Première partie ~ Prologue
Une belle soirée de printemps. L'air était agréable, chaud sans en être étouffant. Un magnifique couché de soleil tirait sa référence, noyé dans une sublime palette d'orange, rose clair ainsi que d'un rouge satiné. Quelques rayons miroitaient à travers les nuages, se déversant sur les plaines, rendant cette harmonie encore plus douce. Quelques brises légèrement plus fraîches parcouraient la végétation désormais régénérée et pleine de vie, le chant des grillons affirmait la bonne santé de cet environnement. Tout comme celle de deux nouveaux nés. Ils ne venaient d'emplir leurs poumons d'air que depuis quelques secondes et pourtant, les regards aimants et tendres de leurs parents étaient posés sur eux. La famille Sanetaka venait d'accueillir en leur sein une petite fille aux grands yeux rouges ainsi qu'un garçon possédant, lui, un regard myosotis aux reflets violacés.
La sage-femme de la petit maternité d'Oakfield était venu présenter les deux enfants à leurs paternels. Chacun d'eux prirent une de leur progéniture dans leurs bras, les chérissant déjà. Mr Sanetaka, Tsugo, avait longuement fixé sa fille avant que cet unique mot sorte de sa bouche.
« Katmany...»Sa conjointe, Hisa, avait agrémenté ses paroles, un sourire aux lèvres à l'intention de son enfant.
« Ainsi que Krimson...»- - - - - -
« Krimson ! Rends-moi ma poupée ! »Un large sourire se dessina sur les lèvres de ce dernier, une jeune fille en peluche miniature au bout de la main. Il l'a fit gigoter dans tout les sens, le regard rivé sur sa jumelle dont les cris aigus ne faisaient que redoubler.
Cinq années se sont écoulées depuis la naissance des deux Sanetaka, ils ont bien grandi. Tout deux arborent une chevelure si blonde claire qu'elle en paraît presque blanche. Katmany est le portrait craché de sa mère, ses cheveux ont développé exactement la même très légère ondulation, ont la même couleur, mais ce n’est pas tout, de visage, elles arborent les mêmes traits. Katmany dispose toujours de ces grands yeux ronds et rouges sur une peau de porcelaine, très claire. En effet, hormis le fait que cela soit en partie génétique, les deux enfants ne sortent guère de l'immense maison de leurs parents. Pourquoi devraient-ils de toutes manières, lorsque l'argent coule à flot ? Parfois, ils sortent dans le jardin, à l'arrière de la grande bâtisse. L'endroit est magnifique, quelques fontaines sont disposées ça et là, l'herbe est parfaitement coupée et agrémentée de jolies parterres de fleurs. De nombreuses allées de dalles blanches constituent des chemins. Les enfants jouent souvent à la balançoire, s'amusent à partir à l'aventure de cette étendue sauvage... En l’occurrence, les deux garnements n'ont guère l'envie de sortir du cocon familial et préfèrent se crêper le chignon à l'intérieur, soit dans leurs grandes chambres respectives ou bien dans la salle de jeux, en passant par le salon, la salle à manger, la pièce à vivre, voir même la salle de bain ... Heureusement que l'activité dans la maison des Sanetaka est assez grande, sinon, seulement les cris des deux enfants se réverbéraient à travers les pièces.
Le père de Katmany était un habile marchand, il excellait dans le domaine du commerce et, étant dans un village au bord de la mer, cela facilitait les échanges. Enfin, ce n'était que les dires qu'avait intercepté la petite, à cet âge innocent, on se fiche bien de tout ce qui touche au secteur d’activité adulte .. même s'il y a quelques exceptions. Du genre celle qui touche 10% de la population: les mages. Katmany, comme tous les enfants de son âge, portait une réelle admiration à leur intention. Eux, ces êtres hors du commun qui pouvait posséder de la
magie ... Chaque fois que l'on évoquait cette idée, des étoiles naissaient dans les yeux de la petite, sûrement renforcé grâce au fait que sa propre mère faisait partie de ce cercle restreint et de plus. Les Sanetaka étaient comme une sorte de défenseurs du petit village d'Oakfield, la plus riche famille ayant dans leur sein une redoutable mage.
« Si tu tiens réellement à ta poupée, Kat, tu as juste à me dire où tu as caché mes œufs en chocolat ... Mens pas je sais que c'est toi la responsable ! »La petite blonde ouvrit grand ses yeux, et balbutia quelques syllabes, surprise d'avoir été démasquée. Puis, elle porta un regard noir à l'intention de son frère et soupira bruyamment en croisant les bras, nullement décidée à obtempérer à ses indications.
