| Sujet: [Entraînement seconde magie] Un adieu ? Mer 25 Sep - 17:59 | |
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| S'il est bien une chose qui manque à Ijeel depuis l'installation de Julia et de la gamine dans sa maison, c'est son lit. Et son temps libre. Et son espace vital. Et beaucoup d'autres choses en fait. Voilà six mois que la première est arrivée, et deux mois que l'autre a suivi. S'il a souvent l'occasion de voir la blonde, que ce soit parce qu'elle l'accompagne dans des missions ou parce qu'elle essaie de lui soutirer de l'argent, pour ce qui est de l'enfant, leur relation est plus distante. Autant le dire franchement, ils ne se voient pratiquement jamais, pour le plaisir de l'un et au grand damne de l'autre. Car même si elle ne le dit pas, l'orpheline s'est tout particulièrement attachée à l'albinos, son sauveur, celui qui lui a permis d'échapper aux expériences qu'elle a subies et qui a fait vœu de la recueillir. Enfin, c'est ainsi qu'elle l'a perçu, mais c'est plus par contrainte et culpabilité qu'il a fini par céder. Malgré ce que l'on peut croire, la fée n'est pas altruiste. Il ne supporte juste pas de ne pas agir lorsqu'il le peut, ou plutôt, les conséquences morales que cela va lui infliger. De toute façon, un altruisme pur existe-t-il ? Les prétendus désintéressés agiraient-ils de la même sorte si aider ne leur procurait pas ce sentiment d'avoir bien fait, ou si ne rien faire n'impliquait pas de sentiment de culpabilité ? Il en doute, et fortement. C'est là l'hypocrisie de l'homme sans doute, être égoïste dans son principe même.
C'est à cette conclusion là que l'albinos en est arrivé à présent. Le reflet de sa propre vie, de sa propre manière de faire, d'agir. Il est un temps où il se serait jugé comme altruiste, mais cela est passé. Sans doute que 17 années de captivité, sans jamais voir de visages amicaux, l'ont poussé à ce train de vie. Mais peu à peu, à force de rencontrer des dangers toujours plus grands, il ne peut plus, se rendant compte que mettre sa vie en jeu sans se soucier de la potentielle mort qui l'a tant de fois frôlé, il n'est simplement pas fait pour ça. Elsa ou Natsu y arrivent sans doute, mais lui ne peut juste pas, ou plus. Le monde lui a bien souvent rappelé sa place, et pour agir comme le fait la reine des fées, il faut pouvoir se le permettre, acquérir une force permettant d'accomplir l'impossible, de pouvoir s'élever au-dessus du danger... Lui n'a rien d'un mage puissant. Ses voyages le lui ont appris... Tant de personnes qui peuvent le tuer d'un simple mouvement... Le mieux qu'il a pu faire, c'est sauver cette gamine. Cependant, la revoir ne lui fait pas du bien. Cela lui rappelle justement cette époque, celle où la vie de l'autre comptait plus que la sienne, où il se serait jeté sans hésité dans n'importe quel piège pour sauver un parfait inconnu. Qu'est-ce-qui a changé ? Lors du tournoi, La fée a eu peur de mourir lorsque Sofia, la mage du conseil, a déclenché ce véritable cataclysme sur le terrain. Lorsqu'avec Damaz, ils ont dû s'échapper du manoir rempli de statues de cire, Ijeel aurait tout donné pour ne jamais y être entré, même si cela implique que des centaines de mages seraient encore captifs de cet endroit. Quand avec Misto, il est tombé dans des ruines infestées de monstres, plusieurs fois le mage albinos a crû que jamais il n'en sortirait, et même s'il n'aurait pas abandonné l'aigle, il aurait échangé volontiers sa place avec n'importe qui.
Maintenant qu'il y repense, la dernière fois où il s'est jeté volontairement dans un piège en ignorant les risques... C'est lorsque le démon a pris un village entier en otage. La fée aurait dû mourir ce jour-là. Pourtant, au final, cela ne s'est pas passé ainsi, et par chance, il en est sorti victorieux. Cependant, pas à un instant, il a songé à sa mort presque inéluctable. C'est après cet événement que sa vie lui a semblé d'un coup si essentiel, alors qu'il a beau y réfléchir encore et encore, rien n'a changé. Toujours lorsqu'il s'interroge sur ce qu'il vaut, sur ce que représenterait de mourir pour lui, il en vient à la même conclusion : et alors ? Sa vie n'a pas de réelle importance, et il ne cherche absolument rien, n'a aucun but. Il vit pour vivre, ce qui est un motif assez... idiot. Bien sûr, d'autres sont dans son cas mais accordent une importance à leur vie, et chacun son interprétation après tout. A son sens, sa vie peut bien être sacrifiée pour n'importe quelle autre, alors, pourquoi cette peur nouvelle de mourir ? Oh, on peut lui trouver un but aisément : sauver Ighen du sort qu'on lui a jeté. Mais encore une fois, ce n'est pas un but personnel, seulement l'accomplissement de celui d'un autre qui ne peut le faire par lui-même. Ijeel n'est rien d'autre que le complice de cette quête, certainement pas l'instigateur. Et cela le ramène à cette question : et après ? Une fois cela fait, il n'aura même plus comme objectif le but d'un autre, il n'aura juste plus rien. Une vie vide et morne. Bien sûr, il y a Julia, mais cela ne durera pas éternellement. Dans un mois ou deux, elle partira. Et elle emmènera cependant la gamine avec elle, ce qui soulage plus ou moins l'albinos. Cela l'énerve d'avoir perdu cet ancien lui, celui qui ne s'est jamais soucié des choses de ce genre, qui a toujours avancé pour avancer, et combattu pour aider. Tout cela s'incarne en elle, cet idéal qu'il ne pourra plus jamais atteindre. Pourquoi tant de changements ?
