Adieu, Senji Kiyomasa

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Je viens de laisser les restes de Crimson Hounds derrière moi. Mon fils à l’école, je croise sa professeure qui me paraît bien sympathique, attachante et chaleureuse : parfaite enseignante à des élèves d’une école primaire. Je sais qu’il est entre de bonnes mains. Je me suis promis qu’en arrivant ici, à Bosco, j’aurai la paix et que jamais, au grand jamais je ne montrerai la magie à mon fils. Je ne veux pas qu’il attire l’attention sur lui et que le Conseil finisse par nous retrouver. Nous sommes isolés oui, mais ne sait-on jamais ce qui peut arriver. Je sers mon fils contre moi une dernière fois avant de le voir gambader vers les entrailles de l’école. Je soupire en me disant que c’est bien la seule fois qu’il est laissé à lui-même, la seule fois que je tourne le dos sans avoir sa petite main serrer mes doigts pour me suivre. Je quitte le territoire et rentre à la maison pour terminer ce que j’ai commencé. Je fends l’herbe avec la faux et je l’accumule sur un chariot avant de l’emmagasiner dans la grange. Toute la journée, je m’y suis mis et pourtant, je n’ai toujours pas terminé. J’essuie mon front avec le revers de ma main et je rentre pour me doucher. Il est presque l’heure de ramener mon fils. Je tente de faire bonne impression avec un vêtement simple, mais propre, sachant que les autres parents seront présents. Je ne devais pas éveiller de soupçons ni faire honte à mon fils pour sa première journée d’école.

J’arrive et nombreux sont les adultes qui sont figés en demi-cercle pour permettre aux enfants de mieux les voir parmi toute la foule. Je réussis à me faufiler et à prendre part au cercle parental. Certains parlent entre eux, d’autres attendent impatiemment que les élèves se ruent vers la sortie. Les voilà. Le sourire rivé jusqu’aux oreilles pour les uns et une mine basse pour les autres en dit long sur le déroulement de leur journée. J’attends. Les enfants dévalent en cascade, les parents de dispersent, mais moi je suis toujours là à attendre mon fils. Puis, plus que moi. Je fronce les sourcils et je trouve cela bizarre. Je vois les adultes sortir à leur tour, mallettes et sacs en mains : les professeurs. Je repère celle de mon fils et m’avance vers elle. Elle ne me voit pas arriver, alors pour qu’elle me fasse face, j’agrippe son bras et la fait tourner :

« Oh! Monsieur Kiyomasa! Que puis-je faire pour vous? »

« Où est mon fils? »

« Je croyais que vous étiez au courant que votre frère est passé le prendre plus tôt aujourd’hui. Il a dit que le petit avait un rendez-vous. »

« Je n’ai pas de frère… »

« Oh mon dieu… »

Je panique. La tension monte et je m’énerve. Mon fils, mon seul et unique fils, la chair de ma chair est porté disparu. Je fais les cent pas les mains posées sur mon crâne, sur mon visage, me dévisageant de toutes les manières possibles pour me calmer, mais rien à faire. Je passe la professeure qui se sent coupable du crime et j’entre à l’intérieur de l’établissement. Je fais tous les couloirs, toutes les salles de classe : rien. Je retourne dehors où elle me propose d’avertir les autorités. Je la prends par le collet et la soulève pour la dévisager de mon seul œil :

« Tu fais ça et je te tue, t’entends?! »

Je la laisse retomber sur ses pieds sans équilibre et quitte le territoire pour rentrer chez moi. Je dois réfléchir à une solution, je dois réduire le cercle des potentiels kidnappeurs. Moi qui n’ai pas parlé à qui que ce soit dans ce fichu pays, comment est-ce possible qu’on veuille s’en prendre à mon fils? Chose certaine, il ne s’en est pas pris à la bonne personne et je vais le faire payer en double. Arrivé devant ma porte d’entrée, je vois une lettre accrochée à la poignée et accotée au cadre. Je l’agrippe brusquement et lis son contenu :

Cher Senji Kiyomasa,
Il ne sert plus à rien de te cacher. Nous t’avons retrouvé toi et ton fils. Sache qu’aucun mal ne lui sera fait si tu ne fais pas de mal à qui que ce soit. Nous t’avons à l’œil. Sache une chose : Si tu veux que ton fils retrouve sa liberté, rends-toi. C’est une affaire d’or : ta liberté pour la sienne. Prends tout le temps qu’il te faut pour te rendre, mais n’attends pas trop, car ton fils pourrait croire que son père est le vrai méchant dans cette histoire.