De souples bruits de pas se firent entendre dans le dos de Katmany, une femme aux longs cheveux blonds, légèrement ondulés se posta derrière sa fille, et s'accroupie pour être à sa hauteur, posant une main sur son épaule et lui fit un immense sourire. "
Je me souviens de ce sourire ... Celui de ma mère était rayonnant, elle fermait même les yeux lorsqu'elle l'arborait, rendant son visage encore plus doux et lumineux..."
« Ma puce, tu sais à quel point ton frère tiens à ses chocolats, n'est-ce pas ? Ça n'est pas très gentil de les lui cacher.— Mais maman, il ne veut pas me rendre ma poupée ! »La petite ponctua ses paroles aiguës en pointant son jumeau du doigt. Sa mère vint baisser lentement le bras de sa fille en faisait un petit non de la tête.
« Tu sais aussi bien que moi que si tu lui rends ses chocolats, il te rendra ta poupée, ma puce. De toutes manières, si vous ne le faîtes pas, vous aurez affaire à moi, et gare aux vilaines chatouilles ! » Hisa attrapa ses deux rejetons par la taille et vint passer un doigt sous leurs cous pour les chatouiller. Il ne fallut qu'une seconde avant qu'ils ne se tordent de rire dans les bras de leur maternelle, oubliant leur querelle passagère.
« Allez, ouste ! » Les deux petits monstres, riant toujours aux éclats, se libérèrent de l'emprise du mage et finirent par s'affaler dans l'herbe, les yeux rivés sur le ciel.
D'une manière ou d'une autre, leur mère emportait toujours le dernier mot, avec un sourire aux lèvres, quelles qu'en soient les circonstances.
- - - - - -
« Katmany, viens voir ma grande ! »Du haut de ses huit ans, les bras prenants appuie sur ses béquilles à cause d'une fracture de la jambe droite, Katmany atteint tant bien que mal l'entrée du salon. Une ambiance chaleureuse y est éternelle, cependant, c'est aisément renforcé grâce au doux parfum qui plane à travers toute la maison, ainsi que la cheminée placée devant deux fauteuils. Les flammes crépitent et le bruit empli la pièce. Par delà la fenêtre, il est facile de distinguer les quelques flocons qui tombent du ciel pour délicatement venir se poser sur un tapis de neige, aussi blanc qu'une feuille de papier.
Assis sur un canapé gris velouté, Tsugo, le père de la blondinette, tapote la place assise à ses côtés, tout sourire. Cette dernière parcourt la pièce maladroitement, manque de s'aplatir sur le sol à cause du coin du tapis mais finis par atteindre son but. Elle se hisse sur le siège en grimaçant, rapidement aidée par son père. Celui-ci semble inspecter la cheminée, ou plutôt une sorte d'arme en son sommet, entreposée sur une rangée de briques peintes avec goût. Ses yeux violets sombre s'illuminent l'espace de quelques secondes, comme s'ils se remémorait des souvenirs, telle la pellicule d'un film qui se déroule. Katmany cligne plusieurs fois des yeux, le regard rivé sur son père, guettant son retour parmi eux. Tsugo baisse la tête et sourit à sa fille, indiquant l'arme en avançant le menton en sa direction, comme si entre le père et la fille, seuls les gestes étaient réels pour se comprendre. Il se lève et se rapproche de la cheminée, les reflets orangés des flammes colorant sa chemise blanche. Il leva ses deux bras à la rencontre de l'arme longue, il la prit et vint se rasseoir vers sa fille. D'une main douce, il caressa le cache et enleva ainsi la poussière.
« Il s'agit du sabre de ton arrière grand-père, Katmany. Lorsque j'avais ton âge, il me parlait de ses aventures de jeunesse avec sa fidèle arme, toujours à ses côtés. On raconte qu'il a même vaincu un monstre ... »Le père de la petite quitta les flammèches des yeux pour poser son regard sur sa progéniture, laissant planer ses paroles. Katmany écarquilla grand les yeux à cette annonce, bégayant.
« Il a ... tué un monstre, c'est vrai ? » Aussi impressionnée que gourmande à l'idée de connaître la suite, ses pupilles se mirent à scintiller, emplies d'admiration à l'égard de son arrière grand-père. Peut-être un jour pourrait-elle se battre avec une pareille arme ? "
À cette époque, j'étais loin de me douter que ce sabre deviendrait mon outil de combat le plus chéri, malgré que son obtention était loin d'être imaginable ..."Tsugo ébouriffa gentiment le sommet du crâne de la blondinette dont les cheveux ne cessaient de pousser.
« Maintenant, au lit, jeune demoiselle ! »Malgré les supplications de sa fille pour obtenir l'histoire complète, Tsugo la prit dans ses bras et la mena à sa chambre, déposant délicatement la petite dans son lit, au milieu de ses dizaines de peluches, lui promettant la fin du compte un autre soir.
