Un petit café déserté dans la capitale du Royaume presque vidée de toute présence. Une simple enseigne à un croisement de rues. La porte était encore ouverte. A l'intérieur, quelques chaises et tables renversées, mais le reste est encore en bon état. Contre la vitrine, des banquettes vous attendent. Le bar, accessible, vous offre tout un panel de possibilités pour vous désaltérer. Le temps de cette pause; le temps d'une conversation trop longtemps repoussée. Vous vous faites face. Calmes et détendues à l'aube de l'apocalypse.
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Ordre de réponse : Misto - Lydia [PNJ]
Sujet: Re: 11H30 - Tea Time Mer 12 Aoû - 13:19
Misto
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Titre : La folle aux oiseaux Crédit : Katarina de LoL by Chenbo, yy6242 et unknown. Vava par Damaz et Yuuki ♥ Feuille de personnage Maîtrise Magique: (26900/35000) Mérite: (1238/1400)
Run, Run Tea Time, run...
PV Lydia
Il était vide, ce café. Vide et immobilisé dans une panique qui en avait renversé les chaises et jetés les tables par terre. Le verre brisé ornait le sol comme un tapis brillant, que ce soit devant et derrière le bar. La guerre de dehors avait fissuré les murs et fait valser les bouteilles, laissant des contours de corps humain et des relents d’hémoglobine jusque dans les moulures « bon chic bon genre ». Le barman n’est plus là, et les clients non plus, pourtant, Misto sent leur présence et leur habitude. Ceux qui s’accoudaient aux bars ont laissé l’empreinte indélébile de leur postérieur dans la mousse des tabourets et la poussière n’a pas été faite depuis longtemps sur certains alcools qui décore les étagères aux néons magiques brisés. La mage quitte la Wyvern, cessant son observation des lieux. Il n’y a personne, et c’est très bien ainsi. La rousse saute au bas de son compagnon et tend la main à son invitée. Sans un mot, elle s’efface derrière elle alors qu’elle s’engouffre dans le petit établissement dont le temps semble s’être immobilisé.
« Tu es plutôt thé, ou café ? »
La jeune femme s’avance à sa suite, jusqu’à disparaitre derrière le bar. Ses mains farfouillent à la recherche de tasses et de sachets, comme son esprit fouille dans les possibilités. Elle a renoncé à attaquer la mage d’Ajatar. Non pas par crainte d’y passer mais parce qu’elles n’en n’ont plus le temps. A quoi bon, vraiment, se crêper le chignon alors quand on ne dispose en tout et pour tout, que d’une mince poignée de minutes. Ce qu’elle cherche, en cet instant, ce sont les questions qu’elle va poser. Sa chevelure rousse réapparait, suivie de près par les deux seules survivantes parmi la porcelaine. Le regard des deux femmes se croise et l’Aigle trouble enfin le silence.
« Il y a six ans, des mages se sont volatilisés de Fiore sur votre œuvre. Quand ils se sont réveillés, ils étaient reliés à une machine qui prélevait leur magie en continue. Pourquoi ? »
Sa voix, calme, résonne d’une certaine curiosité. Elle n’a pas oublié les craintes de Salomé, ni les doutes d’Arkhana. Elle n’oublie pas non plus cette volonté farouche de rappeler à tous qu’un Aigle n’est pas une proie pour quiconque. La vérité, c’est qu’elle ne comprend pas vraiment Ajatar. Que personne, ne les comprend. Leur façon de faire semble hasardeuse, au service d’un but inconnu pour eux tous et qui pourrait en réalité être la clé de tout ce qui arrive jusqu’à présent. La bouilloire se met en route dans un sifflement et Misto disparait à nouveau derrière le comptoir en écrasant les débris de verre. La boite à thé lui échappe encore quelques minutes avant qu’elle ne finisse par la trouver et l’ouvrir devant la blonde. Trois rangée, soignées avec un perfectionnisme presque flippant, leur laisse le choix entre une infusion au nom obscur et du thé vert aux parfums variables.
« Lydia, je ne compte pas engager de combat avec toi. On n’a plus le temps pour ça et pour être franche, je doute que tenter de prouver qui est la plus puissante servent à quoi que ce soit. Je veux juste des réponses. Sur Ajatar, sur vos agissements et sur cette foutue bombe. » La voix de Misto se suspend alors qu’elle saisit le récipient derrière elle et commence à les servir. « Je veux savoir si j'ai eu raison ou tort de venir à Crocus, c’est tout. »
Lydia se laisserait bien tenter par un thé. Alors elle sourit, hoche la tête, et murmure quelques mots : « pourquoi pas un thé ? ». Elle hésite quelques secondes à attraper la main de la jeune femme rousse, regardant les traits, les quelques plis, qu’il y a sur la paume qui se présente à elle. Ce dont elle a peur, c’est d’attraper cette peau qu’elle reconnait douce au toucher, puis de se faire avoir, et disparaître sans pouvoir riposter. Mais bizarrement pour elle, elle semble prendre confiance. Alors elle s’accroche et tout en sautant de la créature elle fait attention à tomber sur la pointe de ses pieds pour ne pas briser ses talons. Sa robe s’était rudement accrochée à la créature. Lorsqu’elle se soulève car la jeune femme est à terre et un pli accroché là-haut, elle devient rouge de honte. Elle s’énerve rapidement et décroche le tissu aussi vite que possible, pour ne pas afficher ses jambes plus longtemps. Lydia regarde Misto dans les yeux, ne sait pas quoi dire, et avale sa salive, peureuse du ridicule qu’elle venait de vivre. Parce que Lydia est une jeune femme distinguée, elle fait tout doucement, pour ne pas gaffer, pour qu’elle n’ait pas honte du regard des autres. Elle lève le menton, on le voit dans ses traits, dans ses clignements de paupière : elle passe devant Misto, baisse ses gardes en essayant de reprendre la face, et ouvre la porte du salon. Parce qu’elle sait que Misto veut lui parler. Et sans doute car Lydia est prête à lui offrir quelques réponses.
