« Te gêne pas tu veux une photo aussi ? »


« ... »

Je ne pus bien entendu m'empêcher de rougir. Mes joues s'enflammèrent bien rapidement, et le feu crépitant sous ma peau prit de l'ampleur, rendant mon visage totalement couleur tomate. Je ne savais que faire suite à cette phrase, qui m'avait beaucoup embarassée, je ne sais trop pourquoi. J'entendis de nouveau la voix du garçon.

« Mage de Angel Sky j'imagine ? Chris, mage de Blue Pegasus... »

Sa petite présentation eut l'effet de me remettre les idées en place. C'était donc avec lui que j'étais censée faire la mission. J'avais certes de nouveau toute ma tête, mais la couleur de mon visage à la base pâle n'était pas partie. Levant la tête vers lui, je me posais certaines questions. Je n'avais à vrai dire, pas bien compris la requête de cette mission, et espérais qu'il ne me ferait pas parler. Comment pourrais-je arriver à mes fins, c'est a dire qu'il me donnes plus ample réponses sur cette Quête que nous allions devoir effectuées ensemble. Sans même rajouter quoi que ce soit, le dénommé Chris prit ma main et m'entraina avec lui dans les rues de la Capitale Crocus. Ce geste me fit penser aux Equipes des différentes Guildes. Je faisais équipe avec lui; il était donc pour ainsi dire mon "partenaire". C'était embarrassant; d'une il me tournait la tête, de deux il découvrait bien vite qui j'étais, et de trois il se permettait de prendre ma main. Il me lâcha alors, remarquant sûrement mon visage marqué par mes joues rosies.

Les allées passaient, nous marchions. Il ne me parlait pas, et ne se doutait pas non plus que je ne parlerais pas. Que c'était définitif. Il devait prendre mon silence pour de la timidité. A moins qu'il pense que je boudais parce qu'il m'avait "renvoyé boulé" lorsque je lui étais rentrée dedans... Je ne savais que faire. Me restait-il des feuilles? Oui, deux. Les deux dernières parmi le paquet d'une dizaine que m'avait donnée Atios. Et le stylo? Farfouillant dans ma poche, je le sentis. M'arrêtant, je ne fis pas attention à la réaction de Chris, bien qu'il s'était sûrement arrêter à son tour. Attrapant le stylo de mes petits doigts fins, je sortais une feuille et écrivais sveltement dans un coin - il fallait que je garde de la place sur la feuille! - un "Bonjour" à la calligraphie soignée mais pas trop quand même. Tirant sur la manche du mage de Blue Pegasus, je lui présentais la feuille à quelques centimètres de sa figure, et dus me mettre sur la pointe des pieds. Je repris ma feuille et écrivis "Suzu, mage d'Angel's Sky." Après quelques secondes d'hésitation où je me mordais vaguement la levre, j'écrivis à nouveau une maigre phrase. "Equipe?".

Equipier. Partenaire. Il y avait beaucoup de mots pour en désigner un seul. Le jeune mage devait se poser certaines questions. Déjà, il avait dû être très surpris par mon "mode de communication" très étrange. Puis aussi, il devait se demander pourquoi. Pourquoi "parlais-je" ainsi, m'exprimant par écrit... Sans doute devait-il se dire que j'étais muette, comme certains. Je m'étais présentée comme m'appelant Suzu, comme je le faisais depuis neuf ans maintenant; personne ne connaissant mon vrai nom. Et je n'allais pas le dévoiler au premier venu. Fille comme garçon. C'est alors que, tournant mon regard sur ma gauche, j'aperçus de l'autre côté de la voie piétonne un magasin à la vitre cassée. A travers celle-ci, on pouvait vaguement voir un homme qui semblait bien dodu, assis devant une table, la tête entre les mains. A en voir son dos qui se mouvait en soubre-saut, on aurait dit qu'il pleurait. Je pris alors un air sérieux et posais mes pupilles bleues dans celles d'émeraudes de Chris. Mon regard semblait poser une question à celui-ci. Etait-ce là où nous devions nous rendre?