"Qui n'eut jamais lieu..."- - - - - - - -
Seconde partie ~ Le drame
Quatre années se sont déjà écoulées, douze depuis la naissance des jumeaux Sanetaka. Ils sont maintenant de jeunes adolescents, bien élevés et disciplinés grâce aux nombreux cours particuliers qu’ils ont reçu durant leur enfance. Katmany apprit à peindre, cela lui permettait de faire partager son imagination sur la toile, on crut même quelque temps qu'elle finirait par développer la magie picturale mais rien ne fit irruption. Aucune magie n'émanait des deux jumeaux, cependant, cela n'a jamais inquiété personne, Hisa du attendre ses seize ans pour parvenir à l'utiliser. Les deux jeunes enfants prospéraient donc dans un milieu idéal, en attente de leur majorité. Une fois acquise, ils n'auraient qu'a suivre la voie commerciale de Tsugo, ou encore devenir un mage indépendant comme leur mère. Difficile cependant de se lancer dans d'autres domaines.
La grande chambre de Katmany semblait réellement vide lorsque cette dernière était noyée dans les vagues du sommeil. L'aube pointait son nez à l’horizon, il devait être à peine six heures du matin lorsque quelques rayons lumineux s'aventurèrent pourtant par delà les fins rideaux dorés de la fenêtre, projetant la clarté de l'astre du jour à travers la pièce, jusqu'à chatouiller délicatement le nez de l'adolescente endormie, enroulée entre ses draps. Sans son regard rouge sang, il est facile de la comparer à un ange grâce à sa peau de porcelaine, ses traits doux et ses longs et doux cheveux blonds très clairs. Seulement, en cette belle matinée, ce ne fut pas la nitescence irradiée par le soleil qui vint réveiller Katmany, mais une odeur âcre et chaude.
Fronçant les paupières et remuant légèrement son petit nez, la jeune fille se détacha peu à peu du doux remous occasionné par le sommeil. Elle lâcha un petit soupir en constatant l'heure affichée sur son réveil.
"5h45 ... Je m'en souviens encore." La blondinette aspira un grand bol d'air, persuadé d'avoir rêvé, mais elle toussa violemment en percevant le goût, lui irritant les voies respiratoires.
« Qu'est-ce que ... »Les yeux de Katmany se changèrent avec rapidité en deux billes rouges. Paniquée, elle oublia momentanément sa rêverie pour sauter hors du lit. Elle se réceptionna maladroitement dans son empressement et marcha sur sa longue chemise de nuit blanche comme neige, s'aplatissant au sol. Haletante, elle quitta la pièce en se donnant de l'élan grâce à sa commode, elle attrapa le mur extérieur d'une main tremblante et poussa vivement afin de s'expulser contre la porte d'en face. Elle abaissa la poignée et se jeta dans la chambre de son frère. La petite blonde se rua sur le lit de Krimson attrapant sa tête entre ses mains.
« Krim', réveille-toi ! Je crois qu'un incendie s'est déclaré ! »Ahuri, le jumeau Sanetaka bondit aussitôt hors de sa couette, tout aussi affolé que sa soeur. Cette dernière n'avait guère l'habitude de prendre les graves situations en main, se contentant de prévenir son frère et obtempérer à son commandement, sûre qu'il possédait la voie de la raison.
« Du ... feu ? »Krimson semblait abasourdi. Jamais les Sanetaka n'avaient eu à faire au feu, l’élément tant redouté. Des larmes se formèrent aux coins des yeux de Katmany, puis vinrent perler sur ses joues rebondies, elle était tétanisée.
« Ne t'inquiètes pas, Kat. Allons prévenir maman, vite ! — Mais Krimson ! Tu sais bien que maman ... — Et alors ! C'est une mage, elle est loin d'être une incapable malgré cela ! »Les sanglots de la pré-adolescente ne firent que redoubler devant le ton qu'employait son jumeau. L'expression de ce dernier s'adoucit lorsqu'il se rendit compte de l'état de sa soeur, il s'excusa dans un souffle et attrapa la main de la petite, à moitié recroquevillée sur elle-même, l'entraînant vers la sortie. Lorsqu'une gigantesque racine vint percer le sol de la pièce, grimpant le long de la porte. Une racine ... De petites feuilles vinrent pousser sur la plante, formant une sorte d'arbre. ... Les deux jumeau hoquetèrent de surprise, les yeux rivés sur ce qui venait de leur bloquer la route. Krimson reprit le contrôle de lui-même et entraîna sa soeur au dehors de sa chambre. En moins d'une minute, la chaleur avait prit de l'ampleur, rendant l'atmosphère étouffante. Cependant, il était impossible de voir la moindre trace de flamme parcourir la belle bâtisse, ce qui prouva aux enfants que la source était probablement au rez-de-chaussée. Avant qu'ils ne prennent l'escalier, Katmany risqua un rapide regard en biais derrière elle, juste le temps d’apercevoir le végétal faner et prendre une couleur marronné, fade, comme s'il
brûlait... Cela ne fit qu'accentuer le rythme saccadé et rapide du cœur de la jeune fille.