« Il y a six ans, des mages se sont volatilisés de Fiore sur votre œuvre. Quand ils se sont réveillés, ils étaient reliés à une machine qui prélevait leur magie en continue. Pourquoi ? » Tout ici est poussiéreux. Les combats de l’extérieur, les pas lourds de la foule lors de l’évacuation : tout semble avoir aidé à amener le sable à l’intérieur des bâtiments. Lydia est dérangée ; alors que la maîtresse de guilde lui pose une question, elle est embêtée. Pas parce qu’elle ne veut pas répondre mais parce qu’elle aimerait s’asseoir et que tout est poussiéreux. Elle est debout, les jambes droites depuis qu’elle a compris qu’elle ne s’assiérait pas sur ces choses ridiculement sales. Les portes du bâtiment s’ouvrent violement et le vent s’engouffre dans la pièce. Toutes les particules de poussière, le sable, le verre brisé, tout s’élève et sort par les fenêtres, la porte, les embouchures plus ou moins grandes. La jeune fille est fière de son action ; tout est brillant il n’y a plus de moisissure. Elle met ses cheveux derrière son épaule et ses mains derrière ses cuisses afin de s’asseoir sans plier sa robe. « Les corps n’étaient pas reliés à des machines. Ils étaient couchés et tout se faisait sous connexion magique. Je dois bien t’avouer que c’était inhumain. Mais je ne vois pas comment nous aurions pu faire autrement. » Elle laisse un temps de réflexion. Enfin, elle reprend son souffle et continue. « Une bulle entourait le château de Merculius. Elle permettait d’endormir les mages qui se trouvaient à l’intérieur et d’aspirer l’aethernano qu’ils aspiraient de l’air naturellement. Pour faire simple : ils étaient des réservoirs que l’on puisait. ». A chaque phrase elle se rend compte de l’horreur de ses mots. Coudes posés sur la table, mains jointes, jouant avec ses doigts et sa bague d’or, elle continue. « La bulle a été partiellement levée par un homme qui… » Elle s’arrête en coupant sa phrase et refuse d’en dire la suite depuis qu’elle a appris l’existence de cette personne. « Ajatar Virke a en sa possession six ans de magie accumulée par plus d’une trentaine de corps de mages plus ou moins puissants l’un de l’autre. Misto, tu verras dans moins d’une heure ce que nous pouvons en faire. ».
A la fin de sa tirade elle lève la tête : sa collaboratrice pose une boîte de bois sur la table. Lorsqu’elle l’ouvre, pour Lydia, il s’agit presque d’un trésor ; des sachets de thé à la pelle, des verres, des marrons, des noirs avec un jaune vif dessus. Ses yeux brillent et on peut sentir la petite enfant en elle qui ouvre un coffre plein de bijoux appartenant à sa mère. Elle en prend un sur la droite qu’elle connait bien et le pose dans une tasse vide.
« Lydia, je ne compte pas engager de combat avec toi. On n’a plus le temps pour ça et pour être franche, je doute que tenter de prouver qui est la plus puissante servent à quoi que ce soit. Je veux juste des réponses. Sur Ajatar, sur vos agissements et sur cette foutue bombe. » D’un récipient sort de l’eau froide. La paume de Lydia se pose à quelques centimètres des tasses. Un mouvement de ses doigts et les buveuses de thé sentent la chaleur émaner de l’eau. La blonde attrape son sachet et le tourne dans l’eau, regardant le filtre laisser échapper une couleur orange. Elle esquisse un sourire. Elle sait que Misto est plus puissante qu’elle pour un combat. En revanche, elle sait aussi que la rousse devra beaucoup donner pour la toucher. Encore plus pour l’empêcher de bouger. « Je veux savoir si j'ai eu raison ou tort de venir à Crocus, c’est tout. » La tête de Lydia se relève et elle regarde Misto dans les yeux. Ses yeux se plissent d’incompréhension et son sourcil se lève d’insolence alors qu’elle étire son sachet de thé et le lance derrière son épaule, finissant à la poubelle sur un lancer parfait. « Cette foutue bombe ? ». Elle répète encore plus fort : « Cette foutue bombe ? » en insistant gravement sur le premier mot. Elle esquisse de nouveau un sourire osé pour Misto. Elle pointe sa nouvelle amie avec une petite cuillère à café. « Je vais te dire quelque chose Misto : tu ne serais pas venu à Crocus nous ne nous serions pas rencontrées. Et je pense être la seule qui aurait accepté de converser avec toi. ». Elle attend une seconde, puis deux, et répète : « la seule ». Et plonge sa cuillère dans sa tasse, et ajouter un sucre.
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Run, Run Tea Time, run...
PV Lydia
« Une bombe à la fois, Lydia. J’ai beau avoir neuf âmes, je reste humaine. » Les yeux de Misto suivent le mouvement lent de la cuillère et le sucre qui se dissout dans la tasse. Elle y reste fixée encore un instant, profitant du silence total des lieux avant de se plonger dans le regard glacé de son interlocutrice. « Tu écartes donc la possibilité que le Conseil s’en prenne à vous sans raison. Je note. Et tu n’es pas la seule non. Mais sans doute bien l’unique qui ne me demande pas de faire usage de la force pour simplement parler. » La rousse choisit un sachet au hasard dans la boite et la referme. Elle note avec amusement que le chaos de la pièce est maintenant presque surnaturel, compte tenu de la propreté presque maniaque qui y règne. La mage avec qui elle discute est donc à ce point dérangée par le nuisible ? Une lueur pétille dans ses yeux alors qu’elle pense à la situation près de Runi, à l’autre bout de la ville. Crocus n’en manque pas et la jolie demoiselle risque fort d’être de mauvais poil bientôt.