Le mage ne comprend plus, ne sait plus. Il est juste las. C'est assez paradoxal, en avoir assez de vivre et ne pas vouloir mourir. Que s'est-il passé pour qu'un tel changement survienne ? De nouveau l'incompréhension le prend... Et quel est l'intérêt de vivre pour quelque chose ? Depuis quand cela le tourmente-t-il ? Avoir un but ne lui a jamais semblé essentiel hormis tout récemment. Bien sûr, Ijeel pourrait en prendre un au hasard, quelque chose de bateau, mais rien ne l'intéresse. La force, il n'en veut pas, cela impliquant des responsabilités qu'il ne se sent pas d'assumer. Rien qu'à voir Elsa, aucune chance qu'une personne telle que lui puisse supporter autant de charges sur ses épaules. La richesse, il ne ressent aucun désir matériel pour quoi que ce soit, et avoir de l'argent pour en avoir lui semble stupide. Vivre pour s'amuser lui est impossible, car toujours l'ennui revient, et cela l'amènerait à fuir une perpétuelle monotonie, où il lui faudra se mentir pour voir que jamais il ne pourra atteindre ce but. L'amour lui est étranger, n'ayant aucune attirance envers les hommes et une peur continuelle des femmes, quoique ce dernier point commence à sérieusement pouvoir se discuter. Devenir plus utile pour sa guilde, il n'en a que faire, tout ce qu'il peut accomplir sera de toute façon supplanté éternellement par ce que font Natsu, Lucy, Gray et surtout, Elsa. Pas que cela le dérange ou qu'il fasse un complexe, mais il ne peut se rendre plus utile envers la guilde dans l'état actuel des choses. De toute façon, tout ce qui le pousse à faire des missions, ce n'est certainement plus l'envie d'améliorer sa guilde dans laquelle il ne se retrouve plus, mais plutôt de gagner suffisamment de Jewels pour subvenir au gouffre financier nommé Julia. Jamais l'albinos n'a eu le besoin d'enchaîner les missions pour avoir de quoi payer son loyer et ses dépenses, et il a toujours eu l'opportunité d'économiser de plus en plus. Mais là... Là... Un demi-million de Jewels expédié en une semaine...
Enfin, cela n'a pas qu'un côté négatif. Le faire travailler autant l'oblige à moins paresser, mais surtout, l'empêche de réfléchir. Pas comme dans le cas présent. Il déteste ça... Dès qu'il se retrouve seul, que Ighen ne lui parle pas ou même parfois, dès que le sommeil le prend, plus rien ne peut stopper ses pensées. « Pourquoi continuer à avancer, quel est l'intérêt d'une vie comme la tienne, tu ne fais que repousser un sentiment qui te ronge, tu n'es pas honnête avec toi-même... » et tellement d'autres choses... Mais toutes ces interrogations se heurtent au même problème, ce paradoxe que rencontre Ijeel à présent : sa vie ne représente rien, et pourtant, au cœur du danger, il fait tout pour la préserver. Ce nouvel aspect de sa personne justement... Cela le dégoûte. Il n'a jamais eu une haute estime de lui-même, ou plutôt, disons qu'il n'y a jamais accordé une once d'importance. Et pourtant, il sait à présent que si un de ses compagnons est en danger de mort, il ne pourra pas l'aider si cela implique de lui-même risquer d'être dans la même situation. La fée peut-elle seulement faire encore partie d'une guilde dans ces conditions ? Du moins, dans cette guilde-ci ? Prônant l'amitié et l'entraide alors qu'il lui devient de plus en plus impossible d'en faire preuve ? Et d'ailleurs... Pourquoi est-il seulement dans une guilde ?
Katsuro le lui a déjà dit. Enfin, d'une certaine manière. Lorsque Lucy a été faite prisonnière et a risqué de mourir, l'albinos n'a rien fait. Du moins, il en a été incapable. Sans le brun, sans doute serait-elle morte aujourd'hui. Et ce jour-ci, son coéquipier lui a dit qu'il n'a rien à faire dans cette guilde. Certainement qu'il a dit ça à chaud, qu'à présent son jugement a changé, mais pourtant, il n'a pas tort. Il a failli laisser mourir quelqu'un. C'est un souvenir douloureux, même s'il n'en montre rien. Ijeel ne sait plus où il en est exactement, mais une chose est certaine : rester à Fairy Tail dans ces conditions semble impossible. Oh bien sûr, certains trouveront à redire de cette décision, mais il n'en a que faire. S'il ne peut protéger d'autres personnes, alors autant qu'il reste seul. Un frisson le parcourt : est-ce différent pour Julia ou la gamine ? La fée peut-elle encore se permettre de vivre avec elles ? Et pourquoi ne peut-il pas simplement redevenir comme avant ? Qu'est-ce-qui a changé ?
Toujours cette question, elle revient, inlassablement, et reste sans réponse, toujours. Peut-on simplement changer aussi rapidement ? Doit-il poser toutes ces questions à Ighen ? Le vieil homme ne le semble peut-être pas comme ça, mais il est généralement de bon conseil... Ijeel essaie de l'appeler mentalement, mais sans succès, évidemment. Toujours au moment où il a besoin de lui... Sans doute à dormir, encore. D'habitude, il l'aurait réveillé, mais là, quelque chose le bloque. Sans doute a-t-il également peur de confier tout ça à qui que ce soit d'autre. L'aveu de sa faiblesse, ce n'est pas évident à dire, forcément. Une question de fierté ? Non, juste la peur d'avoir une réponse à ses questions. Une réponse qu'il ne veut pas entendre. Savoir est parfois plus douloureux qu'ignorer, n'est-ce-pas ?
Et il y a également un dernier détail... La colère. Oui, l'albinos ressent de la colère. Ou plutôt, il devient impulsif, réagit sur le moment sans réfléchir, contrairement à sa nature calme, indifférente, presque amorphe qu'il a habituellement. Il lui devient plus fréquent de s'emporter, d'avoir des pensées noires, des choses qui le sortent de sa neutralité habituelle, qui bien qu'énervante pour son entourage, lui plait bien à lui. Et à présent, il est lunatique. Passant de l'indifférence à l'énervement, en seulement quelques instants. Si jusqu'à maintenant, il a toujours su la réfréner, ça n'en reste pas moins inquiétant, surtout que cela arrive de plus en plus fréquemment. Mais tout ça pourtant, ce n'est pas lui, et l'albinos le sait.
Enfin, plus exactement, Ijeel devient de plus en plus étranger à lui même. Il ne se retrouve plus, et se demande même seulement si le comportement qu'il a eu communément n'est pas qu'un masque, et ne l'a pas toujours été. A-t-il seulement un jour été honnête avec lui-même ? Le sera-t-il ? Le pourra-t-il seulement ? Il lui faudra pour ça pouvoir s'assumer, assumer celui qu'il est vraiment... Mais voilà que ça recommence, cette impression que la chose fausse n'est pas cet ancien comportement, mais l'actuel. Cependant, tout cela n'a pas de sens, et à vrai dire, il commence sérieusement à s'y perdre. Il est lui sans l'être, un peu comme si...
La porte s'ouvrit d'un coup, révélant une Julia un peu encombrée par des sacs contenant diverses choses à des années lumières d'être vitales. Toujours aussi dépensière, n'est-ce-pas ? Pour autant, Ijeel ne soupire pas et ne fait aucun commentaire à ce sujet, lui adressant juste un sourire. Il a fini par s'y habituer de toute façon, alors à quoi bon s'emporter sur un sujet comme celui-ci ? Pour le moment, il profite juste de son retour pour se lever du fauteuil sur lequel il est assis depuis un certain temps maintenant, et enfin pouvoir arrêter de penser. Pour un peu, il la prendrait presque dans ses bras. Oui, sa phobie a perdu beaucoup de terrain, mais il ne faut pas non plus pousser, agir vraiment naturellement ne lui est pas encore possible. Ça aussi, c'est un de ces changements qu'il n'explique pas forcément. Autant il pourrait mettre tout ça sur le compte de Misto, autant cela lui semble un peu gros qu'elle soit la seule et unique responsable. Mais qui d'autres sinon ? Julia elle-même n'a pas été d'une grande aide, jouant justement sur cette peur pour l'obliger à céder à tous ses caprices. La gamine... N'en parlons pas. Les femmes de Fairy Tail, c'est encore pire. Peut-être cette peur idiote s'est-elle émoussée avec le temps...