Boum, boum. Boum, boum.Ils descendirent les escaliers quatre à quatre, Katmany courait à fond de train derrière son frère, craignant de le perdre de vue à travers la fumée qui ne cessait de grandir plus ils s'enfonçaient à travers la maison. Arrivée à la fin des marches, elle manqua de s'affaler lourdement sur le sol lorsque ses poumons se mirent à réclamer de l'air pur. La puanteur aigre du feu ne fit qu’agresser encore plus la trachée de la fillette qui ne cessait de se racler la gorge et tousser. Dans leur précipitation, il n'avait même pas fait attention à un événement plus terrifiant encore : Ils n'étaient pas seuls. Des bruits d'armes au loin, des cris de guerre, des plaintes ... Prenant leur courage à deux mains, ils fendirent l'épaisse fumée pour se rendre dans le hall d'entrée, à deux pièces de là. L'air devenait de plus en plus condensé, réduit par les flammes. On pouvait enfin les apercevoir, aussi hautes qu'effrayantes, elles se dressaient non loin de là. Katmany réussi enfin à entendre des voix, plusieurs qu'elle ne connaissait pas, rauques et agressives, contrastant avec une autre, chère aux yeux de la petite. Sa mère cherchait à garder son sang-froid, malgré que la tension était évidente, on sentait même une certaine tristesse, bloquée au fond de sa gorge. Les deux jumeaux s’empressèrent de localiser la source vocale pour rejoindre leur mère, les larmes aux yeux. Cependant, une sorte de barrière végétale, très épaisse et infranchissable, semblait tenir bon malgré le feu qui assiégeait tout, non loin de là. Les quelques racines à la base prenaient feu, la flammèche grimpait avec lenteur. Emprisonnés, les deux enfants ne pouvaient s'aventurer plus loin mais en revanche, ils parvenaient à voir leur mère. D'ordinaire parfaitement tirée à quatre épingle dans une longue robe, la voici blessée, du sang coulait de quelques blessures superficielles, de la suie maculait son visage ainsi que sa robe déchirée. Une dizaine de personnes l'encerclait tandis que quelques autres rôdaient aux alentours, comme pour inspecter et fouiller les environs. Hisa semblait en très mauvaise posture, essoufflée mais pourtant loin de baisser les bras.
« Allons, allons, mage des plantes... Ne vois-tu pas que le destin joue en ta défaveur ...? Il serait temps que tu rendes les armes, sinon, tu finiras comme ton pauvre larbin de mari. »La mère des jumeaux lança un regard noir à l'intention de son interlocuteur en face d'elle, bouche entre-ouverte et dents serrées, haletante. Cependant, une lueur de profonde et infinie tristesse créa une faille dans ses yeux lorsque son regard dériva une seconde au pied d'une colonne en pierre. Katmany hoqueta de stupeur en constatant qu'il s'agissait de son père, effondré au sol, totalement ensanglanté. La blondinette fut comme paralysée, était-ce un affreux cauchemar ? C'était tout simplement obligé. Cela ne pouvait pas être réel, impossible ... Katmany s'effondra au sol, les yeux toujours rivés son père. La bouche entre-ouverte, le regard vide, des larmes coulant sur son visage sans pour autant renifler et sangloter. L'impuissance. Totale. C'est un sentiment pervers, l'impuissance, il paralyse tous nos muscles, nous donne simplement l'envie de pleurer, de crier, de faire partager notre frustration. C'est en partie ce qu'a fait Katmany.
Sortant de son mutisme, la jeune fille lâcha un lourd sanglot en un instant et hurla, fort, très fort. Krimson, rapide comme l'éclair, plaqua sa main sur la bouche de sa soeur, et vint se plaquer contre le mur avec elle, à l'abri des regards. Respirant de plus en plus rapidement, la jeune fille ne put que passer et repasser l'image précédente: celle du visage ahuri de sa mère, qui la fixait, au beau milieu du combat. Katmany ferma les yeux et de nouvelles larmes chaudes parcoururent son visage. De nombreuses plantes étaient apparues dans le hall, devenu un immense champ de bataille. C'était déjà un exploit pour Hisa de réussir à tenir tête et lutter contre une bande de mécréants bien plus nombreux. Elle était pourtant en désavantage face au feu, son ennemi juré. Que voulait ces bandits ? Piller la maison ? Leur faire du mal ? Tuer Hisa ?