« Six ans à traiter les mages comme des pouliches à l’abattoir… Voilà pourquoi mes aiglons en sont plus que traumatisés. Mais ce que je veux savoir, moi, c’est pourquoi. Pourquoi réunir autant d’énergie pour disséminer après le tout dans des bombes aux quatre coins de Fiore. Je ne suis pas sotte, vous vous moquez des villes, sinon tu n’aurais pas réagis à l’apparition de Légion. L’objectif est donc ailleurs. Je me trompe ? » Le silence revient, alors que Misto hume doucement l’odeur fruité de l’infusion avant de la laisser tomber dans sa tasse, satisfaite. « Quatre villes, trois bombes. Là s’arrête mes informations et commence le mystère. »
L’Impératrice se tait et soutient le regard de Lydia sans ciller. Tout ce qu’elle sait, c’est du volé. Elle n’est pas obligée d’en révéler la source, mais elle sait que tôt ou tard, la jeune femme mettra la main dessus. Pour le moment, elle se plait à faire planer le doute, remuant son sachet du bout de la cuillère en attendant la réaction de la mage. Elle sait qu’elle joue à un jeu dangereux, un jeu qui pourrait bien lui exploser dans les doigts à la moindre fausse note. Pourtant, elle n’a pas l’impression que Lydia soit comme ça. Volcanique, oui. Elle n’a pas d’incertitude. Mais adepte des mouvements inutiles ? Non. Certainement pas.
« Pourquoi un leurre et quelle est la vraie cible ? » Le sachet atterrit dans la coupelle, aussitôt rejoint par la cuillère. « Quel est vraiment le but de tout ça, au final ? On ne me fera pas croire que c’est de la destruction pour de la destruction. Il y a une raison. Un lien universel entre chacun des membres d’Ajatar pour vous pousser à faire ça. » Nouveau silence. Seule la voix de Lydia reprend l’ascendant, son âme vibrant un peu plus à chaque mot, sous la force de la conviction. « De longues minutes et pourtant si courtes, lorsqu’on s’apprête à boire le thé en terrain neutre. Combien de temps avons-nous réellement, avant que ce ne soit le chaos ? » Misto écoute patiemment Lydia puis entoure sa tasse avec ses mains, comme pour se rassurer par cette présence chaude et perpétuelle. Le maigre réconfort qu’elle tire de cette sensation lui met du baume sur le cœur, comme la soudaine apparition d’Henning autour de son cou. L’écureuil blanc s’enroule et joue doucement avec la clochette qui orne son poitrail.
« Qu’est-ce que tu fais à Ajatar Virke, Lydia ? Je suis sûre que des dizaines de guildes se battraient pour t’avoir dans leur rang alors pourquoi Ajatar ? Qu’ont-ils que les autres ne peuvent pas t’offrir ? »
« Qu’est-ce que tu fais à Ajatar Virke, Lydia ? Je suis sûre que des dizaines de guildes se battraient pour t’avoir dans leur rang alors pourquoi Ajatar ? Qu’ont-ils que les autres ne peuvent pas t’offrir ? » Lydia remue son thé à l’aide de sa cuillère. Elle regarde la nappe de mousse blanche se former doucement et créer des petites spirales au-dessus du liquide. Elle ne sait pas par où commencer pour répondre à cette dernière question dérangeante. Ni si elle doit réellement y répondre. Elle se demande si les autres guildes se battraient réellement pour la compter parmi leur rang. Pourquoi feraient-elles ça ? Lydia fait-elle vraiment partie de ces personnes trop puissantes pour rester indifférent aux choix qu’elle décide de prendre par rapport aux affiliations ? Elle réagit par un intérêt dans ses yeux. La jeune rousse venait de la flatter – enfin c’est ce qu’elle pense – et elle en est ravie. Elle ne sait pas si c’est vrai, mais au fond d’elle, elle est touchée. Alors avant de regarder Misto dans les yeux elle baisse de nouveau la tête quelques secondes pour réfléchir. L’échange de regard dévie lorsque Lydia, dérangé, cligne des yeux sur le côté. Elle ne sait pas quoi répondre. « J’ai vingt-trois ans. J’ai intégré Ajatar Virke il y a bientôt huit ans. Compte. » Lydia attend quelques secondes pour que Misto puisse réfléchir. « Les Haut-Membres d’Ajatar Vike m’ont accepté alors que je n’avais personne et que j’étais jeune. Tous ont une histoire. Certains demandent vengeances, d’autres veulent juste que ça ne se reproduise pas pour les autres. Notre objectif est sûr. »
Lydia apporte la tasse à sa bouche. « Dans dix-neuf minutes une bombe explosera à Rhynal et Hajurion. Couplée à celle de Crocus. » Elle se lève et décroche une carte du pays au mur qu’elle pose sur la table avec un crayon. « Je te laisse faire un dessin, tu as le temps. ». Elle s’assoit de nouveau et porte la tasse à ses lèvres. Au même moment, les bruissements dans l’air lui apportent des nouvelles. Ses paupières s’ouvrent machinalement de stupeur. Au même moment une table se brise derrière sa voisine. En colère, elle fait naître une lame de diamant à la place de sa main. La pointe se couche sur le cou de Misto. Elle la regarde. Elle ne voulait pas que les événements se déroulent comme cela, ça se voit dans ses yeux. « Rappelle ton esprit ou ils y passent tous. Fais-moi confiance. Tu ne voudrais pas que cette bombe sorte de l’enceinte de ce clocher. Encore plus si Ash y est encore ? Je ne cherche pas à être ton ennemi, alors pourquoi essais-tu de te mettre à dos ta seule chance de tout savoir ? ». La Lydia qui se trouve avec la bombe venait d’envoyer un message à la Lydia qui se trouve dans le salon de thé. Et cette Lydia est énervée ; se sentant trahie elle veut des réponses.