« Non mais oh ! Quand on est polie on écrit pas sur une feuille ! »

Il ponctua sa phrase plate, sans sentiments ni volupté, en appuyant d'un de ses doigts sur le bout de mon nez. Ma tête suivit le geste, et mon regard se perdit sur le sol. Il était composé de pavots. Et je voyais mes pieds aussi. Drôle de situation, non? Relevant quelque peu la tête, je fis une mine molle et un point attristée; mon sourire se perdant sur mon visage, mes lèvres reprenant leur place habituelle et se fermant l'une sur l'autre tout en cachant mes petites dents blanches. On aurait dit que toute joie m'avait quitté. Etait-ce de l'humour, ou tout simplement était-il une de ces personnes qui se fiche des sentiments des autres? Je pense qu'opter pour la première solution était le mieux. Après tout, j'allais certainement passer mon après-midi, et peut-être plusieurs jours, avec ce jeune mage. Comme pour rattraper ses dernières paroles, comme s'il avait senti qu'il avait gaffé, Chris attrapa ma main de nouveau et me tira vers lui, défonçant dans son élan la porte d'entrée de la boutique que j'avais repérée quelques minutes plus tôt. Avais-je raison? Etait-ce bien là le lieu où commençait notre mission? Notre entrée .... fracassante, me fit reculé de deux pas. En voilà des manières pour entrer dans un lieu! Mais Chris ne me laissa pas le loisir de contempler les dégâts, qu'il me tira un peu plus à l'intérieur.

« Oyé oyé ! Les mages sont là ! »

Voyant la mine désapprobatrice d'un homme bien dodu et à la moustache soigneusement coupée, il se mit à siffloter, contemplant le plafond et tournant la tête de gauche à droite - pour le contempler dans son ensemble bien sûr! -. Posant mon regard sur Chris, je remarquai alors que l'homme moustachu-dodu-comme-un-dindon nous présentait deux chaises, posées l'une à côté de l'autre devant une table avec de l'autre côté une troisième chaise. Le gérant prit place sur celle-ci et fronça les sourcils. Nous nous décidions alors à avancer. J'attendis tout de même que mon co-équipier fasse le premier pas... Le marchand ne semblait pas bien sympathique, des rides sûrement dûes à la colère marquaient ses traits qui n'avaient pas l'air très doux déjà à la base... Il prit parole. Sa voix forte résonnait dans la pièce où tout était saccagé. Il était énervé, très énervé!

- Vous comprenez j'espère! Ils m'ont tout pris, TOUT! Et quand je dis tout, ce n'est pas une blague! Figurez-vous, qu'en plus d'avoir emmené avec eux mon tout dernier produit, celui qui explosait les ventes; ils ont emmenés le reste et ne se sont pas gênés pour tout casser! Et VOUS LA qui arrivez et défoncez le dernier truc qui tenait tout seul! Mais c'est vrai que vous, Mage, vous n'avez pas de problèmes d'argent, contrairement à nous qui sommes obligés de vivre avec ce qu'on a! N'avez-vous pas honte?!! Savez-vous combien d'heure de travail ma femme et moi-même nous mettons dans une de ces robes tendance?! Non, niet!, qu'y connaissez vous?!

Il mit sa tête entre ses mains et maugréa des paroles incompréhensives. Il semblait vouloir se venger sur le monde entier pour s'être fait volé sa marchandise. Nous n'y étions pour rien et pourtant, il essayait de nous faire porter le chapeau. Puis il se remit à parler, quelques peu plus calmement, avec un timbre de voix plus neutre.

- Tout ce que je veux, c'est récupérer mes biens! Faites le de la façon que vous voulez, mais je veux voir ces putains de voleurs condamnés pour leur délit!! Ah et une dernière chose je veux connaitre votre nom. Histoire de savoir; paperasses administratives etc... Et si vous échouez, je pourrais porter plainte ou un truc du genre comme ça!

