C'est là que l'image changea. Il se pencha de plus près devant l'étrange phénomène.

Bizarre...

Puis il se raidit. Il reconnut la scène qui s'affichait devant lui. Le visage qui arborait un rictus. Candice. Légion. Le rayon qui transperçait Yume. Celle ci s'éteignant doucement.

Non...

L'image changea de nouveau. Ophiuchus. La forêt. Sa magie qui sapait lentement la volonté et la force du jeune homme.

Non... Non...

Lui, seul, perdu au milieu des ombres, et l'entêtante mélodie de la joueuse de flûte.

Non!

Solis tomba à genoux, se tenant la tête, recroquevillé sur lui même. Et pourtant, incapable de détacher ses yeux des images qui défilaient. Ses peurs, ses remords. Les ombres de la solitude, la mort qui avait coulé sur son chemin... Tout ça défilait, encore et encore, et bien plus encore. Sa mère dans une mare de sang, Yume, le voleur d'ombre, lui seul parmi les ombres mouvantes de la peur et de l'isolement.

Non...

Prostré, il ne pouvait plus penser ou agir. Il n'était plus qu'une ombre. Comme celles qui se reflétaient dans le miroir maudit devant lui. Un océan de désespoir, de peur, de chagrin, et d'abandon...