L'albinos se secoue la tête. Il lui faut arrêter de penser, encore et encore. Alors qu'elle lui rend son sourire, Julia s'immobilise un instant, avant de le regarder, inquiète. Sans doute est-ce son teint blafard qui l'interroge, ce qu'elle confirme l'instant d'après, suite à quoi elle lui propose d'aller se reposer. En a-t-il seulement envie ? Bien sûr, autrefois, le mage faisait tout pour le moindre instant de répit, mais maintenant... L'isolement est bien la dernière chose qu'il souhaite. S'il s'isole... A force de penser, il va devenir fou. Bien que le processus semble déjà bien engagé : ne peut-il simplement pas balancer toutes ces questions et ne pas s'en préoccuper, comme à son habitude ? Il semblerait que non, puisqu'elles lui reviennent toujours en tête, inlassablement. Bon sang, pourquoi s'encombre-t-on d'un sens moral sérieusement ? Ne peut-on pas juste accepter ce que nous sommes, sans en permanence se dire que l'égoïsme, c'est mal, et qu'on devrait plutôt prendre sur soi que dépendre toujours des autres ? Décidément...
Au final, Ijeel décline son offre, ce qui la surprend davantage, et l'habituel interrogatoire débute, à savoir s'il va bien, s'il n'a pas des problèmes en ce moment, ce genre de choses. Bien évidemment, le mage albinos ne lui en parle pas, stoppant le flot de questions simplement en lui assurant qu'il va bien et que s'il avait quoi que ce soit, il lui en aurait déjà fait part. La blonde s'arrête donc, lui faisant confiance, et amenant la fée à considérer la relation qui les unie tous les deux. Leur rencontre s'est déroulée plutôt étrangement, mais on peut dire qu'il l'a sauvée et lui a offert l'espoir d'un changement dans sa vie. Et même si leur lien est fort, bientôt, tous deux seront forcément séparés. Enfin, sans doute que si l'albinos ouvrait un peu les yeux, il comprendrait ce que elle, elle pense de lui. Néanmoins, il est trop borné dans sa logique de la femme comme tyran naturelle pour supposer quoi que ce soit de ce genre. Sans doute est-il trop innocent pour la soupçonner de tels sentiments... Enfin, peut-on seulement en vouloir à quelqu'un comme lui, qui n'a de contact avec le monde extérieur que depuis quelques années ? Il finira bien par s'en rendre compte de toute façon...
Derrière lui, une porte s'ouvre, et cette fois-ci, c'est la gamine qui sort de sa chambre. Julia a longtemps hésité au prénom qu'il faut lui donner, et a finalement tranché pour Kairi. Si Ijeel s'est opposé au début à l'idée de la nommer eux-mêmes, il a finalement craqué car l'enfant n'a pas l'air d'avoir le moindre souvenir la concernant remontant d'avant son kidnapping, et de ce fait, aucune piste sur qui elle est. Elle vient manifestement juste de se réveiller, sans doute le retour de Julia y est pour quelque chose. Juste après lui avoir fait un sourire un peu bancal et un signe de la main, Ijeel s'empresse presque de sortir de chez lui. Décidément, c'est toujours un peu délicat, et ce n'est pas prêt de s'améliorer. Il ne faut pas croire qu'il se fiche bien de ce qu'elle peut penser, au contraire, il aimerait pouvoir répondre à ses attentes. Mais c'est plus fort que lui...
Dehors, l'agitation est celle que l'on retrouve tous les matins dans les rues de Magnoria, surtout que le temps est favorable à qui veut se promener. Et de ce fait, les familles sont de sorties, de même que les couples et autres enfants s'amusant entre eux. Des marchands ont déjà déballés leur étalage, et de petits attroupements se sont formés autour de certains d'entre eux. Se déplacer dans tout ça n'est pas toujours chose aisée, mais ça donne une raison de prendre son temps. Le mage essaie de s'intéresser un peu à ce qu'il se passe autour de lui, tout ça dans l'optique encore une fois de s'occuper l'esprit. Il ne veut pas et ne peut plus continuer ainsi. Toujours à se fuir... Cela ne peut durer éternellement, mais aucune solution ne semble convenir, alors, que faire ? Rien, car il n'y a rien qu'il peut faire, hormis accepter ce qu'il devient alors que cela le dégoûte, tout simplement. Pour le moment, il doit juste continuer à faire ce qu'il a toujours fait, suivre le cycle répétitif et terriblement ennuyeux de sa vie, car en dévier lui est impossible.
Une main se pose sur son épaule et, se retournant, il reconnaît bien rapidement Julia, sans doute venu là pour lui demander des explications sur son comportement envers Kairi. Cela devait arriver tôt ou tard, mais il ne sait pas vraiment comment lui justifier ça sans lui parler du reste.
« J'ai... remarqué le comportement que tu adoptes vis-à-vis de la fillette depuis quelques temps. Il y a un problème avec elle ? »
Dans le mille. Il n'a aucune réponse à lui fournir, et aucun mensonge suffisamment crédible pour le moment. Rien qui pourrait le tirer d'affaire en somme. Alors, plutôt que d'avancer sur un terrain miné, autant reporter la discussion.
« J'ai quelque chose d'urgent à faire, et comme les explications risquent de prendre un certain temps, je t'en parle quand je reviens, d'accord ? - Tu pars encore pour une mission ? Tu ne peux pas faire de pause pour une fois ? Kairi s'inquiète vraiment pour toi, mais du coup, tu ne t'en es certainement pas rendu compte... - Promis, après celle-ci, je fais une pause, et je te parle de tout. Ça te va ? - En ce cas là, d'accord, mais... je viens avec toi. Ça fait longtemps, et puis... Et puis je veux venir, voilà tout. »
Pas de place pour la discussion de toute façon, et lui demander le contraire ne ferait que renforcer sa volonté à vouloir venir. Ijeel accepte donc, plus par contrainte que par réelle envie, tant parce que cela va exposer la blonde au danger, mais aussi et surtout car il comptait profiter de cette mission pour réfléchir à quoi lui dire. Il n'a pas envie de parler de ses vraies raisons... Au moins, elle ne le questionnera pas avant qu'ils reviennent tous deux à Magnoria. Alors, pendant qu'elle va régler les quelques détails pour la gamine, lui va se charger de prendre la mission à la guilde. L'albinos soupire, n'aimant que peu s'y aventurer à présent. L'ambiance survoltée, il a fini par s'y accommoder, mais au final, voir tous ces visages souriants et amusés lui fait plus du mal qu'autre chose. Aussi file-t-il directement prendre la première mission payant bien avant de repartir aussitôt, sans prêter attention aux pitreries diverses de Natsu et les autres. Sortant donc du bâtiment de la guilde, Ijeel se dirige directement chez lui, ignorant les quelques marchands essayant d'attirer son attention, dans le but de rejoindre Julia qui l'y attend. Confiante, alors qu'il aurait pu simplement partir directement pour la gare, mais les conséquences lui ont fait trop peur. Elle sait être... rancunière quand elle le veut.