Une voix autoritaire retentit.
« Vous deux, localisez-moi l'origine de ce cri. Ensuite fouillez la maison à la recherche d'objets de valeurs, presto. »Ricanant amèrement, les intéressés s'exécutèrent. Katmany, sentant leur présence se rapprocher, crispa le moindre de ses membres, les yeux ronds.
« Lève-toi, Kat. On bouge avant qu'ils arrivent ! »Le temps que la jeune adolescente réalise, il était déjà trop tard, elle venait à peine de se mettre sur ses jambes que deux brutes épaisses, possédant des piercings de partout virent les accoster, massue à bout de bras. Leurs sourires mielleux se posèrent sur Krimson.
« Oh, mais il ne serait pas mal ce môme pour tirer la charrette à notre place, nan ? Susurra l'un d'eux.
— Bien vu, bien vu, on l'embarque. »Katmany, prise d'une adrénaline portée grâce au besoin viscérale de protéger son frère, se plaça devant lui, le regard mauvais et les jambes tremblantes. Le plus gros des deux hommes lui jeta un regard de profond dégoût, la toisant de toute sa hauteur. Son visage laid comme s'il avait croupi deux ans dans une eau marécageuse donna un haut le cœur à la petite.
« Nous n'avons pas besoin d'inutiles femmes, dégage. »D'un revers de massue, il leva l'arme et vint frapper Katmany au flanc, l'envoyant percuter violemment le mur, tête la première.
Il faisait noir, pareillement à une nuit. Noire. Une nuit noire. Seul le hurlement de son frère venait trouver refuge dans l'esprit de la jeune fille. Où était-elle ? Que faisait-elle ? Était-ce un cauchemar ? Non, les deux hommes, la massue, le choc ... La blonde avait l'impression de posséder une tête aussi grosse qu'un cuve de 250 L remplie d'eau. Cet affreux mal de crâne ne cessait d'augmenter. Et tous ces bruits extérieurs qui ne cessaient de venir à sa rencontre ... C'était de pire en pire ... Elle crut entendre la voix de sa mère, suivie de quelques hurlements, de rauques paroles, des susurrements, des plaintes ...
Quand est-ce que tout cela serait enfin terminé ? Elle voudrait tellement retrouver ses parents et son frère, attablés dans le jardin, par une magnifique journée de printemps ... Comme autrefois ...
Seulement sa mère était entrain de livrer bataille. Et elle allait mourir. Sûrement pour leur permettre de vivre. Une douleur intense déchira le cœur de Katmany, mais pas physique, non, seulement psychologique. Tellement puissante qu'avec ses blessures, elle perdit cette fois-ci, totalement connaissance.
- - - - - - - - - - - -
Troisième partie ~ Changement
Des secousses. De nouveau. Irrégulières. Donnant des maux de ventre.
Katmany ressentait d'éternels à-coups, dans tous sens, parfois plus violents que d'autres. Émergeant peu à peu, elle parvint au fur et à mesure à déceler quelques sons .. comme un bruit de roulement infatigable, des voix perçantes non loin de là, des rires rauques, des ordres. Une secousse vint lui faire heurter quelque chose .. comme une sorte de boîte. Elle comprit peu à peu qu'elle devait se trouver dans une sorte de charrette. Mais, qu'est-ce que ...? Elle voulut ouvrir les yeux, se démener pour parvenir à se redresser mais rien n'y fit. La blonde réussi juste à plisser les paupières et bouger légèrement ses doigts.
Plus elle attendait, plus de violents mots de tête l'assaillait, ne cessant de redoubler de puissance.
La voiture de fortune à deux roues finit par se stopper nette, laissant la petite se cogner contre le bois. Elle ne grommelait pas, ne pleurait pas.
Une vois s'éleva à quelques mètres de là.
« Voici le colis, l'argent maintenant. »Elle entendit quelques pas hésitants se rapprocher, puis le son typique qu'émettait une bourse remplie de monnaie. Quelques secondes plus tard, on retira une épaisse cape qui protégeait la marchandise, les rayons du soleil irritèrent violemment les yeux de Katmany qui vint porter son bras devant son visage, malgré la douleur que cela lui en coûtait. On l'attrapa sans ménagement pour venir la déposer de la même manière par terre. Cependant, avant qu'elle ne tombe au sol, une paire de bras la réceptionna avec douceur. La personne la prit ensuite dans ses bras, se fichant éperdument que la blondinette soit assez lourde avec ses douze ans. De toute manière elle n'a jamais été lourde, et possède une taille moyenne plus. Elle ne prit pas la peine d'ouvrir les yeux, se contentant de poser sa tête qui lui paraissait si lourde sur l'épaule de l'inconnu. Elle entendit la charrue des mécréants repartir dans le sens inverse, emportant avec elle ces odieux personnages. Katmany serra fortement son poing, pratiquement jusqu'au sang tant le désespoir la gagnait.