Titre : La folle aux oiseaux Crédit : Katarina de LoL by Chenbo, yy6242 et unknown. Vava par Damaz et Yuuki ♥ Feuille de personnage Maîtrise Magique: (26900/35000) Mérite: (1238/1400)
Run, Run Tea Time, run...
PV Lydia
« Tu me fais confiance ? Alors apprend Lydia. Apprends et comprends que dans cette situation, je ne suis rien de plus qu’un pauvre sac de magie central pour des morts qui viennent expier les échecs d’une vie passée. » Misto se lève. Elle dédaigne la soudaine douleur de la pointe en cristal dans son cou mais ne peut s’empêcher de ciller. Son goût pour le théâtre pourrait bien lui couter cher, dans les instants à venir. Elle perçoit l’impatience de la blonde. Si l’ambiance avait été plus détendue, elle se serait permis un sourire, peut-être même un rire. Juste pour apaiser l’air et chasser le mauvais sort qui plane autour d’elles. « Runi n’est pas un esprit, c’est une âme. Une âme humaine qui a eu son histoire et qui m’est liée de manière informelle. Notre contrat est simple et il nous rend égaux. Ils prêtent serment, volontairement, et une fois mort, il accepte de prêter leur aide à l’un des miens s’il trouve leur chanson. Cependant, même si parfois, ça m’arrangerait, je n’ai aucune ascendance sur eux. » Le silence s’installe et Henning se met à sourire de toutes ses dents à la jeune femme alors que son visage traduit ses sentiments à l’Aigle. « Je n’ai aucun pouvoir sur son existence, aucun droit de véto sur ses décisions. S’il veut déplacer cette bombe et sauter avec, alors soit. Je lui ai demandé d’aller voir et d’intervenir si c’était dans ses cordes, le temps que je comprenne ce qu’il se passe. Maintenant que je le sais, que nous sommes neufs à savoir, il refuse de devenir un ordre d’évacuation vivant alors qu’il a la possibilité de changer les choses. C’est son choix et tout ce que je peux faire pour prouver ma désapprobation, c’est limité son accès à mes réserves magiques et espérer. »
La main de Misto repousse la pointe en diamant et saisit sa tasse. L’espace d’un instant, elle se sent lasse. Lasse du chaos et de l’hystérique marche à la montre de cette folle journée à Crocus. Elle trouve acceptable la colère de son invité, comprend presque ce que les membres d’Ajatar ressentent depuis des années. Si elle parait relativiser avec une telle rapidité, c’est parce que Runolf murmure fort, depuis que Lydia a commencé à parler. C’est parce que le vieux loup, dans son horrible habitude d’utiliser les mots justes, a fait mouche. Si Misto n’avait pas trouvé Eagle’s Claw par hasard, elle aurait pu être avec Lydia, assise dans un bar à admirer l’explosion prochaine d’une bombe de magie pure volée et auréolée d’un mystique sens de la justice que cherche tous ces gens. Les arabesques vertes, qui avaient reflué au fur et à mesure de leur discussion, reprennent leur effroyable danse sur la peau de l’Impératrice.
« Tu veux une preuve de ma bonne foi ? Tu veux comprendre, alors je t’en offre les clés. Tu veux t’infiltrer dans ma tête alors va, entre au véritable sens du terme. Alors regarde Henning dans les yeux, sans lutter. Tu auras tout le loisir d’insulter Runi en tête à tête et de découvrir ce qui t’intéresse. »
L’écureuil s’étire avant de sauter sur le comptoir. Il penche la tête d’un côté, puis de l’autre face à Lydia, avant de se retourner vers Misto. Il ne réussit pas à croiser son regard, mais il perçoit bien vite la foule de sentiments contradictoires qu’elle éprouve. Sa vie la hante. Ses choix la hantent. Bien plus, elle tremble en voyant ce qu’elle aurait pu être au lieu de ce qu’elle est. Si elle avait été seule, elle aurait sans doute pleuré de penser qu’elle est à deux doigts d’appartenir à Ajatar Virke. Pleuré aussi de ne pas avoir su trouver Lydia et les autres, pleuré de ne pas avoir pu leur tendre la main avant le chaos. L’ironie veut qu’elle en rie. L’ironie veut qu’elle fasse remarquer à Lydia qu’Ajatar et Eagle’s sont des contraires et des semblables dans leur façon de faire. L’ironie la pousse sans doute aussi à mettre de côté la situation, à oublier ses priorités pour plonger ses yeux dans l’eau rendue rouge sang par l’infusion. Pour plonger les yeux dans le reflet trouble de son visage et murmurer.
« Le plus drôle, dans tout ça, c’est que je suis comme toi, Lydia. Qu’on a sans doute connu des destins similaires mais différents et que nos vies nous ont conduits à nous trouver dans des coins opposés de la balance. Et cette seule grande différence, c’est une guilde que nous avons rejointes, il y a huit ans de ça. »
*
Lorsque le lien s’établit entre les deux jeunes femmes, tant soit peu que Lydia accepte de se plonger dans l’abîme fauve des iris d’Henning, les sensations de Misto déferlent. Bien qu’accompagnée de celles des loups, les mots courent dans leurs liens et s’unissent à des odeurs, des frissons et des souvenirs cachés. Les âmes s’écartent et se taisent presque, alors que la mage d’Ajatar trie ses nouvelles données. Les voix explosent bientôt dans son esprit, d’abord cacophonie puis tendre discussion où tous les noms d’oiseaux volent comme des crapauds après une fâcheuse rencontre avec la pelle à neige qui traîne dans le garage.