Regardant plus en avant les détails de ladite mission, Ijeel note que les objectifs sont bien simples. Une simple demande d'escorte de marchandises, pas vraiment de quoi se prendre la tête. Sans doute quelque chose de coûteux à défendre contre d'anecdotiques bandits. Julia soupire presque en lisant à son tour la mission, mais le fait qu'elle se passe à proximité de Crocus l'enchante. Elle n'a jamais eu de véritable occasion d'y aller, et, forcément, la blonde décide de cette occasion pour assouvir ce désir. L'albinos a bien l'impression que la paie va vite être engloutie, mais bon, il y est habitué à présent. Déjà qu'il a eu à peine de quoi se payer le ticket de train... Décidément... Dire qu'à une époque il a souhaité qu'elle parte, et qu'à présent, il veut juste qu'elle reste. Tout cela encore une fois ne lui semble pas clair du tout, mais bon, c'est un énième changement dont il ne comprend rien et qu'il ne peut expliquer. Les questions s'entassent sans jamais trouver de réponses, toujours. Cycle infernal qui ne semble pas trouver de fin. Cela l'irrite au plus haut point, mais l'entrée du train dans la gare de Crocus le tire de ses pensées. Arrivée plus que salutaire donc et, après avoir soufflé un peu, Ijeel se lève pour sortir, non sans se faire emporter par la masse de personnes ayant pris ce convoi. Il faut dire que Crocus n'est pas n'importe quelle ville après tout... Arrivant finalement tant bien que mal à sortir, il attend à présent que Julia y parvienne à son tour. Elle est tout comme lui et n'aime que peu la foule, aussi, malgré ses désirs touristiques, ils ne resteront finalement que peu de temps, juste de quoi le ruiner.
Une fois réunie, ils prennent tout d'abord une direction un peu au hasard, l'un étant une cause désespérée niveau orientation et l'autre ne connaissant rien à la ville, avant qu'Ighen, enfin réveillé, ne leur indique la route, rappelant bien à Ijeel à quel point il est désespérant. Qu'importe, à force, il a fini par simplement s'en moquer. Et puis, ce n'est pas forcément faux, surtout en ce moment où il se trouve réellement pathétique. Cependant, alors qu'ils marchent, la blonde en train de le tirer par le bras et lui trainant simplement derrière, le vieillard lâche une phrase que jamais la fée n'a pensé entendre vraiment un jour.
*Il est là. Je le sens.*
Pour n'importe qui, cela peut sembler énigmatique, manquant énormément de précision. Mais pas pour Ijeel, qui sait de quoi son maître parle. Le mage noir qui l'a mis dans cet état est ici, non loin, et s'il arrive à passer son regard sur lui, Ighen pourra alors lui indiquer avec précision lequel c'est. Car avec tout cet attroupement de personnes, il ne suffira pas de sentir une aura magique, il faudra aussi trouver son possesseur. Tournant sur lui-même, provoquant des interrogations de la part de Julia, le mage scrute la moindre personne, sous leurs regards interrogateurs, mais il n'en a que faire. Lui-même cherche quelqu'un semblant au moins un peu suspect, car c'est ainsi qu'il se l'est imaginé ce fameux adversaire qu'il va lui falloir affronter. À un moment, le vieillard reprend la parole, lâchant un simple *lui...* mélangeant de l'excitation et de l'animosité. Beaucoup d'animosité. Il a le moyen de récupérer et sa magie et son corps originel enfin à portée, mais cela lui rappelle également ces quatre années passées coincé à devoir vivre ainsi. Un mélange que ressent Ijeel tant il n'est pas contenu, mais il n'y prête pas attention, préférant détailler ladite personne. Et contrairement à tout ce qu'il s'est imaginé la concernant, celle-ci n'a pas le profil type du mage noir. En même temps, si ça avait été le cas, elle n'aurait pu se balader tranquillement dans les rues de Crocus, en faisant des sourires à ces dames et en se faisant de suite rembarrer.
Cette personne donc, un homme approchant sans doute la trentaine, a les cheveux bruns, mi-longs, des yeux bleus et un visage plutôt commun. Il est habillé de façon décontracté, une simple chemise et un pantalon, la seule chose trahissant le fait qu'il n'est pas un simple habitant faisant sa marche journalière est l'épée qu'il porte à la ceinture. Même sa taille est banale, tout comme sa carrure... En bref, c'est une personne qui se distingue par à peu près rien du tout, hormis le fait qu'il essaie de draguer tout ce qui ressemble de près ou de loin à une femme. Pas que cela dérange Ijeel, mais au vu de tout ce que lui a raconté Ighen, il s'est imaginé quelqu'un de plus... menaçant peut-être ? Enfin, ne pas sous-estimer un mage dont on ne sait rien, ne pas se fier aux apparences, tout ça, il ne l'oublie pas. Maintenant, le problème c'est... comment faire pour l'attirer dans un lieu sans personne aux alentours ? Et comment se débarrasser de Julia qui risque plus de le gêner qu'autre chose ? Pour le moment, il fait demi-tour pour pouvoir continuer à le suivre tout en réfléchissant à comment procéder. Lui, l'asocial par excellence, va devoir engager la conversation avec quelqu'un dont il ne sait qu'une chose : il est très dangereux. Et c'est là que la peur commence à reprendre du service. Et s'il est bien trop fort pour lui ? Sans doute le tuera-t-il tout simplement. Peut-il vraiment se risquer à quelque chose de ce genre ? L'albinos recommence à douter, ce que perçoit pour une fois son maître, qui ne trouve pas mieux que de lui dire de ne pas le laisser tomber maintenant. Le faire culpabiliser est sans doute en effet la meilleure méthode pour qu'il avance, et cela fonctionne. Cependant, il oublie encore un détail : Julia. Il laisse Ighen s'en occuper pour une fois, vu qu'ils sont proches l'un de l'autre, il peut lui parler et donc, lui expliquer la situation, ce qui a pour effet non pas de la faire partir, mais au contraire, de renforcer sa volonté de rester.
