La forêt vierge. Une forêt parcourue par la brise d’un jour qui se sait voué à la fin dans quelques heures. Un courant d’air à la fraicheur pénétrante qui fait frissonner hommes et bêtes en passant parmi les feuilles des arbres. Le sol meuble laissait l’empreinte de leur pas mêlé. Leur pas qui se dirigeait vers le cœur d’une forêt qu’on pouvait sentir se méfier. Les fourrés bruissent sur leur passage. Les épines qui dépassent les griffent, prévenant implicitement que le lieu était sacré. Que le malheur arriverait à quiconque osait le déranger. Une écharpe rouge volète dans l’air, insensible à toutes ses perturbations. Elle est seule. Seule sans personne, allongée dans la mousse et les feuilles. Son cœur tout entier était tourné vers le ciel qui perçait l’abri changeant des arbres. Son esprit était ailleurs. Bien loin de tout ce que tout le monde pourrait s’imaginer. Ses paumes ouvertes vers le ciel et ses yeux clos, elle tentait de comprendre tout ce qu’elle avait fait et vécu. Tout ce qui l’avait forgé et brisé. Et toujours la même conclusion revenait.

Je suis dans le faux. Depuis le tout début.

Elle avait tout laissé derrière elle. Elle avait espéré embrasser une famille qu’elle pensait avoir compris. Son souffle se fit douloureux dans l’air comme sa volonté empêchait les larmes de sortir. Un monceau d’erreur. Des principes faux et pourtant réels qu’elle n’avait pas acquis par éducation mais par rêve. Chacun étant un peu plus fourbe que le souvenir qu’il avait détourné. Combien de temps les avait-il bercé ? Combien de temps s’était-elle misérablement cachée dans ses mensonges qui venaient d’éclater ?

Toujours. Chaque pas n’a été qu’une illusion.

Elle ne s’aperçu même pas qu’elle chantait. Elle n’entendit même pas le son étrange qu’elle venait de lâche. Une dernière syllabe qu’on dédiait au mort dans toutes les contrées. Elle ne vit ni ne sentit son corps changer. Pas plus qu’elle ne comprit que le somme commence à l’envelopper. Misto ferma les yeux sans chercher à lutter. Le cauchemar n’était qu’une seule des possibilités pour échapper à la dure réalité.

Sans Nom se tenait sur le champ de bataille. La petite n’avait pas peur. Elle ne frémit même pas quand les bandits jaillirent d’un recoin de cette route où elle marchait. Son cœur ne battit pas, sa lèvre ne trembla pas. Pourquoi aurait-elle peur de créatures dont elle entendait déjà le trépas ? Pourquoi est-ce que leur Uta se terminait déjà ? Elle avança parmi eux comme elle l’aurait parmi les arbres immobiles de la forêt. Pas un instant elle n’hésita à éviter et contrer les hommes qui jaillissaient de la colline neigeuse qui les cachait. Pas un instant elle ne se refusa de dégainer son arme pour les évincer, eux les opposants à la progression de la caravane qui l’avait engagée. Aucun d’eux ne s’y attendait. Aucun d’eux ne la pensait dangereuse. Pourtant elle était de loin la plus venimeuse de toute. L’homme qui faisait la navette entre l’éclaireuse et le maitre caravanier la trouva seule parmi la mort qu’elle venait de semer. Mais déjà elle repartait, lui laissant le soin de dégager un chemin ensanglanté. Le regard du cavalier tomba sur le symbole de l’uniforme qu’elle portait fièrement. Celui de la garde spéciale d’Iceberg frappé du blason du clan maudit des Shida. Ceux qu’on disait assez fou pour marcher les yeux fermés et sans crainte dans une bataille engagée.

« Ca c’est toi. »

Un camp endormi. Un unique camp qu’elle traverse sans s’arrêter pour le trouver. Radulf, celui que les livres appellent le loup conseillé. Un camp où il n’est pas. Un lieu où elle ne devrait pas se trouver mais pourtant elle y est. Des centaines de soldat somnolant qui ne se doutent pas qu’il serait tué dans la nuit. Iceberg, rempart contre l’expansion avisée de Pergrande Kingdom. Sans Nom et d’autres hommes qui ne font que ce qu’on leur à demander. Verser le sang dans un camp minuscule qu’un cercle magique est en train d’entourer. Elle sent la neige frissonner. Elle sourit faiblement alors que son petit corps se prépare à exhaler toute l’énergie qui lui faudrait pour maintenir le blizzard en vie. Un sifflement strident qui réveille les gens trop proches mais c’est trop tard. La neige les a déjà assaillit. Avant même que sonne l’alerte, le combat est finit. Plus de soldat du Royaume adverse. Juste une gamine sanglotant parmi le cadavre et ses semblables qui avaient agi.

« Ca c’est nous. »

La sensation de vide l’envahit alors qu’elle tombe. Oui Misto tombe dans l’oubli. Dans ce recoin sombre de son esprit qu’elle n’avait jamais ouvert de peur de ne pouvoir en réchapper. Mais l’habitante de ce lieu, elle sait qu’il est temps qu’elle apprenne ce qu’elle est et ce qu’elle a fait. Elle lui apparait alors qu’elle tombe lourdement sur un sol privé de vie. Alors que ses yeux embués contemplent une voute ou la nuit n’a jamais cessé de régner.