Une voix familière s'éleva devant elle. Cette moindre petite chose rappelant l'ancienne vie de la blonde lui fit ouvrir les yeux, mais cligna plusieurs fois pour s'habituer à la lumière du jour. On la reposa à terre et elle put enfin distinguer la personne qui l'avait réceptionnée. Une femme possédant la quarantaine, un visage souriant. Derrière elle, contre l'encadrement de la porte, un homme s'appuyait, visiblement mitigé par ce spectacle. Lorsqu'il croisa le regard de la jeune fille, il entra dans la maison. Une sorte de large pancarte trônait au dessus de la porte. "La taverne".
Katmany soupira. Où était-elle ?
La dame posa son regard sur le sommet de son crâne.
« Je vois que tu possèdes de vilaines blessures ! Viens avec moi, nous allons nettoyer cela. — Où est ma maman ? »La brusquerie dans les paroles de Katmany contrastèrent avec la voix douce de la femme. Cette dernière se recula, surprise de sa réaction. Le visage peinée de la dame ne fit qu'attrister plus encore la jeune fille.
- - - - - - - -
« Un saké bien frais, siouplaît ! »Accoudée sur le comptoir, une demoiselle de quinze ans fait un signe de tête à la personne venant de passer commande, elle se rapproche d'une pile de bidons et ouvre le robinet de l'un d'eux. Ses longs cheveux blancs tombent pratiquement au sol lorsqu'elle est accroupie, une fois redressée ils vont jusqu'à mi-cuisse. La jeune femme apporte ensuite le verre plein à l’intéressé attablé.
« Merci bien, mam'zelle Katmany ! Un très léger sourire se dessina sur les lèvres de la blonde, malgré qu'il fut vide de sens, simple politesse.
— C'est moi qui vous remercie. »Elle attrapa deux assiettes sur la petite table et les déposa sur son plateau avant de faire volte-face et regagner le bar.
Voilà trois ans que la jeune femme et son jumeau ont trouvé refuge chez ce couple. Ils possèdent une petite taverne très appréciée des villageois. Ces derniers ont aussi bien adoptés les deux frères et sœurs que leurs parents adoptifs. Sur certains points, la femme qui avait prit Katmany dans ses bras trois ans plus tôt, nommée Helena, ressemble assez à Hisa, malgré qu'elle possède un caractère plus marqué et doit piquer des gueulantes à l'encontre des fêtards lorsqu'ils s'attardent. Elle a toujours rêvé d'avoir des enfants même si le sort en a décidé autrement .. mais ne s'est pas braqué. Depuis l'arrivée des deux gamins, Helena a tout fait pour leur offrir ce qu'elle pouvait de mieux pour leur bien-être. Les gâtant. L'après-midi, elle emmenait souvent Katmany à travers les rues de la ville, faire quelques magasins, lui apprenait la couture. Ou encore à un autre passe-temps : la chasse. Oui, exact. Seulement, les deux femmes disposaient d'un arc et de quelques flèches, devant courir aussi vite qu'elles le pouvaient et slalomer entre les arbres, à la poursuite de leur proie. Il est vrai que cela permettait à la jeune fille d'améliorer sa forme physique mais aussi sa rapidité et son agilité. Possédant déjà à la base une légère facilité pour ces deux derniers traits. Les deux personnes féminines de la maison se sont assez vite rapproché, Katmany nécessitant un soutien maternel lors de ses jeunes années. Jamais les Sanetaka n'ont abordé le drame où ils ont perdu leurs parents. Jamais Helena et son mari, Klark ne leur ont demandé. D'ailleurs, elle craignait l'homme et son caractère fermé au tout début. Puis, au fur et à mesure, il devint bien plus sympathique à leur égard. La journée, Krimson et lui allaient couper du bois. Ils faisaient sûrement d'autres activités mais la blonde n'en avait aucune idée. L'entente était bonne, comme nécessaire de la part des deux camps.
- - - - - - - - - -
« Mais enfin Helena, ouvre les yeux ! Regarde nos dépenses et ce que nous gagnons, nous sommes sur la paille ! »Un an s'était écoulé. Katmany se retourna sur son matelas, les yeux grands ouverts. Les taverniers n'étaient pas riches, et la venue des jumeaux ne fit que les appauvrir. L'isolation de la maison était telle qu'il était facile de percevoir les conversations de l'étage du dessous. Etant donné que la maison ne comportait que quatre pièce, le compte était vite bouclé.
Les voix s'élevaient, commençant presque à crier.
