| Sujet: Les autorités sont diaboliques... Ven 6 Jan - 21:27 | |
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| Cloîtrée dans ma guilde isolée de tous et qui commence à sentir le moisi, je ne décrochais plus ma tête de mon bureau, trop occupée à faire des recherches sur les quelques évènements du Royaume qui pourraient m’aider à retrouver Asako. J’ai perdu la notion du temps : je ne sais même pas depuis combien de temps je suis en charge de cette satanée mission qui m’empêche de faire ce que je veux. Je ne reçois pas non plus d’aide de l’extérieur : depuis que l’ancien maître d’Eagle’s Claw n’est plus de ce monde, cette guilde perd de sa renommée et les villageois alentours commencent même à l’éviter. Allez savoir : peut être commence-t-ils à se méfier de cette aura de solitude qui y plane à longueur de temps.
Pour quitter un peu cet environnement, je m’étais lancée dans une mission qui avait un aspect assez intéressant. A Kunugi, le maire aurait apparemment failli exploser… Aucun doute que cette attaque n’avait pas été lancée au hasard par un terroriste qui voulait simplement se contenter de jeter la panique dans un endroit si calme : c’était bel et bien une tentative de meurtre préméditée. Le maire n’a, semble-t-il, même pas cherché à protéger son village de la menace : il s’est simplement contenté de se cloîtrer chez lui en espérant ne pas mourir un jour ou l’autre. Normalement, ses responsabilités lui auraient demandées de tenter de rassurer la population et d’essayer de les protéger au mieux… Mais bon, cela n’ai pas mon problème : je suis là seulement pour exécuter ma mission, et pas m’impliquer dans des affaires politiques.
Ainsi, sabre en bandoulière, je m’étais rendu à Kunugi, lieu de prédilection de ma mission où avait eu lieu l’attentat. Même le conducteur de la locomotive semblait ne pas vouloir s’attarder dans ce lieu : à peine étais-je descendue, il avait redémarré le moteur et s’en était allé. Sur le quai de la gare, il n’y avait pas âme qui vive : aucun touriste, personne au guichet, ni quelqu’un pour s’assurer que personne ne dépasse la ligne de sécurité. Mon arrivée à Kunugi se fût donc dans le plus grand silence, il n’y avait personne pour m’accueillir et m’expliquer tout plus en détail. Ainsi, en marchant, je me rendais à la mairie, où j’avais sûrement le plus de chances de trouver le commanditaire de la mission, soit monsieur le maire. Les rues étaient tout aussi désertes que la gare, tandis que toutes les maisons avaient leurs volets fermés. Kunugi ressemblait plus à une ville fantôme qu’à un petit village agréable. Au fond, elle a une certaine ressemblance avec Eagle’s Claw…
Arrivée à la mairie, je vis mon chemin bloqué par des vigiles à la carrure au moins deux fois plus grande que la mienne. Ce n’est qu’au bout d’un certain temps qu’il comprit enfin que j’étais membre d’Eagle’s Claw, et même plus précisément son maître, grâce à mon tatouage sur le bas du dos. Enfin entrée dans la mairie qui semblait, elle, regorger de moyens de sécurité les plus variés les uns que les autres, on me conduisit au bureau du maire, fermé avec une porte plus que blindée aux nombreuses serrures qui semblaient avoir été ajoutées il y a peu. Lorsque j’y entrais, je trouvais un homme aux tons pâles, appuyé avec les coudes sur son bureau, et qui semblait avoir perdu brusquement du poids. Son visage était parsemé de rides profondes au niveau du front et des joues, signes qu’il s’était fait beaucoup de soucis depuis l’attaque. Ses cheveux étaient tombés à plusieurs endroits, tandis que ce qui lui restaient avaient terni pour prendre une teinte gris pâle. Ses mains veinées et tremblantes étaient elles aussi un élément déterminant dans mes suppositions. De plus, son corps tremblant et les cernes de charbon qui soutenaient ses yeux me faisaient également parvenir à la conclusion que l’homme ne dormait pas.