Chris sembla garder le contrôle de lui-même et donna son nom au marchand totalement timbré. Celui-ci me pointa du doigt en s'avançant et commença à jurer en criant presque, s'énervant de ne pas m'entendre lui donner mon nom. Mes poings commencèrent à se serrer. S'il continuait, je l’assommerais avec un morceau de palette détachée de la porte fracturée qui s'envolerait dans les airs. Il ne comprendrait rien, et ce serait tant mieux pour lui. J'avais quand même ma dignité, et je n'aimais pas être traité comme un un vulgaire chien-bâtard. Chris s'interposa entre l'homme rouge de colère et moi, me prenant une nouvelle fois par la main. D'un ton sec d'où l'on sentait une tension palpable, il prit parole.

« Elle s'appelle Suzu c'est tout ce que vous avez à savoir. Bon, on va aller chercher vos voleurs et avec un bout d'ironie c'est eux qui se feront voler. »

Tournant la tête vers Chris, ahurie qu'il ait tenu tête en parlant si brusquement d'une voix sèche alors que personne ne s'y attendait, surtout pour avoir fait ça pour moi; je me levais. Je ne voulais pas avoir l'air faible comparée à lui. Alors que je m'apprêtais à faire s'envoler un coin de porte sur le marchand pour simplement l'effrayer, une femme d'une trentaine d'années entra dans la pièce, toute souriante et déposa deux tasses de café sur la table, avec une petite carafe miniature de lait. Elle revint quelques instants plus tard avec une coupole de sucre et deux cuillères. Elle mit le tout en face de nous deux, mages; et nos proposa de boire ceci avant de nous lancer dans cette recherche acharnée des voleurs. Elle semblait bien plus sympathique que son conjoint! Et oui, j'avais remarqué que le marchand et cette dame portaient tous deux la même bague qui symbolisait le mariage. Je tendais les mains vers la cuillère et mis une dose de sucre, ainsi que deux gouttes de lait. Chris fit à son tour son petit mélange. Il tourna la tête dans le sens opposé à moi; sûrement regardait-il la vitre cassée. Je remarquai qu'il tendit son index au dessus de sa tasse, et comme un enfant joue à faire des vagues dans son bain, il s'amusait à faire un "tourbillon de café" dans sa petite tasse. Profitant du fait que mon sucre ne soit pas encore totalement dissous, je fis de même. Les cristaux sucrées tournoyaient, entraînant dans leur mouvement le liquide. Lorsqu'ils eurent fondus en totalité, je bus d'un trait. Je sentais le regard de Chris posé sur moi; il avait remarqué que je l'avais copié vaguement. S'il m'avait parlé, je n'aurais pas entendu, trop occupée à garder mon attention sur le rond que formaient les mouvements du liquide. Me levant gracieusement comme une danseuse l'aurait fait, je pris cette fois une initiative. Prenant Chris par la main, je l'emmenais à la porte d'entrée et lui pointais du doigt des traces de pas qui continuaient et se perdaient dans l'allée. Je les avais remarqué plus tôt, lorsque je pensais assommer le marchand...

« Oh Suzu ! Regarde là-bas ! Il y a.. euh... un monsieur qui pourrait nous aider !


« ... »

Chris sortit vivement et je le suivais, comme un petit poussin suivrait sa maman-poule après être sorti de son neu-n'oeuf. Mieux valait qu'aucun client n'entre dans la boutique, car soit il ne reviendrait jamais et s'enfuierait en courant, soit il resterait là, sans pouvoir ni bouger ni articuler une parole. Non, il ne valait mieux pas y entrer! Je me retournais cependant une dernière fois pour contempler les traces de pas. Une bequille? Ou plutôt une fausse jambe? Commes les pirates, une jambe en bois! Mais je ne savais pas trop. Prenant ma feuille, j'y dessinais grossièrement un bonhomme caricaturé avec une jambe de bois, et deux acolytes non estropiers qui pillaient avec le premier la boutique, en emportant tous les vêtements et saccageant tout sur leur passage. Tiens, mais, il y avait beaucoup de vêtements, non? Je m'étais arrêtée, le regard perdu dans une ruelle aux immeubles longs qui cachaient les rayons du soleil. Lachant ma feuille, qui tomba par terre - et que jespèrais que Chris ramasserait - je m'avançais à petit pas vers cette ruelle, comme hypnotisé par une masse sur le sol. M'arrêtant, je commençais à me faire des idées. Et si c'était un cadavre?

