L’allure militaire du jeune homme attirait de temps à autre l’attention des passants. Cette précision et cette régularité d’horloge, il l’avait acquis dès son plus jeune âge, et ne s’en était pas défait depuis. Quelque soit son accoutrement, on pouvait aisément deviner son passé de soldat.
Rien d’étonnant donc, à le voir au pas de marche pour se rendre à sa première mission officielle.
Devant la tâche qui l’attendait, il était près à donner le meilleur de lui-même, et à tirer le meilleur potentiel de ses troupes.
En arrivant devant la zone cible, il marqua un temps d’arrêt, puis entra d’un pas décidé à l’intérieur. L’arrêt avait été effectué avec une telle justesse qu’on se serait attendu à ce que quelqu’un ait crié « Halte » juste avant, mais il n’en était rien.
Par habitude, il se mit au garde à vous au moment de parler.
«Bonjour. Je viens pour la mission de soutien à la confection de confiserie de type « sucette ». Veuillez m’indiquer qui sera mon supérieur dans cette section. »
Le petit homme derrière son comptoir haussa un sourcil. Habitué à avoir des employés temporaires, on s’était rarement présenté à lui de cette façon.
« Bonjour, je suis Mr Satougashi, et je gère cette boutique. Mais vous n’êtes pas obligé d’être aussi tendu vous savez ? »
« J’attends vos instructions monsieur. »
Malgré la tentative de détendre l’atmosphère et le ton cordial du propriétaire, Cesus restait toujours le torse bombé et le regard légèrement vide comme le pratiquent certains soldats.
« Bien, je vais vous montrer les cuisines… »
Il l’emmena dans la salle où tous les instruments nécessaires à la confection de confiseries étaient présents. Il y avait aussi quelques fiches accrochées au mur, qui devaient être des recettes ou des idées.
Le patron lui expliqua comment gérer toutes les étapes, mais il retint moins de la moitié, faire des sucettes et inventer un parfum, le reste avait peu d’importance. Il n’était pas cuisinier ou ce genre de choses.
Il leva la main devant lui en un geste autoritaire pour interrompre le patron qui se stoppa aussitôt. Cesus prit ensuite une clé en argent qu’il actionna sous le regard ébahi de son hôte.
« Ouvre-toi porte du fourneau ! Sergent Fornax ! »
Un homme bedonnant en habit de chef cuisinier apparut soudainement. Il portait une belle toque blanche et un tablier avec quelques tâches rouges. Il tenait deux couteaux de cuisine qu’il aiguisait en les frottant l’un contre l’autre.
« Mouais, qu’est-ce que c’est ? »
« Sergent, nous allons faire des sucettes. »
Le regard du cuisinier se porta sur les différents instruments présents dans la pièce, comme s’il les examinait, puis il rangea ses couteaux et une lueur joyeuse apparut dans ses yeux.
« Ah ! Comme quand j’étais gamin, que de bons souvenirs. Vous ne serez pas déçus ! »
Encore sous le choc, le propriétaire se frotta les yeux puis sortit de la pièce en leur souhaitant bon courage.
Fornax se mit au travail, et donna quelques directives pour que Cesus soit un minimum utile. La première étape consistait à créer la pâte en dosant bien les ingrédients. Juste de l’eau et du sucre, puis on ajoutait le reste. Le cuisinier surveillait la cuisson ainsi que l’homogénéité du mélange, tandis que son « maitre » se chargeait des tâches plus physiques.
L’odeur doucement sucrée se répandait peu à peu dans les environs, et la fenêtre ouverte attirait régulièrement quelques passants alléchés.
Une fois cette étape achevée, ils durent étaler la pâte en ronds uniformes, car le « chef » ne voulait pas utiliser de moule ; il voulait le faire de manière traditionnelle, tout en ajoutant quelques colorants pour l’esthétique. Il ne restait plus qu’à attendre la cristallisation, puis à reprendre l’opération pour des sucettes d’un autre arôme. Cela laissait un peu de temps pour mettre au point une nouvelle recette, comme l’avait demandé Mr Satougashi.
Pour l’instant, il faisait des essais avec diverses idées plus ou moins saugrenues. Quelque soit l’idée, si le dosage était mauvais on ne pouvait rien en tirer. Il n’eut ppas l’air satisfait au moment d’entamer la deuxième volée de sucettes. Il y avait moins de nouveautés donc il prit vite des automatismes pour les suivantes.
En fin de journée, une quantité de sucettes suffisantes pour quelques semaines. Mr Satougashi vint inspecter la qualité du travail et fut très satisfait de la régularité des sucettes. Impressionné par la quantité, il demanda aussi à gouter le nouveau parfum créé par le maitre…
Avec tous les essais, seulement 3 sucettes avaient été créées à chaque fois pour ne pas gâcher d’ingrédients. Elles avaient une belle couleur de bronze, striées de fins traits blancs.
Un sourire lui pointa aux lèvres quand il fourra la friandise dans sa bouche.
« Hum, je devine de la figue mais ce n’est pas tout… »
« Oui, il faut toujours ajouter de la vanille dans les sucreries, c’est indispensable pour adoucir la base.»
Le cuisinier laissa une feuille avec les nombreuses ratures, qui témoignaient de la démarche créatrice jusqu’à la composition parfaite. Puis il disparut soudainement, comme il était venu ; probablement de retour à d’autres plats mijotés.
Cesus porta sa main au front en signe de salut militaire, puis prit son congé. La mission était terminée.