Arrivé à Crocus, et après avoir soulagé une bande d’escrocs de quelques diamants, il s’était enfui avec son butin. Une des missions qui lui avait été confiées était donc achevée. Peut-être qu’il faudrait vendre les diamants pour obtenir des jewels, mais ils pouvaient de toute façon servir de monnaie d’échange pour la guilde. Mission accomplie donc.

Il avait maintenant une autre mission à accomplir.
Purple Bugloss n’avait pas besoin de base ou de quartier général à proprement parler, puisque ses membres restaient rarement dans un même endroit très longtemps. Cependant, avoir un endroit discret pour se réfugier en cas d’imprévu serait un atout non négligeable. La guilde ciblait donc les points névralgiques du Royaume qu’étaient les villes comme Crocus, Era ou Clover. La première étant la capitale, la seconde le berceau du Conseil et la dernière le lieu de rassemblement des maitres de guildes. Une planque avait d’ailleurs déjà été établie à Clover, et Goubkine venait de commencer à en chercher une à Crocus ou à proximité.

Il se promenait nonchalamment en bordure de la ville. L’accès y était plus rapide quand on venait par la route. Comme ils viendraient plus souvent de cette direction, il était préférable qu’elle se situe dans ces environs, pour ne pas avoir à chercher en centre-ville. En tant que capitale, les nouveaux arrivants étaient frappés par l’agitation qui y régnait. Les notables et les commerçants influents du Royaume y étaient présents. Il y aurait beaucoup à gagner une fois la base établie.

Satisfait de son premier aperçu, le mage se mit à chercher d’éventuelles caches, pour pouvoir passer la nuit. Cave inutilisée par un commerçant, maison ou échoppe désaffectée… le problème était qu’il y avait assez peu d’opportunités de ce genre à cause de l’activité envahissante de la ville. Quand une place se libérait, elle était rapidement comblée.
Alors qu’il commençait à songer à chercher en bordure de la ville, un bâtiment attira son attention. A force de marcher, il était arrivé jusqu’à l’entrée Nord, où se trouvait une sorte de monastère. Les hommes s’y ressemblaient tous par la tenue et parlait peu, certains ayant même fait vœu de silence. Mais ce qui attira son attention fut le l’asymétrie dans l’entretien d’une des 4 tours. Cette dernière était recouverte en grande partie de lierre et d’autres plantes grimpantes, soumises par la nature. Des oiseaux entraient et sortaient par les fenêtres en haut, ce qui était inconcevable pour une bâtisse habitée. Pourquoi ?

Pour en avoir le cœur net, il attendit la nuit et s’infiltra chez les moines. L’habit ne fait pas le moine dit-on, mais il en avait facilement trouvé un à sa taille et se muait remarquablement dans le décor.
Il croisa quelques moines qui passèrent sans même le saluer.
Equipé d’un cierge pour s’éclairer, il se rendit vers cette fameuse tour, au Nord. Elle était donc à l’extrémité même de la ville. Un panneau avait été accroché juste devant le passage vers les escaliers qui montaient en haut de la tour.

« Zone condamnée pour risque d’éboulement. L’ensemble du monastère serait menacé par d’autres effondrements, merci de votre compréhension. L’observatoire astronomique a été déplacé dans la Tour Sud. »

Une deuxième affiche était accroché près du panneau :
« Zone réaménagée en volière sauvage. Animaux dangereux »

Il était prévenu, et en effet, dès l’entrée, un amas de pierres barrait la route de qui voulait passer. Le mage concentra sa puissance magique sur les pierres autour et devant lui, aussi bien celles de l’éboulement que celles soutenant le reste de la tour – il ne voulait pas risquer un autre éboulement – puis il se mit à déplacer quelques pierres pour se faire un passage.
Il le franchit ensuite en évaluant les murs en pierre autour de lui. Ils semblaient usés par une humidité et tenaient encore, mais quelques pierres au plafond menaçaient de se décrocher inopinément.
Il monta les marches une à une et dut soudain s’arrêter. Un bruit avait attiré son attention. Le jugeant encore faible, il poursuivit l’ascension tout en trainant derrière lui quelques roches…

Une cinquantaine de marches plus haut, il savait les bruits très proches.
*Stone arms*
Ses bras se recouvrirent de petites pierres, lui procurant une armure minérale. Il avait posé son cierge plus bas pour que la lumière n’attire pas l’attention puis il jaillit au sommet de la tour. Un fracas de croassements retentit aussitôt et une nuée de formes sombres se jeta sur lui. Son premier réflexe avait été de se protéger le visage, mais il était attaqué de partout et sentait des becs crochus s’en prendre à la chair de son dos et de ses jambes. Son bras gauche encore en protection, il agita fermement le droit. Un peu dans tous les sens, mais il était tellement encerclé qu’il frappait dans le tas sans avoir besoin de précision. La douleur lui donnait aussi de précieuses indications sur la position de l’adversaire, de même que les battements d’ailes. De cette manière, il put se découvrir les yeux et terminer ceux qui ne s’étaient pas enfuit. Quand il examina la salle où il était, tout en haut de la tour, une dizaine de corbeaux assommés ou aux ailes broyées gisaient au sol. Quelques poussiéreux instruments d’astronomie étaient présents ainsi qu’un bureau, mais globalement l’endroit était dominé par les oiseaux. Il n’y avait pas de nids établis, mais la forte présence de plumes et de fientes montraient qu’ils avaient été les maitres depuis un bon moment.