Sans y avoir été invitée, je m’asseyais sur l’un des fauteuils rembourrés et installait mes pieds sur la table. Le regard du maire me fit comprendre que plus rien ne pouvait désormais l’énerver, tant il avait dépensé son énergie s’inquiéter pour lui-même.
- Tsukiyo Ogawa… Le chef de Eagle’s Claw lui-même se déplace… soufflait-il d’une voix sifflante et tremblante. Dois-je comprendre que mon cas vous a intéressé ? - Si je suis ici, c’est uniquement parce que je m’ennuyais. Ne croyez pas que je vais m’intéresser à un homme qui n’a pour considération que lui alors qu’il est censé être le protecteur d’une ville, répondis-je d’un ton détaché.
Ne laissant échapper qu’un mince rictus, il se relevait légèrement, menant sa main vers son bureau. Tirant un dossier de l’un de ses tiroirs, il me regarda d’un regard à la fois noir et pétrifié qui faisait presque pitié. De sa voix toujours aussi sifflante et fatigué, il m’expliqua d’un regard neutre que ce dossier était la liste de toutes les personnes qui seraient aptes à lui en vouloir suffisamment pour commettre un tel attentat. Le dossier semblait être joliment garni, si bien que j’en venais à me demander comment le maire d’un si petit village avait pu commettre autant de délits. Prenant le dossier sur mes genoux, je me mettais à feuilleter les nombreuses feuilles, ne lisant que les informations principales pour ne pas perdre trop de temps. Pendant ce temps, l’homme me regardait, silencieux. Au bout de quelques minutes seulement, le tri était déjà fait, ne laissant sur ma table que cinq feuilles, toutes étant celle d’hommes pères de familles. En fonction des dates, des âges, du nombre d’enfant et surtout de l’instinct, mon choix s’était fait plus que rapidement.
- Voici nos cinq suspects principaux. Observez leurs fiches, et dîtes-moi pour quelles raisons sont-elles dans le dossier, dis-je d’un ton sec et autoritaire. - Le premier homme était un habitant il y a quelques années déjà, qui vivait dans une petite maison à l’Ouest avec sa femme et ses deux enfants. En raison de factures non payées, nous l’avons renvoyé de chez lui, avec sa famille. D’après ce qu’on m’a raconté, il est parti dans une plus grande ville pour trouver du travail, racontait-il d’un ton las.
Acquiescent d’un léger signe de tête, je mettais la feuille sur le côté gauche du bureau, mais demeurait tout de même silencieuse. Lui jetant un bref regard pour lui demander de continuer, il s’exécuta sans chercher à contester la quelconque autorité qui régnait sur lui en cet instant.
- Le second homme, lui, fût condamné à des travaux d’intérêt généraux pour avoir volontairement mis feu à une voiture, heureusement vide. Apparemment, sa femme ayant peur d’un nouvel accident, elle s’enfuit sans donner de nouvelles. Ils n’avaient pas d’enfants.
Restant encore silencieuse, je mettais cette feuille elle aussi sur le côté gauche du bureau. Ces opérations se répétèrent encore, jusqu’à ce que de piles de feuilles bien distinctes se trouvent de chaque côté du bureau : trois du côté gauche et deux de l’autre côté. Tous ces hommes avaient eu des soucis avec le maire qui impliquaient leurs familles, mais seuls deux d’entre eux en sont arrivé à des cas extrêmes : la mort d’une femme ou d’un enfant. Ces deux hommes étaient désormais mes principaux suspects.
- Selon moi, notre malfaiteur ne va pas tarder à frapper à nouveau, annonçais-je d’un ton calme tandis que toutes les faibles couleurs du visage du maire disparaissaient tout à coup. En restant cloîtré ici, vous êtes une cible facile : une bombe au centre de la mairie et vous explosez tous.