Signé : Conseil de la Magie

La lettre se chiffonne dans ma main, mes dents grincent d’elles-mêmes et mon poing fracasse ma porte d’entrée. Quoi faire? Dois-je me rendre et risquer que l’éducation de mon fils de par lui-même soit bafouillée? Il est trop jeune pour prendre soin de lui, il a besoin de son père. Je ne peux pas me rendre et je ne peux pas me venger, je ne peux pas le laisser et croire que je suis un monstre. Non, je ne lui ai rien dit sur mon passé, je ne lui ai rien dit sur mes facultés magiques, rien sur Crimson Hounds, rien sur Minstrel. Putain que je ne sais pas quoi faire! Mon pied défonce ma porte d’un mouvement sec et je me retourne. Je regarde mes jointures en sang. Je secoue le poing pour effacer la douleur, pour me débarrasser du sang qui coule jusqu’au bout de mes doigts. J’ai renié ma magie pour protéger mon fils, j’ai renoncé la vieillesse et l’invulnérabilité pour qu’il survive…. Mais rien. Rien de cela n’a porté fruit.

« Renie l’espace et le péché te sera redevable. »

Je ne comprends pas. Il n’y a personne et pourtant, c’est comme si quelqu’un venait de parler. Je fronce les sourcils avant d’écarquiller les yeux devant ma blessure au poing : le sang se lève de lui-même comme un cobra, comme si le branch of sin vivait toujours en moi. Je secoue la tête et lève ma main au niveau de mes yeux. Je reprends mes esprits :

« Euh… quoi? »

« Oublie les techniques que l’avatar de l’espace t’a léguées et voue-toi au branch of sin. Je te redonnerai ce qui t’est droit avec l’anonymat absolu. »

« Euh… quoi? »

« J’ai calqué les particularités du tatouage de Crimson Hounds et il te sera possible d’être quelqu’un d’autre aux yeux de ceux qui ne te connaissent pas. »

Je trouve ça bizarre. Le branch of sin ne s’était jamais présenté avec une voix auparavant. Je sais qu’il manifestait son mécontentement en s’élevant de lui-même de mes blessures quand je m’entraînais avec l’avatar de l’espace, mais jamais je n’aurais pensé que ce soit en fait une entité intelligente. Pourquoi se voue-t-il à moi comme ça? Était-ce ce que le pacte avec la secte procurait? J’avais rejoint la secte à Minstrel pour pouvoir contrôler de la magie, mais penser que la magie en elle-même était en fait magique… Je ferme les yeux et prends un grand soupire. Je regarde sévèrement ma blessure qui fait encore des siennes pour lui dire :

« Je suis prêt. »

Pour mon fils, pour sa sécurité, j’accepte à nouveau le branch of sin et son utilisation. Pour mon fils, j’accepte de me battre et de vaincre. Pour mon fils, plus aucune défaite ne m’est possible d’accepter. Pour mon fils, je remettrai les pieds à Fiore. Pour mon fils, je deviendrai plus fort. Pour sauver mon fils, je détruirai chaque fils de pute qui se mettra à travers de mon chemin. Je le jure.

Le branch of sin m’englobe de tout mon être et pourtant, je ne sens rien. Puis, la lumière revient. Ma main entre en contact avec quelque chose à ma ceinture : une épée? Puis, mes yeux scrutent ces habits un peu trop militaires. Mes proportions paraissent les mêmes qu’avant sauf que je me sens un peu plus imposant, plus carré. Ma main parcoure mon visage, mais encore là, c’est l’illusion qui me fait croire que ma vue est revenue. Je n’ai plus de bandeau, mais je ne vois pas de cet œil. Mon poing est guéri. Ma main agrippe le manche de l’épée et je tire un bon coup. Je sens ma cuisse se faire couper, mais pourtant, ce que je tire de son fourreau me rend sceptique : C’est en fait une lame au bout d’un manche qui fait 5 centimètres. J’arque un sourcil et me rend compte que cette lame est une attrape qui sert qu’à me blesser moi. Je regarde mes pouces : plus de bague. C’est donc cette manière pour faire sortir le sang...

Le branch of sin me parle intérieurement cette fois. Il me dit que puisque je me suis limité à lui seul, je suis beaucoup plus fort, beaucoup plus résistant. Mes capacités à guérir sont encore plus accélérées. Cette lame, enfin, ce manche me servira d’intermédiaire pour posséder mes Crow Claws et toutes les techniques que j’ai appris par moi-même de par le passé. Je fais le test en contrôlant mon sang. Il aboutit au bout du manche, faisant par lui-même la lame de l’arme. Je peux le modifier à ma guise et changer sa composition comme avant. Pour ce qui est de mon crawling spike, c’est problématique et je ne peux pas me permettre de coller au mur comme avant sous peine de dévoiler ma couverture. Je trouve ça bien de pouvoir accomplir mon objectif sans être pris dans ce filet dans lequel le Conseil croyait me piéger. Je dois devenir plus fort si je veux avoir une chance d’entrer au Conseil par effraction, si je veux avoir une chance de tous les tuer. Je fais craquer mon cou tout en rangeant mon arme :

« Nouvelle apparence, nouvelle identité. As-tu décidé d’un nom? »

« Alek Lehto. Oui, Alek Lehto sonne bien… et Alek Lehto commence son carnage dès maintenant… »