Une situation plus que critique. Misto regardait son adversaire depuis les portes de l’école d’arts martiaux. Adossée au mur, elle regarda la démarche détendue alors que toute son attitude indiquait la reprise d’une bataille prochaine. Ainsi c’était donc l’ancien élève qui créait problème ? La jeune femme n’était pas déçue d’avoir poireauté sous la pluie devant l’école pour le guetter. Elle s’accordait à penser que cela aurait été plus facile de le traquer mais elle devait protéger le bâtiment dans son dos. Attentive, elle laissa l’homme s’approcher plus près sans mot dire ni bouger d’un pouce. Elle repensa aux circonstances de son enrôlement dans cette histoire.
– Le jour d’Avant –
Elle avait assisté à l’un des assauts, assise à la terrasse d’un restaurant, alors que les élèves bataillaient rudement pour le repousser. Misto avait interrogé le serveur sur la situation.
-
J’ignore ce qui passe par la tête de cet homme mais il est bien décidé à faire tomber cette école et à envoyer les élèves à la morgue.-
Ah ? J’ai bien peur qu’il n’ait bientôt un imprévu dans son plan, avait-elle alors répondu en posant son paiement sur la table. Merci pour le service. Comptez sur moi pour revenir bientôt. Oui, elle avait décidé sur un coup de tête d’aider les gens à l’intérieur de cet établissement. Les loups lui en avaient d’ailleurs rit au nez.
Tu sais que ce qui se passe ici ne sont pas de ton ressort ?
Parce que d’après toi, c’est mon devoir d’ignorer les gens dans le besoin ?
T’es pas le bon samaritain ma fille.
Nan. Je suis la bonne Samaritaine et je te flute.
Sale gosse.
Moi aussi je t’aime.
Tu me zut ou tu m’aimes ?
Les deux mon vieux.– Retour à la réalité –
Elle attendait donc ce cher petit fauteur de trouble depuis près d’une journée entière, immobile sous la pluie, sa capuche rabattue sur son visage. L’assaillant n’était plus qu’a une dizaine de mètre quand la jeune femme se décida enfin à faire voler son vêtement de pluie et s’interposer sur sa trajectoire inexorablement dirigée vers les portes.
-
Dégage de là.-
Désolée de devoir te décevoir mais je n’irais nulle part ailleurs qu’ici. Les gens dans l’enceinte sont tous plus ou moins hors combats à ce que j’ai pu comprendre de tes petites crises de folie. Alors vois-tu, comme je suis la bonne Samaritaine d’Eagle’s Claw mais aussi parce que j’ai horreur de voir un idiot frapper les plus petit que lui, je vais rester ici et défendre cette école. -
Comme ça ? Sans paiement ?-
Oui comme ça. Rien que pour le plaisir de te faire suer et pour m’assurer que tu ne tueras personne. 1, 2, 3 … FIGHT !Elle s’empara de l’ocarina illusoire et entama le début du spectacle qui promettait d’être intéressant alors qu’Asulf s’amusait de son coup d’envoi. La musique résonna dans l’enceinte. Simple. Martiale. En accord avec l’homme que la Kashu s’apprêtait à affronter en combat singulier. Elle tendit la main dans l’illusion qu’elle tissait. Un dernier appel à la raison pour cet homme qui semblait avoir perdu les ailes qui le portait sur son chemin. La brume chimérique et les landes imaginaires s’étirent alors que l’adversaire en devient le centre exclusif.
-
Si la fin est proche, le Kashu peut t’offrir la rédemption. Je te tends la main. Accepte ou refuse, cela reste ton choix. La jeune femme n’avait pas bougé. Elle laissa les âmes l’emporter et invoqua Henning. La mélodie donnait certes une idée à son adversaire d’où elle était mais rien ne pourrait l’empêcher de la terminer. La note triste et délicate du loup blanc accompagne le calme de ce triste mirage figé dans le temps. L’accord final s’élève en même temps que l’homme sans nom frappe. Misto accueille le poing sans même chercher à l’esquiver. Le prenant en pleine tête. La douleur est immédiate mais supportable. La brune recule précipitamment dans les volutes en dégainant ses deux fleurets. Un filet de sang s’écoule du coin de sa bouche mais elle ne prend pas le temps de l’essuyer. Déjà elle demande à ses Rolf et Runi de se mêler dans un seul et même souffle.
-
Je te donne une dernière chance de te racheter. Alors part, maintenant.
-
Et si je refuse ?-
Tu subiras ton dernier jugement.La sentence était grave pour quelqu’un d’aussi jeune. Pourtant la volonté de Misto était belle et bien présente. Cet homme sera vivant s’il abandonne maintenant. Après elle ne répondra plus de rien. Il était temps que l’ancien élève comprenne le poids de ses actes.