Se levant rapidement en faisant tomber sa chaise, le maire retrouva toute son énergie qu’il déchaîna brusquement sur moi. M’accusant de ne pas faire mon travail, il disait que je lui avais fait perdre son temps en cherchant un quelconque suspect au lieu de le protéger comme il se doit. Paniquant fortement, il tombait à genoux, tenant son visage entre ses mains. Je continuais de l’observai d’un regard stoïque, sans chercher à le rassurer pleinement. Quelques instants s’écoulèrent avant que je ne laisse échapper un rire noir.
- On m’a demandé de retrouver le malfaiteur. Vous sauver m’est bien égal, répondis-je avec un sourire froid. Si vous voulez mon avis, vous ne pourrez même pas vous échapper : il a dû disséminer des bombes dans toute la ville. Ce genre de personne à l’âme déchirée rejètent très souvent la cause de leur malheur sur toutes les personnes environnantes. Je dirai que dans cinq minutes, tout ne sera plus que fumée…
Le Maire, serrant les dents, me poussa violemment et sorti de la pièce en courant. Atterrissant avec douceur sur mes pieds, je le regardai s’enfuir en souriant. Criant que tout allait exploser, il forçait les gardes à le protéger plutôt qu’à aller sauver leur famille. Quelque soit la situation, un homme reste un homme, n’est-ce pas…
Ce n’est désormais plus qu’une question de minutes…
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Le maire courrait, paniquant. Criant aux idiots qui l’entouraient de le protéger, il ne pensait qu’à une chose : fuir. Les gardes, ne comprenant pas réellement la situation, coururent à ses côtés, l’encadrant. Ils croyaient de toute évidence à une attaque directe, et prenaient les dispositions suffisantes pour refuser tout assaillants. La gorge serrée, le maire n’avait même pas le temps de leur expliquer la situation : il fallait seulement qu’il s’échappe de ce village. Tant pis pour tous ces hommes, toutes ces femmes et tous ces enfants : il pourrait bien être élu maire autre part et continuer dans sa vie de luxe et d’ombres. De toute façon, il n’avait aucune famille ni relation à protéger : il était seul, et tout cela était bien ainsi, il n’y avait que lui qui comptait.
Regardant tout le temps sa montre, il avait déclenché le compte à rebours dans sa tête aussitôt qu’il avait appris la nouvelle. La prochaine fois, il s’adressera directement au conseil. Ne voulant montrer le fait qu’il soit incapable de protéger son village, il avait préféré étouffer cette nouvelle d’agression et envoyer cette demande à des mages indépendants, apparemment capables de réaliser toutes les missions. La jeune femme aux cheveux sombres comme la nuit s’était bien jouée de lui, mais il y avait des chances, de toute façon, qu’elle meure elle aussi. Du moins, il l’espérait : ces satanés mages sont capables de faire n’importe quoi.
Il courrait en bousculant tout le monde. Les enfants qui chutaient et se foulaient la cheville pleuraient dans son dos, tandis que les villageois se demandaient ce qu’il se passait. Il le savait, ces imbéciles ne l’aiment pas, et sûrement à juste prix : durant les élections, il avait « falsifié » son programme, prétendant à une vie meilleure qui ne s’exécuta jamais. Beaucoup, même, se plaignait qu’elle s’était aggravée. Peu importe, de toute façon, en cet instant, il serait le seul survivant.
Il ne lui restait déjà plus que trois minutes. Ses récentes angoisses l’avaient fortement affaibli, si bien que ses courses s’arrêtaient plusieurs fois pour qu’il reprenne son souffle et que son allure était lente comme celle des enfants de seulement trois années. Son cœur battait à un rythme si rapide qu’il se demandait si, réellement, les bombes auraient le temps de le tuer, ou si son cœur s’arrêterai avant. Ce sport n’ »tait vraiment plus de son âge, la jeune fille allait lui payer… Il priait en son cœur pour qu’elle meure dans les pires souffrances.