« Je sais... Écoute Klark, ne pourrais t-on pas simplement fermer la tave- ...— Et puis quoi encore ! Jeter toutes nos économies dont nous avons nécessités pour ouvrir ce fichu bar ? La meilleur solut... »Il en était assez, Katmany se boucha les oreilles en plissant les yeux, ne souhaitant pas entendre cette dispute qui déchirait le couple. Ce n'était pas la première occasionnée par ce sujet. Il leur fallait prendre une décision à elle et Krim'. Elle se retourna à nouveau et son regard croisa celui de l'intéressé, allongé dans son lit de quatre-vingt-dix. Le regard échangé était formel. Elle soupira.
- - - - - - -
« N'oublie-pas quelques tranches de viande séchée. Prends-le moins de provision possibles pour leur en laisser. — Occupe-toi de l'eau et ce sera bon. » Fit la blonde en hochant la tête.
Le lendemain, en plein milieu de la nuit leur décision était prise. Ils se devaient de quitter leurs parents adoptifs même si cela leur faisait mal. Les jumeaux avaient pris soin de s'imprégner de leur souvenir dans la journée, quitte à ne jamais les oublier. Ayant apprit a enfouir leurs sentiments, cela ne fut pas aussi difficile que cela en eut l'air.
Une fois au dehors de la bâtisse dans laquelle ils avaient passé quatre ans de leur vie - loin d'être les plus simples -, les deux adolescents sentirent tout de même une vague de nostalgie comblée à du mal-être les traverser. Une brise fraîche vint leur cingler le visage. Sans même se concerter, ils savaient tout deux quelle était leur prochaine destination.
- - - - - - - - -
Ils durent marcher, pendant de longues heures, sac à dos posé en bandoulière sur leurs épaules. Pendant sept heures, aucunes paroles ne s'échappèrent de leurs lèvres, trop habitués à ce silence. Ils se concentraient simplement sur leur marche, évitant les rochers et suivant les indications qui menaient à leur destination. Au bout de 28 km, ils finirent par trouver ce fameux petit village, celui d'Oakfield.
Lorsque les jumeaux se mirent à traverser la bourgade, quelques villageois se retournèrent sur leur sillage, semblant reconnaître les deux jeunes gens pourtant bien changés. Des résidus de la famille Sanetaka ne peuvent que les choquer, eux qui croyaient que toute la famille avait été décimée, voilà bien que non, deux survivants ayant erré durant quatre longues années refont surface, comme si de rien n'était. L'expression à demi horrifiée et empathique des habitants ne firent qu'augmenter la tension intérieure qui régnait dans la poitrine de Katmany. Comme si un étau glacé serrait amèrement son cœur.
Quelques années auparavant, lorsqu'ils étaient heureux avec leurs parents, les deux enfants possédaient continuellement un sourire radieux, qui illuminait leurs visages. Désormais, ils n'ont jamais souri de leur plein gré depuis le drame. Ils arborent un visage fermé ou encore passif, comme la jeune blonde. Cette dernière ne parle presque plus depuis, elle est devenue laconique, brève, et parle presque en murmurant très bas. Elle a développé ce caractère rêveur, pensif, et totalement ailleurs. C'est en partie ce qui a le plus troublé les villageois d'Oakfield.
Les ignorant pourtant, les jumeaux se contentent de traverser le village, d'un pas mesuré, ne lançant aucun regard autour d'eux, ayant pour seul et unique but de retrouver leur maison.
Au bout de quelques minutes, les voici tout deux postés et parfaitement immobiles. Katmany laissa tomber sa parka dans la poussière, les larmes aux yeux en constatant l'état de leur ancienne vie. La grande maison, autrefois aussi belle à l'extérieur, avec ses magnifiques pierres blanches, qu'a l'intérieur, n'est plus qu'un amas de ruines. Le deuxième étage n'est plus, s'étant visiblement effondré sur l'arrière-cour, dans le jardin. Katmany fit un pas à l'intérieur, l'armature du rez-de-chaussée est à près restée, la porte d'entrée est rongée par l'usure et pend mollement sur le côté. Elle lâcha un hoquet en constant ce qu'est devenue sa belle maison. Le hall d'entrée est ravagé, un tapis de végétal totalement fané couvre le sol, désormais recouvert par de l'herbe sauvage. Les murs sont noircis. Katmany fit le tour des lieux, essayant de se remémorer chaque pièce comme elle l'était avant l'incident. Ses yeux commencèrent à scintiller de nostalgie, formant quelques gouttelettes aux coins de ses yeux, cependant, aucune larme ne perla.