-
Comme si j’allais écouter une gamine tout juste sortie des jupes de sa mère !Il attaqua. Dans un bel assaut de pied retourné. La jeune mage vit l’âme de son interlocuteur quand elle fut à proximité immédiate. Elle dévia le coup malgré la différence de force entre eux et, sans une once de remord, enchaina avec son arme à deux mains.
-
Judgement Soul.La lame s’arrêta à cinq centimètre de la gorge de l’homme. Celui-ci avait attrapé la main de la jeune femme pour éviter l’attaque. Elle ne tiqua pas d’un pouce et se contenta d’annuler le sort pour répliquer avec son poignet libre et le doux poison de Runi. Elle l’entailla profondément au flan avant de s’extraire de sa prise. Henning regardait la scène depuis le début mais refusait de s’y intégrer. Il avait trop peur de gêner sa maitresse ou, pire, de se prendre de plein fouet le jugement de celle-ci et de s’évaporer. Pour retourner reposer en paix une bonne fois pour toute.
Misto avertit son opposant.
-
Tu devrais cesser de bouger maintenant. Si ce n’est pas moi qui t’ai, le poison le fera pour moi. Recule et abandonne tant qu’il est encore temps.-
Jamais. Je les éliminerais et toi avec !La folie c’est laid
Je ne te le fais pas dire Runi.La Kashu siffla. Deux fois. L’homme se précipita. Une fois. Les lames se combinèrent. Une ultime fois. L’arme empala l’ennemi alors qu’il frappait la jeune fille au flanc. Un coup plus fort qu’en temps normal. Elle sentit les dégâts internes malgré l’absence de blessure. Il sentit son âme partir, s’envoler pour une nouvelle vie loin de tout ça. Les deux combattants s’écroulèrent en duo. L’un des deux ne se relèverait plus jamais. L’autre crache son sang sur la chaussée, ses fleurets posés près d’elle et son sort illusoire dissipé. Henning, inquiet se rapproche d’elle à toute vitesse.
-
Misto !Les yeux vitreux de l’adolescente se fixent sur lui.
-
Misto ?Elle cligne des paupières pour lui signifier que tout va bien. Elle se force même à esquisser un semblant de sourire alors que son regard monte vers le ciel au-dessus d’elle. La pluie tombe sur son corps étendu et la fait frissonner. La conscience de la jeune fille se maudit. Elle sait pertinemment qu’elle n’aurait pas dû mettre fin à cette vie mais elle ne réussit pas à s’en vouloir. Elle remue les lèvres mais aucun son ne sort de sa bouche. Elle formule donc son souhait en pensée, crachotant à nouveau son sang sur les pavés.
Henning, va lui rendre son dernier hommage. S’il te plait.Le loup marque un temps d’arrêt puis, docile va s’assoir près du mort.
-
Toi qui as vécu hier,
Aujourd’hui sonne le glas de ton trépas.
Toi qui t’es battu jusqu’au bout,
Je te libère de tes regrets et mauvais faits.
En moi sonne ton Requiem,
Qui guidera mon chemin vers toi.
Moi, Kashu sans foi ni loi,
Je serais celle qui pleurera a jamais ton ultime choix.
La jeune femme écouta la voix rauque de l’esprit réciter mot à mot les vers qu’elle lui dictait. Le silence retomba bientôt alors que les gens sortaient dans la rue ou venait d’avoir lieu le combat. Les élèves de l’école pointaient le bout de leur nez en dehors de l’enceinte des murs. L’un d’eux s’accroupit près d’elle.
-
Est-ce que tout va bien ?Ais-je franchement l’air d’aller bien ?-
Est-ce que vous m’entendez au moins ?Oui je t’entends. Va chercher un médecin par pitié. Je dois bien avoir un organe perforé ou un truc du genre… En tout cas, ça fait un mal de chien …-
Mademoiselle ?Les paupières de Misto se fermèrent et sa conscience bascula doucement dans les ténèbres. Ou plutôt essaya. Elle fut tirée de sa chute par une magnifique baffe.
-
Reste avec nous ma p’tite. C’pas le moment de sombrer.-
Allez chercher un médecin vous autres. -
Couvrez-la ! Avec cette pluie elle risque d’attraper plus de mal qu’elle n’en a déjà.Toutes ses voix rappelèrent de vieux souvenirs à la jeune Shida. Un temps où elle avait un semblant de famille, à Iceberg. Elle articula un « Merci » avant de tomber dans les pommes une bonne fois pour toute.