*Bon sang... Pile ce que je voulais éviter...*
Car forcément, si la blonde vient, elle va vouloir l'aider et va donc prendre des risques inconsidérés, comme à son habitude. Et ça, il n'arrivera pas à gérer, pas dans son état actuel. Enfin, si elle est là, c'est évidemment pour qu'il évite lui de prendre des risques inconsidérés, mais Ijeel n'est pas très doué pour comprendre les gens. Tout cela ne règle cependant pas le véritable problème : ce mage, qui marche toujours avec un grand sourire sur le visage, un air niais et débordant de jovialité. Pour un peu, la fée crierait presque à tromperie sur marchandise là. Comment Ighen a pu se faire avoir par... ça ? Enfin, il verra bien, pour le moment, aller lui parler...
Rien que cela est compliqué, car il a dû traverser la foule, et autant dire que ça en fait du monde pour passer d'un côté à l'autre de la rue. Et maintenant qu'il est juste derrière lui, il n'a plus le temps de douter, il faut agir. Ijeel lui met une tape sur l'épaule pour attirer son attention, et si l'inconnu passe un regard neutre, presque dédaigneux sur l'albinos, ses yeux brillent presque lorsqu'il les pose sur Julia.
« C'est pour ? dit-il sans la lâcher du regard, bien que sa question s'adresse à la fée. - Et bien, hum... Nous voudrions euh.... - Nous voudrions que vous nous aidiez dans une mission, nous sommes plus ou moins désespérés... - Et pourquoi moi au juste ? - Allons, je vous ai tout de suite vu, vous distinguant dans cette foule ! La mission étant dangereuse pour des personnes lambdas, il nous faut les meilleurs, et vous en faites certainement partie, je me trompe ? Je suis doué pour ressentir ce genre de choses... - … Vous avez de la chance d'être belle, car du coup je n'ai d'autres choix que d'accepter ! Ah, décidément, qu'est-ce-que je ne ferai pas pour une dame... »
Un imbécile. Ce type est un imbécile. Voilà tout ce que peut penser Ijeel dans l'état actuel des choses. Qui peut gober une histoire pareille ? Deux personnes vous trainant en dehors d'une ville sans décliner leur identité, détailler la mission... Et en plus, l'inconnu croit vraiment qu'il se distingue parmi toutes ces personnes ? Non mais vraiment... Qui c'est ce guignol...?
Ledit guignol décline son identité une fois qu'ils se sont tous trois écartés des passants, révélant ainsi que c'est bel et bien un mage indépendant et qu'il se nomme Zappa – il en profite pour donner d'autres détails pour essayer de draguer Julia, mais sans grand effet cependant. Jusqu'où peut-on le croire ? Un mage noir ne vous dira jamais qu'il l'est, alors que valent vraiment ces informations ? Lorsque le dénommé Zappa demande où ils doivent se rendre, Ighen leur donne un nom de village à proximité que Julia se charge de répéter, ce qui leur permettra de quitter la ville et donc, toute agitation. Le groupe très provisoire, l'albinos en tête toujours mené par les indications du vieillard, se met donc en mouvement et, au bout d'une demi-heure à peu près, arrive enfin à quitter toute trace de civilisation, pour arriver sur un petit chemin de terre entouré d'arbres divers. Regardant par-dessus son épaule, Ijeel peut voir l'énervement de son alliée qui subit les tentatives plus ou moins pathétiques de l'homme pour la faire rire ou juste sourire. Ce qui l'irrite encore plus, c'est d'avoir à feindre de l'intérêt, mais elle tient, sachant que cela ne durera plus bien longtemps. L'albinos commence à quitter le chemin, prétextant un raccourci, et s'enfonce peu à peu plus loin, là où il n'y aura aucun témoin du combat à venir. Cela n'est plus que l'affaire d'une minute avant qu'il ne règle toute cette histoire une bonne fois pour toute. Mais avant toute chose, il lui faut le lui demander, une simple confirmation, sans quoi la fée ne pourra pas véritablement se battre, nageant toujours dans l'incompréhension à cause de ce qu'est censé être cet individu. Lorsqu'il juge s'être assez éloigné, Ijeel lui pose la question sans détour.
« Il y a environ quatre ans, est-ce-que vous avez essayé de tuer un mage du nom de Ighen ? - … Je me disais aussi que je ne devais pas être là seulement pour ça... Pour te répondre, non, je ne connais aucun mage portant ce nom. - … Je vois... - Cependant... La seule fois où j'ai véritablement essayé de tuer quelqu'un, c'était bien il y a quatre ans, et c'était bien un mage. Je me suis planté après l'avoir réduit à la taille d'une mouche et... Comment dire... J'ai l'impression que vous êtes là pour ça, je me trompe ? Même si c'est infime, je le sens à proximité... - Bien, je ne me suis pas trompé sur la personne. Vous savez donc pourquoi je suis là ? - Et vous pourquoi je vais faire tout mon possible pour vous livrer au conseil ? »
Le monde à l'envers. C'est plutôt lui qu'il faut livrer au conseil... Enfin, qu'importe. Julia sort son arme, Ijeel crée déjà un cercle d'absorption et déploie son aura. Avec un tel ennemi, il ne faut pas prendre de gants et attaquer dès le départ. Lui commence à dégainer son épée, mais l'albinos n'est pas là pour un combat loyal, ce n'est pas ce qu'il recherche. Tout ce qu'il veut, c'est que son maître redevienne ce qu'il était avant tout ça. Le mage met donc son honneur au placard, au moins le temps de ce combat, et attaque avant que l'autre soit prêt. Une sphère pourpre vient donc cueillir son ennemi qui, ne s'y attendant pas, se la prend de plein fouet, tandis que l'effet de l'aura a déjà désintégré son épée. Une balle magique de Julia l'atteint dans les côtes, provoquant une petite explosion laissant présager de la puissance du choc subit. L'albinos ne comprend rien, tant leur adversaire est faible. Même la blonde hésite à tirer à nouveau car Zappa peine déjà à se relever. Certes, c'est du deux contre un, et il a pu être surpris de la disparition de son arme, mais tout de même... C'est à n'y rien comprendre... Cependant, au vu de ce qu'il a dit précédemment, c'est vraiment lui. Il faut croire qu'il a eu son maître alors qu'il dormait, ou quelque chose du genre, car autrement...
Alors qu'il se prépare pour repartir à l'offensive, Zappa commence à incanter un sort et, si le mage de Fairy Tail peut aisément sentir toute sa puissance, le problème est que la durée pour pouvoir le canaliser puis le lancer semble vraiment trop longue. C'est pourquoi il le stoppe sans difficulté d'une autre sphère, plus puissante cette fois. Tout s'explique : individuellement, il ne doit pas être bien fort car il n'a pas le temps d'utiliser sa magie, mais dans un groupe, son utilité doit être réelle. Sans doute est-ce ainsi qu'ils ont piégé Ighen. Ses capacités sont bien présentes, mais il est trop en désavantage pour faire montre de quoi que ce soit. Autant en profiter, ce que fait Ijeel sur le champ, projetant plusieurs sphères à la fois pour créer une déflagration plus importante. Cependant, il se stoppe avant de traverser le nuage de poussière et de relever son ennemi. Ce dernier est dans un piteux état après si peu d'attaques, mais on peut le comprendre s'il les a toutes encaissées. Zappa conçoit lui-même qu'il va mourir en continuant ainsi, et à en lire l'expression sur son visage, cela le terrifie. L'albinos se décide de jouer là-dessus, et de bluffer du mieux qu'il peut.
