Les yeux de Misto se posèrent sur sa chambre. La pièce, qui respirait la vie il y a peu, avait perdu sa gaieté. L’adolescente commença à la retourner sens dessus dessous, à la recherche d’un objet quelconque qui lui prouve que sa présence n’était pas un rêve. Nywell. Tout ce qui lui avait appartenu avait disparu. Du moindre vêtement aux plus légers cheveux. Il n’y avait plus de trace. La tristesse monta en flèche dans la jeune aigle. Elle perdait une personne importante. Peut-être une des plus importantes qui aient jamais existé pour elle. Sa main continua à balayer l’endroit qu’elle avait nettoyé il y a peu. Elle ne trouva rien sous le lit, rien dans le bureau et encore moins que ça dans l’armoire. Ses jambes se dérobèrent sous elle alors que la première larme coulait.

Misto posa ses yeux sur le plafond. Pourquoi ? Comment ? La détresse s’enroula autour de sa tristesse, lentement, insidieusement. Elle souffrait. Atrocement. Une seconde larme roula sur sa joue alors que son esprit hurlait pour sa bouche muette.

NYWELL !

Les loups matérialisés à ses côtés et qui tentaient de la consoler furent sans effet. Des murmures sur un corps qui ne voyait que plus douloureusement ce qu’il venait de perdre à jamais. La queue d’un d’entre eux heurta le lit de la jeune fille, laissant tomber un papier qui leur avait échappé tantôt. Celui-ci se posa sur les genoux de la petite Shida. La mage chassa sa tristesse du mieux qu’elle put pour se concentrer sur cette lettre. Cette unique lettre sur laquelle figurait l’écriture de Nywell. Elle posa ses yeux et lut, comme si sa vie en dépendait.

Les larmes refluèrent quand elle en arriva à la fin. Il n’y avait qu’un mot. Un seul mot qui la déchira sans concessions.

Adieu.

Misto fredonna. Elle ne put s’empêcher de fredonner l’odieux requiem qui lui envahissait l’esprit. Elle ne savait pas ce que s’était. Elle l’avait oublié. Enfoui jusqu’au tréfonds de sa mémoire avec les affres de ses souvenirs. La chanson de pouvoir la modifia, petit à petit. Son corps d’adolescente prit la vieillesse de l’adulte, sa chevelure se libéra de ses élastiques. Sa tenue changea également, ne lui laissant qu’une maigre robe à laquelle étaient accrochée des chaussettes hautes. La clochette de Runolf autour de son cou se mit à vibrer et son aspect changea. Le crystal devint glace entre les doigts de la chanteuse. Les larmes continuaient de couler sans discontinuer alors que l’âme de Misto tout entière perdait la chaleur. Une légère brume s’éleva d’elle, reflétant la différence de températures entre l’environnement et la jeune fille. Les loups qui l’entouraient se volatilisèrent en plein mouvement, sans qu’ils aient d’autres choix que d’observer la scène, impuissant.

Elle ne ressentit le changement que quand son hurlement traversa ses lèvres. Un hurlement qui devint chanson. Une chanson qui devint menace. Les vitres autour d’elle explosèrent. Le son, strident, s’éleva dans les montagnes, faisant fuir les oiseaux et les autres animaux. Il n’y avait personne au sein de la guilde ce jour-là et cela valait mieux. Les aigles qui s’étaient dispersés dans la forêt levèrent la tête. A l’unisson, ils retournèrent à la guilde. La musique, qui n’avait été qu’un délicat murmure lorsqu’ils étaient loin, se renforça. Les plus rapides commencèrent à avoir mal au crâne. Les plus courageux sentent leurs oreilles se boucher. Les plus proches de la jeune fille n’ont que le temps de constater que le son ne leur parvient plus et que le sang coule. Plus haut, la source de la sirène s’éteint.

Les mages d’Eagle’s Claw retardataires se ruent à l’intérieur et commencent à chercher l’origine de tout ce chahut. Ils trouvèrent Misto, seule et à terre, une unique larme gelée au coin de l’œil. Il n’y avait pas de loup autour d’elle. La jeune fille endormie fut mise dans son lit. Les aigles restèrent silencieux. L’un d’entre eux, soupira et se frotta les oreilles. Il n’entendait plus rien et cela l’inquiétait au plus haut point. Peut-être même encore plus que le fait que la jeune Shida est succombée à un cauchemar. Un très vilain cauchemar qui avait mis en scène sa peur de perdre cette sœur qu’elle aimait tant alors que toutes ses affaires étaient là.

Son manteau d’hiver pendu à la patère. Ses vieilles bottes qu’elle avait laissées à Asulf en espérant qu’il épargnerait les nouvelles. Son armoire entrouverte ou l’on apercevait les quelques robes et pantalon de sa garde-robe. Les livres posés en vrac sur le bureau près de ceux de la Kashu. Et surtout, cette sœur brune allongée dans son lit après sa crise de somnambulisme si particulière.