| Sujet: dis moi quel est le crime, dis moi quelle en est la cible — tisiphone Mer 2 Sep - 14:04 | |
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Abigail Phoibos
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Abigail marchait pour se perdre ; à chaque pas ses pensées se désordonnaient dans sa tête, comme si elles étaient happées par un trou noir douloureux. Il y avait pleins de papiers froissées dans son crâne, c'est ce qui arrivait souvent aux orphelins. Ce sentiment de se sentir mort parmi les vivants.
Elle avait quitté la guilde pour répandre le chaos qui menaçait de lui faire exploser les côtes tant la douleur qui l'habitait était inexplicable. La tristesse avait érigée son temple proche entre ses deux poumons, voisine avec la culpabilité qui était bien occupée à ronger chaque parties de son cœur déjà éteint. La vulnérabilité, elle, approchait sa lame près de son cou pour lui assener le coup fatal et la faire tomber à genoux.
Son poing se serra imperceptiblement sur le bouquet qu'elle portait entre ses phalanges comme pour se raccrocher à quelque chose, à une ancre qui est encore attachée à la réalité – s'empêcher de sombrer. Abigail ressemblait à un radeau, égarée dans la mer, qu'on ne retrouvera jamais – échouée, assommée par les tourments des tempêtes, avalée par les vagues. Sûrement pas la dernière. Mais le pire dans tout ça, c'est qu'elle était belle, comme si le malheur avait gravé une beauté froide, prête à se rompre. On attendait qu'une seule chose : qu'elle chute, Abigail, qu'elle se fasse déchirer par une dernière vague et qu'elle y succombe. Je n'attend que ça, Abigail. J'ai toujours été patiente, Abigail. Mais bientôt, tu y passeras aussi mon oiseau. Trop de choses se passent pour que tu puisses y rester insensible, ma douce, laisse-toi donc aller à moi. Je suis la vengeance et je te ferais goûter à ceux que tu voulais décider d'échapper. Mais je le sens tu sais, comme ça bouillonne en toi, je n'ai qu'à ouvrir les vannes. Viens donc te délecter, je suis juste derrière toi.
Le portail noir du sommeil des morts s'ouvrent face à elle, elle aimerait y trouver le repos aussi, d'une certaine manière. Elle passa comme un fantôme près de la tombe de Diego et y déposa un bouquet de fleur – puis elle continua sa route, elle n'arrivait pas à parler, sa bouche restait scellée comme figée dans son propre espace temps. Ses phalanges pâlirent à vue d’œil lorsqu'elle aperçut les lettres de son prénom écrasée contre le gris de la pierre. Sa mâchoire se serra, son poing tremblèrent et les roses blanches furent déposées.
Je ne peux pas l'accepter.
Alors qu'elle redressait ses yeux qui jetait de la douleur un peu partout, elle la reconnut tout de suite débout près d'elle. Sa chevelure de coquelicot, ses yeux acajous – elle attendait depuis bien trop longtemps. Tisiphone s'était réveillée à sa demande.
Les crimes ne restent jamais impunies, Abigail. Tu sais ce qu'il suffit de dire. Je ne veux pas que vous vous attaquiez à Scarlet, elle n'a pas eu le choix. Ils ne lui ont pas laissés le choix. Je veux que Légion paye.
Tisiphone hocha la tête.
Je veux les faire tomber un à un, comme ils nous ont fait tomber.
Elle s'avança vers la déesse comme si elle s'apprêtait à signer un pacte.
Je veux que vous prouviez que les Erinyes ne laissent jamais les crimes impunies, je veux que vous les tourmentiez jusqu'à ce qu'ils en meurent de culpabilité. Je ne m'arrêterai pas tant que ça ne sera pas fait.
La douleur résonne en écho à la vengeance. La vengeance en appelle à la haine. Et lentement, Abigail s'enlise dans un linceul de guerre.
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