« Écoute, on sait tous les deux ce qu'il va se passer si tu ne retires pas le sceau que tu lui as apposé, alors... Fais ce qui doit être fait, ou je te tue, ce qui au final reviendra au même pour moi. - Je... je ne peux pas... Mes équipiers se sont tous faits tuer pour me permettre d'avoir le temps de l'incanter, je ne veux pas que leur sacrifice soit en vain ! - Co... Comment ? *Ne l'écoute pas, il essaie seulement de t'embrouiller. Ce ne sont que des mensonges. Ils étaient effectivement plusieurs, mais il m'a réduit à cette taille bien avant que je ne puisse agir.* - Pourquoi vouloir le libérer ? Pourquoi vouloir ramener ce fléau sur Fio... - Tais-toi et fais ce que je te dis ! Je le connais, il n'est pas celui que tu décris ! Libère-le, maintenant, ou tu préfères que je t'aide pour cela ?! »
Perdant son sang-froid comme cela lui arrive à présent, Ijeel est à deux doigts de craquer. Que ce mage essaie de se moquer de lui, de le manipuler et de faire passer son maître, celui qui lui a inculqué tant de préceptes qu'il applique à présent, pour un tueur... C'en est trop. Les différentes explosions qu'il y a eues risquent d'attirer du monde sous peu de temps, alors il doit faire vite. Il crée une sphère dans sa main avant de la rapprocher très lentement du visage de Zappa. Si celui-ci ne fait rien, alors l'attaque à bout portant directement au visage sera suffisante pour libérer Ighen. Cependant, l'albinos sait bien que, quoiqu'il pense sur le moment, son bras s'arrêtera juste avant. Il ne peut tuer, tout cela fait encore partie de son bluff. De plus, même s'il essaye de ne pas y penser... Et si ? Et s'il dit la vérité ? Cela lui a toujours semblé bizarre que le vieil homme se soit fait attaquer sans aucune raison. Cela expliquerait aussi pourquoi celui qui l'a scellé ne semble vraiment pas être quelqu'un de mauvais. Mais doit-il vraiment douter de celui qui l'a tant aidé ? Qui lui a offert sa liberté après dix-sept ans de captivité ? Qui lui a enseigné la magie, lui a appris tant de choses sur le monde et, encore aujourd'hui, l'aide au quotidien ? S'il doit remettre sa confiance pour le vieillard en question car un inconnu lui raconte ça, c'est que c'est lui le problème. Il n'y a aucun moyen qu'Ighen soit telle qu'il l'a décrit.
Et plus dur sera la chute...
A bout, il se voit contraint de lever le sceau. Un simple mouvement de main suivi d'une parole que la fée ne comprend pas, mais qu'importe. Au même moment, le vieil homme saute de la chevelure de son élève car il le sent, et il le sait : il va redevenir ce qu'il était avant tout ça.
« Je vous aurai prévenus... »
C'est un simple murmure, mais un murmure qui confirme tout. Car au même moment, il ressent cette aura noire, sombre, angoissante, qui se dégage de son maître. Il le sent jusqu'au plus profond de lui, toute cette noirceur... C'est donc bien vrai ? Il se serait fait duper depuis le début ? Tout n'était que mensonge ? Chaque dire, chaque instant ? Sans doute le bon réflexe aurait été de profiter de ce moment, celui où il reprend peu à peu l'habitude de se mouvoir, pour l'attaquer. Mais comment pourrait-il faire ça ? Comment pourrait-il laisser tomber tout ce qu'on représentait ces quatre ans pour lui ? Il se rend compte qu'à présent, c'est fini. Jamais plus il n'entendra cette voix qui lui a maintes fois permis de tenir. Jamais plus il ne se prendra la tête avec lui pour des choses triviales. Jamais plus ils ne se parleront en tant qu'amis. C'est son monde qui s'écroule, le seul soutien sur lequel il a toujours véritablement compté, le seul lien qu'il a toujours voulu préserver, voilà que ce lien se brise sous ses yeux écarquillés. Il ne veut pas croire à tout ça, et pourtant, il ne peut plus fuir la réalité.
Abasourdi, il ne fait rien. Julia elle aussi ne comprend plus. Comment un vieillard paraissant si gentil peut être au final un mage noir ? Pourtant, il va leur falloir accepter cette réalité, et vite, car tous deux l'ont ressenti, cette différence écrasante de magie. Un niveau hallucinant, contre lequel seul Guildartz à sa connaissance peut rivaliser. Il n'y a rien d'autre à faire que de fuir et de ne plus considérer Ighen comme un allié, mais comme un ennemi. Cependant, Zappa ne semble pas de cet avis, puisqu'à partir du moment où il a levé le sceau, il a recommencé son incantation pour l'apposer à nouveau, comptant sans doute sur la réalisation de l'albinos pour ne pas essayer de l'en empêcher. Mais cette fois-ci, le vieillard sait, et c'est cela qui fait la différence. Il se retourne, révélant enfin son visage.
Directement ses yeux se posent sur celui qui l'a condamné à rester sous cette forme tout ce temps. Une aura pourpre similaire à celle d'Ijeel apparaît autour de lui, mais d'une taille démesurément plus grande, recouvrant bien plus qu'assez d'espace pour les faire tenir tous trois dans son rayon. Le mage de Fairy Tail sait ce qu'il va se produire et pourtant, il n'arrive simplement pas à y croire. Ighen lui a sans cesse rappelé que l'aura ne peut s'en prendre à ce qui vit, et il a donc intégrer ça comme un concept de base de cette magie. Mais là... La matière pourpre commence à désintégrer peu à peu le corps de Zappa, qui ne peut rien faire d'autre que de hurler face à ce phénomène qu'il connaissait déjà, l'ayant déjà vu à l'œuvre sur ses compagnons. Ses cris cependant ne sont pas des réactions à la douleur, inexistante, mais au fait de ne pouvoir rien faire contre cette magie dont le but est d'annihiler. Il jette un dernier regard terrorisé en direction d'Ijeel, mais il n'y a rien à faire que la fée puisse faire, à part espérer qu'il les épargne.