Malgré le peu de lumière qu’octroyait la lune, il les avait vus s’éloigner vers un arbre précis du parc adjacent à cette tour. Trop proche à son goût, un retour était donc à craindre, avec peut-être quelques renforts. Il renversa rapidement une table contre un mur pour bloquer les fenêtres. Deux étaient encore vulnérables, mais de cette façon il ne serait pas pris à revers.

La pièce était assez spacieuse pour que 3 personnes puissent y passer la nuit dans des conditions convenables, à condition de nettoyer en profondeur et d’ajouter des matelas. Mais ce serait à faire plus tard. Pour l’instant des conditions spartiates s’imposaient, le confort était superflu. Il fit un état des objets qui pouvaient servir et utilisa des vieux télescopes pour bloquer les fenêtres restantes. Il ajouta des pierres sur le rebord de la fenêtre. Cela ne protégeait rien mais peut-être que cela les dissuaderait de venir pendant un moment, car il devait s’absenter pour aller chercher de quoi équiper l’endroit.

Il descendit l’escalier en évaluant la stabilité de la tour. Pas de grands risques a priori, sauf en cas de grande tempête. En bas de la tour, il se concentra sur le sol pour créer un trou. Les pierres déplacées allaient du côté de l’entrée pour la boucher et faire croire à un autre éboulement. Cela demandait un certain effort, mais il pouvait prendre son temps pour ne pas perdre beaucoup d’énergie et l’acheva sans beaucoup de problèmes. L’unique entrée fut donc transférée vers un tunnel qui allait dehors. Il avait spécialement repéré par la fenêtre un buisson épais qui dissimulerait la sortie. Il se dirigea ensuite vers quelques commerces pour acheter l’aménagement. Principalement des barreaux pour les fenêtres, et des sacs pour faire de la place en jetant les objets inutiles.

Ne voulant pas attendre le matin que les commerces ouvrent, il s’introduisit chez un ferrailleur en détruisant la porte de derrière. Il faisait attention à être discret, mais les corbeaux l’avaient passablement énervé, aussi il ne tenterait aucune sortie diplomatique en cas de rencontre, et tuerait directement l’importun.
Aucune rencontre heureusement, et il trouva tout ce dont il avait besoin. Ses déplacements étaient désormais un peu bruyant à cause des chocs, mais il se déplaçait vite et dans l’ombre.

Une fois arrivé à la tour par le passage secret, il vit que les corbeaux avaient à nouveau investi la salle en cassant un des rares carreaux en état qu’il n’avait pas protégé. Dès qu’ils le virent, ils battirent en retraite, il faut dire qu’il s’était préparé au même accueil que la première fois. Ces corbeaux n’étaient donc pas stupides…
Par contre il remarqua que les corps des volatiles morts pendant l’affrontement avaient été déchiquetés avec une fougue sans pareille, du pur cannibalisme. Un peu amusé, il installa les barreaux métalliques sur chaque fenêtre pour condamner l’accès. Il laissa une seule fenêtre libre, et fixa un barreau à l’extérieur sur lequel il laissa pendre les corps des corbeaux, certains dégoulinant de sang. Posé sur la rambarde, on ne pouvait le discerner de l’extérieur.
Si pour les quelques passants, le bâtiment pouvait conserver son apparence de volière sur le point de s’écrouler, ils ne seraient pas dérangés.
Il passa le reste de la nuit à nettoyer ce qui pouvait l’être. L’odeur resterait pendant un moment malheureusement. Quand le soleil se leva, il s’endormit à même le sol, en pierres très inconfortables, mais le matelas viendrait plus tard. Un bout de table protégeait la seule fenêtre vulnérable, ainsi il ne craignait pas de mauvaise surprise pendant son sommeil, et il pourrait accéder à la « mangeoire » en déplaçant la protection.
Exténué, il ne sentit même pas la dureté du sol et se laissa emporter par le sommeil.

Le corps endoloris pas ce repos inconfortable, il se leva peu après midi et alla vérifier si les corbeaux avaient pris leur repas. Les os rongés le satisfirent. Par contre il faudrait veiller à l’approvisionner de temps en temps pour que ces animaux voraces n’aillent pas voir ailleurs.
Finalement c’était un moyen pratique pour faire disparaître un corps…

Il nota l’adresse exacte ainsi que le moyen d’accéder à la planque, puis il repartit vers une destination secrète…