Si on m’avait dit un jour qu’on me traiterait d’esprit, je crois que j’aurais fait flamber mon contrat. C’est scandaleux. Osulf. Pitié. Si tu savais à quel point on se fout de ce genre de détail. Elle nous a traités d’esprit. D’ES-PRIT. Tu sais ce que ça veut dire non ? Hum, je dois dire que... Relaxe, vieille peau. C’est pas parce que t’es pas sortie de ton réceptacle depuis presque trois millénaire que tu vas en vouloir à tout le monde parce qu’on a une magie oubliée. Et franchement, on s’en tamponne l’oreille avec une babouche. On a mieux à faire. N’est-ce pas, Lydia ? Pfeuh. Tout ça parce que vous êtes affolés par une paire de nichon et une jolie tête blonde. Elle a l’âge d’être votre fille, voire même votre arrière-petite-fille. Vous êtes ré-vol-tant. Bon, maintenant que la police des mœurs nous a fait sa dramaqueen, pourrais-tu, s’il te plait demoiselle, cesser d’écarquiller les yeux ? Ou de soupirer, je sais pas trop. Avant que tu ne poses la question, oui. C’est comme ça depuis qu'elle est née, même si l'on étaient moins nombreux, au début. Et ça ne s’est pas arrangé, avec les années. S’ils te donnent l’impression de ne pas écouter, moque-t’en. Ce n’est rien de plus que de l’esbroufe parce que ça les vexe, d’être en lien direct avec quelqu’un qu’ils n’ont pas invité d'eux-mêmes.
Et c’est, là où tout est pure pensée, que le dialogue s’engagera ou non. Mais Lydia ne sera sans doute pas la première à penser que l'esprit de Misto ressemble à Bagdad, un soir de Bar Mitzva.
La blonde plonge son regard dans celui de l’écureuil, hésitante, se demandant si la vérité sort bien de la bouche de cette femme, si au moment de plonger son regard dans celui de l’animal, elle n’allait pas tomber inconsciente et qu’elle ne pourrait pas sortir d’ici le moment venu. Puis elle se rappelle de ce qu’elle est, et se fiche de la prochaine situation. Lydia tombe nez à nez avec l’esprit de plusieurs êtres. Le tout l’invite à se planter les ongles dans les yeux ou les oreilles pour ne plus entendre toutes ces voix. En se concentrant, elle se joint à la conversation.
Lydia se demande quels sont les noms de ces êtres et la réponse lui vient. Elle trouve Osulf stupide et l’assimile à une mégère fanatique de la propreté et de la stratification. Elle rit aux propos d’Asulf qu’elle semble apprécier. Elle sourit à Henning tout en se disant que finalement, les magies oubliées sont toutes différentes les unes des autres. Elle commence à pouffer lorsqu’elle entend Runolf, tout en essayant de garder le peu de sérieux qu’elle possède encore. Un regard complice à Ranulf, et le final entre le retour d’Osulf et de Runolf l’a fait rire à cœur ouvert. Elle se cache la bouche à l’aide de sa main droite, se tenant les côtes avec la gauche. Lydia n’avait pas ri comme ça depuis longtemps, ça la rendait heureuse.
Elle prend finalement confiance avec les paroles de Runi et Misto. Ce Runi qui est au clocher, avec l’autre Lydia, dans une conversation bien plus houleuse. Lydia cherche dans l’histoire de la femme, les petits événements, les grands, les plus insensés. Elle pose des questions et en a la réponse. « Pourquoi Eagle’s Claw ? Qui sont ces êtres ? Pourquoi ne pas m’attaquer ? ». Elle semble touchée. Non pas par l’histoire, mais par le geste que venait de faire sa collaboratrice de thé. Lydia sait qu’il est possible à Misto de cacher des informations plus importantes, plus confidentielles. Mais même sous le doute, elle semble être en confiance avec la femme. La jeune blonde est peut-être d’Ajatar Virke, mais rien ne lui empêche d’avoir des relations comme les autres femmes. De faire confiance, d’aimer, d’avoir des amies. Elle ne pense pas à ça venant de MIsto. Elle se dit seulement que pour une fois, elle ne parle pas à quelqu’un qu’elle doit absolument exacerber. Elle allait poser une dernière question, elle commence « connais-tu… » mais s’essouffle. « Je vais te rendre la pareille, te montrer pourquoi je suis à Ajatar Virke. »
Pendant qu’elle partage ses pensées elle voit son enfance. Une petite fille courant autour d’un jeune homme connu de la rousse, s’amusant, s’éclaboussant dans l’eau tournant autour de la plaine. Une pierre descendue des cieux, nichée entre les deux poumons du petit qui fait voltiger de l’eau, celui qui fait sourire la jeune fille blonde, qui peut à peine courir sans tomber, de par son jeune âge. « Encore ! ». Puis elle répète : « Encore ! ». Elle rit, elle semble heureuse. Plus tard un village en ruines, des flammes partout, des hommes à terre baignés dans le sang et des femmes pleurant, hurlant à leurs enfants de fuir, de courir, et pendant qu’ils partaient en direction de la forêt, des hommes, massues à la main, cognant directement le crâne. Le son du bruit de l’os à terre et de l’hémoglobine qui gicle. Du haut de ses dix ans à peine elle était témoin de cette scène. Elle vomit par terre. Une vieille femme, soixante ans peut-être, qui crie son nom. « Lydia ! Cache-toi ! ». Il était trop tard, elles étaient vues. Alors la vieille femme pousse la gamine à terre et se couche sur elle, proche d’autres cadavres. Un homme arrive et la torture. Dans la douleur elle est restée vivante plusieurs minutes, plusieurs heures. Elle chante une mélodie a gamine qui est couchée sous elle, en