Lorsque la jeune femme finit par se rendre dans la dernière pièce, le salon, son regard fut aussitôt attiré par la cheminée, à moitié en ruine, son sommet s'arrêtait au niveau du premier étage. Katmany fut aussitôt inquiète de savoir si le sabre de son arrière-grand-père s'y trouvait toujours. Seulement, la cheminée était tellement pleine de suie qu'il en était impossible de savoir si elle pouvait porter une arme. La blonde s'approcha à pas feutrés de sa destination, lorsqu'elle observa avec attention, elle se rendit compte qu'un volume était bel et bien présent. Le cache du sabre était devenu aussi noire que la cheminée mais n'avait pas bougé d'un seul pouce. Elle comprit qu'il était méconnaissable et c'était sûrement la raison pour laquelle les bandits ne l'avait pas vue. D'un geste soucieux, elle attrapa l'arme à deux mains et fit comme son père, huit ans plus tôt, elle passa la main sur le cache pour enlever la poussière ainsi que la suie, elle dégaina ensuite le sabre. Son regard s'attarda ensuite sur la fine lame, de nombreux reflets se réverbéraient dessus, renvoyant une partie du visage de la jeune femme. Cette dernière vit son regard, rouge sang, pétiller d'une haine farouche après avoir assisté à ces tristes retrouvailles. Pour la première fois depuis le drame, Katmany était passée par tous les stades: la peur, l'impuissance, le désespoir, la tristesse profonde mais jamais de rancœur, jamais de haine.
Cependant, elle la ressentait enfin, cette rage de venger sa famille, de faire la peau à ces mécréants. Plus la rancune mêlée à la répulsion prenait de l'ampleur dans le cœur de la jeune femme, plus son désir de vengeance était grand.
Ses cheveux se mirent à voleter au niveau de sa tête tandis qu'une sorte de halo d'énergie semblait émaner d'elle, partant de son corps et prenant de plus en plus d'espace, comme si une sphère de vent était libérée de la jeune fille, yeux fermés et plissés, les traits tourmentés. Elle libérait enfin la magie qui l'habitait depuis tout ce temps. La force des sentiments est immense et permet de faire de grande chose. À cet instant, elle savait pertinemment ce qui lui restait à faire, devenir plus forte, s'entraîner à manier le sabre et apprendre à utiliser sa magie. Pour cela, il ne fallait qu'une seule chose: qu'elle rejoigne une guilde. Elle voulait démarrer une nouvelle vie. Attrapant sa longue chevelure qui lui tombait aux genoux d'une poignée de main, elle prit son sabre de l'autre et coupa avec rage ses cheveux, lui tombant désormais en bas des hanches.
Une heure plus tard, Katmany et Krimson étaient postés devant la maison, immobiles comme avant qu'ils entrent à l'intérieur. Ils ne s'étaient pas parlé depuis le départ de la taverne. Un détail attira pourtant le regard de la jeune femme, une sorte de sceptre était tenu par son jumeau, celui de leur mère. Ses yeux se détachèrent de l'arme pour dévisager un instant son frère. Des paroles muettes, avec un seul échange visuel ils parvenaient à savoir ce que l'autre pensait. L'habitude certains diront. Ils avaient à nouveau prit une décision. À trente cinq kilomètres de là se trouvait Magnolia, la grande ville la plus proche. Ils avaient toute la nuit pour parvenir à leur objectif et poser leur candidature au maître de la guilde.
Seulement, lorsqu'ils cherchèrent à quitter les ruines, deux grands demi-murs de pierre attira leur attention, à deux mètres à la gauche du grand portail d'entrée. Les jumeaux s'y rendirent en silence, seul le bruit de leurs pas était perceptible. Katmany s'agenouilla sans ménagement sur le sol, ses longs cheveux tombant en cascade sur ses épaules et derrière son dos tandis qu'une fine mèche vint se poster devant sa vue brouillée par les larmes naissantes. Devant elle se trouvait la tombe d'Hisa et Tsugo Sanetaka, faite de marbre blanc et haute d'un bon mètre cinquante. Katmany imprégna l'image de ses défunts parents, même s'ils étaient de pierre. Quelques inscriptions étaient gravées dans la roche, comme si elles avaient été sculptées à la main ... et de nombreuses fleurs étaient disposées sur les tombes. Des fleurs disposant de pétales, n'étant pas fanées. Quatre ans plus tard, les villageois pensaient encore aux défenseurs de leur village, et les honorait comme il se doit... Un léger sourire germa sur le coin des lèvres de Katmany.
Les deux jumeaux prirent leurs maigres affaires et levèrent le camp.
Ils n'ont désormais plus qu'une chose en tête : devenir plus fort afin de retrouver ces bandits qui ont détruit leur famille.
Peut-être parviendront-ils à mettre leur méfiance de côté, au sein de Fairy Tail, et de ce fait, s'ouvrir aux autres. Seul l'avenir nous le révélera ...