La neige... Les étendues blanches, s'opposant à la noirceur de mon âme... Les flocons tombant du ciel nuageux, surlignant les ténèbres que mon corps reflète. Les plaines enneigées de Shirotsume apaisent toujours mon esprit, me plongeant dans un calme sans fin...

Je marche, choisissant la voie terrestre à l'aérienne, pour ne pas me geler les ailes. Comme d'habitude, le froid fait office de réchaud à mon cœur glacial, mais ma peau doit se couvrir de plumes pour ne pas geler. Mes pieds s'enfoncent doucement das la poudreuse, faisant craqueler la neige. A certains moments, je me retrouve avec de la poudre blanche jusqu'aux abdominaux, et alors, avancer devient délicat. Je force cependant, entraînant mon esprit à résister. Utiliser la magie dans des circonstances comme celles ci ne servirait qu'à m'épuiser pour rien.

Lorsque j'ai parcouru un bon kilomètres dans le désert blanc, je vois une forme difforme dans la poudreuse. Ma main à la poignée de mon sabre, je m'avance doucement, presque sans un bruit, laissant juste entendre le bruissement de mes chaussures dans la neige. Et je vois un homme. Ou plutôt, un corps, inerte, plongé dans le givre. Un soldat ! Son uniforme trahit son appartenance à la garnison principale de Shirotsume. Des traces de pas se distinguent faiblement à ses côtés, se dirigeant plus au Nord. Je les suis, marchant dans les empreintes. Le chemin ainsi découvert me mène droit, malheureusement à mon repère sensé être perdu dans le froid. Je continue alors sans bruit, retenant mon envie pressante de frapper sur un mur. Ils ont découvert mon lieu de torture ! Mon refuge, où je torturai la femme qui hanta mes pensées, cette fille aux longs cheveux roses qui resta durant une journée attachée à mes machines de souffrances, criant, hurlant sa douleur. Ce lieu, où je me délectai des hurlements de ma victime...

Alors je cours. Je frappe un garde du tranchant de ma lame blanche, le décapitant sur le coup. Puis mes ailes sortent de mon dos. Les plumes la composant s'hérissent, et s’affûtent. J'arrive en vitesse vers deux soldats ennemis, et mes ailes se rabattent sur eux avec violence et force, les plumes transperçant leurs chaires, blessant leurs visages... Je leur tranche la gorge, avant de continuer. J'arpente le long couloir, qui, en l'espace de six ans d'absence n'ont pas changés...

J'arrive ensuite dans la chambre de martyr, et je les revois, ces scènes alléchantes, où la dame aux cheveux roses était attachée, nue, et ensanglantée. Je ne remarque que trop tard la présence d'un haut gradé, semblant, lui, vomir de cette aura de souffrance. Me repérant, il m'envoie ses sbires m'attaquer. Je me prends le premier coup de lance dans le bras, mais attrape celle ci, et tourne sur moi même, pour la lui arracher des mains. Je la jette ensuite à un ennemi, l'empalant contre le mur, puis fait couler mes lames avants de mes bras.

S'en suit une tuerie, où je décime deux dizaines de gardes, avant de m'attaquer à un plus gros morceau. Je me fais rapidement repousser par deux colosses, armées de boucliers immenses, massifs, et formant cette sublime défense.
Un petit groupe d’arbalétriers, caché par les deux brutes aux boucliers, me prend pour cible. Ils visent, et tirent. Je ne peux en esquiver que trois, et les trois autres carreaux d'arbalète s'enfoncent dans mon torse. Je tombe à genoux.

Est-ce la fin ? La fin de la Mort Noire ? Suis je condamné à mourir comme un rat, sans aucune gloire ?
Je regarde le haut de mon corps. Les pics sont enfoncés sous mon épaule droite, au dessus de mon cœur, et près de ma clavicule. Aucun organe vital n'a été touché, je peux me relever. Guidé par mon instinct de survie, mon corps se lève, et je fais face. J'ai été surpris par les tireurs une fois, mais pas deux. Je dois frapper au moment où il s'y attendent le moins...

Alors, je prépare mon sort Menimienai Yoroi. Mes plumes invisibles, sur mon corps, me recouvrent peu à peu, et je m'aperçois alors que la vitesse d'utilisation de mon sort est plus rapide. Devenant invisible au moment même où les deux colosses laissent passer les tirs, je fonds sur les tireurs. Une seconde. J'arrive sur le premier. Deux secondes. Le premier perd sa tête, et je m'attends à redevenir visible, contre coup de mon sort oblige. Trois secondes. Je plante mon sabre dans le dos d'un adversaire, me demandant comment il a pu ne pas me voir. Quatre secondes. Deux arbalétriers se retrouvent la trachée ouverte. Cinq secondes. Un des tireurs voit son cœur s'ouvrir. Six secondes. Le dernier des longues distances s'enfuit. Sept secondes. Je lui plante ma lame dans la nuque, me retourne, et lance une plume en direction du haut gradé. Huit secondes. Ma plume redevient visible, au niveau de son visage, et il a le temps d'admirer la beauté de ma magie, avant de mourir.

Etant réapparu, les colosses m'attaquent. Je les esquive, puis exécute une attaque en croix. Aucun effet. Alors je danse, avec mes cinq lames, attendant de trouver un point faible... Juste un seul... Trouvé ! Leur armure ne protège pas l'arrière du cou. Je réutilise mon sort, mais le premier des colosses attaque. Je deviens invisible, au moment où la lama ennemie atteint mon visage. J'esquive, mais une coupure enlaidit mon magnifique visage. J'essaie de bouger, de me diriger derrière eux, mais le sang de cette coupure les informe de mon emplacement. Alors je m'entaille le bras, et projette de ce liquide rouge vers leurs casques, pour les distraire. Je m'envole derrière eux, et tue le premier, neuf secondes après être devenu invisible. Je redeviens visible, étonné, mais le colosse restant ne me voie pas. Je retombe derrière lui, et utilise mon sort Bakuhatsu Tsume. Ma main droite devient noire, des plumes d'une finesse inégalable la recouvrant. D'autres plumes, plus tranchantes, plus résistantes, poussent sur chacun de mes doigts, comme des griffes, et je les plante dans le cou de mon adversaire. J'y insuffle un peu de magie, et retire ma main, détachant de ce fait les plumes-griffes. Une explosion de souffle se produit, et mon ennemi est éjecté. Je lui fonce dessus, et le tue de mon sabre.

"Je suis la Mort Noire, et vous avez violé mon sanctuaire... Erreur fatale..."

Je déplace les corps sans vie des intrus et m'allonge dans le lit du repère, pensant à la fois où Ohatsu y était, couverte de sang, avec moi...