« Je suis Isanami. »

Des milliards de murmures qui répètent cette affirmation à l’infini. Une myriade d’âmes qui ensembles les entourent comme pour les attaquer alors qu’elles savent toutes d’eux qu’ils ne font qu’observer l’inévitable se produire.

« Je suis toi, Misto Shida. »

Un nouveau souvenir l’envahit. Un surnom. C’était juste le surnom qu’on lui avait donné quand on l’avait utilisé. L’adolescente peinait à soutenir le regard de cette enfant qui lui ressemblait. Peinait à contenir son dégoût pour elle-même et les bribes de haine que le passé lui ramenait. Isanami ne bronchait pas. Elle savait qu’il était dur d’accepter la vérité. Elle-même ne l’avait jamais embrassée puisqu’aucun autre mage d’âme n’avait pu montrer à Misto qui elle était. Seule la quête de vérité de celle-ci avait pu la faire parvenir jusqu’ici. Seule la volonté de la magie d’Uta d’obtenir un utilisateur complet avait pu lui permettre de se rappeler. L’adolescente l’observait. Elle ne savait que dire ni quoi penser. Puis finalement, elle troubla le silence qui s’était installé.

« Raconte-moi. Je veux savoir jusqu’où j’ai pu me tromper. »

Isanami sourit. Elle était bien celle qu’elles avaient toutes deux été. Elle n’avait plus qu’à lui montrer, lui faire ressentir et la laisser comprendre et accepter. Comprendre l’horreur qu’elle avait infligé pour guérir ceux qu’elle pensait condamné.


J’ouvris les yeux dans la clairière. Cette même clairière que j’avais quittée pour rêver. Pour rejoindre celle que j’avais été. Mon cœur était encore hésitant malgré tout ce que j’avais pu voir et apprendre. Etais-ce moi ? Etais-ce un mensonge de plus ? Non. C’était la vérité dans sa plus pure beauté. La seule chose que je ne pourrais jamais clamer comme ayant été une illusion pour cacher le passé. Je fus presque surprise de sentir la chaleur sous mon dos. J’allais saisir ma clochette pour révoquer la magie mais je suspendis mon geste en voyant la silhouette glacée et fantomatique d’Isanami. Ce n’était pas encore fini. Je saute sur mes pieds et, la voyant se retourner et courir, je la suis. Je veux savoir. Je veux comprendre. Eagle’s Claw n’avait été qu’un prétexte à une vie tranquille et un but bancal et utopique. Je n’y étais pas à ma place. Je le savais. Je l’avais toujours su.

Je fis un bond au-dessus d’un buisson d’épine alors que l’image rémanente de ce que j’avais pu voir continuait à se rependre dans ma mémoire. Attraper une branche pour se balancer, rouler au sol pour ralentir dans une chute maitrisée, sauter par-dessus le danger ou choisir de se retarder en faisant le détour pour l’éviter. Toute une poursuite dans une forêt que je connaissais comme ma poche et dont je serais peut-être bientôt bannie à jamais. Je sens l’âme de Nadhij au loin mais ne m’arrête pas pour aller le saluer. Certaines questions priment sur tout. Isanami semble infatigable. Les fantômes sentent-ils seulement la fatigue ? Mon pas résonne comme un tambour dans les bois. Je suis une intruse dans cette contrée mais la végétation me laisse passer. Elle semble même m’y convier. Quand je m’arrête enfin, je suis face à la falaise. Isanami se tient sur le bout, sourire aux lèvres. C’est avec une certaine surprise que je la vois s’approcher et me faire signe de me baisser. A genoux, à la merci du fantôme, je ne peux m’empêcher de sursauter en sentant un contact encore plus froid que le mien sur mon front. Un baiser. Un unique baiser.

« Je suis heureuse que tu es finie par comprendre. J’avais la sensation d’étouffer dans cet esprit étriqué. »

Elle me releva le menton, me forçant à fixer ses yeux vides de toutes émotions contrastant avec son sourire chaleureux. Etais-je comme ça avant ? Je trouvais ça triste. Désespérément triste. Bien plus triste que tous ceux sur qui j’avais pu m’apitoyer. Je pris la liberté de fermer de nouveau les yeux alors qu’elle reprenait la parole. Je voulais tout graver. Ne rien oublier. Ne plus jamais oublier.

« Tu m’as fait le plus grand des cadeaux. Celui de ne pas avoir refusé la vérité. Mais laisse-moi t’offrir quelque chose que tu ne verras jamais dans aucun livre. »

L’aspect de l’esprit s’étiola alors qu’un flot de connaissance envahissait ma tête. Des informations sur les âmes. Des mots, des noms, des chansons. Seulement une se détacha du flot de donnée qu’on m’offrait. Agenouillée au bord du gouffre en forme de Requiem, je me laisse submerger.

« Ragnarök Soul »

L’air se solidifia au contact du froid grandissant autour de moi. J’eu du mal à ne pas crier de stupeur en voyant le givre devenir une nuage de particule et mes propres mains se couvrir d’un halo bleu électrique. Une information fusa pour me donner leur propriété, me prenant au dépourvu en manquant de me faire perdre le fil. Le halo en profita pour m’envahir les deux bras. C’était froid. Glacé. Brulant. Je ne devais pas me disperser ou je finirais en statut de glace pour l’éternité.

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