pleure, elle murmure pour qu’elle se calme. Lorsque les flammes ne détruisent plus rien, lorsqu’il n’y a plus personne. La vieille femme se pousse avec faiblesse. Lydia lui chante une comptine, en pleure, parce qu’elle sait que sa sauveuse ne vivra pas très longtemps. Elle reste avec elle encore deux ou trois heures après le lever du soleil. Et quand la grand-mère se lève difficilement pour embrasser sa petite fille sur le front, elle s’endort. Elle n’est pas morte, mais elle s’endort. « Lydia, Lydia viens vers moi, tu ne peux pas vivre seule, viens vers moi. » La jeune fille ne sait pas d’où vient la voix. Et peu intelligente par son enfance, elle laisse sa sauveuse à terre pendant qu’elle dort dans l’agonie, et se rend jusqu’à un minuscule temple de bois en ruine, au milieu de tout – ou plutôt de rien maintenant. Elle enfonce ses petits doigts dans la boue et creuse. Lorsqu’elle finit par toucher une pierre rouge qui s’illumine, elle pleure de toutes ses tripes alors que la chose s’enfonce dans sa poitrine de jeune fille. Il lui faut une heure, peut-être moins, pour se réveiller. Les souvenirs continuent à défiler. On voit Lydia plus grande, avec cette vieille femme, des années plus tard, encore vivante, encore plus gâteuse. On ne sait pas comment, et les souvenirs défilent. Puis on voit Zadig Cavalli tendant la main à Lydia. Rouge, pleine de timidité, elle s’avance vers lui. La dernière chose que voient Misto et ses âmes c’est le garçon du début. Par terre, le corps déchiré, rempli de sang, le visage noir, mort. Finalement, il se relève, et lorsque tous clignent des yeux machinalement, il devient propre, soigné. Ses traits changent et on le voit vieillir. Lydia venait d’avouer toute son enfance et l’existence des deux êtres qui lui sont restés après ce qu’elle a vécu. L’une, la vieille femme, on ne sait pas, elle bloque tout le reste. L’autre, le garçon, devenu célèbre à Fiore depuis peu, elle démontre dans ses images qu’elle pensait mort, et que finalement il est bien là.
Elle ré-ouvre les yeux, les larmes coulant sur son visage. « Pour la vengeance. »
Titre : La folle aux oiseaux Crédit : Katarina de LoL by Chenbo, yy6242 et unknown. Vava par Damaz et Yuuki ♥ Feuille de personnage Maîtrise Magique: (26900/35000) Mérite: (1238/1400)
Run, Run Tea Time, run...
PV Lydia
Aussi loin que Misto se souvienne, jamais elle n’a senti quiconque baigner dans le flot ininterrompu de son esprit avec autant d’aisance. Chaque mot, chaque phrase, tout se répète de l’une à l’autre, sans fausse note ou besoin de traduire les notions imparfaites et mal dégrossies qui se mélangent au moindre mouvement. La mage, perdue dans l’harmonie irréelle de l’échange oublie presque que Lydia n’est pas un esprit, n’est pas une partie d’elle. Elle entend les questions avant que les lèvres ne les formulent, elle y répond sans mouvoir autre chose qu’un tiroir, dans un coin reclus de sa mémoire. Il n’y a pas d’obstacle, pas d’hésitation. Tout se déroule de l’une à l’autre avec une facilité déconcertante, une franchise sans doute mal venue pour deux femmes que tout oppose.
Pourquoi Eagle’s Claw ? Qui sont ces êtres ?
Les images s’évasent dans l’esprit de Lydia. La poursuite en forêt avec les bandits, Jiro. La proposition de Crysis. Sa curiosité de nouvelle venue, son envie d’agrandir ses registres dans un lieu calme et oublié, sa volonté de devenir assez forte pour balayer son passé. Et alors que les souvenirs passent, les âmes de Misto prennent le relais. L’esprit de la mage d’Ajatar se met à voyager, remontant le temps jusqu’à des passés oubliés dont les seuls témoignages s’égrènent dans la substance de la magie de l’Aigle. Un champ de bataille infernal remplace le calme. Le sang coule, on y voit une femme aux traits flous qui s’y bat, avec l’intime conviction que cela ne cessera jamais. La neige autour d’elle est piétinée, rouge, jaune et violette à cause du patchwork des corps étendus. Et lorsque son adversaire tombe enfin, elle se laisse choir à genoux, la tête levée vers le ciel en priant pour des jours meilleurs. La scène s’efface, laisse place à la suivante. Il y a des livres partout et les courants d’air en soulèvent la poussière pour la disperser aux quatre vents. On entend la plume griffonner, l’auteur ronchonné sur les détails alors qu’une main fait tomber une pièce en bois sur un échiquier géant. Le stratège envoie alors tout valser et saisit le frêle luth caché sous son bureau avant de partir en claquant la porte. Les mémoires se succèdent. Henning et l’ancienne cour d’Iceberg, Brynjolf et la douloureuse mission de protéger les siens, Runolf et la paisible vie d’un guérisseur, Rolf et Runi dans la tourmente de deux mercenaires aux aventures loufoques, Asulf et la vision chaleureuse d’une Misto enfant qui babille dans un berceau.
Pourquoi ne pas m’attaquer ? Parce que ce n’est pas comme ça qu’il faut faire. Parce que cela ne nous avancera à rien. Parce que nous ne ferions que perdre du temps. Parce qu’attaquer une pièce du puzzle n'amènera pas à en comprendre la totalité. Parce que je refuse d’être un pion là où je peux devenir le roi. Parce qu’il y a d’autre solution à notre portée. Parce que nous sommes semblables. Parce que, dans une autre vie, nous aurions pu être sœurs d’arme.