Il continuait de courir, jusqu’à ce qu’il chute. Essoufflé, il regardait sa montre difficilement, son état physique lui permettant à peine de remuer le bras. Quelques secondes seulement… Une trentaine à peine. C’en était sûrement terminé de lui. Il avait causé dans de souffrances autour de lui qu’il était sûrement temps qu’il rende des comptes. Et là, comble du malheur. Il vît un boîtier tomber juste devant lui, affichant un compte à rebours auquel il ne restait que vingt secondes. Accompagné d’un léger son qui se répétait au fil des secondes, cette sorte de mélodie qui s’installait pendant que le village était silencieux le fît encore plus paniquer. Levant le regard, il voyait la jeune fille de tout à l’heure penchée sur lui, affichant un sourire à en glacer le sang.
- Adieu, Monsieur le Maire.
Sachant que son compte était bon, il se mit à crier tous les crimes qu’il avait commis et à s’excuser. S’il devait mourir, autant que, grâce au pardon, il puisse échapper à l’enfer. Il s’excusait auprès de tous les villageois qui s’étaient regroupés sur la place pour les souffrances qu’il avait répandu, annonçant au passage tous les méfaits qu’il avait commis et qui avaient été classés comme « sans coupables présumés » grâce à des fraudes et des pots-de-vin. Voyant le compte à rebours, il se tint la tête entre les mains comme pour tenter de se protéger, bien qu’il sache que cela était inutile désormais.
Il serrait les dents, tandis que les sons continuai comme si tout se passait si lentement que cela en devenait insupportable.
Fin du compte à rebours. Pas d’explosion.
Le Maire relève les yeux vers la jeune fille qui affiche un regard moqueur.
- Aussitôt êtes-vous parti que je me suis lancée en quête des bombes. L’homme n’était vraiment pas un professionnel, elles furent faciles à dénicher. Il m’a suffit de couper un fil avec mon sabre, et le tour était joué. Il me paraissait bien trop ennuyeux de terminer cette mission sans que les villageois soient au courant de ce que vous avez fait… Quand au coupable, il est venu directement à moi en assumant totalement ses actes, racontait-elle en terminant par un petit rire. Je vous ai eu…
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La jeune fille, payée par les villageois eux-mêmes, reparti aussi discrètement qu’elle était venue après avoir appelé le conseil pour qu’il vienne chercher des coupables intéressants. Elle avait laissé à disposition des villageois le dossier renfermant tous les méfaits du maire afin qu’il serve comme preuve à leur parole. Les villageois enfermèrent le maire du village pour qu’il ne s’échappe pas, tandis que le « terroriste » profita de ses derniers instants dans la lumière à manger avec les villageois. L’homme, après avoir vu son entreprise de meubles couler à cause du maire mécontent d’une simple chaise qui ne lui avait pas plu, avait perdu sa femme et sa fille. En effet, sa femme fît fuir sa fille de la misère en l’envoyant chez sa sœur à la capitale avant de se suicider dans une scène sanglante. Elle savait que tout était fini, qu’ils allaient mourir de faim et de froid, et surtout qu’elle allait voir les deux êtres qu’elle aimait souffrir d’une telle épreuve. Rejetant la faute sur le maire qui en était réellement la cause, l’homme avait voulu venger sa femme et tous les autres villageois qui avaient vu leurs vies brûlées comme une traînée de poudre. Maintenant qu’il savait que le Maire allait être puni pour ses actes, son âme était un peu soignée, mais qu’il savait qu’il ne reverrait jamais sa femme. Il n’avait pas cherché à aller prendre sa fille chez sa belle-sœur, sachant qu’une telle vie n’était pas faite pour elle. Il allait retrouver un foyer et un travail, et seulement là irait-il reconstruire ses relations avec son enfant…
Les vies ne tiennent qu’à un fil… de bombe. |
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