« ... »

Me tournant pour regarder Chris qui posait ses pupilles dans la même direction que moi précédemment, j'avançais. Trouvant un bâton sur le sol, j'appuyais sur la masse que je pensais être un corps sans vie. Non, ce n'était que... des vêtements. Trempés. Il avait plu cette nuit, il me semble. Sur le sol, dans la boue, les traces continuaient de se dessiner. Sortant de la ruelle avec l'habit, je le présentais à Chris, lorsque le Marchand arriva en trombe, l'air désespéré. Il se mit à pleurnicher et s'énerver en disant que c'était une de ces plus belles robes en vente. Il voulait nous suivre, nous ralentir dans notre travail. Ah que non, nous avions besoin de calme et pas d'un homme qui faisait un boucan pas possible dans nos pattes!

J'étais déjà bien fatiguée, et voilà qu'il me faisait de nouveau courir. Je sentais qu'en rentrant à la guilde, mon lit serait le bienvenue... Nous avions courus à travers les rues et Chris s'arrêta pour contempler une enseigne où était écrit en gros "BAR". Je le regardai. Il me répondit par un signe de tête pour ensuite pousser la porte et entrer. Il n'y avait personne à l'intérieur, en même temps à cette heure les alcooliques ne s'attardaient pas ici. Nous entrâmes et allâmes nous asseoir tous deux au comptoir, Chris à ma gauche. Le barman essuyait des verres. Mon équipier pointa la machine à café et je ne manquais pas de lui rappeler pourquoi nous étions ici d'un bref coup de coude dans les côtes.

« Euh... Oui bon. Monsieur, auriez vous quelques fois un client avec une jambe de bois ou un pilon ? »

J'appuyais les paroles de Chris d'un regard déterminé et curieux. L'homme nous regarda tour à tour. Il tourna la tête de droite à gauche, scrutant l'ensemble de son bar. Je suivais son regard. Il n'y avait rien, personne, pas même une mouche dans cette pièce de taille modeste. Le barman essuya ses derniers verres, les rangea puis il en revint à nous. Ses yeux gris se posèrent sur moi, il me balaya du regard et en vint à Chris. Il se pencha sur celui-ci et me regarda une nouvelle fois. Silence. OK. Le message était parvenu. Le sexisme qu'il faisait à mon égard était tout bonnement hors du commun. Ne pas vouloir parler, simplement parce que j'étais présente dans la pièce. Certaines personnes me sortaient par la tête. Fatiguée, j'avais du mal à garder le controle de moi meme, et pourtant j'avais l'air si calme et si sereine! La fatigue... Me levant, je scrutais rapidement la pièce pour me rendre dans les toilettes, côtés femme. Je laissais la porte se fermer derrière moi. M'avançant jusqu'au mur en face, je me laissais tomber, m'adossant contre celui-ci. Je fermais les yeux, essayant de me reposer un peu le temps que Chris parle à l'homme. Aucun bruit ne me parvenait. Simplement du silence, mon quotidien. Sans m'en rendre vraiment compte, je tombais dans un sommeil à demi-éveillé. Je rêvais aussi, de mon défunt frère, Yukio. Une scène si banale, et pourtant si heureuse! J'étais petite encore, cinq-six ans, et mon frère me courait après pour ensuite me prendre dans ses bras et me jeter en l'air, me rattrapant comme il le faisait si bien. J'entendis la porte s'ouvrir, un bruit qui m'appela à la réalité. Mes yeux étaient humides, et des gouttelettes salées ruisselaient le long de mes joues, épousant la forme de mon menton et se laissant tomber en un "ploc" sur le sol froid. J'essuyais vainement mes yeux et relevais la tête vers Chris. Je laissais la dernière goutte s'en allait et fis apparaitre un doux sourire d'une fausse joie m'habitant. Je continais à le regarder, lui faisant de même. Ce sourire n'était qu'un leurre, un mensonge pour faire croire que tout allait bien. Non, rien n'allait; car c'était ma faute...