Parmi toutes les voix, aucune n’arrive à prendre le pas sur les autres. Toutes se taisent presque aussitôt, alors que Lydia formule sa question. Des sourires mentaux circulent, saisissent ce qu’elle cherche mais pas l’objet de sa question. Misto tente bien d’offrir une réponse mais finit par se laisser absorber, emportée par les souvenirs que la blonde fait passer à travers leur lien. Elle sourit et se pétrifie sous l’afflux des sensations qui ne sont pas les siennes, tâchant de retrouver le contrôle là où le chaos des sentiments que lui insuffle son interlocutrice menace de faire apparaitre sa seconde magie. Une larme perle, au coin de ses yeux. Parce qu’au fond d’elle, elle comprend l’ampleur et la douleur pour l’avoir déjà vécu. L’eau glisse bientôt sur sa joue, alors qu’une tête nouvelle apparait. Zadig Cavalli. Elle le reconnait sans le connaitre, toujours bercée par la volonté que Lydia déverse en elle et par le silence absolu que font régner ses âmes avant de juger les événements. Et c’est alors que Misto reconnait le jeune homme, qui filtre par à-coup délicat sous le couvert d’un amour jaloux. Et c’est un étrange sourire bienveillant qui nait sur le visage de la rousse alors qu’elle ouvre les yeux au même instant qu’elle.
« Pour la vengeance. »
Le silence s’installe et le lien entre les deux femmes se rompt. Misto sait. Les âmes savent. Et Lydia aussi. Henning quitte le comptoir dans un soupir, tendu comme un ressort alors que la jolie blonde balaie à nouveau le calme éphémère des dernières minutes qui les séparent de l’explosion. Lorsqu’il franchit le pas de la porte, son apparence implose et se reforme lascivement au profit d’un gigantesque aigle blanc nacré, dont le cri résonne longtemps dans la chape de plomb qui englobe les rues.
« Nous devrions partir. - Pars, si tu veux. Il me reste encore des choses à faire. »
La tasse de Misto reste là, immobile et à moitié vide sur le comptoir. La cuillère repose encore dans la coupole, à côté du sachet de thé. Les bottes de la jeune femme claque sur les carreaux et les arabesques sur sa peau commencent à refluer doucement vers son poignet droit. Son collier tinte. Une fois, deux fois, avant qu’elle ne foule enfin la poussière qui orne la rue et qu’elle rejoigne son esprit.
« C’est un excellent mage et parait-il, un bon maitre. Je pense qu’il serait agréablement surpris de te revoir, si tu tentais l’expérience. » Le silence revient, puis repart presque aussitôt. « Je n’ai fait qu’une mission avec Chris, mais je me souviendrais toujours du son de son âme. Encore plus quand j’en entends une variante presque identique. » Henning s’impatiente un peu, battant des ailes. « Lydia… » Misto se mord la lèvre. Elle sait à quel point la vengeance est le moteur de la jeune femme et peut être aussi celui de tous les autres. Elle sait qu’elle n’a sans doute aucune chance de gagner à ce jeu-là, mais elle doit le faire. Pas pour elle, mais pour Lydia. Une sorte de revanche en retard sur le destin. « Si tu changes d’avis un jour, fais le moi savoir. Le Nid te sera toujours ouvert. A toi comme à eux. »
Misto venait de percer la carcasse de platine sur la poitrine de Lydia. La pauvre fille n’avait jamais ressentie ça avant. Ou peut-être une fois. Elle se rappelle de ce moment où Zadig lui a tendu la main. A l’époque elle était émerveillée. Aujourd’hui elle sait que l’homme était seulement perverti par ce qui loge dans la poitrine de la belle blonde. Alors la main tendue de Misto perce ses dernières défenses. Même si elle refuse son invitation à fuir elle lui sourit. Parce que pour Lydia, Misto était une nouvelle personne dans sa vie. Elles ne sont pas destinées à être du même côté et pourtant un malheureux et bienfaiteur crayon est en train de changer le dessin de l’Histoire. La locution des sœurs d’armes continue à danser dans la tête de Lydia Illunar, à s’accrocher à une corde de piano qui tinte le bruit à chaque fois que l’on remet une main sur le fil. Pour Eylis il ne s’agit que d’une idée, d’un rêve. Mais rien qu’avoir entendu ces justes paroles la rend vraie et heureuse.
« C’est un excellent mage et parait-il, un bon maitre. Je pense qu’il serait agréablement surpris de te revoir, si tu tentais l’expérience. » Lydia ne comprend pas de qui la conversation est le sujet. Puis enfant une identité se propose sur les lèvres de Misto. « Chris » dit-elle. La jeune blonde s’arrête dans sa robe. Elle lève la tête, les yeux grands la bouche ouverte, stupéfaite. Elle comprend pourquoi elle n’a jamais entendu parler de lui vivant. Elle se murmura des mots. « Il ne s’est jamais surnommé comme ça. » Elle est heureuse quand elle entend Misto parler de son frère. Puis elle revient à la réalité et se dégage de ses propres rêves en secouant la tête, refuse toute confrontation avec celui qui la détestera – elle le sait – et ne répond rien.
« Si tu changes d’avis un jour, fais le moi savoir. Le Nid te sera toujours ouvert. A toi comme à eux. » Son regard se plonge dans celui de son interlocutrice, désormais sur sa monture, invitant Lydia à se tordre le coup pour échanger un simple regard pour cligner des yeux et esquisser un sourire coupable. Misto sait très bien que Lydia ne quittera jamais Ajatar Virke pour le repenti. Elle n’en a pas envie ; pas encore.
