Sujet: Six Years Has Gone So Fast Lun 17 Mar - 19:35
Eileen Fa Long
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Titre : La chinoise mal démoulée Crédit : Sun Shang Xiang. Modifié par mes soins. Feuille de personnage Maîtrise Magique: (2585/35000) Mérite: (108/160)
六年前
Le plaisir de regarder. De sentir sous nos pieds ce paysage exquis de vide. S’il devait y avoir meilleur sentiment que l’impression de liberté que nous procure le vide qui nous tend la main, je ne l’ai pas trouvé. Y-a-t-il plus trompeur que notre propre esprit alors que, assis sur l’aiguille rocheuse d’une falaise, on observe la mer qui fait trembler le roc immobile. C’est ce qui m’avait accompagnée pendant six ans. Pas uniquement ceci, c’est vrai. Sorrow hennit bien assez fort après les vagues pour me le rappeler. Mais c’est avant d’abandonner la petite maisonnette que j’occupe près de la côté de Sin que je me rends compte que tout ce temps passé à naviguer d’un endroit à un autre pour le compte d’Obaba. Tellement de temps que j’en ai presque oublié à quoi ressemble Fiore. Je suis passé par ma terre natale, par Pergrande, par Bellum… Tant de monde différent que ce soit politiquement ou visuellement. Des riches, des pauvres, des nobles fuyant et des imbus d’eux même sans le sous. Le plus drôle étant qu’à chaque fois, quel que soit le pays, il m’a fallu regarder de haut mon interlocuteur pour avoir un semblant de respect alors que j’avisais des hommes et femmes qui avaient répondu à mon appel. Mage sans magie, Membre de Lamia Scale sans prestige, rien n’a été facile durant six ans. Mais j’ai grandis. J’ai vieilli aussi.
A trente et un ans passés, je ne crains plus quiconque et me suit presque trouvé une vocation de misanthrope. C’est surement pour ça que je défie la mer de lécher le bout de mes chaussures, à contrejour du soleil couchant entre les monts. Une heure que je me perds dans l’absolu infini de la mer en pensant à ce qui s’est produit il y a peu. Cela faisait une éternité que Changeling ne s’était pas liquéfié sous mes yeux. J’avais été stupéfaite de voir qu’alors que mes lardons cuisaient tranquillement dans la poêle, le cuivre épais du bijou s’était mis à bouillir comme l’eau de mes pommes de terre avant de couler allègrement dans l’ustensile de cuisine. Un massacre pour mon repas de ce soir. Littéralement. Le métal avait envahie la fonte avant de s’immobiliser complètement en prenant une lourde teinte rougeâtre. La chaleur qu’exhalait la poêle-Changeling m’avait fait fuir les fourneaux alors que mes maigres restes de porcs finissaient de se carboniser avec une douce odeur d’incendie à venir. Tranquillement, j’avais balancé le bac d’eau de la salle de bain sur la flamme naissante et éteint le feu de cuisson. Satisfait du chaos qu’il avait provoqué, Changeling avait sagement attendu que mon poignet passe à proximité pour se jeter dessus.
Je touche du bout des doigts la brulure cuisante que le cuivre m’a fait au poignet en faisant la moue. Toujours en finesse cet emmerdeur. Depuis un tour de temps, il se fait un malin plaisir de me pourrir mes nuits de sommeil, tant et si bien que, malgré moi, j’en viens à dormir n’importe où et à la moindre occasion. Je pousse un soupir résigné et me concentre un peu. Il m’avait parlé de comment il pouvait acquérir une nouvelle forme, dans un rêve. Malheureusement, il n’avait pas donné suffisamment de détail pour me préparer à ça. Avait-il d’ailleurs seulement conscience de ce que je faisais quand il s’est transformé en joyeux artefact liquide et apprenti pyromane ? Sans doute pas. Ma concentration redouble alors qu’une lame fait s’envoler une poignée de goutte d’eau de mer sur mes jambes dénudées. Je sens vaguement le métal prendre forme avant de baisser les yeux sur l’objet que je tiens. C’est pour le moins plutôt comique de savoir que Changeling considère ceci comme une arme, mais pourquoi pas ?
Je regarde la mer, replongeant dans mes pensées. J’avais presque tout fait dans cette vie. La seule chose qui me manquait, c’était un tour de bateau. Lasse, je me lève et jette ma poêle par-dessus mon épaule. Je murmure pour moi-même, le sourire aux lèvres, caressant les naseaux de Sorrow qui vient de me rejoindre.