« Tu vois Ijeel... Voilà ce que donne cette magie lorsqu'elle est parfaitement maîtrisée. Mais c'est quelque chose que tu ne pourras jamais faire, car ton plus gros défaut, en dehors de cette naïveté qui m'a permis de te duper aussi aisément... C'est cette peur de tuer. Oui, car ce que tu fais passer pour de la gentillesse n'est qu'une illusion que tu te répètes, mais ça, tu le sais déjà, n'est-ce-pas ? »
Il n'y a rien à répondre. Zappa est mort, sans même un cadavre pour l'attester, et Ijeel n'a rien fait. Tout cela parce qu'il a eu peur des conséquences s'il se risquait à quoi que ce soit. Oh bien sûr, Ighen est trop fort pour lui, mais cela l'oblige-t-il à rester là alors que quelqu'un se fait tuer sous ses yeux ? Julia n'a pas pu agir non plus, et c'est peut-être là leur chance de s'en tirer tous les deux. Chance qui semble être avec eux puisque l'aura se rétracte avant de disparaître. Les deux mages se laissent tomber, tremblant. Ils ne peuvent rien, alors autant ne rien faire, pas vrai ?
« Ne t'en fais pas... Je ne te ferai rien. Enfin... Dis-toi que si je ne t'ôte pas la vie, c'est bien parce que malgré tout, je te suis redevable... On a beau dire ce que l'on veut sur moi, je sais reconnaître mes dettes. Mais toi... Je ne te dois rien il me semble, si ? »
Ighen se tourne vers la blonde qui laisse échapper un cri de peur. L'albinos peut-il réellement laisser passer ça ? S'il ne fait rien il survit, s'il intervient, il risque de mourir. Son corps refuse de bouger alors que de nouveau l'aura surgit. Que pourrait-il faire de toute façon ? Quand bien même il interviendrait, Julia se ferait tuer, et lui en prime. Alors, pourquoi agir ?
Face à la réponse qu'il vient de trouver, la réaction d'Ijeel fut toute autre que de rester passif. Il se cogne fortement la tête contre le sol, de quoi se remettre les idées en place. Bien sûr qu'il ne peut laisser faire ça. Il ne sait pas comment, mais il va la tirer de là, le reste, il verra après. Se relevant, il crie à Julia de courir. Le défaut de l'aura est qu'il est dur de se concentrer sur quoi désintégrer alors que l'on combat en même temps donc, s'il arrive à occuper son attention le temps qu'elle s'enfuit, alors la blonde peut réussir à survivre. Pour lui... Mieux vaut ne pas y penser pour le moment, peut-être que la pseudo-générosité de son ancien maître ne s'envolera pas même après ça.
Elle le regarde tout d'abord, pleine d'incompréhension, mais ne trouve pas la volonté de dire non. Elle doit profiter de l'opportunité que lui offre Ijeel pour s'échapper et revenir avec des mages et ce, aussi vite que possible. Il ne tiendra pas plus de quelques minutes, c'est évident. Julia se met debout, d'abord chancelante et encore tremblante, puis elle court aussi vite qu'elle le peut. Avant que l'effet de l'aura n'entre en action, l'albinos lance une multitude de petites sphères sur Ighen pour l'empêcher de l'utiliser. Si elles sont suffisamment rapides, alors il sera obligé d'utiliser un cercle pour les bloquer, ce qu'il fait bel et bien avant de soupirer.
« Je n'arrive pas à croire que mon seul élève soit un idiot pareil... Dommage, si tu avais mieux choisi quoi faire, Julia s'en serait peut-être tirée en effet, mais là... »
Le vieillard exécute un simple mouvement de main et Ijeel comprend toute son erreur : lui avoir fourni des projectiles. Il n'a que le temps de se retourner pour voir tous les cercles autour de la blonde relâchant chacun une sphère, provoquant une série d'explosions. C'est la fin, la fée le sait, et pourtant, il ne veut pas y croire. Les larmes coulent sans discontinuer tandis qu'il commence à s'approcher du corps désormais sans vie de Julia, mais déjà l'aura la happe à son tour.
« Désolé, je préfère autant ne pas laisser de trace de mon retour, car je suis officiellement mort aux yeux du conseil, autant que ça reste ainsi. Tu pourras bien leur raconter ce que tu veux, ils ne te croiront pas, surtout que tu ne connais même pas ne serait-ce que mon vrai nom. Et désolé, c'est vrai que j'avais moi aussi fini par m'attacher à elle, mais que veux-tu ?
Anéanti. Sans doute le mot le plus judicieux pour décrire l'état d'esprit d'Ijeel. Les deux seules personnes qui comptaient pour lui ne sont plus. L'un n'était qu'une comédie, l'autre vient de se faire tuer par sa faute. Tout est de sa faute d'ailleurs. La libération de ce fléau, la mort de Zappa, celle de Julia, et toutes les prochaines victimes du mage noir à venir, de tout ça il sera coupable. Comment peut-il encore avoir une chance de souhaiter vivre, avec un tel fardeau ? Et surtout... Comment a-t-il pu être si stupide... Dévasté. Son impuissance a condamné Julia. Il a donné les armes au vieillard pour qu'il la tue. Il se sent ridicule et se dégoûte, plus que jamais encore auparavant. Il ne peut plus que pleurer à présent, alors que son ancien maître se retourne et commence à partir. Il ajoute néanmoins ceci avant :
« Crois-moi, ce n'est que le début de ton calvaire. Jusqu'alors, je servais de bouclier, mais à présent, je ne suis plus là pour le stopper. »
Ijeel l'entend à peine, il ne fait plus attention. Toutes ses pensées sont tournées vers Julia. Qu'il ne verra plus. A qui il n'a pas dit tout ce qu'il aurait aimé lui dire. Qu'il n'aurait pas dû laisser venir. Qui est morte par sa faute. C'est la seule phrase qui lui revient inlassablement à l'esprit. Désespoir. Rien, il ne peut rien faire. Sa vie, qui n'avait déjà aucun sens à la base, croule maintenant sous un fardeau qu'il ne peut supporter. Il ne lui reste donc plus que la mort comme réponse ? Faible, inutile, naïf.
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Des heures sont passées. Peut-être même des jours, il n'en sait rien, il s'en fiche.
Elle est morte.
La pluie martèle mais il ne s'en préoccupe pas. La faim le ronge, mais il n'y prête pas attention.
C'est de ta faute.
Il ne fait que penser à Julia, encore et encore. Il ne la reverra jamais. C'est son impuissance qui l'a condamnée.
Veux-tu la venger ?
Il ne veut plus vivre, il ne peut plus vivre. Ce n'est qu'un lâche. Ce n'est qu'un faible.
Veux-tu la venger ?
Ighen. Il le hait et, s'il en avait la force, il irait le tuer. Mais ce n'est qu'un fantasme, car jamais il ne pourra ne serait-ce que l'atteindre.
Je peux t'accorder ce que tu cherches.
Et même s'il le tue, que fait-il ensuite ? Vengeance stérile qui lui apportera juste plus de désespoir encore.
Je peux te donner cette force.