La femme Illunar admire l’animal monter dans les cieux. Profitant d’un vent arrière passant elle souffle un bout de son ongle, déchirant une portion, y remplissant toutes les informations mises à jour à l’intérieur de ce corps et de ses pensées pour celle qui se trouve plus loin : sa même personne. Elle l’informe du comportement de sa nouvelle rencontre, elle l’informe de son départ, elle l’informe de ses paroles, aussi du frère longuement perdu, de la proposition belle et merveilleuse, de ce qu’elle pense des âmes de Misto, souriant en repensant au terrible Henning. Elle incorpore dans ce bout de sable tout ce qu’il s’est passé et le fait voler jusqu’à sa seconde propre personne, plus loin.
Lydia a fini son travail ici. Elle quitte le salon de thé et marche dans la rue en direction du nord. Seize minutes.
Les chevelures de la blonde se font prendre dans les courants d’air violents. Lorsqu’elle passe dans une autre rue il n’y en a plus aucun. Tel un silence de mort, un environnement de cimetière. Se présente à la fille un lieu culturel de la belle Crocus : son célèbre théâtre. Elle mire le sol et y perçoit des corps. Elle s’avance. Eylis se rend compte que l’un d’eux est juste devant elle. Elle évite de l’écraser et passe au-dessus de lui. L’homme se réveille et lui attrape sa cheville. La femme panique, s’énerve, se retourne et lui enfonce la pointe de sa chaussure dans la joue. L’homme saigne du nez et se rendort. C’est lorsque sa figure se pose sur le côté qu’elle semble le reconnaître. Elle plie ses genoux et se positionne près du sol. Ses doigts s’accrochent au menton de l’idiot et le bouge de droite à gauche. Son visage devient plus sérieux, moins interloqué, plus semblant au dégoût, ou à la joie, on ne sait pas vraiment. Elle se lève et regarde le reste des corps. Devant Ajatar Virke siège l’entière partie d’Oracion Seis. Lydia venait de trouver son Saint Graal. Si seulement elle n’était pas seule.
Le paysage se dévoilait rapidement autour du jeune homme alors que ses sens lui revenaient. Il ne venait que de se réapproprier son corps maltraité, encore engourdi, et pouvait désormais se mouvoir normalement en comprenant surtout ce qui se passait autour de lui. Les premiers corps qu’il vit furent ceux de Cobra et d’Elena – il se souvenait des ultimes bruissements à ses côtés et devina alors qu’Elena lui avait sauvé la vie en s’en prenant à Cobra, quitte à ce qu’elle en perde conscience. Lentement, il s’approcha du corps de sa supérieure et passa brièvement sa main sur son visage clos pour en dégager la poussière. Elle paraissait seulement endormie ; tout comme la totalité des autres mages à terre.
Il était presque midi, d’après ses estimations, mais il ne pouvait mesurer précisément les minutes qu’il restait avant l’explosion. Une bombe était toujours présente et ne manquerait pas d’exploser sous peu. Le souffle encore irrégulier, le cœur qui battait à la chamade, Kôta sortit de l’enceinte du bâtiment en contournant l’immense dépouille du serpent pour voir l’état de Sybilia. Il sursauta et manqua de lâcher un cri de stupeur quand il remarqua qu’une autre personne était debout. Au milieu des quatre corps posés à l’extérieur se dressait une jeune femme blonde à l’allure intacte. Interdit, le jeune garçon resta immobile en la dévisageant – il savait qu’elle l’avait remarqué elle aussi.
Quand il vit son visage de face, il fut frappé par une impression familière. Lentement, il sortit de sa stupeur pour s’avancer de quelques centimètres, comme si cela lui suffisait de confirmer les soupçons qui naissaient en lui. Ce regard ; ces lèvres ; ces joues. Il avait l’impression de la connaître, et avec les informations de Sybilia, il ne doutait presque pas de l’identité de celle qui lui faisait face. Le portrait-robot qu’il avait vu et revu, les informations du dossier qu’il avait bien imprimé en tête. En pensant à Ajatar Virke, trois visages précis se dessinaient en lui : Damaz Elandez ; l’homme qu’il avait battu avec Chris ; et la sœur de ce dernier. Celle qui justement lui faisait désormais face.
Il s’avança encore un peu. Son visage affichait encore les nombreuses traces de ses luttes de la matinée, pouvait en témoigner le sang séché qui laissait de longues trainées de son front jusqu’à sa nuque. Son uniforme du Conseil était également sali, mais toujours reconnaissable malgré tout. Alors, avant qu’elle n’agisse trop brusquement, il lui parla. « Lydia, c’est ça ? Moi c’est Kôta. » Il prit une inspiration, profitant d’avoir lâché quelques mots comme s’ils représentaient une bouée de sauvetage, avant de reprendre. « Tu viens d’Ajatar Virke. Chris ne m’a jamais parlé de toi. Je n’y croyais qu’à moitié quand j’ai entendu la rumeur, mais c’est vrai, vous êtes bien identiques tous les deux, on ne peut pas s’y tromper. » Son regard descendit sur les corps tout autour, puis ses paupières se fermèrent une simple seconde. « J’imagine que tu ne vas pas me céder la localisation de la bombe ni même la manière de la désamorcer, si c’est encore possible. Alors tout va exploser, n’est-ce pas ? » A peine la phrase terminée qu’il fut prix d’une violente quinte de toux qui l’interrompit quelques secondes.
Quand il fut à nouveau en état de s’exprimer, ses yeux plongèrent dans ceux de la deuxième Illunar. « Mais alors, pourquoi ? Pourquoi tout ça ? » Il ne donnait pas cher de sa survie face à elle ; même s’il pouvait toujours se défendre, sa magie encore bien présente, il aurait trop de scrupules à agir de la sorte avec les corps de ses alliés autour de lui. S’il devait mourir ici et que cela assurerait la survie des deux hautes-conseillères, il le ferait.