Une voix. Ijeel l'entend enfin, même si cela ne semble être qu'un simple murmure. Il n'y a personne dans les alentours, alors il pense tout d'abord que ce n'est qu'un délire de son imagination. Cependant, la même phrase revient à nouveau, encore et encore. Elle se multiplie, s'imprègne dans son esprit, toutes plus tentatrices les unes que les autres. Une force offerte, une force suffisante, une force capable de la venger. Il souhaite ce pouvoir, et la seule condition pour cela, c'est qu'il abandonne son corps.
*Qui es-tu...?*
La voix reprend, plus forte, plus intense, plus insistante, presque... angoissante. L'albinos ressent une vive douleur à la tête, et il la reconnaît à présent. C'est le démon, celui qu'il a crû avoir vaincu. Comment...?
Tu as juste à me donner carte blanche et je me chargerai du reste.
A qui bon lutter de toute façon ? Il n'a pas de raison de le faire... S'il n'accepte pas ce marché, il peut aussi bien en finir avec sa vie dès à présent. S'il l'accepte, il a une chance de tuer son ancien maître. Aucune des deux solutions ne lui convient, mais une au moins lui permettra de se défouler avant de crever.
*Fais donc ce qu'il te plaît. Je m'en fous à présent...*
Il aurait presque pu l'entendre rire avant de se sentir chuter avec pour seul décor autour de lui un noir complet. C'est donc ainsi que tout se termine pour lui ? Ah... C'est décevant, mais c'est tout ce qu'il mérite. La faiblesse n'est pas une excuse en ce monde, c'est une faute, dont il paie le prix à présent...
C'était trop beau pour être vrai. Il ne peut dire combien de temps il s'est écoulé, mais le voilà revenu à lui. Dans un corps qu'il ne reconnaît pas, dans un lieu inconnu, dans un but dont il ignore tout. Il regarde à gauche et à droite et ne voit que quelques rares maisons à proximité mais bizarrement, il n'y a personne. Aucune agitation, pas le moindre bruit en dehors de cette fichue pluie. Ijeel commence à se redresser sans trop comprendre pourquoi il a refait surface. Puis il le remarque enfin : un corps ensanglanté à proximité de lui. Un cadavre qu'il reconnaît : Kôjiro, un mage qui l'a aidé lors d'une mission et avec lequel il s'est plus ou moins lié d'amitié. Mais... Pourquoi... Est-ce lui qui a fait ça ? Ou plutôt, est-ce le démon ? Il regarde ses mains, pleines de sang, de même que ses vêtements, et se laisse tomber. Il a tué. Même si ce n'était pas lui à ce moment-là, il a tué, de ses propres mains cette fois. Y aura-t-il une fin à cette avalanche d'atrocités qu'il reçoit dans la tête ? Une envie de vomir le prend, n'arrivant pas à assumer ce qu'il a fait. Et pourquoi lui ? Kôjiro est bien l'une des personnes les plus sympathiques qu'il lui a été donnée de rencontrer. Est-ce un hasard ? N'a-t-il pas reconnu l'albinos ? D'ailleurs, à quoi ressemble-t-il exactement maintenant...? Difficilement, l'ex-mage de Fairy Tail se relève et marche jusqu'à une des maisons, au hasard. Tout le monde semble avoir déserté cet endroit de toute façon...
Sans trop de problèmes, il parvient à trouver un miroir, et ce que lui rend son reflet est pire que ce qu'il a imaginé. Des oreilles allongées et pointues, des sortes de crocs, des cornes faites de flammes bleues, une queue de démon avec une autre flamme à son extrémité, et des yeux bleus. Il n'a pour ainsi dire presque plus rien à voir avec ce qu'il était avant. Et face à tout cet enchaînement d'événements, il ne trouve rien de mieux à faire que... de rire. Nerveusement bien entendu, tant il est sur le point de craquer. Trop, c'est juste trop pour lui. Pourquoi ne l'a-t-on pas laissé dormir définitivement ? Surtout qu'il serait naïf de croire que Kôjiro est la seule personne qu'il a tué, il y en a sûrement eu d'autres, peut-être même beaucoup d'autres. Comment savoir ? Il est prisonnier de la volonté du démon en lui, alors... D'ailleurs, que fait-il au juste ? Pourquoi ne répond-il même pas à ses appels ? Ijeel ne veut rien de tout ça, il ne veut toujours pas reprendre le contrôle de son corps. Tout ce qu'il souhaite, c'est de ne plus pouvoir penser, de juste dormir pour le restant de ses jours, être tranquille, en paix. Alors qu'il reprenne possession de lui, et qu'il écrase complétement son esprit : c'est ça qu'il désire vraiment...
Plusieurs heures passent sans que rien n'arrive. Le mage ne fait que marcher sans savoir où il va, et sans savoir pourquoi il ne s'arrête pas pour simplement se laisser dépérir sur le bord de la route. Même sa vengeance envers Ighen ne l'intéresse pas le moins du monde dans le fond. Il ne peut s'en prendre qu'à lui pour tout ce qui est arrivé après tout... C'est quand il décide finalement qu'il en a assez que la douleur revient, et que de nouveau, il entend son appel.
Il est temps.
Et qu'il le garde définitivement cette fois...
Les jours passent, encore et encore, où le contrôle du corps alterne entre Ijeel et le démon. Et l'endroit où le mage reprend ses esprits, et bien c'est un peu la loterie. Parfois il a de la chance et se trouve dans une forêt, une plaine, un endroit sans personne. Et parfois il se retrouve avec des cadavres à ses pieds. Avec toujours cette question : pourquoi ? Pourquoi les tuer ? Sans doute le démon n'a-t-il pas de raison, ou du moins ne la montre-t-il pas. Dans ces moments-là, l'ex-membre de Fairy Tail se reprend un peu et essaie de lutter contre l'emprise de cet esprit qui essaie de posséder son corps, ne supportant toujours pas de condamner des innocents à une mort certaine. Même s'il sait que lutter ne fait que reporter le moment où il perdra le contrôle à nouveau, si cela peut sauver des vies... Enfin, tout cela dans le but de tenter de se déculpabiliser un peu en réalité, et d'essayer d'ignorer le sang qu'il a déjà sur les mains. Pendant ses rares instants de véritable lucidité, il se surprend à penser à des moyens de se guérir, Misto notamment. Mais le veut-il vraiment au final ? Car c'est aussi là qu'il se rappelle de ses erreurs, et vivre au quotidien avec ça, il ne peut juste pas...
Il préfère encore tout abandonner.
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Le moment est venu de faire un choix. Le dernier cette fois...
« Je te l'ai dit non ? Fais ce que tu veux, je m'en fous à présent. Je n'ai plus rien à perdre, et sans doute à gagner. La promesse qui scellera ce pacte est simple : Tue mon ancien maître. En dehors de ça, peu m'importe à présent...
C'est entendu. Adieu Ijeel Blista... Ce fut plus simple que ce que je pensais. |
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